La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2015 | FRANCE | N°12/23761

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 18 février 2015, 12/23761


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 18 FEVRIER 2015



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23761



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - 3ème chambre civile - RG n° 04/12335





APPELANT :



Monsieur [S] [X]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité

3]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]



représenté par : Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 18 FEVRIER 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23761

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - 3ème chambre civile - RG n° 04/12335

APPELANT :

Monsieur [S] [X]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par : Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant : Me Michel DISTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R068

APPELANT :

Monsieur [N] [X]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par : Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant : Me Michel DISTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R068

INTIMEE :

LA COMMUNE D'ORLY

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, en l'espèce son Maire, habilité à cet effet par délibération en date du 26 mars 2009

représenté par : Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

ayant pour avocat plaidant : Me Laure THIERRY, plaidant pour la SCP VEDESI du barreau de LYON, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur

Madame Irène LUC, Conseillère

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [B] [U] dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Monsieur [N] REITZER, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Rappel des faits et de la procédure

Par un traité d'affermage de la perception des droits de places en date du 12 avril 1967, la ville d'[Localité 4] a concédé l'exploitation de marchés communaux d'approvisionnement à [L] et [W] [X]. L'objet était d'accorder aux consorts [X] ' l'entreprise de la fourniture, de l'entretien, de la manutention et de la location du matériel sur les marchés publics communaux' et de leur confier le soin de percevoir, 'outre les droits de location du matériel et d'abri, les droits de place, de stationnement, de déchargement ou autre taxes dus par les usagers de ce marché'.

Le traité comprenait 55 articles, dont l'article 45 qui portait sur la révision des tarifs de perception en fonction d'une formule d'actualisation.

Par un avenant du 1er octobre 1974, les consorts [X] ont accepté de prendre en charge le financement d'un nouveau marché et en contrepartie, la durée du contrat a été portée à 30 ans après la mise en service de ce nouveau marché.

Sur les 39 années qu'a duré la concession (de 1967 à 2006), le contrat a fait l'objet de 18 avenants signés par la ville d'Orly et les concessionnaires dont 15 ont eu pour seul objet l'augmentation des tarifs de perception (le premier avenant en 1971 et le 18ème en 1990).

A partir de 1986, exposant que le retard d'application de la clause de réévaluation leur créait un préjudice. les concessionnaires ont demandé à la ville d'Orly l'application de l'article 45 du contrat et des réévaluations tarifaires.

Après l'année 1990, aucune demande de compensation formée par les consorts [X] n'a été acceptée par la commune.

Après le décès de [W] et [L] [X] (les consorts [X]) leurs héritiers ont poursuivi l'exploitation. Ce sont actuellement [S] et [N] [X] qui sont aux droits de [W] et [L] [X].

I Par acte d'huissier du 15 novembre 2004, les consorts [X] ont assigné en référé la commune d'Orly en vue d'obtenir la désignation d'un expert chargé de fournir une évaluation du préjudice qu'ils estiment subir du fait de l'absence d'application de l'article 45 du traité de concession relatif à la révision des tarifs des droits de place et du montant de la redevance versée à la ville.

Par ordonnance du 14 décembre 2004, le juge des référés a fait droit à la demande des consorts [X] et a désigné un expert. L'expert a déposé son rapport en date du 1er octobre 2007 et a évalué le préjudice à la somme de 1.074.856 € et à la somme de 1.150.117 € calculée avec anatocisme et intérêts.

II Par acte en date du 16 décembre 2004, les consorts [X] ont assigné la ville d'Orly devant le tribunal de grande instance de Créteil compétent en application de l'article 136 du règlement du 17 mai 1809 aux fins d'obtenir la réparation de leur préjudice.

Par ordonnance du 5 avril 2006, le juge de la mise en état a fait droit à la demande de sursis à statuer de la Commune d'Orly dans l'attente de la décision administrative sur la légalité de la clause 45 du traité de concession.

III La ville avait saisi le tribunal administratif de Melun d'une question préjudicielle relative à la légalité de l'article 45 du traité.

Par arrêt du 19 janvier 2011, le Conseil d'état a déclaré illégal l'article 45 du contrat de concession en ce qu'il prévoyait la révision des droits de place et des droits de stationnement et de déchargement des véhicules fixes à l'article 33 du même contrat ainsi que des indemnités prévues à l'article 44 de ce contrat.

IV Par jugement, assorti de l'exécution provisoire, en date du 12 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Créteil, statuant par décision contradictoire et en premier ressort, a :

- Condamné la Commune d'Orly représentée par son Maire à payer MM. [N] et [S] [X] la somme de 80.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision  ;

- Condamné la Commune d'Orly représentée par son Maire à payer MM. [N] et [S] [X] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du CPC.

- Débouté [S] et [N] [X] du surplus de leur demande ;

- Condamné la Commune d'Orly représentée par son Maire au dépens qui pourront être recouvrés en accord avec l'article 699 du CPC.

V Vu L'appel interjeté par les consorts [X] le 28 décembre 2012 contre ce jugement.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 31 décembre 2014 par lesquelles les consorts [X] demandent à la Cour de :

- Reformer le jugement du 12 novembre 2012 en ses seules dispositions relatives au montant des condamnations prononcées au profit des concluants.

- Condamner la ville d'Orly à verser aux concluants la somme de 1.150.117 €

- Dire que ces condamnations porteront intérêt aux taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance et que les intérêts seront capitalisés année après année, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- Condamner la ville d'Orly à verser aux concluants une indemnité de 50.000 € (hors taxe) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la vile d'Orly aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise taxés à 33.685 €.

Les appelants exposent que le principe de l'obligation de la ville est jugé, que les parties avaient manifesté la commune intention d'assurer l'équilibre financier de la convention et qu'il existe une exigence de loyauté dans les relations contractuelles ; qu'en ne compensant pas les conséquences de sa décision de refuser la perception de droits de place à un tarif tenant compte de la clause de révision, la ville d'[Localité 4] doit réparer intégralement le préjudice qui en résulte. Selon eux, le préjudice indemnisable qui ne s'analyse pas en une perte de chance et qui doit tenir compte de la réalité des charges d'exploitation est 'égal à la perte de chiffre d'affaires dont doivent être déduites les charges supplémentaires qui pourraient éventuellement avoir résulté de l'augmentation des tarifs, laquelle aurait permis en l'espèce une augmentation des recettes à charge d'exploitation identique'. Ils expliquent que la clause de révision a été déclarée nulle dans la mesure où elle liait la commune sur un montant futur de recettes fiscales ce qu'elle ne pouvait faire mais ajoutent que ' la clause de révision n'était que la mesure de l'indemnité due par la ville'et qu'il convient de s'en inspirer pour le calcul de leur préjudice et de reprendre les conclusions de l'expert.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 6 janvier 2015 par lesquelles la Commune d'Orly demande à la Cour de :

- Rejeter l'appel formé par les consorts [X]

- Condamner les consorts [X] aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP REGNIER BEQUET MOISAN, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

- Condamner les consorts [X] à verser à la Commune d'Orly une indemnité de 15 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

La ville d'Orly expose que la cour doit statuer sur la seule prétention des appelants qui demandent la réformation du quantum de la réparation allouée pour le préjudice subi.

Elle rappelle que les dépenses qui ont pu être mises à la charge des concessionnaires ont fait l'objet d'un rééquilibrage systématique, par le rallongement de la durée du contrat, par une surtaxe de base, par le versement d'une redevance annuelle d'occupation non révisable, de sorte que le financement des travaux qui leur ont été confiés a été réalisé par les revenus de l'activité concédée.

Elle fait valoir que le manquement contractuel en cause ne résulte pas du refus d'application de l'article 45 du contrat étant observé que les parties ne l'ont pas appliqué volontairement, préférant adopter d'autres modalités de 'révision' par des avenants conclus jusqu'en 1990 ; que le manquement résulte du refus de toute révision des tarifs ; que le tribunal n'a commis aucune erreur de droit en jugeant la Commune d'Orly recevable à soutenir par exception l'illégalité de la clause de révision de l'article 45 du traité, en jugeant que la détermination du préjudice ne pouvait être faite par référence à l'application arithmétique de la clause de révision dont les mécanismes prévus étaient illicites.

Elle expose que le tribunal devait donner leur qualification aux faits, notamment au préjudice qu'il a analysé en une perte de chance.

SUR CE,

considérant que le traité signé en 1967 précisait les conditions financières de l'exploitation de la concession en ses articles 41, 42, 43, 44 et la " révision du traité " en ses articles 45 et 46 ;

considérant que le Conseil d'Etat a déclaré illégales les dispositions de l'article 45, relevant deux vices les affectant, le premier concernant la violation des dispositions régissant les compétences du conseil municipal qui seul pouvait arrêter les modalités de révision des droits de nature fiscale, le second relatif aux éléments fondant l'indexation lesquels ne pouvaient pas ne pas avoir une relation directe avec l'objet de la convention ou avec l'activité de l'une ou l'autre des parties,

considérant que selon les pièces du débat, les parties ont signé tous les ans jusqu'en 1990 des avenants selon lesquels " dans l'attente de l'application de la clause de révision fixée à l'article 45 du traité du 12 avril 1967, le tarif des perceptions autorisées était modifié" et se trouvait précisé le montant des droits pour le droit de place, le droit de location du matériel, le droit de stationnement et de déchargement des véhicules ; que les avenants modifiaient le montant des droits perçus par le concessionnaire, le montant de la redevance due par le concessionnaire et sa participation financière aux travaux de balayage et enlèvement des immondices ; que les parties ont écarté l'application de l'article 45, les consorts [N] et [S] [X] exposant dans un courrier du 23 novembre 1977 adressé à la Commune d'Orly ainsi que dans des courriers du 25 janvier 1980 et du 22 janvier 1981 que l'application de la clause de révision contractuelle dans son intégralité aboutirait à une hausse " trop importante pour être admise dans la pratique bien que justifiée en théorie" ; qu' à partir de 1990, aucun avenant n'a été signé ; que la commune d'Orly a proposé de discuter des obligations respectives des parties, notamment concernant l'entretien et l'hygiène des marchés qui présentaient de sérieuses lacunes selon des courriers de 1995, 1996 et 1997, concernant la production par le concessionnaire de ses comptes de gestion, la transmission annuelle de son rapport d'activité ; qu'une invitation à la révision du contrat destinée à le moderniser dans le cadre d'un avenant global a été adressée en 1998, vainement ; que dans un courrier adressé à la DGCCRF du 21 juillet 1999, la commune d'Orly exposait quant à elle qu' "une étude comparative des tarifs avec ceux des villes voisines montrent que les droits des places à Orly, bien que n'ayant pas été actualisés depuis 1990, sont à un niveau pratiquement similaire" ;

considérant que la loyauté dans les relations contractuelles est exigée des deux parties ; que celles-ci avaient convenu dans le traité de concession d'assurer l'équilibre financier de leurs obligations respectives par une révision amiable adaptée aux circonstances économiques, ce qu'elles ont traduit au cours de l'exécution du contrat et pendant plusieurs années, par la signature d'avenants ; qu' à partir de 1990 la commune a décidé de ne plus mettre en oeuvre les moyens permettant la révision éventuelle des conditions financières d'exécution du contrat ; que pendant plusieurs années, elle n'a répondu aux demandes des consorts [X] en une quelconque manière, et que ce n'est que tardivement qu'elle a proposé des discussions, refusées par les consorts [X], pour définir à nouveau les obligations des parties,

considérant que la commune n'a pas mis les consorts [X] en mesure de revoir les conditions financières du contrat et leur a fait perdre ainsi une chance d'obtenir la réalisation de gains et au delà de bénéfices ; que si la critique des appelants a porté sur l'office du premier juge qui aurait statué ultra petita, force est de constater que devant la cour, le débat sur le point de savoir si le préjudice subi s'analyse en une perte de chance a eu lieu et que les parties s'en sont expliquées, les consorts [X] n' ayant toutefois pas cru bon de conclure subsidiairement sur ce point ;

considérant que si la volonté des parties était de reexaminer le contrat tous les ans, la révision des conditions financières n'était pas pour autant acquise : que pour indemniser la perte de chance des consorts [X] et apprécier à quelle fraction du préjudice doit être évaluée la perte de chance, il n'est pas envisageable de se référer aux travaux de l'expert pour déterminer le préjudice, alors que l'homme de l'art a appliqué les dispositions de l'article 45 prévoyant notamment une formule d'indexation (prise en compte de l'indice K sans lien direct avec le service public des marchés forains) que les parties avaient d'emblée écartées jusqu'en 1990 et que le juge administaratif a déclarées illégales ; que certes, le montant des recettes perçues et des redevances versées par les consorts [X] est déterminé par l'expertise ; que toutefois, la variation de 5 % des charges d'exploitation nécessaire à la réactualisation des tarifs n'est pas précisée, que les consorts [X] n'ont versé aux débats aucune pièce sur l'évolution des droits de place dans des communes présentant les mêmes caractéristiques sur la même période qui eût été utile à la solution du litige, qu'ils n'ont pas répondu positivement à la demande de la commune de revoir le traité de concession en 1999 et enfin, que l'impact qu'aurait eu une augmentation des tarifs perçus sur les commerçants ainsi que sur la fréquentation des marchés par ces commerçants n'est pas déterminé, alors qu'il s'agit ici des facteurs participant à la non réalisation des évènements qui auraient permis la perception des gains et bénéfices ; que pour tous ces motifs, la chance perdue était faible,

considérant que la décision du premier juge doit être confirmée,

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement,

Condamne [S] [X] et [N] [X] à payer à la commune d'Orly la somme de 10 000 Euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles,

Condamne [S] [X] et [N] [X] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

B. REITZER F. COCCHIELLO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/23761
Date de la décision : 18/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°12/23761 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-18;12.23761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award