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11/04/2014 | FRANCE | N°12/22909

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 11 avril 2014, 12/22909


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 11 AVRIL 2014



(n°2014- , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/22909



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/10596



APPELANTES



Société ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR

agissant en la personne de son représentant léga

l

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Société ASSOCIATIONS MUTUELLES LE CONSERVATEUR

agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentées par Me Na...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 11 AVRIL 2014

(n°2014- , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/22909

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/10596

APPELANTES

Société ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR

agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Société ASSOCIATIONS MUTUELLES LE CONSERVATEUR

agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentées par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistées par René DESPIEGHELAERE, plaidant pour AARPI Angle droit Avocat, avocat au barreau de Lille

INTIME

Monsieur [O] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Claude JULIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0505

Assisté par Me Aurélie NGUYEN, avocat au barreau de Paris, toque D505 substituant Me Pierre-Henry BILLARD, avocat au barreau de Dijon

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Anne VIDAL, ayant été préalablement entendue en son rapport, l'affaire a été débattue le 27 février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente de chambre

Madame Françoise MARTINI, Conseillère

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Claire VILAÇA

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise MARTINI, Conseillère, pour la présidente empêchée et par Malika ARBOUCHE, greffier.

---------------------------

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [O] [N] a conclu avec les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR (dénommées ensemble LE CONSERVATEUR) un contrat en date du 4 mai 2001 lui donnant le statut de mandataire non salarié à effet du 1er mars 2001, sa mission consistant en la recherche de personnes susceptibles de souscrire des contrats d'assurance auprès du CONSERVATEUR. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant signé le 8 décembre 2008. Se plaignant de la désactivation de son compte professionnel intervenue le 15 décembre 2008, M. [O] [N] a fait assigner LE CONSERVATEUR, d'abord devant le juge des référés puis devant le tribunal de grande instance de Paris au fond après réception d'une lettre de résiliation de son mandat, suivant acte d'huissier en date du 12 juin 2009, pour voir dire cette résiliation abusive et obtenir la condamnation des défenderesses in solidum à lui verser la somme de 856.872 € à titre de dommages et intérêts correspondant à dix ans de commissions sur les tontines auxquelles il pouvait prétendre, outre 5.000 €, sauf à parfaire, au titre du récurrent du dernier trimestre 2008.

Par un premier jugement en date du 20 janvier 2011, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné la réouverture des débats en demandant aux parties de présenter leurs observations sur l'article 14 du mandat du 4 mai 2001 modifié par l'avenant du 17 juin 2005 et sur les modalités de calcul de l'indemnité prévue à cet article, considérant dans ses motifs que le CONSERVATEUR était mal fondé à invoquer une faute grave justifiant l'absence de préavis.

A la suite des explications données par les parties et des nouvelles demandes chiffrées de M. [O] [N] réclamant le paiement de la somme de 110.518 € au titre de l'indemnité de cessation de contrat prévue à l'article 14 et de celle de 90.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de céder son portefeuille de gré à gré, outre celle de 5.000 € correspondant au récurrent du dernier trimestre 2008, le tribunal de grande instance de Paris a condamné les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Associations Mutuelles à payer à M. [O] [N] les sommes de 60.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation du mandat, 2.500 € au titre du récurrent 2008 et 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, avec le bénéfice de l'exécution provisoire. Il a retenu que la résiliation du contrat n'était pas justifiée par une faute grave, que l'indemnité de 1'article 14 était due, mais que les modalités de calcul qui devaient être fixées en 2001 ne l'avaient pas été et qu'à défaut, il convenait de se référer, dans une certaine mesure, à ce qui est alloué en cas de licenciement d'un salarié et de fixer l'indemnité à la somme de 60.000 €, tenant compte à la fois de l'indemnité de cessation d'activité contractuelle et du fait que le mandataire n'avait pas pu céder son portefeuille en raison de la rupture brutale.

Les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Associations Mutuelles ont interjeté appel des deux décisions du tribunal de grande instance de Paris suivant déclaration en date du 17 décembre 2012.

----------------------

Les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR (LE CONSERVATEUR), aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 6 février 2014, demandent à la cour de réformer les décisions déférées en toutes leurs dispositions, de débouter M. [O] [N] de toutes ses demandes et de le condamner à leur verser la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles font valoir, pour l'essentiel de leurs explications, les éléments suivants :

Sur la rupture du contrat de mandat pour faute grave :

le CONSERVATEUR a notifié à M. [O] [N] la résiliation de son contrat pour faute grave par lettre recommandée du 29 décembre 2008 réexpédiée le 23 janvier 2009 ;

les fautes tiennent à la réclamation d'une cliente, Mme [S], indiquant que M. [O] [N] avait rempli lui-même le formulaire de conseil personnalisé en indiquant, à sa place, ne pas vouloir répondre aux questions, à l'absence de mention sur le caractère exclusif ou non de son mandat et sur son n° d'immatriculation à l'ORIAS, à la constatation de la remise au CONSERVATEUR d'un exemplaire du formulaire de conseil personnalisé concernant le contrat d'assurance vie souscrit par la cliente non conforme à celui remis à celle-ci (l'ajout de la formule manuscrite « performances avec un niveau de risque élevé » démontrant une falsification), enfin à la souscription d'un contrat investi majoritairement sur des supports à capital variable, lui attribuant le profil le plus risqué sur l'échelle d'aversion au risque, alors que Mme [S] souhaitait un placement sécuritaire excluant tout rapport avec les marchés financiers ;

ces fautes constituent des fautes graves dès lors qu'il y a eu falsification, sachant que la responsabilité du CONSERVATEUR était engagée à raison des manquements de son mandataire dans ses obligations ;

contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, si le CONSERVATEUR a été avisé par la cliente le 23 octobre 2008, soit avant la signature de l'avenant au traité de nomination du 8 décembre 2008, il n'a mesuré la gravité des fautes commises que postérieurement, c'est-à-dire à réception du formulaire remis par M. [O] [N] à Mme [S] ;

Sur l'indemnité de résiliation :

l'article 14 du contrat du 4 mai 2001 prévoit le versement d'une indemnité en cas de départ, mais cette indemnité ne concerne pas le CONSERVATEUR puisque les mandataires non-salariés peuvent céder librement leur portefeuille à un autre intermédiaire, mandataire non salarié ou agent général d'assurances ; c'est en vain que M. [O] [N] tente d'assimiler son statut à celui d'agent commercial pour réclamer une indemnité compensatrice qui lui est favorable ; seuls les agents généraux d'assurances ont droit à une indemnité et, à supposer que les mandataires non-salariés y aient également droit, l'indemnité ne pourrait être supérieure à celle des agents généraux telle que prévue à l'article 13 de leur traité de nomination, ce qui équivaudrait pour M. [O] [N] à une somme de 5.227 € ;

M. [O] [N] ne peut prétendre à une indemnité de rupture anticipée, conformément à l'article 13 du contrat, en raison de ses fautes graves ;

M. [O] [N] a droit à ses commissions récurrentes pendant l'année suivant sa radiation, soit 2009, mais le récurrent habituellement versé n'a jamais dépassé 2.241,34 € et il a reçu le versement trimestriel de ses commissions récurrentes jusqu'à la fin de l'année 2009.

M. [O] [N], en l'état de ses dernières écritures signifiées le 16 janvier 2014, conclut au rejet de l'appel de les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR et des Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR et, formant appel incident, demande à la cour de :

- condamner solidairement les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR à lui verser la somme de 110.518 € au titre de l'indemnité de cessation de contrat prévue à l'article 14 du mandat,

- dire qu'en le révoquant sans respecter le délai de préavis contractuel, les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR ont commis une faute qui l'a privé de la possibilité de céder son portefeuille de gré à gré et les condamner in solidum à lui verser une somme de 90.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de cette perte de chance,

- condamner in solidum les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR à lui payer la somme de 5.000 €, sauf à parfaire, correspondant au récurrent du dernier trimestre 2008,

- subsidiairement, confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, à l'exception des sommes allouées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il conteste les griefs formulés par Mme [S] à son encontre en indiquant qu'elle a signé la mention selon laquelle elle refusait de répondre aux questions sur son patrimoine et que la souscription d'un contrat d'assurance vie ayant un support boursier était clairement indiquée sur le formulaire et sur le contrat auquel la cliente pouvait renoncer dans le délai d'un mois, ce qu'elle n'a pas fait ; que le formulaire signé par la cliente comportait la case « performance à risque élevé » cochée et que les mentions sont identiques sur les trois exemplaires, l'ajout manuscrit « performances avec un niveau de risque élevé » sur l'exemplaire destiné au CONSERVATEUR étant à usage strictement interne et ne modifiant en rien le contrat signé ; que la cliente ne peut invoquer un manquement au devoir de conseil sur le choix du support UNISIC alors qu'elle a souscrit deux autres contrats strictement identiques pour ses filles en juillet 2008.

Il soutient que l'article 13 du mandat du 4 mai 2001 (seul applicable) prévoit un préavis de trois mois, que le manquement qui lui est reproché ne peut être qualifié de faute grave et que la rupture immédiate est donc aussi irrégulière que mal fondée. Il ajoute que le CONSERVATEUR est d'autant plus mal fondé à invoquer une faute grave justifiant l'absence de préavis qu'il a signé, après connaissance des faits dénoncés par Mme [S], un avenant à son traité de nomination.

Il réclame :

Une somme de 110.518 € au titre de l'article 14 qui prévoit le versement d'une indemnité, quelle que soit la cause de la révocation, ce qui inclut, dit-il, l'hypothèse de la faute grave, indemnité dont les modalités de calcul n'ont jamais été déterminées mais qui est due par le CONSERVATEUR au mandataire à raison de la rupture et non à titre d'indemnité compensatrice comme pour un agent général d'assurances ; à défaut de mode de calcul contractuel et à défaut d'éléments produits par le CONSERVATEUR sur les indemnités versées aux autres mandataires, le calcul pourrait s'opérer selon des modalités similaires à celles appliquées habituellement pour les agents commerciaux, soit deux années de commissions brutes ;

Une somme de 90.000 € en réparation des conséquences dommageables du non-respect du préavis de trois mois qui l'a privé de la possibilité de céder son portefeuille et correspondant à une perte de chance de 30% de le céder au prix de 300.000 €, cette valeur étant fixée à hauteur d'une demi-année de chiffre d'affaires ;

Une somme de 5.000 € au titre du récurrent dû pour le dernier trimestre 2008 (le récurrent habituellement versé en fin d'année oscillant entre 4.000 et 6.000 €), le CONSERVATEUR ayant fait application de l'article 12.2 du contrat du 8 décembre 2008 prévoyant le non versement de la commission fondée sur le suivi de clientèle en cas de résiliation du mandat pour faute grave, alors que la lettre de résiliation du 29 décembre 2008 ne mentionne pas l'existence d'une faute grave et que l'avenant de décembre 2008 n'est pas applicable à des faits qui lui sont antérieurs.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 6 février 2014.

MOTIFS DE LA DECISION :

Considérant que, suivant contrat en date du 4 mai 2001 à effet du 3 mars 2001, les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR (dénommées ensemble LE CONSERVATEUR) ont nommé M. [O] [N] mandataire non salarié, avec mission de rechercher les adhérents susceptibles de souscrire des contrats après du CONSERVATEUR, avec un volume d'affaires nouvelles suffisant ; que les parties ont signé un avenant daté du 8 décembre 2008 modifiant substantiellement les clauses du contrat initial et venant le remplacer ; que, par lettre recommandée en date du 29 décembre 2008, non retirée par l'intéressé et doublée par une lettre simple en date du 23 janvier 2009, le CONSERVATEUR a notifié à M. [O] [N] la résiliation immédiate de son mandat ; que, déjà, par courrier du 22 décembre 2008, M. [O] [N] se plaignait de l'interruption de son accès au fichier clientèle sur internet, intervenue le 15 décembre précédent ;

Que M. [O] [N] sollicite le versement de diverses indemnités en se prévalant de l'application des articles 13 et 14 du traité de nomination du 4 mai 2001 relatifs, le premier au respect d'un préavis de trois mois, sauf cas de force majeure ou faute grave du mandataire non-salarié, le second au versement d'une indemnité de cessation de fonction ; que le CONSERVATEUR ne conteste pas l'application au litige de ces dispositions contractuelles de 2001, nonobstant la signature de l'avenant du 8 décembre 2008, arguant seulement de l'existence d'une faute grave pour ce qui concerne l'article 13 et discutant l'interprétation faite par le demandeur des dispositions de l'article 14 ;

Sur la résiliation pour faute grave :

Considérant que, dans sa lettre de résiliation du mandat, le CONSERVATEUR indique que le mandataire aurait commis un manquement aux règles rappelées dans plusieurs notes internes concernant la formalisation du conseil personnalisé donné à une cliente, l'exemplaire en la possession de celle-ci étant différent de celui retourné au siège et prononce la résiliation immédiate pour faute ; qu'il convient de noter que la qualification de faute grave n'est pas employée dans ce courrier ;

Que le CONSERVATEUR fait pour l'essentiel grief à M. [O] [N] d'avoir, dans le cadre du contrat souscrit par Mme [S] le 19 février 2008, ajouté, sur l'exemplaire du conseil personnalisé remis au CONSERVATEUR, à la rubrique « Motivation du conseil », la mention manuscrite « Performances avec un niveau de risque élevé », un tel ajout constituant, dit-il, une falsification du document et une violation des obligations déontologiques souscrites par l'ensemble de ses mandataires ; mais que le tribunal a justement considéré que si cet ajout était fautif, il n'en constituait pas pour autant une faute grave dès lors qu'il n'était apporté, par cette mention, aucune modification aux éléments constitutifs du contrat et au conseil qui avait été donné à la cliente puisque la case « Aversion au risque et placements privilégiés : des performances avec un niveau de risque élevé» avait été cochée par l'intéressée ;

Que le CONSERVATEUR fait également grief à M. [O] [N] de n'avoir pas rempli son obligation de conseil personnalisé de manière complète au profit de Mme [S] et qu'il en veut pour preuve, d'une part le fait que les questions relatives à la situation patrimoniale de la cliente n'ont pas été remplies, d'autre part les reproches formulés par la cliente dans son courrier du 23 octobre 2008 selon lesquels elle n'aurait pas été questionnée et conseillée par M. [O] [N] et n'aurait jamais voulu souscrire un investissement boursier ; mais que la cour observe que Mme [S] a signé le formulaire en indiquant de manière manuscrite « je ne souhaite pas répondre aux questions », validant ainsi l'absence de renseignement écrit sur sa situation patrimoniale ; qu'il convient également de relever qu'elle n'a protesté que plus de huit mois après la souscription du contrat, alors même qu'il était mentionné de manière expresse sur l'exemplaire qui lui était remis, d'une part qu'elle reconnaissait que le conseiller avait pris connaissance de sa situation, de son expérience, de ses besoins et de ses objectifs et avait attiré son attention sur l'importance de la sincérité des réponses à apporter pour lui donner le conseil le plus adapté à ses besoins, d'autre part que, dans le cas où elle ne souhaitait pas répondre aux questions, elle renonçait à reprocher quelque manquement que ce soit au devoir de conseil ; qu'en tout état de cause, les manquements reprochés par Mme [S] à M. [O] [N], mandataire du CONSERVATEUR depuis près de huit années, ne constituaient pas une faute grave pouvant justifier une résiliation immédiate du mandat, le tribunal ayant justement retenu que le CONSERVATEUR avait, en connaissance du courrier de Mme [S] du 23 octobre 2008 et des reproches ainsi formulés par elle contre son mandataire, signé un avenant, le 8 décembre suivant, renonçant ainsi de manière explicite à toute volonté de rupture immédiate du contrat ;

Que les jugements du 20 janvier 2011 et du 15 novembre 2012 seront donc confirmés en ce qu'ils ont retenu qu'aucune faute grave ne justifiait la rupture immédiate du contrat de mandat ;

Sur les indemnités de résiliation :

Considérant que l'article 13 du mandat du 4 mai 2001 prévoit le respect d'un préavis de trois mois pour la cessation du mandat, sauf cas de force majeure ou faute grave du mandataire non-salarié ;

Qu'en l'absence de faute grave de M. [O] [N], le CONSERVATEUR aurait dû lui accorder un préavis de trois mois ; qu'en le privant de ce délai qui lui aurait permis de rechercher un cessionnaire et de négocier la reprise de son portefeuille, comme il lui en reconnaît le droit dans ses écritures, le CONSERVATEUR est à l'origine d'une perte de chance pour M. [O] [N] de réaliser cette cession ;

Qu'eu égard au montant des commissions encaissées par M. [O] [N] au cours des trois dernières années précédant la résiliation (soit 44.473 € en 2007, 27.511 € en 2006 et 31.868 € en 2005) et du taux de perte de chance du mandataire de céder son portefeuille, justement évaluée par celui-ci au taux de 30%, il convient de fixer le préjudice ainsi subi à la somme de 30.000 € ;

Considérant que l'article 14 du mandat, intitulé « calcul de l'indemnité de cessation de fonction », stipule :

« En cas de départ pour quelque cause que ce soit, une indemnité sera versée selon des modalités d'application qui seront étudiées au cours de l'année 2001 avec prise d'effet au 3 mars 2001. » ;

Que les parties s'opposent sur l'interprétation à donner aux stipulations contractuelles et sur le calcul à opérer, en l'absence de toute précision donnée ultérieurement sur les modalités de fixation de cette indemnité ;

Que c'est en vain que le CONSERVATEUR soutient que cet article viserait seulement l'indemnité de cession de clientèle intéressant les relations entre le mandataire et son cessionnaire, à l'exclusion de toute une indemnité due par l'assureur, alors que l'alinéa 2 de l'article 14 indique : « Toutes sommes dues par le mandataire non-salarié lors de sa cessation de fonction au CONSERVATEUR (prêts en cours, avances sur commissions non amorties, etc') seront déduites en priorité de cette l'indemnité », cette stipulation démontrant que l'indemnité en cause est bien due par le CONSERVATEUR au mandataire qui cesse d'exercer ;

Mais que force est de constater que les alinéas 3 et 4 de l'article 14 précisent les conditions dans lesquelles l'indemnité est due par le CONSERVATEUR à son mandataire, à savoir en contrepartie de l'engagement de ce dernier de ne pas se rétablir directement ou indirectement et moyennant la restitution de tous documents et archives qui restent la propriété du CONSERVATEUR ; qu'il en ressort que l'indemnité n'est pas due lorsque le mandataire entend céder son portefeuille ; que dès lors, le mandataire ne peut solliciter de manière cumulative la réparation du préjudice né de la perte de chance de céder son portefeuille et le versement de l'indemnité de cessation de fonction ; que M. [O] [N] sera donc débouté de sa demande en paiement de cette dernière indemnité ;

Sur le récurrent :

Considérant que le récurrent correspond aux commissions versées sur les encours des clients du CONSERVATEUR au mandataire qui les a conseillés et est donc dû en fin d'année au titre du suivi des clients par le mandataire ; que M. [O] [N] est en droit de percevoir le récurrent jusqu'à la fin d'année 2008 puisqu'il a suivi ses clients jusqu'en décembre 2008 ; que le CONSERVATEUR prétend avoir réglé le récurrent jusqu'à la fin de l'année 2009 mais n'en justifie pas ; que c'est donc à bon droit que le tribunal l'a condamné à verser une somme de 2.500 € qui correspond, en tenant compte de l'évolution du récurrent d'une année sur l'autre, telle qu'elle ressort des seuls éléments chiffrés portés à la connaissance de la juridiction, au montant du récurrent susceptible d'être dû en fin d'année 2008 ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme les jugements déférés en ce qu'ils ont retenu que la résiliation du mandat non-salarié de M. [O] [N] n'était pas justifiée par une faute grave ;

Confirme le jugement du 15 novembre 2012 en toutes ses dispositions, sauf à dire que M. [O] [N] ne peut prétendre qu'à l'indemnisation de la perte de chance de céder son portefeuille et non au versement de l'indemnité de cessation d'activité de l'article 14 du contrat et à fixer cette indemnisation à la somme de 30.000 € ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne les Associations Mutuelles LE CONSERVATEUR et les Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/22909
Date de la décision : 11/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°12/22909 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-11;12.22909 ?
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