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06/05/2015 | FRANCE | N°12/11248

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 06 mai 2015, 12/11248


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 06 Mai 2015

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11248 MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/03977





APPELANTE

Madame [L] [K] [F]

[Adresse 3]

[Localité 3]

née le [Date naissance 1] 1965 à [R] (KINSHASA)

comparante

en personne, assistée de Me Sandrine MICHEL-CHABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2542 substitué par Me Véronique DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647

(bénéficie d'...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 06 Mai 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11248 MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/03977

APPELANTE

Madame [L] [K] [F]

[Adresse 3]

[Localité 3]

née le [Date naissance 1] 1965 à [R] (KINSHASA)

comparante en personne, assistée de Me Sandrine MICHEL-CHABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2542 substitué par Me Véronique DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/000754 du 01/02/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

Me [C] [I] - Mandataire liquidateur de CRFI M.[Q] [V]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté Me Jean-Noël COURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K079

AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Charlotte CASTETS, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées,devant Madame Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Madame Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits

Mme [L] [F] été engagée verbalement le 1er avril 2010 en qualité de secrétaire comptable à temps partiel à raison de 70 heures par mois, suivant contrat à durée indéterminée par Monsieur [V] [Y] exerçant sous l'enseigne CRFI

Par jugement du 20 septembre 2011, le tribunal de commerce de Bobigny, ordonnait l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, sans autorisation de poursuite d'activité, et désignait maître [I] [C] en qualité de liquidateur.

Mme [L] [F] recevait le 6 mars 2012 des mains de son employeur un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi sans qu'aucune procédure de licenciement n'ait été diligentée.

Le 6 avril 2012 elle saisissait le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtenir:

- paiement des salaires de décembre 2011, janvier, février 2012 avec congés payés

-une indemnité pour rupture abusive du contrat de travail ainsi que les indemnités compensatrices de congés payés, une indemnité de licenciement, une indemnité de non-respect de la procédure de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis avec congés payés .

- des dommages et intérêts pour non paiement des cotisations retraite.

Elle sollicitait également la remise de l'attestation Pôle Emploi conforme.

Celui-ci par jugement du 8 octobre 2012, section activités diverses, chambre 5, rappelant la liquidation judiciaire intervenue le 20 septembre 2011 déboutait la salariée de ses demandes de salaire de décembre janvier et février suivant ainsi que de ses demandes résultant de la rupture du contrat de travail au motif que cette rupture n'était pas intervenue dans les 15 jours de la liquidation judiciaire mais selon les dires de la salariée elle-même le 6 mars 2012.

Mme [L] [F] était déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Elle a régulièrement fait appel de cette décision.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions pour dire le licenciement sans cause réelle ni sérieuse et fixer sa créance au passif de Monsieur [V] [Y] exerçant sous l'enseigne CRFI aux sommes suivantes :

-2025 € de rappel de salaire des mois de décembre 2011à février 2012, congés payés de 10 % en sus

-945 € d'indemnité compensatrice de congés payés

-8000 € de dommages intérêts pour rupture abusive

-675 € d'indemnité pour irrégularité de procédure

-675 € pour indemnité compensatrice de préavis, congés payés de 10 % en sus

-396 € d'indemnité de licenciement

-1000 € de dommages-intérêts pour absence de versement des cotisations de retraite.

Elle demande à la cour de dire que la décision à intervenir est opposable à l'AGS

À titre subsidiaire, elle demande que soit fixés au passif de la procédure concernant Monsieur [V] [Y] exerçant sous l'enseigne CRFI:

-945 € d'indemnité compensatrice de congés payés

-1000 € de dommages-intérêts pour absence de versement des cotisations de retraite .

Maître [C] ès qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [V] [Y] exerçant sous l'enseigne CRFI, a formé appel incident.

Il demande à la cour de confirmer le jugement du 8 octobre 2012 du conseil de prud'hommes de Paris dans toutes ses dispositions et donc de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes.

Il demande également la condamnation de celle-ci à lui verser, ès qualités, une indemnité de 1500 € en application de l'article 700 du CPC

L'AGS CGEA Île-de-France Est, intervenante forcée, demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions et de prononcer sa mise hors de cause pour toute fixation au passif de la procédure collective d'indemnité de rupture et des créances de nature salariale.

Elle demande en cas de fixation à la procédure collective de dire que la garantie ne pourra intervenir que dans les limites légales et ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail.

L'entreprise compte moins de 11 salariés.

Le salaire brut moyen mensuel de Mme [L] [F] sur les trois derniers mois a été de 990 €.

La convention collective de la gestion des entreprises est applicable à la relation de travail

Les motifs de la Cour

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

La cour ayant sollicité la production en cours de délibéré, par Mme [L] [F] de la copie de l'attestation de déclaration URSSAF et de Maître [C] justification de la date des scellés du local professionnel et copie du jugement du tribunal de commerce ayant procédé à la liquidation, les éléments sollicités ont été adressés à la cour.

Sur la rupture du contrat de travail de Mme [L] [F] et ses conséquences

De même que l'engagement de cette dernière ne résultait que d'un contrat verbal, aucun document écrit de rupture de contrat de travail n'est produit .

Bien que l'entreprise ait été placée en liquidation judiciaire le 20 septembre 2011 par jugement désignant Maître [C] comme mandataire liquidateur aucun licenciement n'a été notifié par celui-ci dans le délai de 15 jours en dépit des dispositions de l'article L3253 ' 8, 2° de code du travail.

D'autre part, Monsieur [V] [Y] qui selon la salariée aurait continué à la faire travailler jusqu'à la fin du mois de février, bien qu'il n'y était pas autorisé par le jugement, ne lui a pas davantage signifié la rupture de ce contrat de travail.

En revanche, la salariée justifie avoir reçu le 6 mars 2012 un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, remis par Monsieur [V] [Y] , documents qui s'analysent comme rendant compte d'une rupture le 6 mars 2012.

Il en résulte que le contrat de travail de Mme [L] [F] qui n'a pas été rompu par le mandataire liquidateur dans le délai légal de 15 jours et ne l'a pas non plus été par Monsieur [V] [Y] , sauf par la remise début mars des documents sociaux susvisés est resté en vigueur jusqu'à la date du 6 mars 2012, quand bien même il est établi que le local a été fermé avec changement de serrure le 22 décembre 2011.

Le contrat de travail, en dépit de ces irrégularités, s'est en fait poursuivi jusqu'au début mars, étant précisé que la salariée justifie en outre de bulletins de salaire jusqu'au 29 février 2012.

La cour relèvera d'autre part, qu'il ressort des pièces versées par les deux parties en cours de délibéré, que Maître [C] le mandataire liquidateur, disposait des moyens qui auraient dû lui permettre, de mettre en 'uvre dans le délai légal de 15 jours après le jugement de liquidation judiciaire, la rupture du contrat de travail de Mme [L] [F].

En effet, d'une part, la salariée a produit en cours de délibéré comme cela lui avait été demandé par la cour un document émanant de l'URSSAF de [Localité 4] région parisienne, daté du 22 mai 2012, lui confirmant qu'elle avait fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche par Monsieur [V] [Y] le7 avril 2010, pour une embauche du 1er avril 2010.

D'autre part, il ressort de la ' fiche ' (pièce numéro 1 du mandataire liquidateur) transmise à la cour pendant son délibéré que l'entreprise y était notée comme appartenant à la « tranche d'effectif » de un à deux salariés.

En l'absence de Monsieur [V] [Y], qui n'était ni présent ni représenté devant le tribunal de commerce, le mandataire liquidateur aurait dû prendre toutes précautions pour vérifier l'existence de salariés au sein de l'entreprise, ce qu'il n'a manifestement pas fait.

En revanche, il ne peut être reproché à Mme [L] [F] de n'avoir elle-même pas pris l'initiative d'une rupture du contrat de travail, dans la mesure où aucun élément ne permet de penser qu'elle ait été avertie de quelque manière que ce soit de cette liquidation judiciaire.

L'AGS CGEA Île-de-France Est invoquant les dispositions de l'article L3253 ' 8, 2° du code du travail, soutient qu'elle n'est pas redevable de la garantie des salaires sollicités par Mme [L] [F] dans la mesure où ceux-ci sont postérieurs à la liquidation judiciaire du 20 septembre 2011, alors que l'employeur aurait dû cesser toute activité, à compter de ce jour-là. Elle soutient également que les autres sommes sollicitées par Mme [L] [F] au titre de l'exécution et de la durée de son contrat de travail ne relèvent pas de sa garantie, faute pour le mandataire liquidateur d'avoir licencié la salariée dans le délai de 15 jours imparti.

La cour considère cependant que ni la poursuite du contrat de travail par Monsieur [V] [Y] jusqu'au mois de mars 2012, ni la carence du mandataire liquidateur qui n'a pas rompu le contrat de travail de Mme [L] [F] dans le délai de 15 jours, alors qu'il lui était facile de vérifier l'existence d'un quelconque salarié de l'entreprise, ne sauraient être opposés à celle-ci, créancier privilégié, quand elle demande à voir ses créances inscrites au passif de la procédure collective et à bénéficier de la garantie de l'AGS CGEA pour des sommes de nature salariale et indemnitaire dues en exécution de son contrat de travail qui préexistait à la décision de liquidation judiciaire; l'irrégularité commise par son employeur qui n'a pas suspendu ses activités après ce jugement n'est pas non plus opposable à Mme [L] [F].

La cour infirmant la décision du conseil de prud'hommes dira en conséquence, que les sommes sollicitées par la salariée en exécution et du fait de la rupture de son travail, doivent être inscrites au passif de la procédure collective, ce qui n'exclut pas une éventuelle mise en cause de la responsabilité du mandataire liquidateur.

Elle dira également que l'AGS CGEA est tenue à garantir, dans les limites de la loi, les sommes sus mentionnées dues à Mme [L] [F], qui n'a pas été régulièrement licenciée, nonobstant d'éventuels recours engagés par l'AGS CGEA.

En conséquence, la cour fera droit aux demandes de Mme [L] [F] en ce qui concerne les différentes sommes réclamées au titre de son contrat de travail et de sa rupture:

-rappel de salaire de décembre à février 2012 avec congés payés, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité pour irrégularité de procédure, s'agissant d'une rupture relevant de l'application de l'article L 12 35 ' 5 du code du travail, indemnité compensatrice de préavis avec congés payés et indemnité de licenciement, sommes justifiées dans leur principe comme dans leur montant, qui n'est d'ailleurs pas sérieusement discuté.

En revanche, compte tenu de ces circonstances, de l'ancienneté de la salariée, du montant des salaires dont elle justifie, de son âge lors du licenciement et de ses possibilités de retrouver un emploi, ainsi que du préjudice qu'elle a nécessairement subi, la cour limitera, à 5000 € les dommages et intérêts pour rupture abusive allouées à Mme [L] [F] en application des dispositions de l'article L 12 35 ' 5 du code du travail.

S'agissant de la somme de 1000 euros réclamée par la salariée à titre de dommages-intérêts pour absence de versement des cotisations sociales, la cour considère que la salariée qui a supporté la charge des cotisations sociales, mais a découvert a posteriori que celles-ci n'avaient pas été reversées par l'employeur, justifie effectivement d'un préjudice au titre de ses droits à retraite pour lequel il est raisonnable d'allouer une somme de 1000 € de dommages et intérêts.

Cette somme sera donc inscrite également au passif de la procédure.

Cependant, cette somme n'est pas garantie par l'AGS CGEA.

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC

L'employeur Monsieur [V] [Y] représenté par Maître [C] mandataire liquidateur, qui succombe supportera la charge des dépens

Décision de la Cour

En conséquence, la Cour,

Infirme la décision du Conseil de prud'hommes

et statuant à nouveau et y ajoutant :

Fixe les sommes suivantes au passif de la procédure, au profit de Mme [L] [F]

-2025 € de rappels de salaires des mois de décembre 2011, janvier et février 2012, congés payés de 10 % en sus,

-945 € d'indemnité compensatrice de congés payés,

-675 € d'indemnités pour irrégularité de la procédure,

-675 € d'indemnité compensatrice de préavis congés payés de 10 % en sus,

- 396 € d'indemnité de licenciement,

-5000€, à titre d'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article 1235-5 du code du travail,

- 1000 € de dommages-intérêts pour absence de versement des cotisations de retraite prélevése sur le salaire de Mme [L] [F].

Dit que l'UNEDIC délégation AGS CGEA doit sa garantie dans les termes et limites des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, dans le respect du plafond 5, pour l'ensemble des créances de Mme [L] [F] à l'exception des dommages et intérêts pour absence de versement des cotisations de retraite.

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne Maître [C] mandataire liquidateur, ès qualité aux entiers dépens de l'instance.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/11248
Date de la décision : 06/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°12/11248 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-06;12.11248 ?
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