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28/05/2015 | FRANCE | N°13/11969

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 28 mai 2015, 13/11969


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 28 Mai 2015



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11969



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 mai 2013 par le tribunal de grande instance de MELUN - RG n° 12/00075



APPELANTS

Monsieur [R] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 4]

75007 PARIS

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Carole-Anne LE PETI

T LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604



Madame [U] [P] épouse [O]

[Adresse 1]

[Adresse 4]

75007 PARIS

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Carole-Anne LE PETIT LEBO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 28 Mai 2015

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11969

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 mai 2013 par le tribunal de grande instance de MELUN - RG n° 12/00075

APPELANTS

Monsieur [R] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 4]

75007 PARIS

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604

Madame [U] [P] épouse [O]

[Adresse 1]

[Adresse 4]

75007 PARIS

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604

INTIMÉS

ETAT FRANÇAIS, représenté par l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMÉNAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE MARNE LA VALLÉE (EPAFRANCE)

EPIC immatriculé au RCS de Meaux sous le numéro B342 123 361

[Adresse 3]

[Adresse 6]

77426 MARNE LA VALLEE

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric LEVY de l'AARPI DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES TRESORERIE GENERALE DE SEINE ET MARNE

France Domaine

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Monsieur [V], commissaire du gouvernement, en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 février 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Maryse LESAULT, conseillère, spécialement désignée pour présider cette chambre par ordonnance de Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS,

Monsieur Paul André RICHARD, conseiller hors classe, désigné par Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS

Madame Lucie FONTANELLA, juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de BOBIGNY désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Maryse LESAULT, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par arrêté en date du 27 juillet 2012, le préfet de la SEINE-ET-MARNE a déclaré d'utilité publique les acquisitions foncières par l'Etat, représenté par l'Etablissement Public d'Aménagement du secteur IV de MARNE LA VALLEE (EPAFRANCE), en vue du développement de l'éco-tourisme et la réalisation du projet «VILLAGES NATURE»

Par arrêté en date du même jour, le Préfet de la SEINE-ET-MARNE a déclaré cessibles au profit de l'Etat, représenté par EPAFRANCE, les parcelles de terrains situées sur la commune de [Localité 9] nécessaires à l'opération ci-dessus dont celle située lieu-dit « [Adresse 5] », cadastrée [Cadastre 1], d'une surface de 13 282 m2 appartenant à Monsieur [R] [O] et Madame [U] [P] épouse [O].

Par ordonnance en date du 27 septembre 2012, le juge de l'expropriation a déclaré expropriée au profit de l'Etat la parcelle ainsivisée par la procédure.

Monsieur [R] [O] et Madame [U] [P] épouse [O] ayant rejeté son offre d'indemnisation, EPAFRANCE a saisi le juge de l'expropriation par requête parvenue au secrétariat-greffe le 8 octobre 2012.

Le transport sur les lieux a été effectué le 11 février 2013.

Par jugement rendu le 10 mai 2013 le juge de l'expropriation du tribunal de Melun a

-fixé à 44831€ toutes causes confondues l'indemnité payer par l'Etat, représenté par EPAFRANCE à M [R] [O] et Mme [U] [P] épouse [O] pour la dépossession de la parcelle située sur la Commune de [Localité 9] lieu-dit « [Adresse 5] » cadastrée [Cadastre 1] d'une surface de 13 282 €,

- condamné l'Etat représenté par EPAFRANCE à leur payer 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que les dépens seront laissés à la charge de l'autorité expropriante en application de l'article L13-5 du code de l'expropriation.

Les époux [O] ont interjeté appel de cette décision par acte reçu le 14 juin 2013.

Les parties ont déposé leurs conclusions et mémoires comme suit :

- les appelants le 24 juillet 2013 puis le 9 février 2015,

- le Commissaire du Gouvernement le 19 novembre 2013 puis le 06 février 2015,

- EPAFRANCE le 21 novembre 2013 puis le 11 février 2015

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de leur mémoire et conclusions les époux [O] demandent à la cour de :

Réformer le jugement entrepris,

A titre principal fixer à la somme de 512 357 € l'indemnité totale de dépossession remploi compris à leur revenir pour cette parcelle [Cadastre 1],

A titre subsidiaire fixer à la somme de 220.159 € l'indemnité totale de dépossession remploi compris à leur revenir pour cette parcelle,

Condamner en tout état de cause l'Etat (EPAFRANCE) au paiement de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée par le tribunal,

Au terme de ses mémoire et conclusions EPAFRANCE, par ailleurs appelant incident, demande à la cour au visa des articles L13-13 et suivants, L13-15, L13-14 du code de l'expropriation et vu les références versées aux débats de :

- débouter « les défendeurs » de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

-fixé au 20 avril 2011 la date de référence et considéré qu'à cette date le bien se trouvait en zone Nda du POS de [Localité 9],

- écarté la qualification de « terrain à bâtir » et de « terrain en situation privilégiée »

- retenu les valeurs unitaires de 3€/M² pour les parcelles en nature de terre agricole,

- recevoir l'appel incident de l'Etat tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'application d'un abattement pour occupation ; en conséquence fixer l'indemnité de dépossession à revenir « aux défendeurs », consécutivement à la dépossession de la parcelle [Cadastre 1], à la somme de 27 736,67€ décomposée comme suit :

- indemnité principale en valeur occupée (13282M² x 3 €/M²) - 15539,94 = 24306,06 €

- indemnité accessoires de remploi 3430,61€

Au terme de ses mémoire et conclusions le commissaire du Gouvernement conclut à ce que la cour déclare l'appel recevable, déclare les consorts [O] non déchus, et :

- confirmant le jugement entrepris, fixe la date de référence à la date de mise à disposition du public du rapport du débat public, soit au 20 avril 2011, le document d'urbanisme de référence étant le POS de [Localité 9] approuvé le 1ermars 2001,

- confirme l'indemnisation globale de 39 846 € (+ l'indemnité de remploi aux taux usuels)

A titre strictement subsidiaire si la cour fixe la date de référence à celle de la publication de la DUP, le 30 juillet 2012, le document d'urbanisme opposable alors que le PLU mis en compatibilité le 27 juillet 2012, à ce que la valeur d'indemnisation soit calculée sur une base de 8€/M² à savoir une indemnisation globale de 106.256 € outre le remploi aux taux usuels.

Il convient de se reporter aux écritures des parties pour plus ample exposé des demandes et moyens.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la cour se réfère au jugement entrepris quant à l'exposé de l'opération d'aménagement « Village Nature » et à la chronologie des actes administratifs et juridictionnels de cette opération dont ceux ayant concerné la parcelle appartenant aux époux [O] concernée par le présent litige ;

Considérant que les points principalement en débat sont d'une part celui de la détermination de la date de référence et d'autre part celui de la qualification de la parcelle, ainsi que l'appréciation des termes de références ;

Sur la date de référence

Considérant que par délibération du 26 avril 2001 le conseil Municipal de [Localité 9] a instauré une DPU dont le périmètre couvre « l'ensemble du territoire communal » c'est-à-dire des territoires ruraux, non urbanisés ;

Considérant que les thèses en présence sont les suivantes:

- les époux [O] rappellent l'instauration le 26 avril 2001 de ce droit de préemption urbain (DPU) sur l'ensemble du territoire de la Commune de [Localité 9] incluant pas conséquent des zones agricoles, font valoir que le PLU de [Localité 9] a été approuvé le 26 février 2002 ; ils ajoutent que la dernière modification du PLU est celle résultant de l'arrêté préfectoral du 27 juillet 2012 publié au registre des actes administratifs le 30 juillet 2012, de sorte que c'est cette date, rendant opposable aux tiers cette décision, qui doit seule être retenue comme date de référence. Ils ajoutent ne pas se prévaloir de la qualification de terrain à bâtir de la parcelle mais de sa situation hautement privilégiée.

- le commissaire du gouvernement souligne qu'en instaurant en 2001 un droit de préemption urbain sur l'ensemble du territoire communal, englobant au-delà des zones urbaines ou à urbaniser, la totalité des zones naturelles et agricoles du territoire communal, la Commune a violé les dispositions des articles L211-1 et suivants du code de l'urbanisme, mais qu'il n'a cependant pas été formé de recours contre cette décision. Il ajoute qu'en cette situation se pose la question de l'application ou non des dispositions des articles L213-6 et L213-4 du code de l'urbanisme, avec fixation de la date de référence au 30 juillet 2012, puisque le support juridique de la dernière modification du PLU par arrêté du 27 juillet 2012 est illégal mais non annulé. Il souligne l'effet contradictoire de prendre en compte la date de publication de cet arrêté alors que la loi vise à protéger l'expropriant compte le risque de spéculation foncière que fait naître une opération d'aménagement urbanistique.

- EPAFRANCE soutient notamment que le « POS » manifestement illégal de [Localité 9] ne peut fonder une décision qui ferait application des articles L213-6 et L213-4, des terres agricoles ne pouvant pas faire l'objet d'un DPU généralisé au territoire de la Commune. Il rappelle que l'ordonnance de délibération de [Localité 9] est postérieure au jugement entrepris, et qu'un terrain ne peut pas être évalué en fonction de sa destination future, après modification de cette destination.

Considérant que le jugement entrepris a fixé la date de référence applicable au 20 avril 2011 correspondant à la date de mise à disposition du public du dossier du débat public qui est intervenu du 12 avril au 23 juin 2011, faisant ainsi application, par motifs que la cour adopte, des dispositions de l'article L13-15 du code de l'expropriation ;

Qu'en effet selon ces dispositions (I) » les biens sont estimés à la date de la première instance et sous réserve de l'application du II du présent article [ie concernant les terrains à bâtir], sera seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L11-1 ou(') dans le cas de projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L121-8 du code de l'environnement (') au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat »

Considérant en effet que s'agissant de terres à destination agricole et exploitées comme telles, la cour retiendra qu'il n'y a pas matière à se référer aux dispositions du code de l'urbanisme relatives à l'expropriation de parcelles soumises au droit de préemption urbain ;

Que le jugement sera confirmé sur la fixation de la date précitée ;

Sur la valeur d'indemnisation

Qualification des terrains

Considérant que les époux [O] appelants ne revendiquent plus devant la cour la qualification de terrain à bâtir, mais se prévalent de la situation hautement privilégiée de la parcelle concernée que le jugement a écartée en estimant non réunies les caractéristiques requises pour la qualifier ainsi :

Que sur ce point les parties s'opposent sur l'appréciation du cas d'espèce :

- les époux [O] invoquent la proximité de zones urbanisées en ce que les parcelles sont accolées au ranch [1] qui est l'une des résidences hôtelières d'Euro Disney. Ils contestent que soit requise la préexistence de réseaux d'une capacité suffisante et invoquent le caractère suffisant de la situation existante au regard de la proximité des réseaux et des zones construites. Sur ce point ils invoquent encore la desserte en eau et électricité située à proximité, non seulement par les équipements du ranch [1], mais également ceux de bâtiments agricoles importants comme la porcherie de la SAGA du Jariel. Ils ajoutent que la consommation d'importants espaces agricoles depuis de nombreuses années dans le secteur Sud de Marne la Vallée créée nécessairement une pression immobilière sur les prix des terres.

- l'EPAFRANCE soutient que la qualification discutée, de situation hautement privilégiée, exige une proximité immédiate de zone urbanisée, de réseaux de viabilité et une situation de pression foncière de nature à conférer une plus-value aux terres agricoles, conditions qu'elle estime non réunies en raison de l'éloignement des parcelles de zones urbanisées ([2] est à quelques kilomètres, de même que le centre commercial de Val d'Europe) alors que les villages de [Localité 9] et de [Localité 2] se trouvent à plus de deux kilomètres. EPAFRANCE souligne l'absence de réseaux de capacité suffisante sur les équipements cités qui ne peuvent desservir la zone où se situent les parcelles, et en outre leur caractère privé, ajoutant le coût d'équipement de la zone à ce titre est d'ailleurs évalué à lui seul à 9,371 M€. EPAFRANCE conteste enfin la pression foncière en rappelant qu'il avait proposé de mettre 114 hectares à la disposition des agriculteurs évincés sur la plaine de Jossigny, pour permettre leur réinstallation, et fait avoir que l'opération Villages Nature » n'est pas en elle-même de nature à augmenter la pression foncière. EPAFRANCE conclut en indiquant avoir retenu une situation modérément privilégiée en faisant des offres unitaires de 2€, 3€ ou 9€ là où les parcelles agricoles se vendent entre 0,5€ et 1€ le mètre carré, et en soulignant qu'il convient en l'espèce de tenir compte du caractère occupé de la parcelle.

- le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement quant aux valeurs unitaires admises. Il souligne que l'indemnité doit indemniser l'intégralité du préjudice subi, fait valoir que les références négociées avec l'autorité publique sont pertinentes et que les références produites par les parties pouvant être retenues sont celles de terrains dont la situation est directement transposable à la situation ici examinée, notamment au regard de la densité d'urbanisation et des réseaux. Il estime que l'évaluation judiciaire pour les parcelles situées sur la Commune de [Localité 7] ne sont pas directement transposables.

Considérant que l'implantation et l'environnement des parcelles sont les suivants :

La parcelle [Cadastre 1] en forme de lanière a un accès sur la route départementale 231. Elle est exploitée par Mme [S] [F] et M.[K] [F] selon bail verbal.

Considérant qu'il sera rappelé qu'aux termes de l'article L13-13 du code de l'expropriation l'indemnisation « doi[t] couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par la mesure d'expropriation » ;

Considérant que la reconnaissance d'une situation privilégiée ne requiert aucunement la condition de préalable de constructibilité du terrain mais peut, au contraire, intervenir en l'absence de toute constructibilité, afin de voir reconnaître les autres éléments de plus-value des terres concernées ;

Considérant que si les aménagements futurs ne sauraient avoir d'incidence sur l'évaluation actuelle des parcelles expropriées, il doit cependant être pris en compte dans cette évaluation actuelle leur situation dans une zone dont l'aménagement a été initié dans les années 1970 avec la définition de quatre secteurs de développement (Porte de Paris, Val Maubuée, Val de Bussy et Val d'Europe, ce dernier construit à partir de l'agglomération nouvelle de Marne la Vallée [décret du 24 mars 1987] secteur incluant notamment les communes de [Localité 2], [Localité 7] et le projet « Village Nature » ; que l'expropriant EPAFRANCE a été créée en 1987 pour accompagner le développement des vastes projets de valorisation de ce secteur notamment en terme de développement, à dimension internationale, d'activités de loisirs ([2] dont l'exploitation a commencé en 1992), d'hôtellerie, vacances, services et activités commerciales associés ; qu'il s'en évince que les parcelles agricoles ne peuvent être privées de la spécificité de ce contexte déjà ancien ;

Considérant que la commune de [Localité 9] est distante d'environ 5 kilomètres de [2] et se situe dans le périmètre de grands aménagements déjà réalisés, et en cours de développement ; qu'elle se trouve à environ 3 kilomètres de l'accès à l'autoroute de L'Est et à une quinzaine dekilomètres de Marne la Vallée, dont une dizaine s'effectue par cette autoroute ;

Considérant que la consultation de la carte d'ensemble de la zone concernée sur le site internet de Epamarne visé dans le mémoire de EPAFRANCE permet de constater que la commune de [Localité 9] se trouve dans la partie de cette zone située au Sud de l'autoroute, où certes le tissu d'urbanisation est moins dense, sans cependant que cette circonstance ne soit de nature à retirer aux parcelles cette spécificité déjà ancienne ; qu'au surplus le réseau de communication de proximité adapté à la dimension internationale du pôle d'activité [accès autoroute et RER très proche (gare desservant [2]), correspondances vers l'aéroport Charges de Gaulle] a de longue date ouvert les secteurs concernés par la présente expropriation à des implantations d'activités facilitées ;

Considérant que si EPAFRANCE conteste l'existence à proximité immédiate des parcelles de réseaux d'électricité et d'eau suffisants, force est cependant de constater, que nonobstant la nécessité certaine pour l'Etablissement public de développer au fur à mesure de l'aménagement des pôles d'activités prévus le dimensionnement de ces réseaux, il existe d'ores et déjà un réseau public desservant le ranch [1] préexistant à l'opération village Nature, lequel est à proximité immédiate de ces parcelles ; qu'il importe peu que les concessionnaires des aménagements soient différents pour la zone du ranch et celle de [Localité 9] s'agissant d'un même service public ;

Considérant que, nonobstant l'absence de démonstration d'une véritable pression foncière sur le marché privé, difficile à établir en raison de l'importance des transactions négociées dans le cadre des grands aménagements en cours, qui rendent le marché foncier captif, ces circonstances permettent de retenir le caractère privilégié de la situation des parcelles concernées, la cour infirmant le jugement, dans son principe, sur ce point ;

Références pertinentes

Considérant qu'en plus des critères habituels d'appréciation (emplacement géographique, environnement urbanistique, configuration, voies de circulation et réseaux, destination et affectation réelle) il convient d'apprécier les valeurs de référence et leur pertinence au regard de la situation ainsi retenue ;

Considérant que les époux [O] demandent à la cour de retenir un prix unitaire de 35€/M² pour les parcelles en retenant qu'elles sont situées en zone IAU ou, subsidiairement de 15€/M² si la cour retient un classement en zone ND ;

Considérant que pour motifs qui précèdent relatifs à la fixation de la date de référence au 20 avril 2011, la situation d'urbanisme des parcelles est en NDa par référence au POS de [Localité 9] du 1ermars 2001 ; que ce classement désigne une zone à dominante naturelle non équipée qui doit être protégée en raison de la qualité du paysage et du caractère des éléments naturels la composant ; que cette zone est destinée à recevoir l'aménagement et l'extension mesurée des constructions existantes ;

Considérant que l'offre de l'Expropriant est inchangée en appel ; que la demande des époux [O] est formée sur son subsidiaire relative à ce classement au montant de 15€, alors que le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement soit 3€/M² outre abattement d'occupation ;

Considérant que l'appréciation de la pertinence des références produites conduit à écarter celles concernant des parcelles de taille trop sensiblement différentes, ou situées dans une plus grande proximité d'urbanisation ou de forte urbanisation, étant rappelé que la commune de [Localité 9] comprend environ 2000 habitants ou, encore, de parcelles situées à proximité de secteurs d'activités trop différents des parcelles concernées ;

Considérant que la parcelle [Cadastre 1] expropriée représente une superficie respective de 13 282 M².

Considérant que le tribunal a notamment retenu les références suivantes :

- des jugements du tribunal de grande instance de Melun des 21 juin 2012 et 25 octobre 2012 fixant à 3e/M² en valeur occupée l'indemnité de dépossession pour un ensemble de terres agricoles sur les communes de Coutevroult et Villiers sur Morin, situées dans l'emprise de la future liaison routière entre l'A4 et la RN36,

- des accords homologués du 21 juin 2012 pour une série de parcelles à [Localité 6] d'une superficie comprise entre 630 et 4754 M² pour un prix unitaire de 3€/M²,

- des ventes intervenues le 14 janvier 2011 pour des parcelles en zone NC pour une valeur unitaire de 1,8M²,

Que les époux [O] estiment que le tribunal n'a pas tiré les conclusions de ses constatations au regard des références produites et qu'il se prévalent notamment :

- de vente sur la commune de [Localité 8] le 31 août 2010 pour 8 €/M² en zone NC

- de décisions judiciaires et en particulier de :

.l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 1991 à Bailly Romainvilliers pour 9,15€ en zone NC dépourvue de viabilité avec desserte par un chemin rural

. de jugements du tribunal de grande instance de Melun du 26 novembre 2003 pour de sparcelles situées à [Localité 7] à proximité du Val d'Europe et de Euro disney en zone ND pour 19,82€/M²,

. de l'arrêt de la cour de Paris du 15 février 2007 évaluant à 8 €/M² une parcelle située en zone NC à [Localité 3]

- de délibérations du conseil municipal de plusieurs communes portant acquisition de parcelles, soit de [Localité 6] du 22 juin 2010 en Zone N, boisée, sans viabilité à 7,15€ le M², de [Localité 4] du 16 septembre 2011, boisées au prix de 7,31€M²

Considérant que EPAFRANCE qui dénie l'existence d'une situation privilégiée conteste en outre les références des époux [O] qui ne peuvent selon lui être considérées comme ventes ou décisions judiciaires définitives, de même que les références trop anciennes ou portant sur des parcelles non comparables ou trop éloignées ; qu'il fait état pour sa part de plusieurs références dont :

- celles concernant des ventes de parcelles agricoles de 21140 M² l'une et 2720€ l'autre en janvier 2011 à [Localité 5] pour une valeur de 1,8€/M²,

- celles issues de plusieurs accords homologués le 21 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Melun pour la valeur libre de 3€/m² concernant des parcelles agricoles d'une surface comprise entre 178M² et 9273M²,

- celles tirées d'arrêts de la cour d'appel de Paris du 26 septembre 2013 ayant admis une valeur de 12€/m² et 9€/M² pour une situation qualifiée de très privilégiée,

- celles tirées de jugements du tribunal d'expropriation de Melun du 10 mai 2013 mentionnés être définitifs concernant des parcelles boisées en zone non constructible ni privilégiée sises à proximité immédiate de l'emprise de « Village Nature » pour 2€/M² ;

Qu'EPAFRANCE demande d'infirmer le jugement et de fixer l'indemnisation à 2€/M² ;

Considérant que le tribunal a pu valablement écarter des références concernant des parcelles qui ne relevaient pas d'un classement ND ou encore qui se trouvaient en zones « suburbaines » ou présentant des niveau d'équipement différents ;

Considérant à cet égard que si la valeur moyenne des terres agricoles selon barème publié par arrêté préfectoral du 5 juillet 2012 pour l'année 2011 est de 0,63€/M² moyenne générale de valeurs comprises entre 0,26 et 2,10€/M², cette information est émise comme il a été dit, à partir d'un marché foncier devenu captif ;

Considérant qu'en ces circonstances, la cour retiendra que l'offre faite par l'expropriant à 3€ pour les terres en cultures ne prend que très partiellement en compte une plus- value tenant à la situation spécifique des parcelles, et que, au regard des valeurs de transactions et mutations versées aux débats, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu cette valeur pour la parcelle [Cadastre 1]; qu'il convient de fixer cette valeur à 8€/M² étant observé que le tissu d'urbanisation est différent de celui de la Commune de [Localité 7], dont la population est par ailleurs plus importante (Environ 6500 Habitants) par rapport à celle de [Localité 9] ;

Considérant que pour écarter l'abattement en raison de la situation d'occupation, le premier juge a exactement rappelé que cette minoration s'appréciait en fonction de la différence de prix constatée sur le marché immobilier entre un immeuble libre d'occupation et le même occupé, soit en l'espèce exploité par un autre que le propriétaire ; qu'à cet égard il est certain que si la spécificité et le peu de liberté du marché foncier local relativisent cette différence de prix, cependant la situation d'occupation doit être prise en compte, de sorte que le jugement sera infirmé sur ce point et que, compte tenu de cette occupation la valeur unitaire sera ramenée à 7€/m² ;

Montant des indemnisations principales et de remploi

Considérant que l'indemnisation des époux [O] sera en conséquence fixée comme suit :

Indemnité principale

13282 x 7€

92 974

Indemnité de remploi

20% jusqu'à 5000€

1000

15% de 5001 à 15000

1500

10% pour le surplus

9047,4

99 521,4 €

arrondi à 99 521 €

Dépens et frais irrépétibles

Considérant que les dépens seront à la charge de l'expropriant conformément aux dispositions de l'article L13-5 du code de l'expropriation et que l'expropriant devra verser aux époux [O] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris sauf sur les dépens et frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

FIXE à 99 521 € le montant de l'indemnisation globale (principale et de remploi) de la parcelle [Cadastre 1] que l'Etablissement public d'aménagement de la Ville nouvelle de Marne la Vallée devra verser à Mme et M.[O],

Y ajoutant,

DIT que l'Etablissement public d'aménagement de la Ville nouvelle de Marne la Vallée devra verser à à Mme et M.[O] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles devant la cour d'appel,

DIT que les dépens du présent arrêt seront à la charge de l'autorité expropriante.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/11969
Date de la décision : 28/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°13/11969 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-28;13.11969 ?
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