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02/10/2013 | FRANCE | N°11/18805

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 02 octobre 2013, 11/18805


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2013



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/18805



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/00995





APPELANTE



L'EPIC SNCF - SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS - prise en la personne d

e ses représentants légaux,

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

assisté de Me Lou...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/18805

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/00995

APPELANTE

L'EPIC SNCF - SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS - prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

assisté de Me Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035, avocat plaidant

INTIMÉE

La SA COFITEM COFIMUR, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jehan-Denis BARBIER de la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : C0987,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente

Mme Odile BLUM, Conseillère

Mme Isabelle REGHI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Alexia LUBRANO

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.

* * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 7 février 2005, la société Cofitem Cofimur a donné à bail à la Sncf un ensemble immobilier à usage exclusif de bureaux commerciaux sis à [Adresse 3], d'une surface utile de 8505 m² comprenant 817 m² de terrasses et jardins, et 75 parkings en sous sol, pour une durée de 9 années à compter du 2 février 2006 et moyennant un loyer annuel principal de 3 250 000 €, le bail contenant une clause d'indexation annuelle automatique basée sur l'indice Insee du coût de la construction.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 avril 2010, la Sncf a notifié à la société Cofitem Cofimur une demande de révision fondée sur les dispositions de l'article L 145-38 du code de commerce, sollicitant la fixation du loyer révisé à la somme de 3 256 335€ hors taxes et hors charges par an ; la société bailleresse a de son coté par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 juin 2010 accepté le principe de révision mais demandé que le loyer soit porté à la somme de 4 500 000 € par an ;

Faute d'accord des parties, par acte d'huissier du 18 octobre 2010, la Sncf a assigné devant le juger des loyers commerciaux la société Cofitem Cofimur aux fins de voir fixer le prix du loyer révisé au 20 avril 2010 à la valeur locative de 3 256 335 €.

Par jugement du 06 octobre 2011, le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de Paris a :

- débouté la Sncf de son action en fixation du loyer révisé a la valeur locative de 3 256 335 € inférieure au loyer plancher.

- fixé le loyer révisé au 20 avril 2010 au montant contractuel en cours de 3 815 439 € ,

- condamné la Sncf à payer à la société Cofitem Cofimur une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- rejeté le surplus des demandes.

- condamné la SNCF aux dépens.

La Sncf a interjeté appel de cette décision et par ses dernières conclusions signifiées le 30 avril 2012, elle demande à la Cour de :

Prononcer la nullité de la décision entreprise,

En tout état de cause,

Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

Dire réputée non écrite la clause d'indexation du loyer,

Dire et juger la Sncf recevable en sa demande ;

A titre principal,

Dire et juger la Sncf bien fondée en sa demande tendant à voir fixer le loyer révisé à hauteur de la valeur locative déterminée suivant rapport du 10 juillet 2010 ;

En conséquence,

Débouter la société Cofitem Cofimur de l'intégralité de ses demandes,

Fixer le prix du loyer révisé du bail commercial du 7 février 2005, au 20 avril 2010, à la somme annuelle en principal de trois millions deux cent cinquante six mille trois cent trente cinq euros ( 3 256 335 € ) hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées ;

Subsidiairement,

Ordonner une mesure d'instruction afin de déterminer la valeur locative des lieux loués ;

Fixer provisoirement pour le temps de l'instance en cours, le loyer provisionnel à la somme annuelle de 'quatre millions d'euros' (3 300 000 €), hors charges et hors taxes, compte tenu de la qualité de la Sncf et des garanties qui en découlent contre tous risques d'impayés ;

A titre subsidiaire :

Dire et juger irrecevable la demande de la société Cofitem Cofimur tendant à voir fixé le loyer révisé à la somme de 3 815 439 € ht et hc,

En conséquence, réformer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à cette demande et statuant à nouveau, débouter la société Cofitem Cofimur de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

Dire et juger que la décision à intervenir constituera un titre exécutoire conforme aux dispositions des articles 2 et 4 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Condamner la société Cofitem Cofimur à payer à la Sncf la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Cofitem Cofimur aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Société Cofitem Cofimur par ses dernières conclusions du 9 janvier 2013 demande à la Cour de :

Dire la Sncf mal fondée en son appel et l'en débouter,

Confirmer la décision entreprise,

Dire et juger que le jugement est parfaitement motivé et débouter la Sncf de sa demande en nullité du jugement,

Vu la demande en révision fondée sur l'article L 145-38 du code de commerce,

Dire et juger qu'en l'absence de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entrainé par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la demande de la Sncf en fixation du loyer à la valeur locative à la baisse est mal fondée,

Dire et juger que le loyer ne peut pas être fixé à un taux inférieur à celui en vigueur à la date de révision,

Débouter la Sncf de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Confirmant la décision déférée, fixer à la somme de 3 815 438 € le loyer révisé à effet du 20 avril 2010,

Dire que le loyer fixé à effet du 20 avril 2010 s'entend de l'élément 1 du loyer,

Vu la demande afin de voir dire non écrite la clause d'indexation,

Vu l'article 564 du code de procédure civile, dire la Sncf irrecevable en sa demande,

Subsidiairement, vu l'article 1134 du code civil, et l'article L 112-1 du code monétaire et financier, dire et juger que la clause annuelle d'indexation est licite,

Constater que la clause d'indexation n'aboutit pas à une augmentation supérieure à celle de l'indice légale,

Dire et juger la Sncf mal fondée en sa demande et la rejeter,

En tout état de cause, débouter la Sncf de ses prétentions,

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement par application de l'article 69 du code de procédure civile et à payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de première instance et d'appel.

SUR CE,

La Sncf soutient qu' en application des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit, à peine de nullité, exposer succinctement les prétentions des parties et leurs moyens et être motivé, le défaut de réponse à conclusions valant défaut de motivation ; que le premier juge s'est contenté de viser l'exploit introductif d'instance sans viser les écritures subséquentes de la Sncf et les moyens qui y étaient développés, avant de procéder par voie d'affirmation, sans répondre aux moyens contenus dans les conclusions.

Or, si le premier juge a omis en exergue de sa décision de rappeler les moyens produits par la Sncf au soutien de sa demande de révision du loyer, il les a néanmoins discutés ensuite dans la motivation de sa décision ; la concision du jugement à cet égard n'équivaut ni à l'absence de motivation ni à l'absence de réponse à moyens, de sorte qu'il n'y a pas lieu à annulation du jugement ;

Sur la demande en révision :

La Sncf fait valoir que sa demande tendant à voir fixer le loyer révisé à la valeur locative comprise entre le loyer contractuel et la valeur plafond résultant du jeu de la variation indiciaire est recevable, que le premier juge a procédé à une dénaturation de l'indexation, que la thèse de la bailleresse, adoptée par le juge des loyers commerciaux, débouche sur une absurdité, qu'en effet, dans l'hypothèse comme en l'espèce, où le bail contient une clause d'échelle mobile se référant à l'indice Insee du coût de la construction, considérer que la valeur plancher correspond au montant du loyer indexé revient à confondre la valeur plancher et la valeur plafond prévue par l'article L 145-38 du code de commerce, alors qu'il s'agit de deux notions différentes, que procéder à cette interprétation supprime toute possibilité de révision du loyer à la baisse alors que la révision doit permettre une variation du loyer dans les deux sens.

Elle soutient que par application du principe de la correspondance du loyer à la valeur locative prévu à l'article L 145-33 du code de commerce, le loyer révisé doit être fixé à la valeur locative dés lors que celle-ci se situe entre le loyer contractuel - c'est-à-dire le loyer initial arrêté dans le contrat de bail ou le cas échéant, le loyer issu de la dernière fixation et le plafond résultant de la variation de l'indice indiciaire, que le premier juge a confondu le loyer contractuel et sa variation monétaire telle qu'issue de la clause d'échelle mobile ; que le loyer contractuel correspond à celui issu de la dernière fixation soit conventionnelle soit judiciaire ; que le loyer révisé ne peut être fixé qu'à la valeur locative se situant entre le loyer plancher, c'est à dire le loyer contractuel initial et le loyer plafond découlant de la variation indiciaire, qu'il ne peut être fait référence au loyer en cours découlant de l'application de la clause d'échelle mobile ; que cette interprétation est confirmée par la jurisprudence de la cour de cassation qui a rappelé, s'agissant d'apprécier le point de départ du délai de trois ans pour former une demande en révision, que 'le nouveau prix (.. ) s'entend du dernier prix contractuellement ou judiciairement fixé et non de celui résultant de la révision automatique du loyer en cours par le jeu d'une clause d'échelle mobile' ; que l'indexation est en effet une modalité accessoire du prix et que la clause d'échelle mobile n'a ni pour objet ni pour effet de modifier le prix contractuel mais vise 'principalement à assurer dans le temps la pérennité de la valeur économique du prix contractuel en le préservant de l''érosion monétaire'(B.[B] dans 'Définir l'indexation') et que 'le loyer contractuel .. signifie le loyer tel qu'il a été fixé lors de la conclusion du contrat de bail' ( cf la consultation du professeur L. [X]) ; que retenir le raisonnement consistant à exclure la révision du loyer dans le cas où le loyer contractuel initial a été assorti d'une clause d'échelle mobile reviendrait à priver d'effet les dispositions de l'article L 145-38 du code de commerce qui est d'ordre public et n'exclut pas du champ de la révision triennale les baux commerciaux assortis d'une clause d'échelle mobile, qu'il s'agit d'ailleurs de la seule hypothèse de diminution de loyer consécutive à une révision triennale puisque depuis la loi Murcef, l'article L 145-38 du code de commerce interdit, en l'absence de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, de porter le montant du loyer en deçà du loyer contractuel, la valeur locative serait- elle inférieure ; que le principe de retour à une jurisprudence antérieure qui était celle de la concordance des variations de l'indice et du loyer révisé a été écarté au cours des débats sur la loi Murcef , que l'arrêt de la 3ème chambre civile de la cour de cassation du 6 février 2008 cité par la bailleresse est dépourvu de la portée qu'elle veut lui donner dans la mesure où, en l'absence de clause d'échelle mobile, les termes utilisés indifféremment dans l'arrêt de 'loyer en cours' et 'loyer contractuel' correspondent au même montant ;

La Sncf soutient en outre que la clause d'indexation prévue dans le bail sur l'élément 1 du loyer est illicite en ce qu'elle prévoit que 'l'indice servant de base légale à la révision sera celui de l'antépénultième trimestre précédant la date d'effet du bail et que l'indice de révision sera l'indice du même trimestre de chaque année suivante', ce qui implique la prise en compte d'une variation de plus de quatre trimestres dés la seconde indexation dès lors que c'est le même indice de référence (celui du 2ème trimestre 2005) qui est retenue de façon constante, que cette clause qui méconnaît les dispositions d'ordre public de l'article L 112-1 du code monétaire et financier se trouve de plein droit privée d'effet de sorte que la bailleresse ne peut s'en prévaloir pour s'opposer à sa demande.

La Sncf conclut que la valeur plancher correspond donc au loyer initial de 3 250 000 € hors taxes et hors charges et la valeur plafond au loyer indexé au 20 avril 2010 soit 3 815 439 € hors taxes et hors charges, qu'elle est donc fondée à solliciter la fixation du loyer révisé à la somme de 3 256 335 € correspondant à la valeur locative telle que déterminée par la société AD Valorem en juillet 2010, que si la cour croyait devoir désigner un expert, elle fixerait le loyer provisionnel à un montant annuel de 3 300 000 € hors taxes et hors charges.

A titre subsidiaire, elle soutient que la demande de la société Imefa tendant à voir fixer le montant du loyer révisé au montant du loyer indexé est autant irrecevable que mal fondée.

La société Cofitem cofimur rappelle de son coté l'évolution de la jurisprudence- celle suivie dans les années 70 au terme de laquelle 'lorsque la valeur locative (était) inférieure au loyer en vigueur au jour de la révision, le loyer ne (pouvait ) être fixé à un taux inférieur dès lors que les indices (étaient) en hausse pendant la période considérée' puis l'arrêt dit Privilèges du 24 janvier 1996 qui a constitué un revirement de jurisprudence, la cour de cassation ayant admis que le loyer devait être fixé à la valeur locative, celle-ci pouvant être inférieure au montant du loyer contractuel- enfin l'intervention du législateur par la loi dite Murcef du 11 décembre 2001 et l'arrêt du 6 février 2008 de la cour de cassation qui a énoncé que le loyer révisé ne doit être fixé à la valeur locative que dans le seul cas où celle-ci se situe entre le loyer en cours et le plafond résultant de la variation indiciaire ;

Elle souligne que le loyer initial n'est pas le loyer en cours, que le loyer en cours est celui en vigueur à la date de la révision, que l'article L 145-38 du code de commerce n'a pas pour effet de corriger les effets de l'indexation, ce qui est l'objet de l'article L 145-39 code de commerce, que la valeur locative est en l'espèce bien supérieure à celle ressortant de la consultation demandée par la Sncf et peut être estimée à 3 815 800 €, que les jurisprudences citées par la Sncf sont déformées ou hors sujet, qu'elle ne saurait être elle-même irrecevable à demander la fixation du loyer révisé, que s'agissant de la demande tendant à voir dire illicite la clause d'indexation, cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, qu'au fond la référence à un indice légal témoigne de la volonté des parties de respecter l'article L 112-1 du code monétaire et financier, que l'intention licite doit être présumée ainsi que la bonne foi, que les erreurs de calcul qui ont pu être commises ont été rectifiées en 2009 bien avant la demande en révision, que la volonté des parties n'a pas été de contrevenir à un ordre public de direction, que la jurisprudence admet du reste la validité d'un indice de base fixe dés lors qu'il n'aboutit à aucune distorsion, la référence à un indice fixe étant elle-même admise en matière de baux d'habitation.

.

Sur la demande tendant à voir dire illicite ou non écrite la clause d'indexation contenue dans le bail liant les parties :

Contrairement à ce que soutient la bailleresse, cette demande de la Sncf n'est pas nouvelle en cause d'appel en ce qu'elle tend aux mêmes fins que la demande originaire par l'invocation d'un fondement juridique différent ; elle est donc recevable ;

Le contrat de bail prévoit que l'élément 1 du loyer correspondant à la partie déterminée du loyer - d'un montant annuel hors taxes et hors charges de 3 250 000 €- sera indexé en fonction de l'évolution, en plus ou en moins, de l'indice trimestriel du coût de la construction ICC publié par l'insee, l'indice de base légale à la révision sera celui de l'antépénultième trimestre précédent la date d'effet du bail, l'indice de révision étant celui du même trimestre de chaque année suivante, que le loyer sera indexé tous les ans à la date anniversaire de prise d'effet du bail automatiquement et sans aucune formalité.

L'article L 112-1 du code monétaire et financier dont l'application est revendiqué par le preneur n'interdit pas la prise en considération d'un indice de base fixe ; il prohibe seulement lors du choix de cet indice, l'organisation contractuelle d'une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre deux révisions ;

En l'espèce, la clause d'indexation en prévoyant une stricte concordance entre l'indice de base (celui de l'antépénultième trimestre précédent la date d'effet du bail) et l'indice de référence (celui du même trimestre de l'année suivante) n'organise aucune distorsion tenant à la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision, les erreurs de calcul éventuellement commises et réparées ne pouvant avoir pour effet de modifier le sens de la clause elle-même ;

Il s'ensuit que la Sncf est mal fondée à voir déclarer illicite ou non écrite la clause d'indexation conventionnelle.

Sur la demande en révision fondée sur l'article L 145-38 du code de commerce :

L'article L 145-38 dispose que par dérogation aux dispositions de l'article L 145-33 et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction ou s'il est applicable de l'indice trimestriel des loyers commerciaux mentionné au 1er alinéa de l'article L 112-2 du code monétaire et financier intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire.

Ce faisant, l'article L 145-38 institue un mécanisme de révision détaché de la stricte référence à la valeur locative, sauf en cas de modification des facteurs locaux de commercialité et institue le loyer indexé suivant l'évolution de l'indice du coût de la construction ou de l'indice des loyers commerciaux, non comme une référence mais comme un plafond, sans cependant définir ce qu'il faut entendre par valeur plancher ;

Dès lors qu'il écarte la référence de principe à la valeur locative, par exception à la règle posée à l'article L 145- 33 du code de commerce, l'article L 145-38 ne peut conduire qu'à s'attacher, pour apprécier cette valeur plancher, aux dispositions contractuelles voulues par les parties ;

A cet égard, la Sncf opère une distinction entre d'une part le loyer contractuel qui correspond selon elle au loyer d'origine et constituerait le loyer plancher et d'autre part le loyer indexé à la suite des variations résultant de l'application de la clause d'indexation qui représente le loyer en cours, en deçà duquel le juge pourrait fixer le montant du loyer révisé à la valeur locative, sans pouvoir le fixer à un montant inférieur au montant du loyer contractuel.

Cette distinction ne procède ni de la loi ni de la jurisprudence ; si la cour de cassation à la faveur de l'arrêt du 6 février 2008 a réintroduit la référence à la valeur locative lors de la révision triennale du loyer, elle a précisé que ce n'est qu'à la condition que celle-ci se situe 'entre le loyer en cours et le plafond résultant de la variation indiciaire'.

La circonstance invoquée par la Sncf que dans le cas d'espèce qui a fait l'objet de l'arrêt précité, la bail ne contenait aucune clause d'indexation n'est pas de nature à diminuer la portée générale de cet arrêt ;

En présence d'une clause d'échelle mobile contenue dans le bail et régulièrement appliquée, la distinction qu'elle opère entre loyer contractuel/ loyer en cours est artificielle ; si une telle clause ne vise en effet, comme l'admet la locataire en citant les propos de B. [B] dans 'Définir l'indexation', qu'à pérenniser la valeur économique du loyer contractuel 'en le préservant de l'érosion monétaire', 'elle tend ainsi à maintenir le prix contractuel à un niveau originaire à francs constants' de sorte que, actualisé par l'effet de la clause d'indexation, le loyer contractuel d'origine constitue une fois indexé le loyer contractuel en cours ;

Et à cet égard, l'article L 145-38 du code de commerce n'a pas vocation, comme le souligne la bailleresse, à corriger les effets de l'indice du coût de la construction qui se révélerait inadapté parce qu'il ne reflétant pas l'évolution de l'activité commerciale et tertiaire ;

Ainsi, en présence d'une clause d'échelle mobile contenue dans le bail et régulièrement appliquée, comme en l'espèce, les deux valeurs celle plancher constituée par le loyer en cours et celle plafond résultant de la variation indiciaire se rejoignent ; il en résulte que le loyer en vigueur étant le résultat de l'application de la clause d'indexation prévue dans le bail qui fait référence à l'indice légal du coût de la construction et en l'absence de modification des facteurs locaux de commercialité, il n'y a pas lieu à révision du loyer sur le fondement de l'article L 145-38 du code de commerce ;

La demande reconventionnelle de la bailleresse tendant à voir dire que le montant du loyer en cours indexé en fonction de la variation de l'indice correspond à la valeur locative des locaux et que le loyer révisé doit être fixé à ce montant est dépourvue d'intérêt, étant observé qu'elle ne procède à aucune démonstration du montant de la valeur locative mais surtout que, en présence d'une confusion entre la valeur plancher constitué par le loyer encours et la valeur plafond représenté par le loyer indexé, il n'y a pas place pour la recherche de la valeur locative ; enfin, la bailleresse ne peut solliciter, sur le fondement de l'article L 145-38 du code de commerce, la fixation d'un nouveau loyer 'révisé', correspondant en réalité au montant du loyer indexé, en cours à la date de la révision, à seule fin de priver ensuite la locataire de pouvoir agir sur le fondement de l'article L 145-39 du code de commerce, applicable à la révision du loyer, en présence d'une clause d'échelle mobile contenue dans le bail.

Il s'ensuit que, en ce qu'il a débouté la Sncf de sa demande en fixation du loyer révisé à la valeur locative de 3 256 335 €, le jugement sera confirmé ; il sera réformé en revanche en ce qu'il a fait droit à la demande de la société Cofitem Cofimur et fixé le montant du loyer révisé au montant du loyer contractuel en cours de 3 815 439 €.

Les dépens d'appel resteront à la charge de la Sncf ; il n'y pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, l'indemnité allouée sur ce fondement en première instance à la société Cofitem Cofimur qui succombe partiellement en appel lui restant acquise.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement déféré,

Dit que la demande de la Sncf tendant à voir dire illicite (ou non écrite) la clause d'indexation contenue dans le contrat de bail liant les parties est recevable,

Déboute la Sncf de cette demande,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il fixé le loyer révisé au 20 avril 2010 au montant du loyer contractuel en cours de 3 815 439 € ;

Reformant et statuant à nouveau sur ce point,

Rejette la demande de la société Cofitem Cofimur tendant à voir fixer le loyer révisé à effet du 20 avril 2010 à la somme de 3 815 438 €;

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la Sncf à supporter les dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/18805
Date de la décision : 02/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°11/18805 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-02;11.18805 ?
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