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04/06/2015 | FRANCE | N°13/00200

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 04 juin 2015, 13/00200


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 04 Juin 2015

(n° 325 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00200



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section encadrement RG n° 10/03277





APPELANTE

Madame [Q] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 2]


comparante en personne, assistée de Me Bénédicte RENAUD-XIRAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0743





INTIMEE

CHUBB FRANCE venant aux droits de UTC FIRE & SECURITE SERVICES
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 04 Juin 2015

(n° 325 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00200

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section encadrement RG n° 10/03277

APPELANTE

Madame [Q] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Bénédicte RENAUD-XIRAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0743

INTIMEE

CHUBB FRANCE venant aux droits de UTC FIRE & SECURITE SERVICES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Brice SEGUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P107 substitué par Me Nawël-Flora ALI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bruno BLANC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

Greffier : Madame Céline BRUN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [O] a été engagée par la société SICLI en contrat de travail à durée

indéterminée à compter du 26 mars 2008 et occupait, au dernier état, le poste de

Directeur Ressources Humaines, statut cadre, position 2, indice 135. selon la

nomenclature de la convention collective de la métallurgie (Ingénieurs et cadres) moyennant la rémunération suivante:

o Fixe : 95.000,00 euros bruts versés sur 12 mois, soit un salaire brut mensuel de 7.916,67 € ,

o Bonus : 20 % de son salaire annuel brut selon critères à définir.

Madame [Q] [O] a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique qui lui a été notifié par courrier recommandé en date du 3 mai 2010.

Ce licenciement s'inscrivait dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique concernant 180 salariés au sein de l'unité économique et sociale SICLI COFISEC.

Contestant son licenciement, Madame [Q] [O] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 27 septembre 2010 des chefs de demandes suivants:

- Dire et juger que le le licenciement économique de Madame [Q] [O] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

- Au titre de l'article L 1235-3 du code du travail 179 305,11 € ;

- Congés payés incidents 2 791,96 € ;

- Dommages-intérêts pour harcèlement moral ou à tout le moins les manquements de son

employeur à son obligation de sécurité de résultat 50 000,00 € ;

- Rappel de bonus 27 919,51 €;

- Congés payés sur rappel de bonus 2 791,96 € ;

- Rappel de salaire pour heures supplémentaires 81 011,62 € ;

- Congés payés sur rappel d'heures supplémentaires 8 101,16 € ;

- Dommages-intérêts pour repos compensateur non pris 63 912,48 € ;

- Complément d'indemnité compensatrice de préavis 18 076,27 € ;

- Complément d'allocation de reclassement 50 914,84 €;

- Indemnité conventionnelle de licenciement complément 2 819,90 € ;

- Indemnité supplémentaire de licenciement 24 101,70 € ;

- Indemnité compensatrice de congés payés complément 2 226,92 €;

- RTT complément 490,67 €;

- Complément d'indemnité de prévoyance 3 752,52 € ;

- Indemnité pour violation de l'obligation de réembauche 19418,76 € ;

- Indemnité pour travail dissimulé 89 652,55 €;

- Article 700 du Code de Procédure Civile 3 000,00 € ;

- Dépens;

- Condamnation à rembourser les allocations de chômage dans la limite de six mois ;

- Remise d'attestation Pôle emploi, du certificat de travail ;

- Astreinte par jour de retard 50,00 € ;

- Exécution provisoire (article 515 du code de procédure civile );

- Dépens .

A titre reconventionnel, la société UTC FIRE et SECURITE SERVICES a sollicité la condamnation de Madame [Q] [O] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Madame [Q] [O] du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny du 14 juin 2012 qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens.

Vu les conclusions en date du 08 avril 2015, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Madame [Q] [O] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré;

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que le licenciement économique de Madame [O] ne repose pas sur une

cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- Condamner la société CHUBB France venant aux droits de la société SICLI à lui

payer la somme de 180.000 € au titre de l'article L 1235-3 du Code du travail;

A titre subsidiaire,

- Condamner la société CHUBB France venant aux droits de la société SICLI à lui payer la somme de 180.000 € à titre de dommage et intérêts pour réparer le préjudice subi du fait de la non application des critères d'ordre de licenciement;

- Constater que Madame [O] a subi un harcèlement moral au travail, ou à tout le moins les manquements de son employeur à son obligation de sécurité de résultat ;

En conséquence,

- Condamner la société CHUBB France venant aux droits de la société SICLI à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts;

- Condamner la CHUBB France venant aux droits de la société SICLI à payer à Madame

[O] les sommes de:

o 27.919,51 € à titre de rappel de bonus ,

o 2.791,96 € au titre des congés payés afférents au rappel de bonus,

o 81.011,62 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ,

o 8.101,16€à titre de congés payés afférents au rappel d'heures supplémentaires ,

o 63.912,48 € à titre de dommages et intérêt au titre des repos compensateurs non

pris ,

o 18.076,27 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis ,

o 50.914,84 € à titre de complément d'allocation de reclassement

o 2.819,90 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ,

o 24.101,70 € à titre de complément d'indemnité supplémentaire de licenciement ,

o 2.226,92 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés ,

o 490,67 € à titre de complément d'indemnité pour jours de RTT non pris ,

o 3.752,52 € à titre de complément d'indemnité de prévoyance ,

o 19.418,76 € à titre d'indemnisation pour violation de l'obligation de réembauche,

o 89.652,55 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ,

o 4.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les

instances devant les premiers juges et en appel ;

- Ordonner à la Société CHUBB France venant aux droits de la société SICLI la remise à Madame [O] d'une attestation Pôle emploi conforme aux termes du jugement à intervenir au plus tard quinze jours après son prononcé, sous astreinte de 50 € par jour

de retard;

- Condamner la société CHUBB France venant aux droits de la société SICLI aux entiers

dépens.

Ordonner le remboursement pat la société CHUBB France venant aux droits de la

société SICLI à Pôle Emploi des allocations chômage qui perçues pat Madame [O]

en suite de son licenciement sans cause réelle ni sérieuse dans la limite de 6 mois.

Vu les conclusions en date du 08 avril 2015, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la société CHUBB France venant aux droits de la UTC FIRE et SECURITE SERVICES demande à la cour de :

- Dire et juger que le licenciement pour motif économique de Madame [O]

repose sur une cause réelle et sérieuse ;

' Dire et juger que Madame [O] n'établit aucunement la réalité et la matérialité de faits permettant de présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre ;

- Dire et juger que Madame [O] a été remplie de l'ensemble de ses droits en matière de durée du travail;

En conséquence :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner Madame [O] au paiement de la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant que la lettre de licenciement de cinq pages, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est motivée par la nécessité de réorganiser l'entreprise exposée en ces termes ' Ce projet de restructuration et de rapprochement des différentes entités opérationnelles, indispensable à la sauvegarde de la compétitivité économique du groupe et des entités de son secteur d'activité protection incendie consiste notamment à mettre en place un management commun au niveau national, au niveau des régions et également au niveau des agences.

Vous concernant, ce projet a notamment pour objet d'organiser :

- Un rapprochement opérationnel des fonctions support siège de Chubb Sécurité et SICLI sur le site de [Localité 1].

- La mise en place d'un management commun au sein des services support dont ressort la Direction des ressources Humaines.

En conséquence, le poste de Directeur Ressources Humaines SICLI/COFISEC que vous

occupiez s'est trouvé supprimé...';

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

Que la sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement ;

Que le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation ;

Que le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité ;

Que par ailleurs, il résulte de l'article L. 1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur ; que les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'à défaut, le licenciement n'est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant, aux termes de l'article L 321-1, al. 3 du code du travail, que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un

emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du Groupe auquel l'entreprise appartient;

Qu'il résulte d'une suppression d'emploi procédant d'un motif économique, que le

licenciement pour motif économique n'a de cause réelle et sérieuse que si l'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié;

Qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rechercher si l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement;

Qu'à défaut, le licenciement est privé de cause réelle , la recherche préalable de reclassement conditionnant la validité du licenciement lui-même dont il constitue une alternative obligatoire sous peine de défaut de cause réelle et sérieuse;

Que l'employeur doit se livrer à une recherche réelle et sérieuse et individuelle des postes de reclassement et apprécier les possibilités et conditions de reclassement au sein de l'entreprise mais aussi dans le groupe auquel il appartient ;

Considérant que, pour infirmation, Madame [Q] [O] soutient essentiellement qu'il n'existerait pas de motif économique et que l'obligation de recherche préalable de reclassement n'aurait pas été respectée;

Considérant que la société UTC FIRE et SECURITE SERVICES établit avoir été confrontée, à compter de 2007, à un contexte économique particulièrement dégradé se caractérisant, notamment, par une augmentation des prix des matières premières et du prix de l'essence conduisant à un renchérissement des coûts de revient et une concurrence de plus en plus agressive entraînant des pertes de contrats;

Qu'elle justifie que des entreprises concurrentes ont commencé à racheter des sociétés de maintenance d'extincteurs et que l'activité extincteurs était en décroissance du fait d'une perte accélérée de clients depuis plus de 2 ans, le volume des ventes et des vérifications déjà en retrait de 4,6% au mois de mai 2008 passant à - 17,5% sur le mois de mai 2009, données confirmées par le rapport de l'expert du Comité Central d'Entreprise sur les comptes 2008;

Que, dans ces conditions, confrontée à ces menaces pesant sur sa compétitivité, la société SICLI a décidé d'une nouvelle stratégie de croissance en s'appuyant sur l'ensemble des forces dont dispose le Groupe UTC FIRE & SECURITY SERVICES au travers de la mise en commun des bases de clientèle ;

Que par ailleurs, les sociétés SICLI et CHUBB SECURITY ont décidé de se rapprocher opérationnellement en adoptant, en France, le modèle défini fin 2008 au niveau mondial puis régional, notamment en rationalisant leurs investissements et leurs coûts de gestion;

Qu'en conséquence, la réorganisation de l'entreprise constitue une cause économique de suppression ou de transformation d'emploi et de modification substantielle du contrat de travail dès lors qu'elle a été décidée dans l'intérêt de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité et qu'il n'est pas établi un détournement de pouvoir de la part de l'employeur;

Qu'en conséquence, le licenciement de Madame [Q] [O] repose bien sur un motif économique et le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur le respect de l'obligation de reclassement:

Considérant que l'article L 1233-4 du Code du travail dispose :

« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les

efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient .

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. »

Que selon l'article L 1233-4 du code du travail, l'employeur doit chercher à reclasser le salarié concerné :

- en priorité selon les emplois disponibles relevant de la même catégorie que celui

qu'il occupe;

- Par catégorie professionnelle, il convient d'entendre l'ensemble des salariés qui

exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une

formation professionnelle commune;

- ou, selon un emploi équivalent, comportant le même niveau de rémunération, les

mêmes qualifications et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial;

- ou, à défaut, et sous réserve de l'accord express du salarié, sur un poste d'une

catégorie inférieure;

Qu'il résulte d'une suppression d'emploi procédant d'un motif économique, que le

licenciement pour motif économique n'a de cause réelle et sérieuse que si l'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié;

Qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rechercher si l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement;

Qu'à défaut, le licenciement est privé de cause réelle , la recherche préalable de reclassement conditionnant la validité du licenciement lui-même dont il constitue une alternative obligatoire sous peine de défaut de cause réelle et sérieuse;

Que l'employeur doit se livrer à une recherche réelle et sérieuse et individuelle des postes de reclassement et apprécier les possibilités et conditions de reclassement au sein de l'entreprise mais aussi dans le groupe auquel il appartient ;

Qu'en l'espèce, la société SICLI a adressé trois propositions de reclassement à Madame [O] par courrier en date du 24 février 2010, qui étaient les suivantes :

- Responsable Ressources Humaines régional région Est

' Statut cadre

' Lieu de travail : Siège du Pôle régional à [Localité 4]

' Rémunération : salaire fixe de 4.300 € brut versée sur 12 mois

- Responsable Ressources Humaines UTC FIRE & SÈCURITY SERVICES Finlande

' Statut cadre

' Rémunération annuelle : 75.000 €

' Lieux de travail : [Localité 3] (Finlande)

- Responsable Ressources Humaines UTC FIRE & SECURITY SERVICES Pologne

' Statut cadre ;

' Rémunération annuelle : 30.000 €

' Lieu de travail : [N] (Pologne)

Que lesdites propositions de reclassement étaient :

' écrites : formulées par courrier adressé à Madame [O] ;

' précises : comportant l'intitulé exact du poste, la qualification, la rémunération ainsi le lieu de travail ; et

' individualisées : adressées à Madame [O] en fonction de ses compétences propres;

Que s'agissant des postes de :

- Responsable Ressources Humaines Ile de France ;

- Responsable Affaires Sociales du groupe UTC FIRE & SECURITY SERVICES ;

- Directeur des Relations Sociales du groupe UTC FIRE & SECURITY

SERVICES ;

- Généraliste RH GE SECURITY ;

- Directeur de projet RH ;

- Responsable Compensation & Benefits et Contrôle de Gestion RH ;

- Compensation & Benefits Manager.

La société intimée démontre que chacun de ces postes, soit ne répondait pas à la qualification professionnelle de Madame [O], soit n'était pas disponible au moment où le licenciement pour motif économique de Madame [O] a été envisagé;

Que l'employeur ayant respecté son obligation de reclassement, notamment en proposant un poste en France, le jugement sera également confirmé sur ce point ;

Sur le harcèlement moral :

Considérant qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, le juge doit apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que les faits en cause ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant en premier lieu que Madame [Q] [O] ne justifie depuis son embauche au sein de la société SICLI en mars 2008, d'aucune plainte, que ce soit auprès de la Direction Générale ou auprès du Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), s'agissant d'agissements de la part de sa hiérarchie à son encontre ; que cette circonstance mérite d'être relevée s'agissant d'une salariée exerçant les fonctions de directeur des ressources humaines et donc parfaitement informée de la problématique;

Que, s'agissant de la surcharge de travail alléguée, la cour relève la contradiction qu'il y a

dans le fait de faire état d'une prétendue surcharge de travail tout en soutenant avoir été déchargée de certaines de ses fonctions; Que l'employeur établit que Madame [Q] [O] était opérationnellement assistée de Madame [Y] à laquelle était déléguée une grande partie de la mise en oeuvre du PSE; Que Madame [Q] [O] ne justifie pas avoir alerté son employeur sur ce qu'elle considère comme une charge de travail excessive sans être pour autant quantifiée;

Que s'agissant des certificats médicaux versés aux débats, ils ne peuvent établir que la pathologie est imputable aux conditions de travail; que la simple mention d'un syndrome dépressif ou la douleur au travail ne permettent pas , en raison de leur caractère non circonstancié, de permettre de retenir un harcèlement dans un contexte ou en qualité de DRH, Madame [Q] [O] connaissait les incertitudes pesant sur son avenir profesionel;

Que le jugement déféré sera également confirmé sur ce point;

Sur les heures supplémentaires la demande au titre du travail dissimulé:

Considérant qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire;

Que la règle selon laquelle nul ne peut se forger de preuve à soi même n'est pas applicable à l'étaiement ( et non à la preuve) d'une demande au titre des heures supplémentaires et que le décompte précis d'un salarié, qui permet à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, est de nature à étayer la demande de ce dernier ;

Considérant qu'au titre des exercices 2008 et 2009, Madame [Q] [O] sollicite un rappel d'heures supplémentaires, de congés payés y afférents et de contrepartie obligatoire en repos à hauteur de 153.025,26 €;

Que cependant, alors qu'elle revendique l'accomplissement d' heures supplémentaires, l'appelant ne conteste pas avoir bénéficié de jours de réduction du temps de travail en raison du forfait jours auquel elle reconnaissait alors être soumise; Qu'en effet, par courriel en date du 19 avril 2010, Madame [Q] [O] sollicitait précisément des informations relatives au nombre de jours RTT dont elle bénéficiait; ce qui ne manque pas d'interpeller s'agissant de la DRH;

Que la société UTC FIRE et SECURITE SERVICES fait observer, avec pertinence, alors que l'appelante prétend pouvoir bénéficier d'un décompte de sa durée du travail sur la base d'un horaire hebdomadaire de 35 heures, qu'elle recrutait ses propres subordonnés dans le cadre de forfait annuel en jours; Que par ailleurs, Madame [Q] [O] ne satisfait pas à l'exigence d'un décompte hebdomadaire pour étayer sa demande;

Que le jugement sera donc confirmé sur ce chef de demandes;

Sur les demandes au titre des rappels de bonus :

Considérant que le contrat de Madame [Q] [O] prévoyait une rémunération variable égale à 20 % de son salaire annuel brut selon des critères à définir;

Que la société intimée est totalement taisante sur cette demande dans ses écritures et ne contestant pas, de ce fait, l'affirmation de Madame [Q] [O] selon laquelle ces critères n'ont jamais été définis;

Considérant, lorsque l'employeur s'est engagé à verser une rémunération variable subordonnée à la réalisation d'objectifs, les salariés doivent pouvoir vérifier que le calcul de leur rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues, faute de quoi cette condition ne leur est pas opposable;

Que lorsque le calcul de la rémunération variable dépend d'éléments n'ayant pas été fixés par l'employeur, celui-ci ne peut imposer une diminution de cette rémunération laquelle doit être payée intégralement pour chaque exercice;

Qu'en conséquence, faute d'être critiqué par l'employeur, la cour retient le décompte présenté par l'appelante comme suit :

Année 2008 :

Salaire annuel brut : 74.247,52 euros,

Bonus perçu en mars 2009 : 9.000 euros,

Bonus du : 20% x 74.247,52 = 14.849,50 euros,

Différence à recevoir: 5.849,20 euros.

Année 2009 :

Salaire annuel brut : 8091,15 x 12 = 97.093,80 euros

Bonus perçu en avril 2010 : 9.000 euros,

Bonus du : 20% x 97093,8 = 19.418,76 euros

Différence à recevoir: 10.418,76 euros

Année 2010 :

Salaire annuel brut : 97093,8 x 219 /365 : 58.256,28 euros

Bonus perçu : 0

Bonus du : 20% x 58.256,28 : 11.651,25 euros

Différence à recevoir : 11.651,25 euros.

En conséquence, Madame [Q] [O] est bien fondée à solliciter la condamnation de l'intimée à lui payer de la somme 27.919,51 € à titre de rappel de bonus et celle de 2.791,96 € au titre des congés payés afférents; que le jugement sera donc infirmé sur ce point;

Sur l'incidence du bonus sur l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement , les congés payés et l'indemnisation de la maladie dans le cadre de la prévoyance de l'entreprise :

Considérant que la cour a rejeté les demandes de Madame [Q] [O] relatives aux heures supplémentaires et au travail dissimulé;

Que cependant, l'accueil de la demande relative au bonus impacte nécessairement le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement ,des congés payés et l'indemnisation de la maladie dans le cadre de la prévoyance de l'entreprise ;

Qu'à défaut de calculs présentés par les parties conformes aux préconisations de la cour, il y a lieu de condamner la société UTC FIRE et SECURITE SERVICES à payer à Madame [Q] [O] les compléments induits par la présente décision et d'inviter les parties à effectuer les calculs sur la base des principes décidés par le présent arrêt;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant qu'il n'apparaît pas équitable que Madame [Q] [O] conserve à sa charge la totalités des frais irrépétibles qu'elle a exposés;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel interjeté par Madame [Q] [O] ;

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Madame [Q] [O] de sa demande au titre du bonus, des congés payés afférents, des incidences du paiement du bonus et de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

Condamne la société CHUBB France venant aux droits de la UTC FIRE et SECURITE SERVICES à payer à Madame [Q] [O] la somme de 27.919,51 euros à titre de complément de bonus ainsi que celle de 2.791,96 euros au titre des congés payés afférents;

Condamne la société CHUBB France venant aux droits de la UTC FIRE et SECURITE SERVICES à payer à Madame [Q] [O] les sommes induites par l'intégration du bonus dans l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement ,des congés payés et l'indemnisation de la maladie dans le cadre de la prévoyance de l'entreprise ;

Invite des parties à procéder au calcul des sommes dues et dit qu'il en sera référé à la cour en cas de difficulté;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées;

Condamne la société CHUBB France venant aux droits de la UTC FIRE et SECURITE SERVICES à payer à Madame [Q] [O] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société CHUBB France venant aux droits de la UTC FIRE et SECURITE SERVICES aux paiement des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

W. SAHRAOUI P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/00200
Date de la décision : 04/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°13/00200 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-04;13.00200 ?
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