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10/04/2014 | FRANCE | N°11/03246

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 10 avril 2014, 11/03246


REPUBLIQUE FRANCAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRET DU 10 AVRIL 2014

(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/03246 M.L.

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Décembre 2010 par le tribunal de grande instance de PARIS RG n° 10/00042



APPELANTES

SARL CHARLES TRAITEUR exerçant sous l'enseigne 'CHARLES TRAITEUR PRESTIGE', [Adresse 8]

SARL CHARLES CORENTIN, , [Adresse 2]

SARL CHARLES GOURMET, , [Adresse 5]
r>SARL CHARLES PATISSIER, [Adresse 6]

SARL CHARLES TRADITION, [Adresse 4]

[Adresse 4]

Toutes représentées par Me Patricia HARDOUIN, avocat au bar...

REPUBLIQUE FRANCAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRET DU 10 AVRIL 2014

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/03246 M.L.

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Décembre 2010 par le tribunal de grande instance de PARIS RG n° 10/00042

APPELANTES

SARL CHARLES TRAITEUR exerçant sous l'enseigne 'CHARLES TRAITEUR PRESTIGE', [Adresse 8]

SARL CHARLES CORENTIN, , [Adresse 2]

SARL CHARLES GOURMET, , [Adresse 5]

SARL CHARLES PATISSIER, [Adresse 6]

SARL CHARLES TRADITION, [Adresse 4]

[Adresse 4]

Toutes représentées par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistées de Me Martine BELAIN, avocat au barreau de Paris, toque : A235, substituant Me Chantal ASTRUC, avocat au barreau de PARIS, toque : A235

INTIMEES

SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE LA VILLE DE PARIS (SEMAVIP), [Adresse 9]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

assistée de Me CARALP-DELION, de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'[Localité 1], [Adresse 3]

Représenté par M. [G] [S] (Commissaire du Gouvernement) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Maryse LESAULT, Conseillère, suppléant le Président empêché, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS,

Madame Denise JAFFUEL, Conseillère, désignée par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS

Madame [C] [N], Juge de l'Expropriation au Tribunal de Grande Instance de Créteil, désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

Greffier : Madame Chaadia GUICHARD, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Mme Maryse LESAULT, Conseillère, suppléant le Président empêché et par Madame Chaadia GUICHARD, Greffier.

La société CHARLES TRAITEUR PRESTIGE (CHARLES TRAITEUR) exploite une entreprise consacrée à la fabrication et livraison de produits alimentaires cacher qu'elle diffuse notamment auprès de quatre sociétés tenant boutique dans [Localité 1].

Elle est locataire de divers locaux sis dans un ensemble immobilier sis [Adresse 1] depuis au moins 1996 en vertu de deux baux :

-l'un du 29 septembre 2004 à effet au 1er février 2005 portant renouvellement du précédent pour 9 ans porte sur un local en RDC avec entrée au [Adresse 1], d'une superficie d'environ 350M² comportant principalement une boutique en façade [Adresse 1], une chambre froide, une congélation, un bureau et des installations sanitaires, pour un loyer de 60000FRs par an HT. Il ne précise pas la destination des lieux mais vise le bail du 31 janvier 1996,

-l'autre du 5 mars 2003 d'une durée de 9 ans jusqu'au 31 janvier 2012 porte sur une boutique à laquelle on accède par une entrée [Adresse 1], d'une superficie d'environ 250M², un bureau, deux frigos et des installations sanitaires, avec mention de destination suivante : traiteur, pâtissier, glacier, chocolatier, restauration. Le loyer est de 45750€ en 2003.

Les locaux visés par ces deux baux sont réunis en un seul ensemble dans lequel CHARLES TRAITEUR exploite son activité commerciale.

Par requête du 26 janvier 2010, la SEMAVIP a saisi le juge de l'expropriation aux fins de voir fixer l'indemnité due à CHARLES TRAITEUR au titre de son éviction forcée des locaux situés dans un ensemble immobilier du [Adresse 1].

Le transport sur les lieux est intervenu le 16 juin 2010 .

Vu l'appel interjeté le 4 février 2011 par les sociétés CHARLES TRAITEUR, CHARLES CORENTIN, CHARLES GOURMET, CHARLES PATISSIER et CHARLES TRADITION du jugement rendu le 6 décembre 2010 par le juge de l'expropriation de Paris qui a :

-reçu les interventions volontaires de sociétés CHARLES CORENTIN, CHARLES GOURMET, CHARLES PATISSIER et CHARLES TRADITION,

-fixé à la date du jugement l'indemnisation due par la SEMAVIP à la société CHARLES TRAITEUR au titre de son éviction des locaux exploités par elle à la somme de 637.222 euros,

-sursis à statuer sur l'indemnité due par la SEMAVIP à la société CHARLES TRAITEUR au titre des frais découlant directement et certainement de l'expropriation,

-fixé comme suit l'indemnité revenant aux sociétés intervenantes du fait de l'expropriation comme suit : pour la société CHARLES CORENTIN néant, pour la société CHARLES GORMET 41163€, pour la société CHARLES PATISSIER 30249€, et pour la société CHARLES TRADITION 42643€,

-sursis à statuer sur l'indemnité due par la SEMAVIP à ces trois sociétés au titre des frais de licenciement découlant directement et certainement de l'expropriation,

-condamné la SEMAVIP à verser à CHARLES TRADITION la somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Vu le mémoire d'appel des sociétés appelantes déposé le 4 avril 2011 demandant à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à leurs demandes indemnitaires et, statuant à nouveau de :

1-fixer comme suit les indemnités revenant à CHARLES TRAITEUR PRESTIGE :

- indemnité principale : 463704€ pour la valeur du droit au bail et 45220 € pour l'indemnité de remploi soit au total 508.924€

-indemnités accessoires : 100000€ Ht pour l'indemnité de déménagement, 725523€ Ht pour les frais de réinstallation, 486.847€ pour le trouble commercial, 238.320€ pour les salaires improductifs, 57000€ pour les frais de double loyer et 15000€ pour les frais divers,

Outre 30000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

2-fixer comme suit les indemnités revenant aux trois sociétés liées à son exploitation :

- pour la société CHARLES GOURMET la somme de 114.930€ pour les troubles d'exploitation et celle de 33905€ au titre des salaires et charges improductifs,

- pour la société CHARLES PATISSIER : 130506€ pour la première et 28.682€ pour les seconds

- pour la société CHARLES TRADITION : 216 123€ pour la première et pour les seconds

Ordonner pour l'ensemble des sociétés un sursis à statuer quant au remboursement des indemnités de rupture susceptibles de revenir au personnel qui sera licencié,

Condamner la SEMAVIP aux dépens avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les conclusions du commissaire du Gouvernement du 5 mai 2011 proposant à la cour de fixer l'indemnité due par SEMAVIP à CHARLES TRAITEUR au titre de son éviction à la somme de 873016€ dont 449095 € de frais de réinstallation, et de rejeter les demandes d'indemnisation pour les trois autres sociétés,

Vu le mémoire en réponse et d'appel incident de la SEMAVIP déposé le 5 mai 2011 demandant de déclarer les appelantes mal fondées et de les débouter ; de la recevoir elle-même en son appel incident et d'infirmer partiellement le jugement et de :

-fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 543 106,45€ dont 114000€ pour l'indemnité principale et 10250€ pour celle de remploi, les autres postes étant détaillé dans ses écritures repris ci-après,

-confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le sursis à statuer,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les trois autres sociétés appelantes recevables et bien fondées, statuant à nouveau de les déclarer irrecevables et les débouter.

SUR CE LA COUR

L'appel et les mémoires sont recevables pour avoir été formé et déposés dans les délais prévus par les articles R13-47 et R13-49 du code de l'expropriation.

1-sur les demandes de CHARLES TRAITEUR

1-1-indemnité principale et de remploi

1-1-1-indemnité principale

Décision du jugement entrepris

114000

Demande de l'appelante

463704

Demande de la SEMAVIP

114000

Proposition du commissaire du gouvernement

128850

Le jugement entrepris a fixé à 114000€ pour l'indemnité principale en rappelant l'accord de principe des parties sur la méthode de calcul basée sur la valeur du droit au bail.

Il est constant que l'expropriation ne fera pas perdre à CHARLES TRAITEUR son fonds de commerce.

Les parties s'opposent sur la surface locative à prendre en compte (600M² ou 910,88M²) la différence correspondant à un niveau en étage non mentionné dans les baux dont le jugement entrepris mentionne qu'il s'agit d'une surface au premier étage aménagée par CHARLES TRAITEUR sans démonstration de l'autorisation du bailleur.

L'appelante prétend que cette surface en étage a toujours fait partie des locaux reçus en location en 1996 et elle se prévaut de plusieurs attestations confirmant ce point, dont celle de M.[V] gérant de la SCI bailleresse Mac Donald. Elle se reporte en outre au procès-verbal de transport sur les lieux pour rappeler l'importance de l'installation et des matériels existants, ainsi que la conformité des lieux à la réglementation sanitaire, la réalité de l'aménagement du premier étage ( desserte par un monte-charge, évacuation d'air notamment). Elle fait valoir que l'absence d'éclairage naturel ne peut constituer un élément de dépréciation, l'efficacité de l'éclairage ayant été constatée lors du transport. Elle conteste l'absence d'aménagement de l'étage supérieur prétendu par le premier juge alors que le procès-verbal de transport indique que cet étage d'une hauteur sous plafond maximale de l'ordre de 5 mètres est utilisé pour procéder au lavage manuel et semi-automatique d'une partie de la vaisselle et du matériel utilisé au rez de chaussée et qu'il est fait mention de la présence à chacun des bouts de cet étage de plusieurs petites pièces fermées qui contiennent soit du matériel de décoration, soit des vins et spiritueux. Elle fait valoir que la surface exploitée de 915,50M² n'a jamais été contestée par le bailleur. CHARLES TRAITEUR fait par ailleurs application d'une valeur de référence de 210€ ,d'un coefficient de situation de 6 par référence à 2 jugements d'expropriation portant sur des biens proches. Elle fixe sa demande d'évaluation sur la base du différentiel de loyer allégué (77284€) entre celui acquitté et la valeur du marché, en appliquant ce coefficient de 6 compte tenu de la localisation

La SEMAVIP conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce poste d'indemnisation.

En ce qui concerne la surface à prendre en compte, l'indemnisation de l'expropriée doit retenir pour assiette la superficie des locaux soumise à bail. En effet l'indemnité d'éviction a pour vocation d'indemniser la perte d'un droit et ne peut en conséquence porter que sur une surface de locaux commerciaux juridiquement protégée. Or, aucun des deux baux ne mentionne dans la contenance du bail des locaux situés au premier étage.

L'attestation de M.[V], gérant de la SCI bailleresse, établie pour les besoins de l'instance le 8 septembre 2010, mentionne que depuis l'origine que les locaux loués comprennent « tant les locaux du rez de chaussée que les locaux du premier étage, exploités par la société Charles Traiteur ». Pour autant cette attestation ne comporte aucune indication de surface et les parties n'ont pas jugé utile de faire un avenant modifiant les surfaces déclarées et par conséquent retenues pour fixation du loyer.

Le procès-verbal de transport décrit les surfaces discutées comme suit :

« l'étage supérieur est constitué par l'espace contenu entre la couverture du bâtiment (d) et le plafond du rez-de-chaussée de ce bâtiment.

Toiture légère à deux pans,

Hauteur maximale de près de 5 mètres (le plan indique 5,86 de hauteur)

Cet étage supérieur n'est pas aménagé, il n'est pas isolé.

La couverture du plafond, défaillante, est renforcée à certains endroits par des cartons.

L'installation électrique est précaire

Le commerçant n'utilise cet étage supérieur que pour stocker certaines marchandises, ou certains éléments de décoration (pièces montées).

Cet étage est encore utilisé pour procéder au lavage manuel et semi-automatique d'une partie de la vaisselle et du matériel utilisé au rez-de-chaussée(') 

L'espace de cet étage pourrait être mieux utilisé, mais il faudrait faire des travaux d'aménagement, notamment pour cloisonner et isoler de la couverture.

On s'est contenté d'aménager à chacun des bouts de cet étage, plusieurs petites pièces fermées qui contiennent soit du matériel de décoration, soit des vins et spiritueux (aménagements très sommaires et très vétustes»

Ces circonstances expliquent à l'évidence que cet espace, certes compris dans le volume des locaux loués, a pu délibérément ne pas être inclus, en surface et valeur commerciales, dans les baux consentis à CHARLES TRAITEUR.

Les deux autres attestations n'apportent aucun élément remettant en cause les baux. La cour confirmera en conséquence la surface concernée par l'éviction à celle reçue en location soit 600M² .

La valeur totale du bail porte sur 128849,40€ (attestation du gérant de la SCI pièce n°4 de l'expropriée) ce qui représente pour 600M² une valeur de 214,75 M². Les valeurs du marché se situent au vu des références communiquées aux débats dans une fourchette comprise entre 106€ (3ème arrondissement) et 279€ /M² ([Adresse 7]) ces deux valeurs correspondant cependant à des emplacements sensiblement différents de ceux expropriés. La moyenne des références pour des locaux dans les 10ème, 11ème, 18ème et 20ème arrondissements (130, 216,138, 220 et 271€) est de 195€.

Il en résulte, comme relevé par le commissaire du gouvernement une absence de différentiel de sorte qu'il convient de retenir le montant annuel du loyer soit 128849,40€ et d'infirmer le jugement entrepris en ce sens.

1-1-2-indemnité de remploi

Le jugement entrepris rappelle que cette indemnité correspondant aux frais engagés pour racheter un bien similaire se calcule ici uniquement sur le droit au bail.

Il convient de confirmer ce jugement en ce qu'il a appliqué un taux de 5% jusqu'à 23000€ puis de 10% pour le surplus, et de fixer cette indemnité à 11734,94 arrondi à 11735€ (1150+10584,94).

1-2-indemnités accessoires

Il convient de rappeler qu'en application de l'article L13-13 du code de l'expropriation les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel, certain, causé par l'expropriation, ce qui exclut ceux ne répondant pas à ces critères.

1-2-1-Indemnité de déménagement

Décision du jugement entrepris

80120

Demande de l'appelante

100000

Demande de la SEMAVIP

55000

Proposition du commissaire du gouvernement

80120

L'appelant demande d'actualiser à 100000 € le montant admis en première instance à hauteur de 80120€.

La SEMAVIP entend déduire du devis présenté par l'expropriée les frais de déménagement de plusieurs éléments situés au premier étage non visé par les baux. Elle observe en outre que CHARLES TRAITEUR n'a produit qu'un seul devis détaillé celui de CMC du 20 mai 2009.

La demande de prise en compte de la totalité des éléments se trouvant dans les lieux est fondée, dès lors que rien n'en remet en cause la propriété à CHARLES TRAITEUR ; cela inclut en conséquence les éléments se trouvant sur le plateau situé à l'étage. En revanche il y a lieu comme l'a exactement apprécié le premier juge, de déduire du devis présenté le montant des dépose, transport et réinstallation des 3 armoires KOMA, puisque ce poste de dépense est repris dans le devis de LABO-CONSEIL pour les mêmes prestations de base : dépose des trois groupes, démontage des cellules transport et remontage et raccordement.

Il n'y a pas lieu à actualisation du montant retenu en l'absence de devis justificatif de celle-ci. Le montant de l'indemnité retenue en première instance sera confirmé.

1-2-2-Frais de réinstallation

Décision du jugement entrepris

229635,64

Demande de l'appelante

725523

Demande de la SEMAVIP

155540,45

Proposition du commissaire du gouvernement

449095

Les frais de réinstallation constituent le poste principal des demandes. La réclamation à ce titre est fondée sur le devis de LABO CONSEIL du 6 juillet 2010 et le commissaire du gouvernement rappelle que l'indemnité ne peut-être fixée qu'en valeur HT alors que ce devis n'indique pas si c'est en HT ou TTC. Il ajoute en outre qu'il y a lieu de prendre en compte la vétusté du laboratoire exproprié mais aussi la nécessité pour CHARLES TRAITEUR d'installer un nouveau laboratoire impliquant des aménagements spécifiques, obligation à laquelle elle n'aurait pas dû faire face aussi rapidement en l'absence d'expropriation. Il propose un abattement de 30%.

L'appelante fait valoir que si elle respecte la réglementation sanitaire dans les locaux expropriés au regard des normes admises, en revanche elle aura des frais de mise à niveau avec des normes européennes différentes de celles à laquelle elle était soumise jusqu'alors, ce qui implique un investissement plus rapide que ce qu'elle aurait fait sur le site exproprié. Elle indique que le devis a été fait sur la base des plans de l'existant pour être au plus près de la réalité, mais que pour certains postes il ne sera pas possible d'envisager un transfert et il faudra une reconstitution à neuf. Elle précise pour autant ne pas demander une telle réinstallation à neuf et avoir pour cela intégré dans son évaluation un abattement de 20%. Elle conteste l'abattement systématique de 60% pratiqué par le premier juge qu'elle estime non motivé.

Il sera à titre liminaire observé que le devis est fondé sur une construction intellectuelle transplantant, sur un site présumé de vide de tout équipement, l'ensemble des installations du site exproprié. Or ni la configuration ni le degré d'équipement des locaux de réinstallation ne sont encore connus. L'évaluation du coût doit prendre en compte la consistance des équipements spécifiques à l'activité exercée, la vraisemblance des demandes formées, mais aussi la vétusté des équipements actuels qui appelaient en toute hypothèse des charges d'investissement pour l'exploitante, qu'il n'appartient pas à l'expropriante de supporter.

Si la réinstallation sera soumise par exemple à des normes sanitaires et de sécurité actualisées, il demeure que ce n'est pas le surcoût qui doit être indemnisé mais le coût financier prévisible d'un investissement anticipé à ce titre en tout état de cause nécessaire, étant rappelé que toute opération de rénovation des locaux expropriés se serait accompagnée d'une mise aux normes actualisées. Seul le coût financier de cette anticipation ouvre par conséquent droit à indemnisation. L'abattement de 20% que l'appelante prétend avoir appliqué d'office à ses demandes ne résulte pas des pièces produites.

Il ne peut davantage être revendiqué un droit à réinstallation à neuf sur la base théorique des chiffrages présentés.

Le premier juge a exactement rappelé la nécessité de prendre en compte l'amortissement intervenu et la vétusté de certains éléments du bien exproprié (installation électrique, système d'évacuation). Il a retenu un taux d'abattement, évalué à 60% et contesté, pour les postes admis.

Force est de constater qu'en l'absence de projet d'implantation, rien de ne permet de présupposer que les postes d'aménagement réclamés sont justifiés alors qu'en toute hypothèse un bailleur à l'obligation de mettre à disposition un local conforme à sa destination, ce qui s'entend en particulier de la conformité aux diverses normes et notamment celles concernant l'électricité, le gaz et la sécurité incendie. Il est par ailleurs constant que la pratique en matière de baux commerciaux requérant des aménagements spécifiques ou de rénovation lors de l'entrée dans les lieux s'accompagne de manière usuelle de franchise de loyer en contrepartie des aménagements apportés par le preneur. La certitude quant à la charge financière qui sera supportée n'est donc pas démontrée. Compte tenu de la surface indemnisable, sur laquelle doit être apprécié le coût de l'aménagement futur, la somme réclamée de 725.523€ HT correspond à un ratio de 1209,20€HT/M², ce qui paraît particulièrement élevé au regard des ratios habituels.

Il convient au regard des éléments produits aux débats de statuer comme suit sur les différents postes concernant les frais de réinstallation, en ramenant à 50% l'abattement à appliquer, cela afin de prendre en compte notamment le surcoût financier généré par la nécessité de réaliser des investissements d'entretien plus tôt que prévu. A cet égard il sera observé que l'abattement de 30% proposé par le commissaire du gouvernement ne correspond pas la réalité de l'amortissement effectif des équipements sur le site exproprié, ni au fait que la demande de CHARLES TRAITEUR reprend une réimplantation à neuf sur un site qui serait dépourvu de tous réseaux et canalisations, qui n'est pas vraisemblable.

1-2-2-1-travaux de maçonnerie

Il est demandé 24.659,83€

Le jugement a retenu 9863,93€

Il convient pour motifs précités de retenir 12329,91€

1-2-2-2-canalisation et évacuations des eaux usées

Il est demandé 43.244,73 €

Le jugement a retenu 17297,89€

Il convient pour motifs précités de retenir 21622,36€

1-2-2-3-travaux de cloisonnement iso-thermique

Il est demandé 52.503,56€

Le jugement a retenu 21001,42€

Il convient pour motifs précités de retenir 26251,78€

1-2-2-4-travaux plafonds

Il est demandé 37115€

Le jugement a retenu sur la base de 617M² la somme de 14846€

Il convient pour motifs précités de retenir 18557,5 €

1-2-2-5-chambres froides négatives

Il est demandé 44.199€

Le jugement a retenu 17679,60€

Il convient pour motifs précités de retenir 22099,50€

1-2-2-6-installation de portes

Il est demandé 27.751€

Le jugement a retenu 11 100,40€

Il convient pour motifs précités de retenir 13875,50€

1-2-2-7-Electricité

Il est demandé 89230€

Le jugement a retenu 35.692€

Il convient pour motifs précités de retenir 44615€

1-2-2-8-système incendie

Il est demandé 9600€

Le jugement a retenu 3840€

Il convient pour motifs précités de retenir 4800€

1-2-2-9- travaux de plomberie

Il est demandé 52.928,52€HT

Le jugement a retenu 21.171,40€

Il convient pour motifs précités de retenir 26464,26€

1-2-2-10-travaux de plomberie/gaz

Il est demandé 18196,50€HT

Le jugement a retenu 7278,60€

Il convient pour motifs précités de retenir 9098,25€

1-2-2-11-transfert des armoires Koma de congélation

Il est demandé 21.030€

Le jugement a retenu 8416€

Il convient pour motifs précités de retenir 10515€

1-2-2-12-transfert du monte-charge

Il est demandé 22000€

Le jugement a rejeté à juste titre cette demande pour de justification de la nécessité de cet équipement dont CHARLES TRAITEUR a précisé être propriétaire; le jugement sera confirmé sur ce point.

1-2-2-13-ventilation extraction

Il est demandé 85.396€ HT

Le jugement a retenu 34158€

Il convient pour motifs précités de retenir 42698€

1-2-2-14-« travaux Jeaune ERDF »

Il est demandé 48000€

Le jugement a rejeté cette demande en raison de l'imprécision du chiffrage.

CHARLES TRAITEUR expose que cette somme correspond au coût de l'alimentation avec application d'un « tarif vert obligatoire » compte tenu de l'importance du matériel et des installations.

Pour autant il n'est pas produit de justificatif de cette obligation, alors que l'indemnisation doit être évaluée à exploitation et donc consommation constantes par rapport à l'exploitation dans le bien exproprié. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il n'a pas retenu ce poste de réclamation.

1-2-2-15-nettoyage chantier

Il est demandé 2000€ HT

Le jugement a retenu 800€

Il convient pour motifs précités de retenir 1000€

1-2-2-16-équipement frigorifique des chambres froides

Il est demandé 55.379€.

Le jugement a retenu 26494€.

Il convient pour motifs précités de retenir 27689,50€

1-2-2-17-assurance et pilotage chantier

Il est demandé 31.925€.

Le jugement a écarté cette demande en relevant que le devis est muet sur ce point alors que LABO CONSEIL précise dans son devis le nom de l'assureur.

Il est constant que l'entreprise est tenue à une obligation de résultat et qu'elle doit à ce titre toute garantie à son client en justifiant d'une assurance.

Par ailleurs le devis émanant à l'évidence d'une entreprise spécialisée dans l'aménagement spécifique à ce type d'activité, dont le domaine concerne tous corps d'état, le devis proposé inclut nécessairement une coordination de ses différents intervenants. Il sera à cet égard souligné que LABO-CONSEIL se présente d'ailleurs comme maître d''uvre (pièce 19) et qu'elle vise deux attestations d'assurance la garantissant au titre de l'assurance décennale des constructeurs et de la responsabilité contractuelle civile travaux, de sorte qu'il n'est pas justifié de frais supplémentaires à ce titre.

Toutefois l'importance de l'opération de réaménagement rend légitime la demande de prise en compte d'une mission de pilotage pour superviser et veiller à la synchronisation des opérations d'aménagement, de déménagement et de réinstallation dans les nouveaux locaux. Il sera alloué pour ces prestations une somme de 10000€.

Montant total des frais de réinstallation : .926,81€ HT

1-2-3-Trouble commercial

Trouble commercial

Salaires et charges improductifs

Décision du jugement entrepris

188 216

soit 945 € pour le trouble commercial pour 3 mois de résultat sur la moyenne de 2007 à 2009 et 178 741 € pour salaires et charges (1,5mois)

Demande de l'appelante

486847

238320

Demande de la SEMAVIP

188216

Proposition du commissaire du gouvernement

188216

L'évaluation du premier juge correspond selon l'usage à 3 mois de résultat moyen d'exploitation et 1,5 mois du montant des salaires et charges sociales de la dernières année de référence.

L'appelante expose que si elle a pu se préparer à un transfert sur un autre site compte tenu de l'annonce de l'expropriation, elle n'a en revanche disposé d'aucun élément précis sur le montant des indemnités qu'elle percevrait ni sur la date définitive de son départ. Elle expose qu'une gestion avisée l'a conduite à prendre des locaux à titre précaire dans un premier temps avec promesse de bail dans un second temps au regard de ces incertitudes. Elle prétend qu'elle n'est pas en mesure de financer sa réinstallation de ses propres deniers et ne pourra le faire qu'après perception de l'intégralité des indemnités. Elle justifie le préjudice commercial allégué par la perturbation causée par le transfert et la réinstallation et par la perte quasi certaine de la clientèle fidélisée, en invoquant l'impossibilité de recourir à la sous-traitance de sa fabrication pendant cette période intermédiaire, la nécessité d'annuler des contrats déjà passés et la fermeture des magasins dans lesquels elle commercialise sa production. Elle chiffre sa demande à 1 mois de chiffre d'affaire des dernières années d'exercice pour le trouble commercial (486 847€ )et pour les salaires et charges improductifs à deux mois en raison de l'importance des travaux à réaliser (231 537€).

Le commissaire du gouvernement et la SEMAVIP admettent un trouble commercial sur la base de 3 mois de la moyenne des résultats d'exploitation de 2007, 2008 et 2009 et un préjudice pour salaires et charges improductifs à hauteur de 1,5mois.

CHARLES TRAITEUR ne peut prétendre ne pas maîtriser la date de son départ car, ainsi que rappelé par le premier juge cette date est fixée par la loi à un mois suivant le paiement de l'indemnité, et rien ne l'empêche d'anticiper l'organisation de sa réinstallation.

En outre elle n'établit pas une quelconque impossibilité de préfinancer à tout le moins partiellement par un emprunt relais son transfert sur un autre site, moyennant le cas échéant indemnisation du coût financier d'un tel emprunt, ni ne justifie de la rupture annoncée de contrats de traiteurs alors qu'elle dispose de facto et au contraire de temps pour négocier les conditions d'une sous-traitance pendant les travaux de réinstallation à venir.

En conséquence la cour confirmera la valeur d'indemnisation retenue par le premier juge sur la base de 188.216€.

1-2-4-indemnité pour double loyer

Décision du jugement entrepris

0

Demande de l'appelante

57000

Demande de la SEMAVIP

0

Proposition du commissaire du gouvernement

0

Le jugement entrepris a fait valoir que CHARLES TRAITEUR ne précisait pas dans quels locaux elle s'installera, et qu'elle n'a pas donné d'indication sur les conditions de son installation future, qu'il n'était pas certain qu'elle serait en location.

L'appelante fait valoir que sa demande d'indemnisation du double loyer est conforme à la jurisprudence de la cour. Le montant de sa demande correspond à environ 6 mois de loyer.

Le commissaire du gouvernement indique que ce poste de préjudice n'est pas certain.

Force est de constater qu'il ne s'agit effectivement pas d'un préjudice certain puisque non seulement l'hypothèse d'une acquisition de locaux ne peut être exclue sur la seule affirmation de CHARLES TRAITEUR, mais aussi parce que les conditions d'un nouveau bail peuvent inclure une franchise de loyer qui devrait nécessairement être prise en compte dans l'appréciation du préjudice réellement subi. Il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

1-2-5-frais divers

Les parties s'accordent sur le montant de 15000€ alloué en première instance qu'il convient de confirmer.

1-2-6-autres demandes de CHARLES TRAITEUR

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a sursis à statuer sur les demandes pour frais éventuels de licenciement en lien direct avec l'expropriation.

2-Demandes des trois autres sociétés

Le premier juge a estimé que le préjudice allégué par les personnalités morales distinctes des 3 sociétés intervenantes relevait d'un choix délibéré car dès lors qu'elles sont sur les plans juridique, fiscal comptable et social indépendantes, qu'elles se sont organisées en totale dépendance de CHARLES TRAITEUR qui les alimente quotidiennement en produits alimentaires, et a limité l'indemnisation des préjudices allégués.

La SEMAVIP conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il ne pouvait évoquer un choix d'organisation créant délibérément une dépendance complète envers CHARLES TRAITEUR et donc les préjudices subséquents tout en les indemnisant au titre de l'expropriation. Elle ajoute que CHARLES TRAITEUR n'a une participation que minoritaire de 10% dans le capital de ces trois sociétés.

Le commissaire du gouvernement rappelle que CHARLES TRAITEUR n'a pas le monopole de la fabrication d'aliments cacher à [Localité 1] et en région parisienne, et que ces sociétés peuvent s'organiser auprès de fournisseurs pendant la durée de la réinstallation CHARLES TRAITEUR.

2-1-CHARLES GOURMET

Le premier juge a admis le principe d'un préjudice commercial qu'il a évalué à 41.163€ sur la base de 3/12 du résultat d'exploitation annuel moyen (53037€) soit 13260€ et de 1,5/12 au titre des charges et salaires de 2009 soit 27903€.

Pour autant si les pièces versées aux débats indiquent que cette société est détenue à raison de 10% de son capital social soit à hauteur de 800€ par la société expropriée CHARLES TRAITEUR, il ne saurait s'évincer de cette participation minoritaire un lien de causalité certain entre le transfert de cette dernière dans de nouveaux locaux et la perte d'exploitation alléguée. En effet rien dans les pièces communiquées ne démontre une exclusivité d'approvisionnement de CHARLES GOURMET auprès de CHARLES TRAITEUR, et il n'est pas exposé en quoi la première n'aurait pas été en mesure d'adapter son exploitation pour la période de transition au demeurant limitée (durée des travaux et transfert de CHARLES TRAITEUR) compte tenu du délai entre l'annonce de l'expropriation et la date à venir du déménagement.

Il convient en conséquence en l'absence de certitude sur le préjudice allégué à venir et en l'absence de lien de causalité d'un tel préjudice avec le transfert de locaux de CHARLES TRAITEUR d'infirmer le jugement entrepris.

2-2-CHARLES PATISSIER

Le premier juge a admis le principe d'un préjudice commercial qu'il a évalué à 30249€ sur la base de 3/12 du résultat d'exploitation annuel moyen (25902€) soit 6476€ et de 1,5/12 au titre des charges et salaires de 2009 soit 23773€.

Pour mêmes motifs il convient, en l'absence de certitude sur le préjudice allégué à venir et en l'absence de lien de causalité d'un tel préjudice avec le transfert de locaux de CHARLES TRAITEUR d'infirmer le jugement entrepris.

2-3-CHARLES TRADITION

Le premier juge a admis le principe d'un préjudice commercial qu'il a évalué à 42643€ sur la base de 3/12 du résultat d'exploitation annuel moyen (45238€) soit 11310€ et de 1,5/12 au titre des charges et salaires de 2009 soit 31333€.

Pour mêmes motifs il convient, en l'absence de certitude sur le préjudice allégué à venir et en l'absence de lien de causalité d'un tel préjudice avec le transfert de locaux de CHARLES TRAITEUR d'infirmer le jugement entrepris.

3-autres demandes

il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris SAUF

1-en ce qu'il a fixé à 637.222€ le montant global de l'indemnité due par la Société d'économie mixte d'aménagement de la Ville de Paris (SEMAVIP) la société CHARLES TRAITEUR, pour son éviction des locaux exploités par elle dans les locaux du [Adresse 1],

Statuant de nouveau de ce chef,

FIXE à 687.847,21€ le montant de l'indemnité due par la Société d'économie mixte d'aménagement de la Ville de Paris (SEMAVIP) la société CHARLES TRAITEUR, pour son éviction de ces locaux.

2-en ce qu'il a fixé des indemnités dues aux sociétés CHARLES GOURMET, CHARLES PATISSIER et CHARLES TRADITION,

Statuant à nouveau de ce chef,

DEBOUTE les sociétés CHARLES GOURMET, CHARLES PATISSIER et CHARLES TRADITION de leurs demande de fixation d'indemnité,

CONDAMNE la SEMAVIP à payer la société CHARLES TRAITEUR la somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 11/03246
Date de la décision : 10/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°11/03246 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-10;11.03246 ?
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