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12/03/2014 | FRANCE | N°12/08477

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 12 mars 2014, 12/08477


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3





ARRET DU 12 MARS 2014



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08477



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 09/03575







APPELANTS



Monsieur [X] [U]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Madame [S] [

U]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Monsieur [Z] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentés par Me Roger DENOULET, avocat au barreau de Paris, toque : D0285, avocat postulant.

Assistés de Me Sabrina CABRILO, avocat au...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 12 MARS 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08477

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 09/03575

APPELANTS

Monsieur [X] [U]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Madame [S] [U]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Monsieur [Z] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Me Roger DENOULET, avocat au barreau de Paris, toque : D0285, avocat postulant.

Assistés de Me Sabrina CABRILO, avocat au barreau de Paris, toque B 931, substituant Me Roger DENOULET, avocat au barreau de Paris, toque : D0285, avocat plaidant

INTIMEES

Association APOGEI 94 prise en la personne de ses représentants légaux

(Association parentale d'organisation et de gestion d'établissements pour personnes handicapées mentales du Val de Marne)

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la Scp Galland - Vignes, avocat au barreau de Paris, toque : L0010, avocat postulant

assistée de Me Yann LE BIHEN, avocat au barreau de Paris, toque : C1874, avocat plaidant

SARL CABINET LAVERDET prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas GARBAN, de la GS Associés Aarpi, avocat au barreau de Paris, toque : B0795.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente

Mme Odile BLUM, Conseillère

Mme Isabelle REGHI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats : Madame Marie-Annick MARCINKOWSKI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Orokia OUEDRAOGO, greffière, à laquelle la minute de l'arrêt a été remise par le magistrat signataire.

********

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

MM.[X] [U], [Z] [U] et Mme [S] [U] sont propriétaires indivis d'un bien immobilier situé à [Adresse 6] , leur quote part indivise étant respectivement de 7/10, 2/10 et 1/10.

Le 1er juillet 2004, un mandat général de gestion immobilière de ce bien a été confié à la SARL cabinet [L] signé par M. [X] [U] disant représenter les

co-indivisaires, M. [Z] [U] et Mme [S] [U]

Par acte sous seing privé du 3 janvier 2007, la société cabinet [L] agissant « en qualité de mandataire de l'indivision [U] » a consenti un bail commercial à l'association parentale d'organisation et de gestion d'établissements pour personnes handicapées mentales ( APOGEI 94) du Val de Marne pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2007 et moyennant un loyer mensuel de 5667 euros HT.

Par acte du 11 mars 2009, MM [X] [U], [Z] [U] et Mme [S] [U] ont fait assigner l'APOGEI 94 et la société cabinet [L] en nullité du bail.

Par jugement rendu le 5 mars 2012, le Tribunal de Grande Instance de Créteil a :

-rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SARL Cabinet [L] ,

-débouté MM [X] [U], [Z] [U] et Mme [S] [U] de l'ensemble de leurs demandes

-débouté l'APOGEI 94 de sa demande reconventionnelle en paiement

-condamné solidairement MM [X] [U], [Z] [U] et  Mme [S] [U] à payer à la SARL Cabinet [L] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

-condamné solidairement MM [X] [U], [Z] [U] et  Mme [S] [U] à payer à l'APOGEI 94 la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

-ordonné l'exécution provisoire

-condamné les consorts [U] aux entiers dépens;

Les consorts [U] ont interjeté appel de cette décision et par leurs dernières conclusions signifiées le 6 février 2013, ils demandent à la Cour de :

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a : 

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SARL Cabinet [L],

- débouté l'APOGEI 94 de sa demande reconventionnelle en paiement,

 Infirmer pour le surplus ledit jugement:

Et statuant à nouveau

Dire inopposable à Mme [S] [U] et M [Z] [U] le mandat de gestion immobilière signé le 1er juillet 2004 par M [X] [U] ;

Dire, en toute hypothèse, qu'aucun des trois co-indivisaires n'a conféré à la SARL Cabinet [L] le pouvoir spécial de conclure en leurs noms un bail commercial portant sur les locaux sis à [Adresse 7],

En conséquence, prononcer la nullité du bail commercial conclu le 3 janvier 2007, à effet au 1er janvier 2007, consenti par le Cabinet [L] au nom de l'indivision [U],

Dire que l'Association Parentale d'Organisation et de Gestion d'Etablissements pour Personnes Handicapées Mentales du Val de Marne (APOGEI 94) est occupante sans droit ni titre depuis le 1er janvier 2007,

Ordonner en conséquence l'expulsion de l'Association Parentale d'Organisation et de Gestion d'Etablissements pour Personnes Handicapées Mentales du Val de Marne (APOGEI 94) et de tout occupant de son chef des locaux sis à [Adresse 7], avec, le cas échéant, le concours de la force publique et ce, dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

Condamner in solidum l'Association Parentale d'Organisation et de Gestion d'Etablissements pour Personnes Handicapées Mentales du Val de Marne (APOGEI 94) et la SARL Cabinet [L] à payer à M  [X]  [U],  Mme [S] [U] et M. [Z] [U] les sommes minimales suivantes :

 -  6.333,00 euros HT par mois à titre d'arriérés d'indemnité d'occupation du 1er janvier 2007 jusqu'à l'arrêt à intervenir (eu égard au loyer minoré payé jusqu'à cette date) ;

 -  12.000,00 euros HT par mois à titre d'indemnité d'occupation du jour de l'arrêt à intervenir jusqu'à la libération effective des lieux et remise des clés ;

 Le tout, charges et taxes locatives en sus ;

 Ordonner, le cas échéant, la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux en tel garde-meubles qu'il plaira à la Cour de désigner, aux frais, risques et périls de l'Association Parentale d'Organisation et de Gestion d'Etablissements pour Personnes Handicapées Mentales du Val de Marne (APOGEI 94) ; autoriser, le cas échéant,  les consorts [U] à faire procéder à leur vente, à due concurrence de leur créance,

Condamner in solidum l'Association Parentale d'Organisation et de Gestion d'Etablissements pour Personnes Handicapées Mentales du Val de Marne (APOGEI 94) et la SARL Cabinet [L] à payer à M  [X]  [U]  Mme [S] [U] et M. [Z] [U] la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Débouter l'Association Parentale d'Organisation et de Gestion d'Etablissements pour Personnes Handicapées Mentales du Val de Marne (APOGEI 94) et la SARL Cabinet [L] de toute demande plus ample ou contraire

Condamner in solidum l'Association Parentale d'Organisation et de Gestion d'Etablissements pour Personnes Handicapées Mentales du Val de Marne (APOGEI 94) et le Cabinet [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront notamment les frais de constat des 25 et 31 mars 2010, dont distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile

L'association APOGEI 94 a relevé appel incident du jugement et, par ses dernières conclusions du 13 décembre 2012, demande à la Cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

-jugé valable le bail commercial consenti à l'association APOGEI 94,

-débouté les consorts [U] de toutes leurs demandes et prétentions à l'égard de l'association APOGEI 94,

-condamné les consorts [U] à lui verser une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

L'infirmer pour le surplus,

Constater les préjudices de jouissance et moral subis par l'association APOGEI 94,

Juger que les consorts [U] ne justifient pas en appel d'une police d'assurance couvrant l'immeuble loué contre le risque incendie,

Juger que les consorts [U] ont manqué à leurs obligations,

Juger que le bien loué ne répondait pas aux normes pour accueillir des personnes handicapées,

Juger que les grosses réparations n'incombaient pas à l'association APOGEI 94,

En conséquence,

Condamner in solidum les consorts [U] à verser à l'association APOGEI 94 la somme de 26 514 euros au titre des travaux de réparation et de remise en état des locaux,

Condamner in solidum les consorts [U] à verser à l'association APOGEI 94 la somme de 22 368 euros au titre du préjudice de jouissance pour la période de décembre 2007 à avril 2011 et sous réserve de réactualisation et déduction faite des 8 mois d'indisponibilité des locaux pour les travaux de mise aux normes,

Condamner in solidum les consorts [U] à verser à l'association APOGEI 94 la somme de 5000 euros au titre du préjudice moral,

En tout état de cause,

Constater la bonne foi de l'association APOGEI 94 au jour de la signature du bail

Juger que les consorts [U] ont nécessairement ratifié le bail par l'encaissement des loyers versés depuis le 1er janvier 2007, sans émettre aucune réserve, et en émettant au demeurant des quittances corrélatives,

Juger en tout état de cause que le bail est opposable à M.[X] [U],

En conséquence,

Condamner les appelants in solidum à verser à l'association APOGEI 94 la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamner les appelants aux dépens.

La société cabinet [L] a relevé appel incident, et, par ses dernières conclusions du 26 septembre 2012 demande à la Cour de :

Constater la parfaite connaissance de l'existence et de l'étendue du mandat par les consorts [U],

En conséquence,

Dire et juger que les consorts [U] n'ont pas de légitimité à agir en inopposabilité voire en nullité du mandat et du bail,

Infirmer le jugement entrepris,

Déclarer irrecevable l'action formée par les consorts [U], à tout le moins celle formée par M. [X] [U],

Sur le surplus,

Constater la bonne foi du cabinet [L] le jour de la signature du mandat,

Constater que les consorts [U] ne contestent pas qu'ils ont reçu et encaissé les loyers versés depuis le 1er janvier 2007 en émettant des quittances corrélatives,

Constater que les consorts [U] ont repris la gestion de leur propriété en direct à compter du 4 novembre 2008,

Dire et juger que la fixation du montant des loyers d'un bail commercial est un acte d'administration,

Constater que cet acte d'administration est un pouvoir inséré expressément dans le mandat de gestion immobilière confié au cabinet [L] le 1er juillet 2004 par un seul co-indivisaire M. [X] [U],

Constater que M.[X] [U] est dépositaire de plus des deux tiers des droits indivis portant sur le bien immobilier litigieux,

Constater que le nouvel article 815-3 du code civil issu de la loi du 23 juin 2006 est applicable dans les rapports entre co-indivisaires à compter du 1er janvier 2007

En conséquence,

Confirmer le jugement dans l'ensemble de ses dispositions,

Débouter les consorts [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, sur les prétendues fautes du Cabinet [L] relative à la fixation du loyer,

Si par extraordinaire la cour retenait la responsabilité du cabinet [L],

Constater que le montant du prix des loyers commerciaux a été ratifié par l'ensemble des indivisaires,

Dire que le montant du prix du loyer n'a pas été minoré, eu égard aux 600 000 euros de travaux indispensables pour la sauvegarde du bien et sa mise aux normes d'habitabilité minimales et l'amortissement de cette somme sur la durée de la location du bien immobilier par le cabinet [L],

En conséquence,

Débouter les consorts [U] de leur demande tendant à la condamnation in solidum du cabinet [L] tendant à la condamnation au paiement de la somme de 6 333 euros HT par mois à compter du 1er janvier 2007 jusqu'à la date du jugement à intervenir à titre d'arriérés d'indemnités d'occupation,

A titre infiniment subsidiaire,

Débouter M. [X] [U] de toutes ses demandes indemnitaires et cantonner le quantum des demandes des deux autres co-indivisaires à 3/10 de leurs demandes,

En toute hypothèse,

Condamner solidairement les consorts [U], à payer au cabinet [L] la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamner aux entiers dépens.

SUR CE,

Les consorts [U] soutiennent qu'en application de l'article 815-3 du code civil, avant comme après l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, la conclusion et le renouvellement des baux commerciaux, assimilés à des actes de disposition, nécessitent le consentement de tous les indivisaires, qu'en cas de représentation, un mandat spécial donné par tous les indivisaires est également toujours requis pour conclure un bail commercial, qu'en l'espèce, le « mandat général de gestion immobilière » n'a été signé que par M. [X] [U], au profit du cabinet [L], prétendant agir « en qualité de mandataire de l'indivision [U] », que le cabinet [L] a donné à bail, pour neuf années à compter du 1er janvier 2007, les locaux litigieux à l'Association Parentale d'Organisation et de Gestion d'Etablissements pour Personnes Handicapées Mentales du Val de Marne (APOGEI 94) alors qu'aucun des indivisaires n'a conféré au cabinet [L] le pouvoir de conclure un bail commercial, que celui-ci est donc entaché de nullité, qu'il ne peut leur être opposé qu'ils seraient mal fondés à demander la nullité du bail qui serait en tout état de cause opposable à M. [X] [U] et que l'action de ce dernier serait irrecevable du fait du défaut d'intérêt à agir, que le mandat signé par M. [X] [U] et qui devait être approuvé, complété et validé par l'ensemble des

co-indivisaires, était en effet un mandat général de gestion  immobilière  qui  ne  conférait  aucunement le  pouvoir  d'accomplir  des  actes  de disposition auxquels sont assimilés les baux commerciaux, que la ratification est l'acte juridique unilatéral par lequel une personne s'approprie un acte qu'une autre a accompli pour elle, mais sans en avoir reçu mandat, qu'une telle ratification suppose nécessairement la volonté de la personne, en l'espèce  de chacune des personnes prises individuellement de l'indivision [U], de s'approprier l'acte accompli au nom de chacun par un tiers, que ces volontés individuelles font défaut et ne sauraient être déduites ni de l'encaissement  de sommes transmises par le Cabinet [L], ni de la délivrance de quittances « de loyer ou d'indemnité d'occupation » alors que la procédure était en cours, que ni le cabinet [L] ni l'association APOGEI 94 ne peuvent se prévaloir de la théorie de l'apparence, M. [X] [U] ne s'étant jamais présenté comme mandataire commun, que de plus,  la théorie du mandat apparent est inapplicable aux actes passés par un agent immobilier, la  preuve de l'existence et de l'étendue du mandat de gestion immobilière, délivré à un professionnel ne pouvant être rapportée que par écrit, avec une clause expresse par laquelle le mandant donne pouvoir à l'agent immobilier de réaliser l'acte.

La société cabinet [L] soutient au contraire que M [X] [U] qui représente les 7/10° de l'indivision est irrecevable à agir en ayant signé le mandat, que ce mandat conférant à la société cabinet [L] le pouvoir de consentir tout bail, M [X] [U] ne peut prétendre que le bail lui serait inopposable, que les autres

co-indivisaires avaient parfaite connaissance du bail et ont accepté d'en percevoir les loyers, que M [Z] [U] a lui même fait savoir fin décembre 2008 que les co-indivisaires ne considéraient plus le cabinet [L] comme leur mandataire, preuve qu'il l'avait été précédemment, que celui-ci n'a pas allégué à cette occasion une faute du mandataire ou un quelconque dépassement de mandat ou encore la nullité du bail. Elle fait valoir qu'elle dispose d'un mandat écrit qui mentionne bien le nom de tous les indivisaires, que postérieurement à la signature du bail, l'association a rencontré deux des trois indivisaires, que les indivisaires avaient été destinataires des rapports de gérance et de la fraction de loyer revenant à chacun, que la sanction du dépassement de pouvoir n'est pas la nullité du mandat mais l'inopposabilité aux autres indivisaires de l'acte accompli par le mandataire, qu'il n'y a eu au surplus aucun dépassement de mandat et que de toute façon, le bail a été ratifié par les indivisaires, que la ratification peut être expresse ou tacite, qu'elle résulte de l'absence de protestation au reçu des loyers mais aussi de l'émission par M Salem [U] d'appels de loyers comme de quittances auprès du preneur des locaux;

La société cabinet [L] a fait signer le 1er juillet 2004 à M [X] [U] un mandat général de gestion immobilière au nom de tous les indivisaires M [X] [U] , M [Z] [U] et Mme [S] [U] comportant mandat de louer aux prix, charges et conditions que le mandataire avisera, signer tous baux et locations, les renouveler, les résilier, procéder à la révision du loyer, donner et accepter tous congés , faire dresser l'état des lieux.

La société Cabinet [L] présentée comme mandataire de l'indivision [U] a ensuite fait signer le 3 janvier 2007 à l'association parentale d'organisation et de gestion d'établissements pour personnes handicapées mentales du val de Marne (APOGEI 94) un bail commercial pour une durée de 9 années moyennant un loyer de 5667 euros ht et hors charges, à effet du 1er janvier 2007.

Sur la recevabilité à agir de M [X] [U] et des autres indivisaires :

M [X] [U] fait valoir qu'il est recevable à agir tandis que la société cabinet [L] soutient au contraire que M [X] [U] est irrecevable à agir en ayant signé le mandat alors qu'il représente les 7/10° de l'indivision et que l'association APOGEI 94 soutient elle-même que M [X] [U] qui détient 7/10° des parts indivises de l'immeuble et qui s'est présenté à plusieurs reprises à l'agence comme le mandataire commun de l'indivision, a signé le mandat général donné à la société cabinet [L] en tant que représentant des autres copropriétaires indivis, qu'il est donc irrecevable à demander la nullité tant du mandat que du bail .

M [X] [U] n'est cependant pas irrecevable à se joindre aux autres propriétaires indivis pour contester tant l'étendue du mandat qu'il a lui-même signé avec la société cabinet [L] que la validité du bail qualifié de commercial qui a été signé ensuite entre cette agence immobilière et l'association APOGEI 94.

Le moyen invoqué tiré de l'irrecevabilité à agir des autres co-indivisaires aux motifs que ceux ci avaient parfaite connaissance de l'existence tant du mandat que du bail qu'ils ont ensuite ratifiés en ayant encaissé les loyers sans protester pendant plusieurs années ne constitue pas un moyen d'irrecevabilité de l'action mais un moyen de fond tendant au débouté des demandes.

Sur l'étendue du mandat donné à la société cabinet [L] :

Le 'mandat général d'administration' donné le 1er juillet 2004 à la société cabinet [L] par M [X] [U] se disant représentant des autres copropriétaires indivis, porte sur une maison individuelle et non sur des locaux commerciaux et s'il contient l'autorisation donnée au mandataire de conclure tous baux, il ne comporte pas expressément l'autorisation donnée à la société cabinet [L] de conclure au nom de l'indivision un bail commercial qui s'assimile à un acte de disposition . Il ne constitue donc pas un mandat spécial donné à la société cabinet [L] de conclure un tel bail commercial , peu important à cet égard que M [X] [U] détienne 7/10° de l'indivision, le consentement de tous les indivisaires étant requis pour tout ce qui ne concerne pas l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux destinés à payer les dettes de l'indivision.

Le fait que ce bail a été ensuite communiqué par lettre simple aux co-indivisaires qui n'ont pas protesté ou encore le fait pour eux d'avoir reçu leur quote- part de loyers ne saurait valoir approbation tacite de la signature du bail commercial et ce d'autant que, bien que la société cabinet [L] indique ce que ce bail venait en remplacement d'un précédent bail commercial consenti à la société Normandy cottage, elle ne produit pas cet ancien bail portant selon elle sur l'exploitation d'une maison de retraite ni les courriers échangés avec les indivisaires préalables à la signature du nouveau bail avec APOGEI 94.

En revanche, M [Z] [U] a lui-même écrit à l'association APOGEI 94 en ces termes :

'Veuillez trouver ci-joint le relevé d'identité bancaire sur lequel les virements de loyers de la propriété [Localité 5] devront être effectués car le cabinet [L] n'est plus mandataire de l'indivision [U] depuis le 4 novembre 2008 . J'ai été nommé- M [U] [Z]- mandataire commun de l'indivision [U] . Veuillez par la présente virer sur ce compte toutes sommes des loyers de la propriété [Localité 5] '

La qualité à cette date de M [Z] [U] à agir comme mandataire commun de l'indivision n'est contestée par aucun des co-indivisaires et celui -ci a d'ailleurs adressé ensuite plusieurs quittances de loyers ou d'indemnités d'occupation portant sa signature à APOGEI 94.

Il ne peut cependant être soutenu que les indivisaires représentés par M [Z] [U] ont ainsi ratifié expressément et a posteriori le contrat de bail signé avec l'association APOGEI 94 en demandant en décembre 2008 de lui faire parvenir les 'loyers' directement entre ses mains alors que dès le mois de mars 2009 suivant, soit moins de trois mois après, l'ensemble des indivisaires agissaient en contestation du mandat et en nullité du bail.

Quoique les co-indivisaires n'aient émis aucune protestation à réception de la fraction de loyers revenant à chacun d'eux pour la période allant de janvier 2007 à décembre 2008, il ne peut davantage être tiré de ce fait une approbation quant la nature du bail consenti par la société cabinet [L] à APOGEI 94 dont ils soutiennent n'avoir pas reçu la copie ; l'agence Laverdet indique ne l'avoir communiqué à l'ensemble des indivisaires que par courrier simple de sorte qu'elle ne peut produire aucune justification de la réception de l'acte par chacun des indivisaires .

Sur la nullité du bail :

L'association APOGEI 94 fait valoir qu'en tant que non professionnel de l'immobilier, elle était elle-même fondée à croire en l'étendue des pouvoirs du mandataire sans avoir à les vérifier d'autant qu'aucune circonstance ne lui permettait de mettre en doute l'étendue des pouvoirs de la société cabinet [L] dans la mesure où elle affirme:

-d'une part, attestation de M Salem [I], cadre salarié de l'association à l'appui , avoir rencontré une première fois à l'agence Laverdet quelques jours après la signature du bail , M Salem [U] et Mme [S] [U] , qui leur auraient indiqué que M [X] [U] était souffrant, avoir rencontré les mêmes ensuite à deux autres reprises à l'occasion d'une demande de travaux puis à la suite de l'incendie qui a endommagé les locaux, ce qui est contesté par les indivisaires qui ne reconnaissent qu'une seule rencontre avec APOGEI 94 après l'incendie des locaux.

- d'autre part que M [W] président de l'association a eu avant la signature du bail plusieurs contacts avec l'agence qui lui a fait part des exigences des copropriétaires avant de lui dire que ceux ci acceptaient selon elle les conditions de loyer proposées par l'association .

-qu'elle a enfin reçu de M Salem [U] un courrier mentionnant qu'il était désormais le mandataire commun de l'indivision, qu'il devait à ce titre être destinataire des loyers et qu'il a d'ailleurs en conséquence adressé plusieurs quittances de loyers de sa main à l'association .

Cependant, le mandat apparent dont se prévaut l'association APOGEI 94 ne peut tenir en échec les règles qui régissent le mandat dont doit disposer le mandataire qui entend signer pour le compte de son ou ses mandants un bail commercial, spécialement lorsqu'il s'agit d'un agent immobilier qui ne peut à cette occasion se prévaloir d'un simple dépassement de pouvoir alors que l'absence de mandat spécial équivaut à l'absence de mandat écrit .

Il s'ensuit que le bail signé le 3 janvier 2007 est entaché de nullité et que APOGEI 94 qui ne dispose pas d'un titre ne peut ni se maintenir dans les lieux, ni prétendre obtenir réalisation de travaux de réparations ni de dommages intérêts au titre d'un préjudice tant de jouissance du fait de l'indisponibilité des locaux que moral .

Sur la demande en paiement d'indemnités d'occupation :

Les consorts [U] demandent la fixation d'une indemnité d'occupation de 6333 euros par mois à titre d'arriéré à compter du 1er janvier 2007 et de 12 000 euros par mois à compter du jour de la décision à intervenir en se fondant d'une part sur un rapport d'expertise de M [E] en date du 25 novembre 2008 estimant la valeur locative de marché à la somme de 12 000 euros par mois et une estimation par une agence immobilière en date du 29 novembre 2012 de la valeur locative des locaux à une somme comprise entre 17 000 euros et 20 000 euros par mois .

Or, outre qu'il s'agit d'expertise et d' estimation amiables, qui n'ont donc aucun caractère contradictoire, l'expert [E] indique que la valeur locative de 12 000 euros est celle du marché; elle ne tient donc pas compte exactement de l'état des locaux ; il n'est pas justifié de fixer l'indemnité d'occupation due par l'association APOGEI 94 à une somme supérieure à celle prévue au titre des loyers, outre les charges et taxes, ce qui compense suffisamment le préjudice subi par les propriétaires des locaux.

L'indemnité d'occupation n'est à cet égard destinée qu'à compenser le préjudice que les indivisaires souffrent du fait de l'indisponibilité de leur bien et non à réparer la faute commise par la société cabinet [L] , étant observé que APOGEI 94 ne forme elle-même aucune demande contre cette dernière .Il n'y a donc pas lieu à condamner in solidum la société cabinet [L] et APOGEI 94 au paiement d'indemnités d'occupation;

Sur les autres demandes :

La société cabinet [L] supportera les entiers dépens et paiera aux consorts [U] la somme de 1000 euros à chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, APOGEI 94 étant déboutée de sa demande sur ce fondement.

Le coût du procès-verbal de constat des 25 et 31 mars 2010 étranger à la présente procédure en ce qu'il tend à la description des lieux et des travaux entrepris par APOGEI 94 à une date qui n'est pas celle d'un départ des lieux restera supporté par les consorts [U].

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré,

Déclare M [X] [U], M [Z] [U] et Mme [S] [U] recevables à agir,

Dit que la société cabinet [L] ne disposait pas d'un mandat spécial lui permettant de signer un bail commercial,

Dit que le bail commercial signé avec l'association APOGEI 94 le 3 janvier 2007 à effet du 1er janvier 2007 est nul et de nul effet,

En conséquence, dit que l'association APOGEI 94 devra quitter les lieux au plus tard dans un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt et au besoin ordonne son expulsion, le cas échéant avec le concours de la force publique ; dit que le sort des meubles sera réglé dans les termes de l'article L. 433-1 du code des procédure civiles d'exécution.

Dit qu'elle est redevable d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, charges et taxes en sus, et la condamne à verser une telle indemnité d'occupation entre les mains des indivisaires [U] jusqu'à la parfaite libération des locaux .

Condamne la société cabinet [L] à payer aux consorts [U] la somme de 1000 euros à chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société cabinet [L] aux dépens qui seront recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/08477
Date de la décision : 12/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°12/08477 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-12;12.08477 ?
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