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16/12/2015 | FRANCE | N°13/21850

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 16 décembre 2015, 13/21850


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2015



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/21850



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/06822





APPELANTE



SCI FONCIERE DU PARC MONCEAU prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS

de Paris sous le n°428 635 130

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée par Me Edouard GOIRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0003, avocat postulant

Assistée de Me Pascale BA...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/21850

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/06822

APPELANTE

SCI FONCIERE DU PARC MONCEAU prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le n°428 635 130

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Edouard GOIRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0003, avocat postulant

Assistée de Me Pascale BANIDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0124, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [F] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

COMPAGNIE D'ASSURANCES LES SOUSCRIPTEURS DU LLYOD'S DE LONDRES prise en la personne de son Mandataire Général pour les opérations en France la SA LLYOD'S DE LONDRES FRANCE, elle-même prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant

Assistés de Me Pauline LUSSEY, avocat au barreau de PARIS, toque : J086, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Caroline PARANT, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente

Madame Brigitte CHOKRON, conseillère

Madame Caroline PARANT, conseillère

Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.

********

EXPOSE DU LITIGE

La société La Ronde Des Plats, propriétaire d'un ensemble immobilier comprenant un local commercial en rez-de-chaussée et deux caves en sous-sol situés [Adresse 3] et exploités à usage de bar, restauration par la société AB Stars puis par la société RCBC, a confié à M. [F] [B], contrôleur technique, le mesurage des lieux conformément à l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965, dite loi Carrez, en vue de la mise en vente des locaux.

Le rapport de M. [B] daté du 10 septembre 2007 fait état d'une superficie de 197,74 m² pour le lot n°3 correspondant au local en rez-de-chaussée.

Par acte du 31 janvier 2008, la société Foncière du Parc Monceau a acquis auprès de la société La Ronde Des Plats les lots de copropriété n° 1, 2 et 3 correspondant respectivement au premier sous-sol représentant 7/1000ème de la copropriété, au deuxième sous-sol représentant 20/1000ème de la copropriété et au local commercial en rez-de-chaussée représentant 214/1000ème.

Aux termes de cet acte, il était indiqué que les locaux étaient donnés à bail à une société Café Klein Holland moyennant un loyer annuel de 36 341 € au 1er février 2007.

Les lieux n'ont pu être visités avant la vente en raison des mauvais rapports entretenus par la précédente propriétaire avec la locataire présente dans les locaux.

À l'occasion du renouvellement du bail en septembre 2010, la société Foncière du Parc Monceau a fait établir différents diagnostics techniques dont un métrage des lieux par la société Audit DTI. Le certificat établi par cette dernière fait état d'une superficie de 88,49 m² pour le lot n°3 et une surface annexe totale de 55,10 m² pour les deux sous-sols.

Reprochant au premier technicien d'avoir commis une erreur de mesurage des lieux ayant entraîné une diminution du rendement locatif du bail commercial consenti sur ces locaux, la société Foncière du Parc Monceau a fait assigner M. [B] et la société Covea Risks devant le tribunal de grande instance de Paris par actes d'huissier du 22 avril 2011, afin de les voir condamner à titre principal à lui verser la somme de 308 025 € en réparation du préjudice subi, outre intérêts au taux légal à compter du 2 août 2010.

La société Llyod's France a été attraite en la cause par assignation délivrée le 15 juin 2012 et la compagnie Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres est intervenue volontairement en cours d'instance aux lieu et place de la société Lloyd's France, son mandataire.

Par jugement du 31 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :

- mis les sociétés Covea Risks et Lloyd's France hors de cause,

- reçu la compagnie Les Souscripteurs du Lloyd's De Londres en son intervention volontaire,

- dit l'action engagée par la société Foncière du Parc Monceau prescrite et l'a déclarée irrecevable,

- condamné la société Foncière du Parc Monceau à payer à la société Covea Risks d'une part, et à M. [B] et les sociétés Lloyd's d'autre part, la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens par application des dispositions de l'article 699 du même code,

- débouté les parties de toutes autres demandes.

La société Foncière du Parc Monceau a relevé appel de ce jugement le 15 novembre 2013.

Par dernières conclusions signifiées le 6 juin 2014 au visa de l'article 1382 du code civil , la société Foncière du Parc Monceau demande à la cour de :

- dire recevable son action en responsabilité à l'encontre de M. [B] à raison de l'erreur de mesurage figurant sur le relevé annexé à l'acte notarié du 30 janvier 2008,

- déclarer M. [B] responsable de la perte de rentabilité subie et le condamner in solidum avec son assureur au paiement de la somme de 380 000 €,

- à titre subsidiaire, désigner un expert avec mission de fournir à la cour tous éléments sur le montant du loyer révisé en vertu de l'article L 145-39 puis sur le montant du loyer renouvelé sur le fondement des articles L 145-33 et R. 145-6 du code de commerce,

- débouter M. [B] et son assureur de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens avec distraction.

Par dernières conclusions signifiées le 11 avril 2014, au visa des articles 46 de la loi Carrez et 1382 du code civil, M. [F] [B] et la compagnie d'assurances Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit l'action engagée par la société Foncière du Parc Monceau prescrite et l'a jugée irrecevable.

À titre subsidiaire :

- dire la société Foncière Du Parc Monceau mal fondée en ses demandes dirigées à l'encontre de M. [B] et de son assureur,

- la débouter intégralement.

Très subsidiairement :

- limiter le montant des condamnations à la charge des Souscripteurs Du Lloyd's De Londres à la somme de 500 000 €, déduction faite des frais de défense engagés,

- condamner la société Foncière du Parc Monceau au paiement de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction.

MOTIFS

La société Foncière du Parc Monceau expose qu'elle a acquis les lots du [Adresse 2] sans les avoir visités en raison d'un conflit opposant l'ancien propriétaire au locataire, qu' elle a acquitté le prix de 500 000 € sur la base du rapport du métreur M. [B] pour l'acquisition d'une surface de 191, 32 m2 alors que la surface relevée le 28 septembre 2010 s'établissait à 88, 49 m2.

Elle conteste l'analyse du tribunal alors que l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 régit uniquement l'action ouverte à l'acquéreur contre son vendeur en diminution du prix proportionnel à la moindre mesure et que la loi ne prévoit nullement que l'acquéreur ne puisse intenter une autre action contre le métreur ; que la faute est grossière et doit pouvoir engager la responsabilité du professionnel appartenant à une profession réglementée.

Elle soutient que la faute de mesurage est en lien de causalité avec son préjudice constitué par la disposition dans son patrimoine d'un bien ayant une superficie de 88m2 exploitables au lieu de 191 m2 exploitables et il est certain que la vente n'aurait pas été conclue au prix de 500 000 € si l'acquéreur avait connu la superficie réelle du bien acquis. Elle ne sollicite pas une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure mais une indemnité réparant son préjudice patrimonial calculé par référence à l'expertise réalisée par Mme [P] à la somme de 380 000 € de perte de rentabilité du fonds, ou, si la cour l'estime nécessaire, par le biais d'une expertise qu'elle ordonnera.

M. [B] et son assureur la cie Les Souscripteurs du LLoyd's de Londres maintiennent devant la cour leur fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes : la société Foncière du Parc Monceau disposait contre son vendeur d'une action spécifique dans l'hypothèse d'une erreur de superficie du bien vendu qu'elle n'a pas engagée dans le délai d'un an de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 ; elle tente de détourner la déchéance légale en recherchant la responsabilité délictuelle de M. [B] alors que son action a pour objet l'indemnisation du même préjudice, à savoir une perte d'exploitation résultant de la différence de surface des lots et qu'une action spéciale lui permettait de voir indemniser ce préjudice.

Elle ajoute qu'en sa qualité de professionnelle de l'immobilier, la société Foncière du Parc Monceau ne pouvait ignorer l'erreur de mesurage alors qu'elle a disposé des plans et de l'extrait cadastral qui fait état d'une surface au sol de 146 m2 pour une superficie calculée parle métreur de 197, 74 m², qu'elle a acquis l'immeuble en toute connaissance de cause, qu'elle sera déboutée de toutes ses demandes compte tenu de son extrême négligence qui a concouru à la réalisation de son préjudice, de son absence de préjudice réel et certain en lien avec l'erreur, le loyer ayant été évidemment fixée en fonction de la superficie réelle du local commercial, et sur l'absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués puisqu'elle avait à sa disposition , dès l'acquisition du bien, l'action de l'article 46 de la loi Carrez et qu'elle est seule responsable d'avoir laissé prescrire cette action en révision du prix de vente.

Les intimés rappellent enfin, à titre subsidiaire, les plafonds de garantie du contrat d'assurance souscrit.

Sur ce,

En vertu de l'article 46 alinéas 7 et 8 de la loi du 10 juillet 1965, applicable aux contrats réalisant la vente d'un lot qui mentionne la superficie de la partie privative de ce lot,

' Si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure.

L'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance.'

Cette disposition légale a été portée à la connaissance de la société Foncière du Parc Monceau par le notaire dans l'acte de vente du 31 janvier 2008 et la société Foncière du Parc Monceau n'a introduit aucune action en diminution du prix contre son vendeur alors que la superficie du lot 3 mesurée en 2010, soit 88, 40 m2 était très nettement inférieure à la superficie mesurée par M. [B] sur mandat du vendeur pour la vente, soit 197, 74 m2.

La société Foncière du Parc Monceau fait valoir à juste titre que la loi ne lui interdit pas d'intenter contre le métreur une action en responsabilité délictuelle en réparation du préjudice causé par la faute de ce dernier même si elle n'a pas actionné son vendeur en diminution du prix dans le délai d'un an de la vente conformément à l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965.

Le tribunal a jugé la demande irrecevable par l'effet de la prescription alors qu'il était saisi d'une demande formée sur le fondement de l'article 1382 du code civil et non d'une demande d'application de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965. La demande d'indemnisation n'est pas irrecevable.

La société foncière du parc Monceau doit cependant démontrer, conformément à l'article 1382 du code civil, que la faute quasi délictuelle du métreur est en relation directe avec le préjudice qu'elle entend voir réparer.

Or le préjudice dont elle entend demander réparation et constitué selon elle par la perte de rentabilité du fonds n'est pas en lien direct avec la faute du mesureur dés lors qu' elle connaissait à la date de la vente le loyer acquitté par le locataire et la rentabilité attendue du bien dont elle venait de faire l'acquisition et dont elle disposait des plans cadastraux lui permettant une comparaison utile avec le mesurage et alors qu'enfin et surtout, la rentabilité du fonds dépend non seulement de sa surface mais également de nombreux autres éléments dont notamment la destination, la configuration, l'emplacement, la qualité de l'immeuble ou il est situé, étant observé que le société Fonciére a pris le risque inconsidéré au regard de sa qualité de professionnelle de l'immobilier d'acheter le bien sans le visiter et donc sans connaître ses caractéristiques précises .

La société Foncière du Parc Monceau sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts par infirmation du jugement entrepris et condamnée à payer à M. [B] et à la compagnie Les Souscripteurs du LLoyd's de Londres ( ensemble), outre les dépens, la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile qui s'ajoutera à la condamnation des premiers juges sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, à l'exception de ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action en responsabilité formée par la société Foncière du Parc Monceau contre M. [F] [B] et son assureur la compagnie Les Souscripteurs du LLoyd's de Londres,

Déboute la société Foncière du Parc Monceau de toutes ses demandes,

Condamne la société Foncière du Parc Monceau à payer à M. [B] et à la compagnie Les Souscripteurs du LLoyd's de Londres ( ensemble ) la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Foncière du Parc Monceau aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/21850
Date de la décision : 16/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°13/21850 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-16;13.21850 ?
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