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06/05/2015 | FRANCE | N°13/05957

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 06 mai 2015, 13/05957


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 06 Mai 2015



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05957



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 mars 2013 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU - section commerce - RG n° F 11/00941





APPELANTE

Madame [T] [P]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1] (COTE D'IVOIRE)<

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comparante en personne, assistée de Me Pierre CHICHA, avocat au barreau de PARIS, E0980







INTIMES

SA PEI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Siret n° 393 379 870 00271

représentée par Me ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 06 Mai 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05957

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 mars 2013 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU - section commerce - RG n° F 11/00941

APPELANTE

Madame [T] [P]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1] (COTE D'IVOIRE)

comparante en personne, assistée de Me Pierre CHICHA, avocat au barreau de PARIS, E0980

INTIMES

SA PEI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Siret n° 393 379 870 00271

représentée par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, D1003

Monsieur [C] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 02 septembre 2014

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau du 1er mars 2013 ayant':

' mis hors de cause M. [C] [U]

' débouté Mme [T] [P] de ses demandes au titre d'un licenciement nul

' «fixé ' la créance de Mme [T] [P] à l'encontre de la société PEI ' aux sommes suivantes»':

' 14 666,04 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 2 444,34 € d'indemnité pour absence de mention sur le droit individuel à la formation (DIF) dans la lettre de licenciement

' 1'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

' débouté Mme [T] [P] de ses autres demandes

' condamné la SA PEI aux dépens';

Vu la déclaration d'appel de Mme [T] [P] reçue au greffe de la cour le 19 juin 2013';

Vu l'arrêt avant dire droit de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2015 ordonnant la réouverture des débats à l'audience du 17 mars';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 17 mars 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [T] [P] qui demande à la cour':

' d'infirmer le jugement entrepris

' statuant à nouveau,

.à titre principal,

- de juger nul son licenciement

- d'ordonner sa réintégration au sein de la SA PEI sous astreinte de 500 € par jour de retard

- de condamner la SA PEI à lui payer au titre des salaires jusqu'à sa réintégration effective les sommes de':

' 15'697,66 € (+ 1'569,76 €) du 15 juin au 31 décembre 2011

' 27'468,85 € (+ 2'746,88 €) sur l'année 2012

' 27'701,22 € (+ 2'770,12 €) sur l'année 2013

' 27'587,08 € (+ 2'758,70 €) sur l'année 2014

' 5'324,01 € (+ 532,40 €) du 1er janvier au 17 mars 2015

' 43'992 € pour préjudice moral, 21'946 € pour discrimination syndicale et 21 946 € pour violation des dispositions sur le droit individuel à la formation (DIF)

.subsidiairement,

- de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse

- de condamner en conséquence la SA PEI à lui régler les sommes de':

' 1'820,74 € (+182,07 €) d'indemnité compensatrice de préavis

' 2'730 € d'indemnité de licenciement

' 43 992 € d'indemnité pour licenciement injustifié

' 21'946 € d'indemnité pour discrimination syndicale

' 21 946 € d'indemnité au titre du DIF

' 43 992 € d'indemnité pour préjudice moral

' 21 946 € d'indemnité pour procédure vexatoire

' 21 946 € pour refus d'appliquer les règles sur la portabilité de la prévoyance

.en tout état de cause,

- de condamner M. [C] [U] à lui payer la somme indemnitaire de 30'000 € pour préjudice moral

- de condamner la SA PEI à lui verser la somme indemnitaire de 43'992 € pour violation de son obligation de sécurité de résultat en rapport avec les agissements de M. [C] [U]

- de condamner solidairement la SA PEI et M. [C] [U] à lui régler la somme de 3'500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- d'assortir les sommes susvisées des intérêts au taux légal avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 26 novembre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SA PEI qui demande à la cour':

' à titre principal, de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme [T] [P] de ses demandes au titre du licenciement nul et, si la nullité venait à être prononcée, de dire que les rappels de salaires ne peuvent excéder la somme de 103'290,39 € bruts de laquelle il y a lieu de déduire l'indemnité de rupture déjà perçue (5'089,58 €) ainsi que les revenus de remplacement sur la période considérée (24'151 €) et en conséquence, de limiter à la somme de 53'449,74 € l'indemnisation susceptible d'être allouée à la salariée

' subsidiairement, de l'infirmer en ce qu'elle a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [T] [P] qui sera en conséquence déboutée de sa demande indemnitaire afférente

' très subsidiairement, de réduire l'indemnisation de Mme [T] [P] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 13'929,36 € correspondant à six mois de salaires et celle relative au DIF à un mois de salaire

' en tout état de cause, de condamner Mme [T] [P] à lui payer la somme de 1'500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu la comparution en personne à l'audience du 17 mars 2015 de M. [C] [U] qui demande à la cour de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause.

MOTIFS

La SA PEI a recruté Mme [T] [P] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée «au titre de l'annexe 7 (accord du 29 mars 1990) de la convention collective nationale des entreprises de propreté» sur le site de l'hôtel [Établissement 2] à [Établissement 1], contrat ayant pris effet le 2 mars 2009, en qualité de chef d'équipe-coefficient CE/A-échelon 2, avec une reprise d'ancienneté au 1er octobre 1997, moyennant un salaire de base de 1'636,52 € bruts mensuels pour un temps plein.

Par une lettre du 25 mars 2011, la SA PEI a convoqué la salariée à un entretien préalable prévu le 5 avril avec mise à pied conservatoire, et lui a notifié le 14 avril 2011 son licenciement pour motif disciplinaire reposant sur les griefs de':

' «mise en place d'une pétition contre un responsable sur le lieu de travail et pendant les heures de travail»';

' dénigrement de ses responsables hiérarchiques';

' dénigrement de la société.

Le premier grief se rapporte au fait que le 23 mars 2011, l'appelante est allée dans les étages de l'établissement hôtelier pour faire signer par ses collègues de travail une pétition contre l'assistante de gouvernante, Mme [V], pétition qui avait pour objectif, comme mentionné dans la lettre de licenciement, de «discréditer cette responsable aux yeux des salariés, en l'accusant de harcèlement moral envers les salariés de PEI en place sur le site [Localité 2]».

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, l'appelante percevait une rémunération en moyenne de 2'607,78 € bruts mensuels.

L'employeur l'a dispensée d'exécuter son préavis de deux mois qui lui a été intégralement réglé.

*

Entre autres moyens au soutien de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement - ses conclusions, pages 29 et 40 -, Mme [T] [P] rappelle que le salarié qui relate des agissements de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi de sa part qui ne saurait résulter de la seule circonstance que les faits qu'il a dénoncés ne sont pas établis.

Aux termes de l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, pour avoir témoigné sur ceux-ci, les avoir dénoncés ou encore relatés.

Selon l'article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de l'article L.1152-2 précité et, plus généralement, de l'article L.1152-1 définissant le harcèlement moral, est nulle, de sorte que le salarié qui dénonce des faits relevant de cette qualification ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle, comme le rappelle l'appelante, ne saurait résulter de la seule circonstance que les faits ainsi dénoncés ne sont pas caractérisés.

La mauvaise foi, en tant qu'exception à ce régime légal de protection, suppose la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.

Force est de constater sur ce point que la SA PEI n'entend même pas opposer à Mme [T] [P] sa mauvaise foi, puisqu'elle se contente d'indiquer dans ses écritures - page 10 -, en contradiction avec les termes mêmes de la lettre de licenciement, que «le licenciement prononcé ' est motivé par des éléments tout à fait précis et circonstanciés à la suite des faits survenus le 23 mars 2011 ' sans aucun rapport ' avec les allégations d'un soit disant harcèlement moral ' dont elle se prétend victime '».

Dès lors qu'il ne peut être valablement reproché à la salariée une dénonciation mensongère, voire calomnieuse, de faits inexistants par renvoi à la qualification légale de harcèlement moral, dans le but de déstabiliser l'entreprise et ses supérieurs hiérarchiques, ce grief emporte à lui seul la nullité de plein droit de son licenciement en application des textes susvisés.

Infirmant le jugement querellé, il y a lieu en conséquence de cette nullité, d'ordonner la réintégration de l'appelante au sein de la SA PEI en vue de réoccuper son poste de chef d'équipe ou un poste équivalent sous astreinte provisoire de 300 € par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt, réintégration avec conservation de son ancienneté.

S'agissant de l'indemnisation de la période dite d'éviction, indépendamment de la réintégration de la salariée non bénéficiaire d'une procédure d'autorisation administrative, comme autre conséquence de la nullité de son licenciement, la SA PEI sera condamnée à lui régler une somme réparant la totalité du préjudice qu'elle a subi entre la notification de la rupture et sa réintégration effective dans l'exacte limite du montant des salaires dont elle a été privée à due concurrence de':

' 15'697,66 € (+ 1'569,76 €) du 15 juin au 31 décembre 2011

' 27'468,85 € (+ 2'746,88 €) sur l'année 2012

' 27'701,22 € (+ 2'770,12 €) sur l'année 2013

' 27'587,08 € (+ 2'758,70 €) sur l'année 2014

' 5'324,01 € (+ 532,40 €) du 1er janvier au 17 mars 2015,

desquels seront déduits les revenus qu'elle a pu obtenir d'une autre activité professionnelle sur la même période ainsi que les revenus de remplacement qui ont pu lui être servis notamment ceux de l'assurance chômage.

Il conviendra également de déduire de ces éléments de salaires revenant à Mme [T] [P] sur ladite période d'éviction, comme le fait observer à bon droit l'employeur, la somme de 5'089,58 € qu'elle a perçue au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement - bulletin de paie de juin 2011, sa pièce 3 -, dès lors que le versement de cette même indemnité n'est rendu possible qu'en l'absence de réintégration demandée.

*

En réparation du préjudice moral subi de manière distincte par l'appelante, infirmant la décision querellée, la SA PEI sera condamnée à lui payer la somme indemnitaire à ce titre de 8'000 € majorée des intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

*

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande indemnitaire pour discrimination syndicale (21 946 €) dans la mesure où, comme lui en fait obligation l'article L.1134-1 du code du travail, elle ne présente aucun élément de fait qui en laisserait supposer l'existence au sens de l'article L.1132-1, sa simple appartenance à l'UNSA courant 2011 restant en elle-même un élément non strictement déterminant, et peu importantle climat syndical quelque peu tendu à l'époque au sein de l'entreprise.

*

Sur le droit individuel à la formation (DIF), dès lors que la lettre de licenciement n'en fait pas mention en violation de l'article L.6323-19 du code du travail, l'appelante a nécessairement subi un préjudice, en sorte que le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a condamné la SA PEI à lui payer la somme indemnitaire de ce chef de 2'444,34 € avec intérêts au taux légal partant de son prononcé.

*

Sur les demandes liées à M. [C] [U], directeur d'exploitation au sein de l'hôtel [Établissement 2] géré par la SA PEI, il ne pourra qu'être relevé le peu d'indices recueillis contre ce dernier par l'appelante qui se contente de produire aux débats son courrier adressé à l'employeur le 2 mars 2011 suivi de son audition par les services de police le 4 mai 2011 dans le cadre d'une procédure pour infractions sexuelles, audition non corroborée par d'autres éléments, ce qui conduira la cour à confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a rejeté la réclamation indemnitaire (30'000 €) pour préjudice moral de Mme [T] [P] contre ce dernier et celle contre la SA PEI au titre de son obligation de sécurité de résultat (43'992 €).

La SA PEI sera condamnée en équité à verser à Mme [T] [P] la somme de 3'000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions sur la discrimination syndicale, le DIF, la demande indemnitaire pour préjudice moral contre M. [C] [U], l'obligation de sécurité de résultat, l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ;

L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

DIT et juge nul et de nul effet le licenciement notifié le 14 avril 2011 par la SA PEI à Mme [T] [P] qui sera en conséquence réintégrée sur son poste ou un poste équivalent, sous astreinte provisoire de 300 € par jour de retard suivant la notification du présent arrêt;

CONDAMNE la SA PEI à verser à Mme [T] [P] les sommes ou éléments de salaires de :

' 15'697,66 € (+ 1'569,76 €) du 15 juin au 31 décembre 2011

' 27'468,85 € (+ 2'746,88 €) sur l'année 2012

' 27'701,22 € (+ 2'770,12 €) sur l'année 2013

' 27'587,08 € (+ 2'758,70 €) sur l'année 2014

' 5'324,01 € (+ 532,40 €) du 1er janvier au 17 mars 2015,

desquels seront déduits sur justificatifs l'ensemble des revenus que cette dernière a pu obtenir d'une autre activité professionnelle sur la même période ainsi que les revenus de remplacement qui ont pu lui être servis dont ceux de l'assurance chômage (pour mémoire), outre l'indemnité conventionnelle de licenciement déjà perçue à concurrence de 5'089,58 €;

CONDAMNE la SA PEI à payer à Mme [T] [P] la somme de 8'000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct';

Y ajoutant,

ORDONNE la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes revenant à Mme [T] [P] dans les conditions de l'article 1154 du code civil;

CONDAMNE la SA PEI à verser à Mme [T] [P] la somme de 3'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SA PEI aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/05957
Date de la décision : 06/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/05957 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-06;13.05957 ?
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