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08/04/2015 | FRANCE | N°13/24323

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 08 avril 2015, 13/24323


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 08 AVRIL 2015



(n° 198 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/24323



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/05534





APPELANTES



Madame [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par

Me Jean-marc FLORAND de la SCP FLORAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0227

Ayant pour avocat plaidant, Me DORDILLY Léa,



Madame [G] [O] Mineure représentée par Madame [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]
...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 08 AVRIL 2015

(n° 198 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/24323

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/05534

APPELANTES

Madame [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-marc FLORAND de la SCP FLORAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0227

Ayant pour avocat plaidant, Me DORDILLY Léa,

Madame [G] [O] Mineure représentée par Madame [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-marc FLORAND de la SCP FLORAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0227

Ayant pour avocat plaidant, Me DORDILLY Léa,

Madame [V] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-marc FLORAND de la SCP FLORAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0227

Ayant pour avocat plaidant, Me DORDILLY Léa,

Madame [F] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-marc FLORAND de la SCP FLORAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0227

Ayant pour avocat plaidant, Me DORDILLY Léa,

INTIME

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Bernard GRELON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0445 substitué par Me PASCAREL Carole, avocat au barreau de PARIS, toque B 953

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie BENARDEAU

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Sylvie BENARDEAU, greffier.

********

Le 27 mars 2002, alors que le Conseil municipal de Nanterre venait de terminer une réunion dans les locaux de l'hôtel de ville, Monsieur [W] [B] a ouvert le feu sur les membres du dit Conseil, tuant huit personnes dont Madame [R] [O] et en blessant 19 autres.

Après avoir été interpellé par les services de police le même jour, M.[B] a été placé en garde à vue des chefs d'assassinats et de tentatives d'assassinats, l'enquête pénale étant réalisée par la brigade criminelle de la direction de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris.

Le mis en examen a été auditionné à deux reprises le 27 mars 2002, puis une nouvelle fois le lendemain matin, après que sa garde à vue ait fait l'objet d'une prolongation autorisée par le Procureur de la République de Nanterre.

Lors de cette dernière audition, M. [W] [B] s'est défenestré en se jetant par la lucarne du bureau du fonctionnaire de police qui l'interrogeait, et s'est tué.

Le 28 mars 2002, le Procureur de la République chargeait l'inspection générale des services de la préfecture de police d'une enquête sur les circonstances du suicide de M.[B] qui a fait l'objet d'un classement sans suite le 18 avril 2002.

Le 06 juillet 2004, l'enquête criminelle relative aux assassinats commis par M.[B] à [Localité 3], a été elle aussi classée sans suite.

Le 23 mars 2012, Madame [E] [O], s'ur de la victime [R] [O], agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de Melle [G] [O], fille mineure de la victime ainsi que Mesdames [V] et [F] [O], respectivement fille et mère de [R] [O], ont intenté une action en justice afin que soit engagée la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service de la justice dont elles se prétendent victimes.

Par jugement en date du 20 novembre 2013, le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré l'action prescrite.

Les consorts [O] ont interjeté appel de cette décision le 18 décembre 2013.

Dans leurs conclusions communiquées par voie électronique le 17 mars 2014, les appelantes, au visa de l'article L-141-1 du Code de l'organisation judiciaire, demandent à la Cour d'appel de Paris d'infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 20 novembre 2013, de condamner l'Agent judiciaire de l'Etat à payer à Mesdames [E] [O], [V] [O], [F] [O] et à Melle [G] [O] la somme de 150.000 euros chacune au titre de l'indemnisation de leur préjudice moral, et de 8.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 15 mai 2014, l'Agent judiciaire de l'Etat sollicite, au visa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 et de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, que soit confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 20 novembre 2013, en ce qu'il a jugé que l'action des consorts [O] était prescrite.

Dans ses conclusions signifiées à la Cour le 5 décembre 2014, le Ministère Public conclut à la confirmation du jugement précité.

SUR CE, LA COUR

Sur la prescription quadriennale :

Considérant que les appelantes agissent sur le fondement de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire invoquant l'existence d'une faute lourde à l'encontre de l'Etat à raison d'un dysfonctionnement du service public de la justice ; qu'elles entendent obtenir des dommages intérêts et invoquent l'existence d'une créance contre l'Etat ;

Considérant dès lors que le moyen soulevé par les appelantes selon lequel le délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du Code civil, serait applicable en l'espèce n'est pas opérant, ces dispositions n'ayant vocation à s'appliquer qu'en l'absence de règle spéciale ;

Considérant donc qu'est applicable à l'espèce, l'article 1 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 en son premier alinéa qui dispose que :

« Sont prescrites, au profit de l'Etat, (') sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis », sous réserve des cas d'interruption de la prescription visés à l'article 2 de la loi.

Considérant que le fait générateur de la créance dont se prévalent les appelantes est le suicide de Monsieur [B] qui les a privées de la possibilité d'agir en qualité de partie civile à son encontre qui est intervenu le 28 mars 2002 ;

Considérant que le point de départ du délai de prescription quadriennale est donc le 1er janvier 2003 ;

Considérant que Madame [E] [O], Madame [V] [O] et Madame [F] [O] ont assigné l'Etat le 27 mars 2012 soit postérieurement au 1er janvier 2007 date d'expiration du délai de prescription quadriennale ; qu'il s'ensuit que leur action est irrecevable comme prescrite ;

Considérant que Madame [E] [O] soutient que la prescription aurait été suspendue à l'égard de [G] [O] et qu'elle n'a pu agir en qualité de représentante légale qu'à compter de la décision d'adoption en date du 19 octobre lui conférant la qualité de représentante légale ; qu'elle ajoute que le délai d'action expirait donc le 19 octobre 2014 et qu'ayant assigné l'Agent judiciaire de l'Etat le 23 mars 2012, elle est recevable à agir ;

Considérant qu'elle invoque les dispositions de l'article 3 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 qui prévoient que :

« La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. »

Considérant qu'il convient de relever qu'il ne s'agit pas d'une suspension de la prescription dans ce cas mais d'une interruption, un délai identique recommençant à courir à compter du jour où l'intéressée a pu agir ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du décès de sa mère le 27 mars 2002, Melle [G] [O], également orpheline de père, a bénéficié d'un jugement d'ouverture d'une tutelle, puis d'une décision du Conseil de famille le 29 avril 2003, par laquelle ce dernier a désigné un tuteur à la personne et un tuteur aux biens, respectivement Madame [E] [O] et Madame [L] [M] ;

Considérant que la tutrice aux biens ainsi désignée peut agir en justice dans l'intérêt de la mineure, en vertu des dispositions de l'article 504 du Code civil ;

Considérant de plus que, contrairement aux dispositions de l'article 2235 du Code civil relatives aux créanciers mineurs, celles de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ne prévoient pas de suspension automatique de la prescription à l'égard des mineurs non émancipés ; que cette disposition a été validée par le Conseil constitutionnel par une décision du 18 juin 2012 ;

Considérant que le Conseil Constitutionnel a aussi retenu « qu'il résulte des dispositions contestées qu'il appartient au représentant légal du mineur d'agir pour préserver les droits de ce dernier ; que ces dispositions réservent le cas où le représentant légal est lui-même dans l'impossibilité d'agir ainsi que les hypothèses dans lesquelles il ignore légitimement l'existence de la créance. »

Considérant qu'une tutrice aux biens ayant été désignée le 29 avril 2003 par le Conseil de famille et pouvant agir en responsabilité et indemnisation à l'encontre de l'Etat au nom de Mademoiselle [G] [O] à compter de ce jour et que la dite décision disposant expressément que : « Le conseil de famille donne tous pouvoirs dans les limites légales au Tuteur aux Biens pour représenter [G] dans toutes les instances. », une action pouvait être engagée à compter de cette date ;

Considérant que la tutrice aux biens n'a pas attrait l'agent judiciaire de l'Etat de ce chef dans le délai de la prescription quadriennale dont le point de départ était le 1er janvier 2004 et qui expirait le 31 décembre 2008 ;

Considérant que le jugement d'adoption de la mineure par M.[E] [O] intervenu le 19 octobre 2010 ne pouvait donc être de nature à faire courir un nouveau délai de prescription alors que celui-ci était déjà expiré ;

Considérant que la demande présentée par Melle [O] représentée par sa mère adoptive, Madame [E] [O] est irrecevable ;

Considérant que les appelants, succombant, ne sauraient prétendre à l'allocation d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et doivent supporter les entiers dépens de l'instance ;

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement ;

Rejette la demande des consorts [O] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les consorts [O] aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/24323
Date de la décision : 08/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°13/24323 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-08;13.24323 ?
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