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08/04/2014 | FRANCE | N°12/20478

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 08 avril 2014, 12/20478


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 08 AVRIL 2014



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20478



Décision déférée à la Cour : Recours en annulation d'une sentence arbitrale rendue sous l'égide de la chambre arbitrale maritime de PARIS le 12 Octobre 2012 par un tribunal arbitral composé de Monsieur [Q] [I], président et de Messieurs [W] [C] et [Z] [T],

arbitres





DEMANDERESSE AU RECOURS :



Société NYKCOOL AB Société de droit suédois anciennement dénommée NYK LAURITZENCOOL AB

prise en la personne ...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 08 AVRIL 2014

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20478

Décision déférée à la Cour : Recours en annulation d'une sentence arbitrale rendue sous l'égide de la chambre arbitrale maritime de PARIS le 12 Octobre 2012 par un tribunal arbitral composé de Monsieur [Q] [I], président et de Messieurs [W] [C] et [Z] [T], arbitres

DEMANDERESSE AU RECOURS :

Société NYKCOOL AB Société de droit suédois anciennement dénommée NYK LAURITZENCOOL AB

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 1]

SUEDE

représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018

assistée de Me Marie Laure VIGOUROUX substituant Me Jacques-Max LASSEZ, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 155

DÉFENDERESSES AU RECOURS :

Société HELVETIA

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bertrand COURTOIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 526

Société LLOYD'S

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bertrand COURTOIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 526

Société SIAT

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bertrand COURTOIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 526

Société BELMARINE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bertrand COURTOIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 526

Société BDM

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bertrand COURTOIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 526

Société AVERO

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bertrand COURTOIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 526

Société NATEUS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bertrand COURTOIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 526

Société FORTIS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bertrand COURTOIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 526

Société VERHEYEN

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Bertrand COURTOIS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P 526

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2014, en audience publique, le rapport entendu, les avocats des parties ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur ACQUAVIVA, président et Madame DALLERY, conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur ACQUAVIVA, président

Madame GUIHAL, conseillère

Madame DALLERY, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame PATE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

Selon charte-partie conclue à Londres le 14 octobre 2005, les sociétés Dole France, Agrunord, Katope International, AZ France, Sélection, Pomona import, Helfer et Nosibé (les importatrices) ont affrété auprès de la société NYK LAURITZENCOOL AB, devenue NYKCOOL AB, le navire Southern Harvest pour un transport de litchis de [Localité 4] à [Localité 5] ou [Localité 3].

Les importatrices invoquant des avaries aux marchandises ont obtenu du président du tribunal de commerce de Dieppe la désignation, par une ordonnance de référé du 19 décembre 2005, d'un expert, lequel a été remplacé par une seconde ordonnance du 24 janvier 2007 par un nouvel expert.

Le 10 janvier 2006 les importatrices ont, en application de la clause compromissoire stipulée par la charte-partie, saisi la Chambre arbitrale maritime de Paris (CAMP) d'une demande d'arbitrage à titre conservatoire contre NYKCOOL. Le 8 octobre 2007 sont intervenues à l'instance arbitrale, en vertu d'actes de subrogation-cession de droits, les sociétés d'assurance HELVETIA, LLOYDS, SIAT, BELMARINE, BDM, NATEUS, AVERO, FORTIS et VERHEYEN (la coassurance).

Compte tenu de l'expertise en cours, M. [I], arbitre unique désigné par le président de la CAMP pour suivre la procédure jusqu'à la reprise de l'instance, a, par une décision prise le 23 octobre 2007 sur le fondement de l'article V du règlement d'arbitrage de la Chambre, prorogé le caractère conservatoire de la demande jusqu'au 9 janvier 2009, puis, de nouveau, jusqu'au 9 janvier 2010.

Le 29 juillet 2009, la coassurance a fait savoir qu'elle renonçait à l'expertise, qu'elle demandait la reprise de l'instance arbitrale et qu'elle désignait M. [S] en qualité d'arbitre. NYKCOOL a désigné successivement deux arbitres non inscrits sur la liste de la CAMP. Le Comité de la Chambre leur a refusé son agrément et a choisi M. [T] comme arbitre pour le compte de NYKCOOL.

Les demandes de récusation des arbitres ayant été rejetées par le Comité de la Chambre, NYKCOOL a saisi en qualité de juge d'appui le Président du tribunal de grande instance de Paris qui, par une ordonnance du 22 juillet 2011, a désigné M. [C] en qualité d'arbitre à la place de M. [S] et rejeté le surplus des demandes de NYKCOOL. L'appel-nullité interjeté par NYKCOOL contre l'ordonnance du juge d'appui a été déclaré irrecevable par un arrêt de cette cour du 20 mars 2012.

Par une sentence rendue à Paris le 12 octobre 2012 en application du droit français de procédure et du droit anglais de fond, le tribunal arbitral a, en substance, déclaré la charte-partie applicable entre NYKCOOL et les assurés de la coassurance, dit que la responsabilité des avaries incombait à NYKCOOL, condamné cette dernière à payer à la coassurance la somme de 1.800.000 euros en principal, outre les intérêts, 150.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les frais et honoraires d'arbitrage, et ordonné l'exécution provisoire.

NYKCOOL a formé un recours contre cette sentence le 14 novembre 2012.

Par des conclusions signifiées le 20 février 2014, elle en sollicite l'annulation ainsi que la condamnation des parties adverses à lui payer 200.000 euros à titre de dommages-intérêts pour demande abusive et irrégularités dans la conduite de l'arbitrage outre 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle invoque, en premier lieu, l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral résultant, d'une part, du refus de déclaration d'indépendance de l'arbitre [T] et du caractère incomplet de la déclaration de M. [I], d'autre part, des manquements de l'arbitre [I] au principe d'impartialité (article 1520 2° du code de procédure civile), en deuxième lieu, l'incompétence du tribunal arbitral, motif pris de l'expiration du délai d'arbitrage et de l'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire compte tenu du procès qui l'oppose à la CAMP (article 1520 1° du code de procédure civile), en troisième lieu, la méconnaissance par les arbitres de leur mission résultant de l'expiration du délai d'arbitrage (article 1520 3° du code de procédure civile), en quatrième lieu, la violation du principe de la contradiction (article 1520 4° du code de procédure civile) et, en cinquième lieu, la violation de l'ordre public international résultant de la fraude (article 1520 5°).

Par des conclusions signifiées le 10 février 2014, la coassurance demande à la cour de rejeter le recours, confirmer la sentence, débouter NYKCOOL de ses prétentions et la condamner à payer la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur le premier moyen d'annulation tiré de l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral (article 1520 2° du code de procédure civile) :

NYKCOOL fait valoir, d'une part, que l'arbitre [T] n'a pas souscrit de déclaration d'indépendance, d'autre part, que l'arbitre [I] a souscrit une déclaration incomplète, enfin que ce dernier, qui est vice-président et trésorier de la CAMP, se trouve en situation de conflit d'intérêts.

Considérant que par actes des 6 et 7 juin 2011, NYKCOOL a assigné devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés les co-assureurs et la CAMP aux fins de voir dessaisir le tribunal arbitral en raison de l'inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage; qu'elle faisait valoir qu'en raison, d'une part, de l'annulation par un arrêt de cette cour en date du 10 mars 2011, pour défaut de déclaration d'indépendance de l'arbitre [S], d'une sentence rendue entre les mêmes parties dans un contentieux concernant le navire Chaiten, et de la tierce opposition formée contre cet arrêt par la CAMP, d'autre part, de l'action qu'elle avait dû introduire contre la CAMP pour obtenir restitution des frais d'arbitrage, il existait un conflit d'intérêts entre elle-même et la CAMP, laquelle avait refusé ses demandes de récusation des arbitres dans le cadre du litige Southern Harvest; que la solution du différend devait donc être renvoyée à l'arbitrage ad hoc et qu'elle souhaitait nommer le professeur [P] en qualité d'arbitre;

Considérant que par une ordonnance rendue le 22 juillet 2011, la présidente du tribunal de grande instance de Paris a désigné M. [C] en qualité d'arbitre en remplacement de M. [S] et rejeté toute autre demande en considérant qu'il n'était pas justifié d'un doute raisonnable portant sur l'indépendance et l'impartialité objective de MM. [I] et [T];

Considérant que l'appel-nullité formé par NYKCOOL contre cette ordonnance a été déclaré irrecevable par un arrêt du 20 mars 2012;

Considérant que NYKCOOL ne peut, dès lors, contester l'indépendance ou l'impartialité des arbitres qu'en considération d'éléments nouveaux qui n'avaient pu être portés à la connaissance du juge d'appui;

Que la recourante invoque, d'une part, sans précision notamment de date, une autre instance arbitrale rendue entre les mêmes parties, dans laquelle la condamnation prononcée à son encontre aurait été réduite de un million à 300.000 euros, d'autre part, le rejet par la cour d'appel de la tierce opposition formée contre l'arrêt du 10 mars 2011, enfin, la circonstance que M. [I] est trésorier de la CAMP;

Mais considérant que ce dernier fait n'est nullement nouveau et n'était pas occulte, et que les autres n'affectent pas les termes du conflit d'intérêts allégué par NYKCOOL devant le juge d'appui;

Que le moyen tiré de l'irrégularité de la constitution du tribunal arbitral ne peut donc qu'être écarté;

Sur le deuxième moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1520 1° du code de procédure civile) :

NYKCOOL soutient, d'une part, que la clause compromissoire est manifestement inapplicable compte tenu du litige qui l'oppose à l'institution d'arbitrage, d'autre part, que la sentence a été rendue alors que le tribunal était dessaisi par l'expiration du délai d'arbitrage.

Sur la première branche du moyen :

Considérant, d'une part, que le différend opposant NYKCOOL à la CAMP à l'occasion d'une autre procédure n'affecte pas intrinsèquement la clause compromissoire concernant le navire Southern Harvest, d'autre part, que cette institution d'arbitrage n'ayant pas de fonction juridictionnelle, les conflits qui peuvent l'opposer à une partie ne font pas obstacle à l'organisation de l'arbitrage dès lors que, comme cela a été le cas en l'espèce, les difficultés de constitution du tribunal arbitral peuvent, le cas échéant, être tranchées par le juge d'appui;

Que le moyen ne peut donc être accueilli en ce qu'il allègue l'inapplicabilité de la convention d'arbitrage;

Sur la seconde branche du moyen :

Considérant que par la clause compromissoire, les parties se sont placées sous l'empire du règlement d'arbitrage de la Chambre arbitrale maritime de Paris;

Que ce règlement, dans sa rédaction en vigueur au 9 juin 2004, prévoit que les dispositions du code de procédure civile relatives à l'instance arbitrale ne sont applicables que dans le silence de la convention des parties et qu'en particulier, les dispositions de ce code relatives à la désignation des membres du tribunal arbitral par le juge d'appui sont inapplicables (article II bis);

Que les articles VI et VII fixent les conditions dans lesquelles le Comité de la CAMP remédie aux difficultés de constitution du tribunal arbitral et se prononce sur les demandes de récusation des arbitres;

Qu'en ce qui concerne le délai d'arbitrage, l'article IX du règlement, stipule : 'Lorsque les exposés des moyens et prétentions des demandeurs et des défendeurs ont été remis au Secrétariat de la Chambre arbitrale maritime, que les consignations ont été versées, et que le tribunal arbitral a été constitué, le Secrétariat notifie aux arbitres et aux parties la date de départ de l'instance arbitrale ainsi que le lieu où se dérouleront les opérations d'arbitrage'; que selon l'article XIV : 'Les sentences, signées des arbitres et datées, sont remises par eux au Secrétariat de la Chambre arbitrale maritime dans un délai de six mois à partir de la date fixée par la notification prévue à l'article IX. Toutefois, le Président peut décider une ou plusieurs prolongations de trois mois. Leur nombre ne pourra excéder quatre. A l'issue de la quatrième prolongation, le président peut, sur demande motivée du collège arbitral, accorder une ultime prolongation d'un mois. Toute prolongation ultérieure devra résulter de l'accord exprès des parties ou de la décision du Président du tribunal de grande instance prise à la demande de l'une des parties ou du tribunal arbitral';

Considérant qu'en l'espèce, le Comité de la CAMP a successivement refusé d'agréer deux arbitres choisis par NYKCOOL en dehors de la liste de la chambre; qu'il a désigné en qualité d'arbitre pour le compte de cette partie M. [T], et rejeté la demande de récusation par NYKCOOL de l'ensemble du tribunal arbitral;

Que par une lettre du 30 novembre 2010, le Secrétaire général de la Chambre arbitrale maritime a, conformément à l'article IX précité du règlement d'arbitrage, notifié aux parties la composition du tribunal arbitral et leur a indiqué que le départ de l'instance était fixé à cette date;

Que le délai d'arbitrage a été prorogé jusqu'au 30 août 2011 par une décision du Comité de la CAMP du 30 mai 2011; qu'il est constant qu'aucune autre prorogation n'est intervenue;

Considérant que, bien que le règlement d'arbitrage exclut le recours au juge d'appui pour prononcer sur la constitution du tribunal arbitral, le Comité de la CAMP a, en considération de l'impasse dans laquelle se trouvait l'arbitrage, invité les parties à saisir cette juridiction si cela leur paraissait opportun;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la société NYKCOOL a, par actes des 6 et 7 juin 2011, saisi le président du tribunal de grande instance de Paris en la forme des référés aux fins de dessaisissement du tribunal arbitral et de désignation d'un arbitre ad-hoc; qu'une ordonnance du 22 juillet 2011 a désigné M. [C] en qualité d'arbitre en remplacement de M. [S] et rejeté le surplus des demandes; que la société NYKCOOL a formé contre cette décision un appel-nullité qui a été déclaré irrecevable par cette cour le 20 mars 2012;

Considérant que par une lettre motivée adressée le 29 mars 2012, à ses adversaires, ainsi qu'aux arbitres, au président et au secrétaire général de la CAMP, NYKCOOL a soutenu que le délai d'arbitrage était expiré faute d'avoir été prolongé postérieurement au 30 août 2011 dans les formes prévues par le règlement d'arbitrage;

Considérant que le Comité de la CAMP, estimant que l'instance arbitrale s'était trouvée suspendue par les procédures judiciaires parallèles, a, par une décision du 18 avril 2012, déclaré que le tribunal arbitral était désormais composé de MM [C], [T] et [I] et que le départ de l'instance était fixé à la date de cette décision;

Considérant que le règlement d'arbitrage ne règle pas l'hypothèse de la suspension d'instance; que, conformément aux stipulations de son article II bis, il convient, dans le silence de la convention des parties sur ce point, de se référer aux dispositions du code de procédure civile;

Considérant qu'aux termes de l'article 1473 de ce code, dans sa rédaction issue du décret 2011-48 du 13 janvier 2011, entré en vigueur le 1er mai 2011 en vertu de l'article 3 de ce même décret et immédiatement applicable aux instances en cours : 'Sauf stipulation contraire, l'instance arbitrale est suspendue en cas de décès, d'empêchement, d'abstention, de démission, de récusation ou de révocation d'un arbitre jusqu'à l'acceptation de sa mission par l'arbitre désigné en remplacement.

Le nouvel arbitre est désigné suivant les modalités convenues entre les parties ou, à défaut, suivant celles qui ont présidé à la désignation de l'arbitre qu'il remplace';

Que selon l'article 1475 : 'Au moment de la reprise de l'instance et par exception à l'article 1463 (relatif à la durée de la mission), le tribunal arbitral peut décider que le délai de l'instance sera prorogé pour une durée qui n'excède pas six mois';

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'instance arbitrale a été suspendue pendant le cours de la procédure judiciaire et qu'à l'issue de celle-ci, le Comité de la CAMP a pu, en notifiant aux parties la nouvelle composition du tribunal, par application des stipulations précitées des articles IX et XIV du règlement, fixer à six mois la durée de l'arbitrage;

Considérant que la sentence a été rendue le 12 octobre 2012 avant l'expiration du délai imparti par la décision du 18 avril 2012; que le moyen, en ce qu'il invoque le dessaisissement du tribunal arbitral, ne peut donc qu'être écarté;

Sur le troisième moyen d'annulation tiré de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520 3° du code de procédure civile) :

NYKCOOL prétend que les arbitres ont méconnu leur mission en rendant la sentence après l'expiration du délai d'arbitrage.

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit le délai n'était pas expiré lorsque les arbitres ont rendu leur sentence; que le moyen ne peut être accueilli;

Sur le quatrième moyen d'annulation tiré de la méconnaissance du principe de la contradiction (article 1520 4° du code de procédure civile) :

NYKCOOL soutient qu'en refusant de tenir compte de la seule expertise contradictoire, celle de M. [B], et en retenant le rapport de l'expert [F] qui avait été rédigé au moins partiellement par des tiers et qui contenait de fausses affirmations, les arbitres ont violé le principe de la contradiction.

Considérant que le principe de la contradiction exige seulement que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n'ait échappé à leur débat contradictoire;

Considérant que les parties ayant discuté la pertinence du rapport [F] sur lequel se sont fondés les arbitres, le moyen qui tend, sous couvert d'une prétendue violation de la contradiction, à une révision au fond de la sentence interdite au juge de l'annulation, ne peut qu'être écarté;

Sur le cinquième moyen d'annulation tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520 5° du code de procédure civile) :

NYKCOOL soutient que les assureurs ont fait usage de pièces fausses, notamment de factures qui avaient déjà été produites dans l'affaire Chaiten afin d'obtenir une double indemnisation, et que les arbitres ont volontairement refusé de tenir compte des preuves de ces falsifications.

Considérant que méconnaît l'ordre public international la reconnaissance en France d'une sentence surprise par des manoeuvres frauduleuses;

Que NYKCOOL soutient que constitue de telles manoeuvres la production de factures dont les numéros auraient été altérés afin d'être produites à la fois dans l'arbitrage concernant le navire Chaiten et dans l'arbitrage relatif au navire Southern Harvest et de procurer ainsi aux demanderesses une double indemnisation;

Mais considérant que NYKCOOL avait expressément allégué ces faits au cours de l'instance arbitrale, de sorte que la décision des arbitres n'a nullement été surprise mais a été rendue à l'issue de l'examen et de la critique contradictoire des pièces en cause;

Considérant que le moyen ne peut donc qu'être écarté;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours en annulation doit être rejeté;

Sur la demande de dommages-intérêts :

Considérant qu'il n'appartient pas à cette cour, saisie en application de l'article 1520 du code de procédure civile, de se prononcer sur une demande de dommages-intérêts pour 'demande abusive et irrégularités dans la conduite de l'arbitrage';

Que la demande présentée par NYKCOOL de ce chef sera rejetée;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que NYKCOOL, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; qu'elle sera condamnée sur ce fondement à payer aux co-assureurs la somme globale de 50.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours en annulation de la sentence rendue entre les parties le 12 octobre 2012.

Rejette la demande de dommages-intérêts.

Condamne la société NYKCOOL AB aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne la société NYKCOOL AB à payer aux sociétés HELVETIA, LLOYDS, SIAT, BELMARINE, BDM, NATEUS, AVERO, FORTIS et VERHEYEN la somme globale de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/20478
Date de la décision : 08/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°12/20478 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-08;12.20478 ?
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