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01/10/2014 | FRANCE | N°12/05054

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 01 octobre 2014, 12/05054


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 01 Octobre 2014



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05054



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 mars 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 1000394





APPELANTE

Madame [V] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Xavière CAPORAL, avocat

e au barreau de PARIS, B1206





INTIMÉE

S.A.S.U. HÔTEL 'L'HÔTEL'

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Pierre-Jacques CASTANET, avocat au barreau de PARIS, R297 substitué par...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 01 Octobre 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05054

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 mars 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 1000394

APPELANTE

Madame [V] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Xavière CAPORAL, avocate au barreau de PARIS, B1206

INTIMÉE

S.A.S.U. HÔTEL 'L'HÔTEL'

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Pierre-Jacques CASTANET, avocat au barreau de PARIS, R297 substitué par Me Stanislas DUBLINEAU, avocat au barreau de PARIS, R297

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 19 mars 2012 ayant :

- condamné la SAS L'HOTEL à régler à Mme [V] [L] les sommes suivantes :

3 475,92 € de rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire

36 871,14 € d'indemnité compensatrice de préavis et 3 687,11 € de congés payés afférents

4 896,72 € d'indemnité légale de licenciement

avec intérêts au taux légal partant du 18 janvier 2010

600 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté Mme [V] [L] de ses autres demandes

- condamné la SAS L'HOTEL aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel de la SAS L'HOTEL reçue au greffe de la cour le 22 mai 2012 ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 30 juin 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [V] [L] qui demande à la cour de condamner la SA L'HOTEL à lui régler les sommes suivantes :

1 000 € d'indemnité pour remise tardive des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation ASSEDIC) et paiement avec retard du solde de tout compte

6 145,19 € d'indemnité pour licenciement irrégulier

3 745,92 € de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 10 au 30 décembre 2009

36 871,14 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis (6 mois de salaires) et 3 687,11 € d'incidence congés payés

4 896,72 € d'indemnité légale de licenciement

110 613,42 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

36 871,14 € d'indemnité pour harcèlement moral

10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 30 juin 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SASU L'HOTEL qui demande à la cour :

- à titre principal, d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de débouter Mme [V] [L] de ses demandes au titre de son licenciement pour faute grave et du harcèlement moral, avec sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- subsidiairement, de le confirmer en toutes ses dispositions.

MOTIFS

La SAS L'Hotel a recruté Mme [V] [L] dans le cadre d'une lettre d'embauche du 8 août 2005 pour une durée indéterminée ayant pris effet le 22 août, en qualité de directrice, moyennant une rémunération de 65 000 € bruts annuels.

Aux termes d'un courrier du 9 décembre 2009, la SAS L'Hotel a convoqué Mme [V] [L] à un entretien préalable prévu le 17 décembre avec mise à pied conservatoire, avant de lui notifier le 30 décembre 2009 son licenciement pour «fautes graves» reposant sur les griefs suivants :

- «un refus persistant de (se) conformer aux directives et (son) absence d'implication dans le suivi des prestations quotidiennes complémentaires» ;

- une «insubordination» liée aux procédures internes d'accueil, de réservations, de gestion des horaires du petit déjeuner et de contrôle du service de ménage des chambres ;

- son «indifférence aux obligations et exigences que (lui) impartit (son) statut de Directeur d'un Hôtel de haut de gamme».

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, Mme [V] [L] percevait un salaire de base de 5 329,8 € bruts mensuels correspondant à un emploi de directrice, qualification cadre-service direction, au niveau V de la convention collective nationale des Hôtels-Cafés-Restaurants (HCR).

Sur les demandes liées au licenciement

La SAS L'Hotel est un établissement classé «4 étoiles» situé au [Adresse 2]) et offrant à sa clientèle des prestations haut de gamme dont un service de restauration avec une étoile au guide Michelin.

Elle relève tout à la fois de la convention collective nationale précitée des HCR et de la convention collective région parisienne des hôtels de tourisme de luxe.

La SAS L'Hotel est la propriété des époux [G], de nationalité britannique, qui ont entrepris au début de l'année 2009 une restructuration interne afin d'améliorer la qualité des services offerts à la clientèle, en confiant plus précisément cette tâche de label-qualité à Mme [Q] [P] recrutée spécialement en qualité de directrice des opérations avec pour objectif principal de standardiser les prestations des différentes entités composant le groupe de droit anglais dénommé «A Curious Group of Hotels».

C'est le sens du courriel adressé le 5 août 2009 par M. [M] [G] à Mme [V] [L] («Notre premier objectif est d'améliorer l'expérience client à la fois au Cowley et à l'Hôtel car tous les deux [I] et moi avons le fort sentiment que c'est un domaine qui a besoin d'une attention considérable et a glissé des ordres de priorité») - pièce 105 de l'appelante.

Une réunion générale s'est ainsi tenue le 16 août 2009 en vue de définir les pistes de travail passant notamment par la désignation d'une personne responsable des réservations sous la supervision de la directrice générale, la nomination d'un «duty manager» tous les jours de la semaine de 7h à 22h, l'amélioration de la communication en interne, et les progrès à réaliser concernant certaines prestations (service du petit déjeuner, entretien, maintenance et produits cosmétiques) - pièce 3 de l'intimée.

Le bilan intermédiaire effectué les 21 et 22 octobre 2009 en présence des propriétaires a montré des carences persistantes notamment dans le processus de vérification des chambres indiquées comme prêtes à recevoir la clientèle, le suivi de l'équipe de direction, les contacts du «duty manager» avec la clientèle, et le service du petit déjeuner - pièce 4 de l'employeur.

Ces difficultés organisationnelles sont confirmées courant novembre 2009 par Mesdames [R] [X] - «assistant general manager» - et [J] [Z] - gouvernante générale - s'agissant du linge utilisé dans les chambres et au restaurant - pièces 7, 8,9, 11 et 12 de l'intimée.

Mme [Q] [P] n'a cessé de relancer mais en vain l'appelante sur des questions d'organisation interne dans une série de courriels courant novembre 2009 - notamment, pièces 13, 14, 15, 37, 38, 40 et 42 de l'employeur.

Il est advenu manifestement une incompréhension préjudiciable au service entre Mme [V] [L] et Mme [Q] [P] qui lui adressait le 23 novembre 2009 un courriel de recadrage en ces termes : «Chère [V]. Suite à notre conversation ', je tiens à mettre les choses au clair ' Vous êtes la directrice générale de l'Hotel, en ceci, vous êtes responsable du respect des normes opérationnelles et du bon fonctionnement de l'Hotel. Je n'essaye en aucun cas de vous voler votre travail. Mon but, en tant que directrice des opérations à ACGH, est de définir un haut niveau de qualité de service que toutes les filiales de notre groupe devront atteindre. Pour ce faire, un travail d'équipe avec le directeur général devra être effectué ' Il est d'une importance capitale que vous rameniez les normes opérationnelles à notre niveau d'attente», y étant ensuite listées les questions techniques restant toujours à régler - sa pièce 42.

Certains clients de l'établissement ont fait part de leur déception voire de leur mécontentement sur des sites internet jusqu'en octobre 2009 - pièce 52 de l'intimée.

Mme [V] [L], dans l'essentiel de son argumentaire pour contester le bien fondé de son licenciement, ne cesse de trouver des excuses en cherchant de fait à échapper à ses responsabilités, réaction peu compatible avec ses fonctions de directrice générale d'un établissement hôtelier haut de gamme ayant pour finalité un service irréprochable et la satisfaction d'une clientèle par nature exigeante.

En adoptant un tel comportement constitutif d'un refus persistant d'appliquer les directives qui lui étaient données et, plus généralement, d'une insubordination, s'il peut être reproché à l'appelante une faute sérieuse ayant légitimé son licenciement pour motif disciplinaire, la cour se doit toutefois d'écarter la qualification de faute grave définie comme celle rendant impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail avec la nécessité de son départ immédiat de l'entreprise, dès lors que l'employeur en l'espèce, bien que régulièrement informé de la situation dans le courant de l'année 2009, a quelque peu tardé à déclencher cette même procédure.

Le jugement déféré, qui n'a pas retenu la qualification de faute grave mais celle de faute sérieuse, sera en conséquence confirmé, d'une part, en ses dispositions de condamnations - non discutées dans leur mode de calcul - au titre du rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire du 10 au 30 décembre 2009 (3 745,92 €), de l'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis (36 871,14 € + 3 687,11 €) ainsi que de l'indemnité légale de licenciement (4 896,72 €) avec intérêts au taux légal partant du 18 janvier 2010, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation, et, d'autre part, en ce qu'il a débouté Mme [V] [L] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail (110 613,42 €).

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme [V] [L], il n'y a eu aucune irrégularité de procédure dès lors que la formalité d'envoi en recommandé de la lettre de convocation à l'entretien préalable avec demande d'accusé de réception que prévoit l'article L.1232-2 du code du travail n'est qu'un moyen légal de prévenir toute contestation sur sa date de réception, étant observé qu'en l'espèce elle a pu normalement assister à l'entretien le 17 décembre 2009 dont il a été établi un compte rendu - sa pièce 18 -, que la lettre de licenciement lui a bien été notifiée le 30 décembre 2009 en recommandé avec accusé de réception le 31 décembre suivant - sa pièce 19 en photocopie - dans le respect de l'article L.1232-6 du code du travail, et que ladite lettre de rupture n'a fait qu'établir la synthèse des différents points ayant été abordés avec la salariée au cours de ce même entretien, de sorte que la décision critiquée sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef (6 145,19 €).

Sur le harcèlement moral

Mme [Q] [P] a été embauchée au sein de la SAS L'Hotel au début de l'année 2009 comme directrice des opérations chargée d'épauler Mme [V] [L], directrice générale de l'établissement, dans ce programme de restructuration interne ainsi mis en place.

Il est un fait que Mme [Q] [P], à la demande légitime de son employeur, le même que celui de Mme [V] [L], a voulu avancer dans ledit programme en recherchant des résultats significatifs de manière à rester attractif dans un secteur d'activité hautement compétitif.

C'était tout le sens du courriel précité envoyé le 23 novembre 2009 par Mme [Q] [P] à l'appelante.

Force est de constater que Mme [V] [L] n'a pas alors répondu aux attentes de son employeur qui était, dans l'exercice de son pouvoir de direction, parfaitement en droit de lui imposer la présence d'une directrice des opérations dans le contexte précédemment décrit, laquelle n'a fait qu'exécuter sa mission sans abus manifeste d'autorité.

L'appelante n'établissant ainsi aucun fait qui permettrait de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail, comme lui en fait obligation l'article L.1154-1 du même code, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa réclamation indemnitaire à ce titre (36 871,14 €).

Sur la demande indemnitaire au titre des documents de fin de contrat

La remise tardive à l'appelante le 24 février 2010 de son attestation Assedic, un peu plus de 7 semaines après la notification de son licenciement, lui a causé par principe un préjudice, de sorte que la décision entreprise sera infirmée et la SAS L'Hotel condamnée à lui payer la somme indemnitaire de ce chef de 1 000 € majorée des intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La SAS L'Hotel sera condamnée en équité à régler à Mme [V] [L] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions au titre de la demande indemnitaire pour remise tardive de l'attestation Assedic ;

Statuant à nouveau sur ce chef de réclamation,

CONDAMNE la SAS L'Hotel à régler à Mme [V] [L] la somme indemnitaire à ce titre de 1 000 € avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS L'Hotel à payer à Mme [V] [L] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS L'Hotel aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/05054
Date de la décision : 01/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°12/05054 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-01;12.05054 ?
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