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10/04/2014 | FRANCE | N°13/00158

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 10 avril 2014, 13/00158


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 10 Avril 2014

(n° 12 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00158



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section commerce - RG n° 11/02270





APPELANT

Monsieur [T] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Aurélien WUL

VERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : C16





INTIMÉE

SA LA SOCIETE KOOKAI

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier GRET, avocat au barreau de LYON, toqu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 10 Avril 2014

(n° 12 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00158

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section commerce - RG n° 11/02270

APPELANT

Monsieur [T] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : C16

INTIMÉE

SA LA SOCIETE KOOKAI

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier GRET, avocat au barreau de LYON, toque : 1421

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Renaud BLANQUART, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [P] a été embauché par la SA KOOKAI ( plus loin 'la SA' ), en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 23 avril 2007, en qualité de gestionnaire approvisionnement.

Sa rémunération moyenne brute était de 2.581, 81 €, primes comprises, lors de la rupture de son contrat de travail .

La SA emploie plus de 11 salariés. La convention collective applicable est celle des maisons à succursales de vente au détail de vêtements.

Par lettre du 11 mai 2011, présentée le 13 mai suivant, Monsieur [P] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 20 mai suivant.

Par lettre du 26 mai 2011, Monsieur [P] a été licencié pour faute grave, aux motifs :

que sa manager l'ayant vu lire lisant un journal près de la machine à café, le mercredi 11 mai 2011, en milieu de matinée, en lui faisant remarquer que ce n'était pas opportun et de cesser, il avait répondu que c'était son temps de pause,

- que le Président directeur général l'ayant convoqué pour lui indiquer que la lecture du journal dans un environnement où il avait été demandé à tous de se mobiliser, était inapproprié et irrespectueux à l'égard de ses collègues au travail et qu'il ne tolérerait pas ce type de comportement déplacé, il avait préféré quitter son poste de travail sur le champ,

- qu'il n'avait, donc, pas respecté les consignes de ses managers,

- avait eu une réaction inappropriée, dans son ton, ses échanges et son attitude à l'égard de sa hiérarchie,

- avait eu une réaction disproportionnée à la suite de remarques, en abandonnant son poste de travail.

Le 31 mai 2011, Monsieur [P] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny, aux fins de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux fins d'indemnisation.

Par jugement en date du 4 décembre 2012, le Conseil de Prud'hommes de Bobigny a :

- débouté Monsieur [P] de ses demandes,

- débouté la SA de sa demande fondée sur l'article 700 du CPC,

- condamné Monsieur [P] aux dépens.

Le 8 janvier 2013, Monsieur [P] a interjeté appel de cette décision.

L'affaire devant être examinée par la Cour le 7 avril 2015, par lettre du 24 juillet 2013, le Conseil de Monsieur [P] a demandé que cette audience soit fixée de façon prioritaire. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 14 octobre 2013.

Présent et assisté par son Conseil, Monsieur [P] a, à l'audience du 14 février 2014, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour :

- de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de condamner la SA à lui verser les sommes suivantes :

- 3.714, 54 €, à titre de rappel de primes contractuelles,

- 371, 45 €, bruts, au titre des congés payés y afférents,

- 1.541, 46 €, à titre de rappel sur mise à pied,

- 154, 14 €, au titre des congés payés y afférents,

- 7.745, 43 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 774, 54 €, au titre des congés payés y afférents,

- 2.220, 35 €, à titre d'indemité conventionnelle de licenciement,

- 50.000 €, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- d'ordonner l'exécution provisoire sur l'intégralité du 'jugement',

- d'ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à POLE EMPLOI conforme au 'jugement' à intervenir, sous astreinte de 50 € par document et par jour de retard,

- de laisser les dépens à la charge de la partie 'défenderesse'.

Représentée par son Conseil, la SA a, à cette audience du 14 février 2014, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour :

- de dire que le licenciement de Monsieur [P] repose sur une faute grave,

- de dire que ce dernier a été indemnisé du préjudice résultant du défaut de fixation de ses objectifs,

- de débouter Monsieur [P] de ses demandes,

- de condamner Monsieur [P] aux dépens,

- de condamner Monsieur [P] à lui verser la somme de 1.000 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux écritures, visées le 14 février 2014, et réitérées oralement à l'audience.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la part variable de rémunération

Considérant que Monsieur [P] fait valoir que son contrat de travail prévoyait qu'il bénéficierait d'une rémunération variable dont le montant pourrait représenter entre 0 et 8% de sa rémunération annuelle brute, en fonction des objectifs quantitatifs et qualitatifs qui lui seraient fixés semestriellement par son responsable hiérarchique ; que ses objectifs ne lui ont pas été fixés en début d'exercice ; qu'il est, donc, en droit de réclamer la différence entre les primes qui lui ont été versées, à ce titre, et le montant maximum contractuellement prévu de cette part variable, au taux de 8% ;

Que la SA fait valoir qu'il est vrai qu'elle n'a pas fixé d'objectifs à l'appelant, mais lui a versé régulièrement au moins 50% de la prime maximum mensuelle ; que ce dernier a, donc, été indemnisé de la perte de chance résultant du défaut de fixation de ses objectifs ; que l'appelant fait preuve de mauvaise foi, alors qu'il a perçu forfaitairement au moins 50% de sa prime potentielle annuelle, s'est accommodé de ce système pendant des années et n'a jamais sollicité la fixation de ses objectifs ; que sa demande doit être rejetée ;

Considérant que l'article 5 du contrat de travail de Monsieur [P] stipule : 'votre rémunération mensuelle brute est fixée à 1.900 € pour 35 heures par semaine.

Par ailleurs, vous serez bénéficiaire d'un système de rémunération variable en vigueur dans l'entreprise dont le montant peut représenter entre 0 et 8% de votre rémunération annuelle brute en fonction des objectifs tant quantitatifs que qualitatifs qui vous seront fixés semestriellement par votre responsable hiérarchique.' ; que ces dispositions ne s'accompagnent d'aucune précision relative à leurs conditions d'application dans le temps et, notamment, pour l'année en cours lors de la conclusion du contrat de travail, aux conditions de versement de cette part de rémunération, ou à la présence, nécessaire ou non du salarié dans l'entreprise, pour pouvoir en bénéficier ;

Que la privation d'une partie de rémunération ne constitue pas une perte de chance ; qu'à défaut d'objectifs assignés au salarié pour l'obtention de sa rémunération variable, celle-ci est due en totalité ; que si une partie du salaire peut dépendre d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur, ce salaire est intégralement acquis au salarié si l'employeur n'a pas précisé ses objectifs, ni fixé les conditions de calcul de cette rémunération ; que la SA, qui confirme n'avoir pas fixé d'objectifs à l'appelant, entre la date de son embauche et celle de son licenciement, ne fournit aucune explication relative aux critères quantitatifs et qualitatifs qu'elle entendait retenir, pour fixer la part variable considérée, à la façon dont Monsieur [P] y aurait, ou non, satisfait, ni au mode de fixation, par elle, des primes qu'elle a allouées à ce dernier, à concurrence de :

- 0% de sa rémunération annuelle, en 2007,

- 6%, en 2008,

- 4% en 2009,

- 4% en 2010 ;

Qu'alors que les pourcentages de rémunération annuelle alloués à l'appelant ne se sont fondés et ne se fondent sur aucune explication générale ou précise de la SA, ne pouvant, donc, être considérés comme déterminés justement, Monsieur [P] est fondé à réclamer le paiement de la part de sa rémunération, dans son intégralité, soit à concurrence du pourcentage le plus élevé de sa rémunération annuelle brute, pour toutes les années considérées ; qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit à sa demande, en lui allouant la somme de 3.714, 54 € bruts qu'il réclame, qui constitue la différence entre ce qu'il a perçu et le montant maximum de la part variable de rémunération litigieuse ; qu'il y a lieu de lui allouer, également, la somme de 371, 45 € bruts, au titre des congés payés y afférents ;

Sur le licenciement

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code, doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'en vertu des dispositions de l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; que la motivation de cette lettre fixe les limites du litige ;

Qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, en date du 26 mai 2011, notifiée à Monsieur [P] mentionne :

'... nous vous notifions, par la présente, votre licenciement en application de l'article L 1232-6 du Code du travail.

En effet, le mercredi 11 mai dernier en milieu de matinée, votre manager [Z] [R] vous aperçoit près de la machine à café à lire le journal l'Equipe et vous fait la remarque que ce n'est pas opportun et vous demande de cesser. Nous vous rappelons que la société a besoin, plus que jamais, de l'implication de chacun. Au lieu de satisfaire à la demande faite par votre hiérarchique (sic) et de reprendre votre poste de travail comme il se doit, vous lui répondez sur un ton déplacé que c'est l'heure de votre pause.

Monsieur [B], votre Président directeur général, vous convoque dans son bureau pour vous indiquer que la lecture du journal dans un environnement où la direction a demandé à tout son personnel de se mobiliser au travail est non seulement inappropriée mais également irrespectueux à l'égard de vos collègues en situation de travail. Vous faites à nouveau preuve d'incompréhension et d'absence de remise en cause et face à votre Président directeur général qui vous indique qu'il ne tolérera pas ce type de comportement déplacé, vous préférez quitter votre poste de travail sur le champ.

Un tel comportement est plus qu'inadmissible et ce à plusieurs égards :

- en 1er lieu, nous vous reprochons le non-respect des consignes de vos managers. Vous lisiez le journal au milieu de la société, à la vue de tous, sur votre temps de travail et trouvez pourtant illégitime que votre responsable vous en fasse la remarque. [H] [Y] vous avait pourtant alerté à plusieurs reprises sur votre comportement désinvolte qui témoignait d'un vrai manque de professionnalisme dans le contexte actuel. Vous avez donc refusé de vous conformer aux directives de votre hiérarchie.

- en 2ème lieu, votre réaction est inappropriée, tant dans le ton employé dans vos échanges que dans l'attitude de fronde que vous avez adoptée à l'encontre de votre hiérarchie. L'insolence et la défiance vont à l'encontre de nos valeurs et ne peuvent être tolérées dans notre société.

En dernier lieu, votre réaction est également totalement disproportionnée. Vous avez, à partir d'une remarque sur le comportement attendu de nos collaborateurs, été jusqu'à abandonner sur le champ votre poste de travail. Sachez que cet emportement constitue un manquement grave à vos obligations contractuelles.

Vous n'avez, de toute évidence, pas su vous remettre en cause, puisque tant votre attitude que les arguments présentés au cours de l'entretien démontrent que vous n'avez toujours par réalisé ou que vous ne voulez pas reconnaître que vous aviez témoigné de l'irrespect envers vos hiérarchiques, jusqu'à votre Président directeur général, outrepassé vos droits et oublié vos obligations professionnelles.

Nous ne pouvons accepter un tel comportement et estimons qu'il rend impossible la poursuite de notre collaboration.

En conséquence, nous nous voyons dans l'obligation de mettre un terme à notre collaboration pour faute grave...';

Que la SA, tenue de prouver la faute grave qu'elle invoque, fait valoir que, le 11 mai 2011, en milieu de matinée et en dehors de toute pause, Monsieur [P] s'est cru autorisé à lire le journal vers la machine à café organisée en open space, visible de la quasi totalité des bureaux ; que sa responsable lui ayant fait remarquer que c'était une attitude inopportune devant ses collègues de travail, en lui demandant de cesser, Monsieur [P] a prétexté qu'il s'agissait de sa pause et a continué de lire son journal ostensiblement ; que le Président directeur général l'ayant convoqué pour lui faire part de sa réprobation, Monsieur [P] a quitté la société et ne s'est pas présenté le lendemain ; qu'elle a mis en place un système d'horaires individualisés permettant une souplesse d'organisation du travail, avec plages fixes et plages variables ; que la seule pause prévue est celle du déjeuner, de 1 heure entre 12h et 14h ; qu'il a été accepté que la plage fixe de Monsieur [P] commence entre 10h et 10h30 ; que le Code du travail ne prévoit de pause obligatoire de 20 minutes qu'après 6 heures de travail continu ; que Monsieur [P] a pris son poste à 10h42 et s'est octroyé immédiatement une pause, qu'il n'a jamais été reproché à un salarié d'aller chercher un café sur son temps de travail ; qu'en revanche l'attitude de Monsieur [P] dépasse cette tolérance ; qu'il s'y est ajouté une attitude de défiance vis à vis de Madame [R] et de Monsieur [B] Président directeur général de la société, Monsieur [P] campant sur ses positions et considérant son comportement comme légitime ; que le Conseil de Prud'hommes a retenu que l'appelant se trouvait en horaire de travail lorsqu'il s'est octroyé une pause ; que le courriel dont se prévaut Monsieur [P] insistait sur le respect des plages fixes de travail, les seules pendant lesquelles l'ensemble du personnel travaille ensemble ; que Monsieur [P] a quitté immédiatement l'entreprise ; qu'en première instance, il soutenait avoir normalement repris son poste après avoir été convoqué par le Président directeur général, qu'elle justifie de son départ à 10h54, soit pendant une plage fixe de travail, que, désormais, Monsieur [P] prétend qu'il aurait été mis à pied verbalement ; qu'il n'y a lieu de légitimer l'argumentation à géométrie variable de l'appelant ; qu'elle produit l'attestation de Monsieur [B] confirmant que le salarié a mis fin à l'entretien et quitté l'entreprise ; que cette attestation est parfaitement recevable, d'autant que c'est la responsable des ressources humaines qui a mené la procédure de licenciement ; que Monsieur [B], non spécialiste du droit social, ne maîtrise pas les arcanes de la mise à pied conservatoire ; que s'il avait notifié verbalement une telle mesure, il aurait informé son service des ressources humaines ; que si Monsieur [B] avait souhaité que Monsieur [P] quitte immédiatement l'entreprise, il aurait pu, sans difficulté, faire éditer une convocation à entretien préalable avec mise à pied conservatoire et la remettre en main propre à l'appelant ; qu'il est improbable que, dans une telle situation, Monsieur [P] aurait accepté de quitter l'entreprise sans confirmation écrite de sa mise à pied ; qu'elle a produit devant les premiers juges le contrat de travail du salarié ayant remplacé l'appelant ;

Qu'à l'appui de ses explications, la SA verse aux débats :

- le contrat de travail de Monsieur [P], qui mentionne, notamment, que les horaires de travail sont déterminés par un système d'horaires individualisés dont le règlement lui est remis,

- le règlement considéré, du 30 juin 2007, qui stipule que les horaires de travail sont fondés sur la durée hebdomadaire de 35 heures, l'horaire théorique journalier étant de 7 heures, soit 3h30 minutes pour une demi-journée, que les plages mobiles sont celles au cours desquelles les heures d'arrivée et de sortie peuvent être librement fixées, les plages fixes étant des périodes de présence obligatoire, que la journée de travail se présente sous forme d'une plage variable, de 9h à 9h30, d'une plage fixe, de 9h30 à midi, d'une plage variable, de midi à 14h, comprenant une pause déjeuner, décomptée forfaitairement à concurrence de 60mn, durée maximale de cette pause,, d'une plage fixe de 14h à 16h30, d'une plage variable, de 16h30 à 19h30, que les salariés doivent travailler au minimum 6 heures et au maximum 10 heures, que les heures d'entrée et de sortie sont enregistrées par badge, que le retard est établi si le salarié arrive après 9h30 ;

- un courriel du 18 mai 2010, de Madame [J] à tout les salariés de la SA, estimant nécessaire de rappeler à ces derniers les horaires des plages fixes de travail, leur demandant de les respecter et ajoutant qu'en ce qui concerne les pauses, elle souhaiterait qu'elles soient moins fréquentes et moins longues, comptant sur chacun pour revenir à une normalisation,

- un échange de courriels, du 21 mai 2010, entre deux salariés de la SA, l'une indiquant à l'autre qu'il a été validé que Monsieur [P] démarrerait sa journée entre 10h et 10h30, du fait qu'il était tenu de rester après 17h le soir, pour affecter les commandes aux clients export,

- une attestation de Monsieur [B], Président directeur général de la SA, indiquant que, le 11 mai 2011, il a fait part à l'appelant de sa réprobation au regard du comportement qu'il venait d'avoir et de la réponse qu'il avait faite aux remarques de [Z] [R], qu'il avait indiqué qu'il était déplacé de lire le journal en pleine matinée sur son temps de travail et de ne pas respecter les directives légitimes de sa supérieure hiérarchique, que Monsieur [P] n'avait absolument pas pris en compte ses remarques lors de cet entretien, que, de plus, ce dernier avait préféré camper sur ses positions, fort de ce qu'il avait qualifié de droit et oubliant ses devoirs envers ses collègues de travail, ses responsables et l'entreprise, qu'il avait indiqué à celui-ci que ce type de comportement n'était pas acceptable et qu'il devait respecter les autres, ce sur quoi, le salarié avait mis fin à l'entretien et avait quitté l'entreprise,

- une édition de badgeage, indiquant que, le 11 mai 2011, Monsieur [P] a badgé à son arrivée à 10h42 et à sa sortie, à 10h54, ayant badgé la veille à 9h47 et l'avant-veille à 9h48,

- les écritures de Monsieur [P], en première instance, mentionnant qu'il n'y avait jamais eu d'abandon de poste de sa part, puisqu'il avait normalement repris son travail après avoir été convoqué dans le bureau du Président directeur général ;

Que Monsieur [P] fait valoir, pour sa part, que les relations de travail se sont déroulées normalement, sans qu'il fasse l'objet de sanction disciplinaire ; qu'il lui est reproché d'avoir lu le journal pendant son temps de pause, alors que, pendant son temps de pause, il est libre de vaquer à ses occupations, le journal considéré ayant, en outre, été acheté par la société ; qu'il produit un courriel du 21 mai 2010, selon les termes duquel son employeur l'avait autorisé à ne commencer son travail qu'à 10h, ce qui confirme l'absence de faute grave ; que, s'agissant de son attitude, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, qui a retenu que le seul témoignage de l'employeur ne constituait pas une preuve suffisante ; que, s'agissant de son abandon de poste, c'est l'employeur qui lui a intimé l'ordre de partir, dans la mesure où il allait être convoqué à un entretien préalable ; qu'il n'était, donc, pas en absence injustifiée, sans quoi l'employeur l'aurait mis en demeure de reprendre son travail, ce qu'il n'a pas fait ; qu'en tout état de cause, un fait isolé aussi mineur, ne constitue pas une cause de licenciement ; que ce licenciement est un prétexte, son réel motif étant, sans doute, économique ;

Qu'à l'appui de ses explications, Monsieur [P] verse aux débats, s'agissant de son licenciement, le courriel de Madame [J], précité, relatif au respect nécessaire des plages horaires fixes et l'échange de courriels relatif au démarrage de sa journée entre 10h et 10h30 ;

Qu'il résulte de ce qui précède qu'alors que le18 mai 2010, il avait été rappelé à tous les salariés de la SA que les horaires de plages fixes de travail devaient être respectés et les pauses, moins fréquentes et moins longues, Monsieur [P] est arrivé sur son lieu de travail, le 11 mai 2011, à 10h42, alors qu'il était autorisé à arriver entre 10h et 10h30 et qu'à cette heure, la plage fixe de travail du matin était applicable à tous ; qu'alors que le système de badgeage indique qu'il a badgé à 10h54, pour quitter l'entreprise, il a, donc, arrivé en retard, commencé sa journée de travail par la lecture d'un journal près de la machine à café, sans contester le fait, souligné par la SA qu'il était alors visible des autres salariés, dont la part variable de travail avait commencé entre 9h et 9h et la part fixe à 9h30 ;

Qu'expliquant cette circonstance par le fait qu'il était en pause, l'appelant ne se réfère à aucun texte général ou interne à l'entreprise, prévoyant une telle pause au moment de la prise d'activité ; que l'article L 3121-33 du Code du travail stipulant que dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes, tel n'était pas le cas en l'espèce ; que le règlement des horaires individualisés de la SA n'évoque qu'une pause déjeuner ; que la lecture du journal au sein de l'entreprise, sitôt après son arrivée à 10h42, par Monsieur [P], ne s'inscrivait, donc, pas dans le cadre d'une pause régulière, mais différait le moment de sa mise au travail, face aux autres salariés, tenus d'être obligatoirement présents et en activité, depuis près d'une heure et quart ;

Que s'il est exact que la SA ne justifie pas de la teneur des propos tenus par l'appelant à l'adresse de sa manager, Madame [R], ce dernier ne conteste ni le fait que cette dernière lui aurait demandé de cesser de lire le journal, ni le fait qu'il n'en aurait pas tenu compte, en invoquant sa pause, comme il l'invoque encore devant la Cour ;

Qu'alors que l'appelant confirme avoir été convoqué, ensuite, par le Président directeur général de l'entreprise, puis avoir quitté l'entreprise, contrairement à ce qu'il affirmait devant les premiers juges, la SA justifie, par la production du tableau de badgeage susvisé, de ce que ce départ n'a été suivi d'aucun retour dans cette journée du mercredi 11 mai 2011, ni les jeudi et vendredi suivants, ne mentionnant pas de badgeages et notés en 'absences' ;

Que c'est à juste titre que l'appelant fait valoir que l'attestation de Monsieur [B] constitue un témoignage fait par l'employeur à lui-même ; que si cette attestation ne doit pas, pour autant, être écartée des débats, sa portée ne peut qu'être relativisée ; que si l'attestation considérée faisant état d'un comportement de l'appelant, elle ne mentionne pas ses propos ; que le ton contestable, alors employé par Monsieur [P], dans cet échange ou son insolence ne sont, donc, pas étayés ;

Qu'alors qu'il est justifié du fait que Monsieur [P] a quitté l'entreprise, à 10h54, pendant une plage fixe de travail, alors qu'il venait de s'entretenir avec le Président directeur général de cette dernière, et n'a pas reparu dans la journée, ni les deux jours qui ont suivi, l'appelant, après avoir affirmé devant les premiers juges qu'il avait repris son poste, soutient, désormais que Monsieur [B] lui a intimé l'ordre de partir avant d'être convoqué à un entretien préalable à un licenciement ; qu'il n'étaye cette affirmation par aucun moyen de preuve, ne serait-ce qu'une lettre de sa part, consécutive à son départ ; que la lettre de convocation à entretien préalable, en date du 11 mai 2011, adressée à Monsieur [P] par la voie postale et reçue par ce dernier le 13 mai suivant, sans avoir été remise en main propre, mentionne, mais ne confirme pas, qu'il est mis à pied à titre conservatoire ; que cette mise à pied ayant pris effet à la date de sa notification, c'est à compter du 13 mai 2011, mais non auparavant, que Monsieur [P] pouvait et devait n'être pas présent dans l'entreprise ; que l'abandon de poste qui lui est reproché est, donc, établi ;

Que Monsieur [P] faisant valoir que la SA, s'il était parti sans y avoir été obligé, n'aurait pas manqué de lui adresser une mise en demeure de reprendre son poste, force est de constater que les faits se sont produits le 11 mai, que la SA ayant choisi d' adresser au salarié, le même jour, une lettre de mise à pied conservatoire et que, dans ces conditions, l'absence d'envoi concomitant, par elle, d'une mise en demeure d'avoir à reprendre ses fonctions, s'explique parfaitement et ne vient nullement confirmer le fait que l'employeur lui aurait intimé l'ordre de partir de l'entreprise ;

Que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, la SA fait la preuve de ce que Monsieur [P] n'a pas respecté les consignes de ses managers, relatives au temps de travail, en s'accordant, le 11 mai 2011, irrégulièrement, une pause lors de sa prise d'activité, pendant son temps de travail et en ne tenant pas compte des observations de sa supérieure hiérarchique à ce sujet, de ce qu'il a, le même jour, quitté l'entreprise, à l'issue de l'entretien qu'il avait eu avec le Président directeur général de cette entreprise, lui faisant part de sa réprobation et de ce qu'il a abandonné son poste jusqu'à se voir notifier, le 13 mai suivant, une mise à pied conservatoire ; que si les autres griefs ou circonstances mentionnés dans la lettre de licenciement, remarques préalables de Madame [Y], usage d'un ton déplacé, attitude de fronde, insolence, ne sont pas étayés, les seuls faits démontrés justifiaient qu'il soit mis fin au contrat de travail de l'appelant ;

Que le seul abandon de poste reproché à Monsieur [P] et établi, ne permettait pas la poursuite de la relation de travail, fût-ce pendant le temps d'un préavis ; que si la SA ne conteste pas l'affirmation de Monsieur [P] selon laquelle ce dernier n'aurait pas fait préalablement l'objet de sanctions disciplinaires, l'appelant ne peut qualifier de mineur l'ensemble des faits établis ayant fondé son licenciement, qui ne se résument pas à un moment de lecture d'un journal ; qu'il y a lieu, en conséquence, de dire bien fondé le licenciement, pour faute grave, de Monsieur [P] et de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté les demandes de ce dernier, relatives à ce licenciement ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il n'y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent arrêt, exécutoire, même en cas de pourvoi en cassation ;

Que, compte tenu de ce qui précède, l'appelant ne sollicitant que la remise d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à POLE EMPLOI, par la SA, il y a lieu de rejeter sa demande, sur ce point ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés ;

Que la SA, qui succombe en partie, devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [P] de sa demande, tendant au paiement d'un solde de part variable de rémunération,

- condamné Monsieur [P] aux dépens,

Statuant à nouveau, sur ces points,

Condamne la SA KOOKAI à verser à Monsieur [P] les sommes de :

- 3.714, 54 € bruts, à titre de rappel de part variable de rémunération,

- 371, 45 € bruts, au titre des congés payés y afférents,

Condamne la SA KOOKAI aux dépens de première instance,

Confirme le jugement entrepris, pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit bien-fondé le licenciement de Monsieur [P], pour faute grave,

Rejette les demandes des parties fondées sur l'article 700 du CPC,

Condamne la SA KOOKAI aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/00158
Date de la décision : 10/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°13/00158 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-10;13.00158 ?
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