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16/12/2015 | FRANCE | N°14/11329

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 16 décembre 2015, 14/11329


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11329 CH



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/15619





APPELANT

Monsieur [U] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Pascale HANS PINCET, avocat au barreau de PAR

IS, toque : C 784







INTIMEE

SAS COMPAS FINANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me David CALVAYRAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107, substitué par Me Pa...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11329 CH

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/15619

APPELANT

Monsieur [U] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Pascale HANS PINCET, avocat au barreau de PARIS, toque : C 784

INTIMEE

SAS COMPAS FINANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me David CALVAYRAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107, substitué par Me Pauline DENTRAYGUES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Céline HILDENBRANDT, Vice-présidente placée , chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benoît DE CHARRY, Président

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Céline HILDENBRANDT, Vice-présidente placée

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [E] a été embauché le 15 novembre 2004 par contrat à durée indéterminée par la Société COMPAS FINANCE, en qualité de Directeur Industriel, classification cadre position IHA de la Convention Collective de la Métallurgie.

Par avenant à son contrat de travail du 13 mai 2005, M. [E] a été nommé Directeur de

l'entreprise SIC SAFCO, filiale du groupe COMPAS FINANCE et dont le siège était à [Localité 3] (92).

Par avenant du 26 mars 2010, M. [E] a été nommé directeur du site de production de la société SIC SAFCO désomais installée à Saint Nazaire ainsi que directeur de l'établissement FIRADEC situé sur le même site.

Le 22 avril 2010, Monsieur [E] s'est vu octroyer une part variable relative à l'exercice 2009 d'un montant de 14.000 €.

Par courrier recommandé en date du 25 mars 2011, M. [E] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui se tiendra le 5 avril 2011.

Par courrier recommandé du 11 avril 2011, M. [E] a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Monsieur [E] a saisi le 5 août 2011 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 1er juillet 2014, a

- condamné la société COMPAS FINANCE à lui payer la somme de 97 800 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

- débouté le salarié du surplus de ses demandes.

Monsieur [E] a régulièrement relevé appel de ce jugement et, à l'audience du 2 novembre 2015, reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour d'infirmer le jugement et de

- dire que le salarié n'avait pas la qualité de cadre dirigeant et qu'à ce titre, ce dernier est fondé à solliciter le paiement d'heures supplémentaires ;

- condamner la société COMPAS FINANCE au paiement des sommes suivantes :

* 369 966 euros de rappels de salaire sur heures supplémentaires et 36 996 euros de congés payés afférents,

* 41 183 euros au titre d'un complément de prime de bonus relatif à la rémunération des heures supplémentaires et 4118 euros de congés payés afférents,

- fixer en conséquence le salaire moyen de Monsieur [E] à la somme de 19 275 euros et condamner la société COMPAS FINANCE à lui payer les sommes suivantes :

* 115 652 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 13 113 euros au titre d'un complément d'indemnité de licenciement,

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner la société COMPAS FINANCE à lui payer les sommes suivantes :

* 230 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

* 26 169 euros au titre de la partie variable de salaire au titre de l'exercice 2010 et 2616 euros à titre de congés payés afférents,

* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié aux conditions vexatoires de son licenciement,

- ordonner la rectification des bulletins de paie et attestation Pôle Emploi,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner la société COMPAS FINANCE à payer les intérêts sur l'ensemble des sommes à compter de la présente décision,

- ordonner la capitalisation des intérêts ,

- condamner la société COMPAS FINANCE à lui payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société COMPAS FINANCE a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré le licenciement su salarié sans cause réelle et sérieuse et débouter Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes. A titre subsidiaire, de ramener le montant des demandes du salarié à de plus justes proportions et débouter ce dernier de sa demande au titre de l'irrégularité de procédure.

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le salarié avait le statut de cadre dirigeant et donc rejeter l'ensemble des demandes en rappel de salaire, bonus, complément d'indemnité conventionnelle et dommages et intérêts . A titre subsidiaire, de considérer que le salarié ne rapporte pas la preuve d'avoir réalisé des heures supplémentaires et rejeter l'intégralité de ses demandes de ce chef. A titre infiniment subsidiaire, de minorer le montant des demandes et condamner la société au paiement des sommes suivantes :

- 144 745 euros bruts au titre des rappels de salaire,

- 14 474,50 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 57 753 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- en tout état de cause, condamner Monsieur [E] à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées oralement lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur le statut de cadre dirigeant de Monsieur [E]

Monsieur [E] soutient qu'il n'avait pas la qualité de cadre dirigeant et fait valoir à ce titre que ni son contrat de travail ni les avenants signés postérieurement ne mentionnaient ce statut. Il précise en outre qu'il était salarié de la société COMPAS FINANCE, qu'il ne participait pas au système de gouvernance de la société et qu'il n'était ni membre du directoire, ni du conseil de surveillance ni directeur général. De plus, Monsieur [E] estime que la direction d'un seul établissement est insuffisante pour caractériser le statut de cadre dirigeant, que ni le montant de sa rémunération, ni le fait qu'il ait été titulaire d'une délégation de pouvoir suffisaient à lui voir reconnaître ce statut, qu'il ne disposait pas d'une autonomie dans l'exercice de ses fonctions ayant notamment à solliciter l'autorisation de la direction en matière de prise de congés.

La société COMPAS FINANCE soutient que Monsieur [E], en qualité de directeur des des sociétés SIC SAFCO et FIRADEC, avait le statut de cadre dirigeant puisqu'il disposait d'un large pouvoir décisionnel dans l'établissement qu'il dirigeait et bénéficiait en outre de plusieurs délégations de pouvoir qui lui attribuaient un pouvoir disciplinaire, un pouvoir en matière de fixation des salaires et de recrutement du personnel. De surcroit, il percevait l'une des rémunérations les plus élevées de la société et jouissait d'une grande indépendance dans l'exercice de ses fonctions. Enfin, la société COMPAS FINANCE précise qu'elle est une holding au sein de laquelle sont regroupées plusieurs sociétés filiales et que c'est à l'aune du groupe que le statut de cadre dirigeant de Monsieur [E] doit être apprécié.

***

*

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'application du statut de cadre dirigeant n'est pas subordonnée à la conclusion d'un accord collectif ou d'un accord particulier entre l'employeur de sorte que le salarié ne peut valablement arguer de l'absence de dispositions contractuelles pour démontrer qu'il n'avait pas le statut de cadre dirigeant.

Selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ces trois critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.

Il importe donc d'examiner la fonction que Monsieur [E] occupait réellement au sein de la société COMPAS FINANCE au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail pour apprécier s'il relève ou non des dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et l'aménagement des horaires ainsi qu'à celles relatives aux repos et jours fériés.

A cet égard, il est relevé que, quelque soit les postes occupés par Monsieur [E], ce dernier a toujours eu pour employeur la société COMPAS FINANCE qui l'a ainsi nommé aux fonctions suivantes :

- directeur industriel du 15 novembre 2004 au 1er juin 2005

- directeur de la société SIC SAFCO à compter du 1er juin 2005

- directeur des société SIC SAFCO et FIRADEC à compter du 1er avril 2010.

* L'habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome

Le contrat de travail conclu le 15 novembre 2004 entre la société COMPAS FINANCE et Monsieur [E] stipule que ce dernier est engagé en qualité de directeur industriel et a pour fonction :

'1. Diriger les services de production condensateurs film de notre site de [Localité 4] et à engager les

actions de productivité/Qualité/Coût/Délai qui se révèleraient nécessaires ;

2. A proposer et à faire appliquer sur l'ensembIe des sociétés du groupe, les méthodes qui auront fait leurs preuves à [Localité 4];

3. Proposer et établir la stratégie industrielle du groupe'

Par avenant au contrat en date du 30 mai 2005, le président de la société SIC SAFCO a consenti une délégation de pouvoir à Monsieur [E] afin de 'transférer de manière effective et permanente, les pouvoirs, les responsabilités et les compétences dévolues au président de SIC SAFCO, délégant, pour veiller en ses lieux et place à l'observation et l'application de la réglementation applicable en qualité de directeur et chef d'établissement'. Il ressort ainsi de cet avenant que le salarié bénéficiait de tout pouvoir

- 'pour assurer de la façon la plus efficace qui soit la sécurité des salariés

- pour assurer la mise en 'uvre de la politique sociale notamment pour:

o La fixation et modification des salaires et avantages consentis aux salariés,

o le recrutement et le licenciement individuel

o Le pouvoir disciplinaire. '

Cette délégation de pouvoir a été renouvelée pour la société SIC SAFCO le 31 mars 2010 et instaurée pour la société FIRADEC à cette même date.

Il est donc établi que les délégations de pouvoir dont bénéficiait le salarié étaient étendues et concernaient aussi bien la gestion économique, financière et structurelles des sociétés que la gestion du personnel. À cet égard, la société COMPAS FINANCE communique des mails et des courriers dans lesquels Monsieur [E] demande aux salariés des entreprises de lui rendre compte de leurs activités voire les rappelle à l'ordre (courrier à l'attention de Monsieur [J], responsable technique de la société SIC SAFCO). Il est également produit une note émanant de la direction de SIC SAFCO et signée de Monsieur [E] en date du 6 janvier 2009 dans laquelle ce dernier informe les salariés de la fermeture de l'entreprise les 9 et 16 janvier 2009.

En outre, il ressort de l'organigramme des sociétés SIC SAFCO et FIRADEC que Monsieur [E] était membre du comité de direction et participait donc directement à la prise de décision concernant ces deux sociétés.

* L'existence de responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps du cadre

Monsieur [E] soutient qu'il ne disposait pas d'une large indépendance dans l'organisation de son temps de travail, la prise de ses jours de congés dépendant de l'autorisation de la direction et son rythme de travail étant directement lié au cycle de production et aux échéances fixées par le Président de COMPAS FINANCE. Au soutien de ses allégations, le salarié verse un mail de Monsieur [C], président de COMPAS FINANCE qui le 7 mars 2011 lui écrit 'j'accepte que tu t'absentes à la seule condition que ton rapport sur les stocks soit terminé et accepté'.

En réponse, l'employeur fait valoir que Monsieur [E] organisait son temps de travail de manière totalement indépendante , aucune contrainte ne lui étant imposée. En outre, il organisait ses déplacements professionnels sans avoir à solliciter d'autorisation préalable . Il en était de même de la pose de ses jours de congés.

La société COMPAS FINANCE verse aux débats cinq mails adressés par le salarié au cours de l'année 2009 à [K] [O] afin que cette dernière lui réserve des billets d'avion ou de train en vue de déplacement en Allemagne ou au Maroc. Il est également communiqué le courriel de [K] [O] en date du 16 juillet 2007 qui s'adressant à un ensemble de personnes dont Monsieur [E] demande la transmission des dates de congés pour l'été.

Au regard des pièces versées par les parties, il est établi que le salarié organisait ses déplacements sans avoir besoin d'en référer à son supérieur hiérarchique ou d'avoir une autorisation préalable. En outre, il n'est pas démontré que la fixation de ses jours de congés nécessitait une autorisation hiérarchique. Dès lors, eu égard aux fonctions et responsabilités exercées, Monsieur [E] ne démontre pas qu'il avait une autonomie limitée dans l'organisation de son travail au sein des sociétés qu'il dirigeait.

* Une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération de l'entreprise

Il est constant que Monsieur [E] relevait de la catégorie III et ce dès son embauche en 2004. Sa rémunération n'a cessé d'augmenter au cours de la relation contractuelle, progressant ainsi de 50%.

Il est de jurisprudence constante que ce n'est pas le montant mais la position de la rémunération dans l'échelle des salaires de l'entreprise qui doit être pris en considération.

En l'espèce, la convention collective de la métallurgie, applicable à la situation de Monsieur [E] fait état de trois positions de rémunération, la troisième étant la plus élevée et se subdivisant elle même en trois échelons de valeur croissante IIIA, IIIB et IIIC.

Lors de la conclusion de son contrat de travail en 2004, le salarié relevait de la catégorie IIIA puis à compter du 26 mars 2010 de la catégorie IIIB. Il est ainsi démontré que dès son embauche, Monsieur [E] a bénéficié d'une rémunération se situant dans les niveaux les plus élévés dans l'échelle des salaires de la société, rémunération qui n'a cessé en outre de progresser.

Par conséquent, au regard des développements précédents, la cour estime que Monsieur [E] avait le statut de cadre dirigeant au sein de la société COMPAS FINANCE de sorte qu'il était exclu des dispositions relatives à la durée du travail, conformément aux prescriptions de l'article L3111-2 du code du travail.

Monsieur [E] sera donc débouté de ses demandes relatives au repos compensateur, aux heures supplémentaires, au bonus relatif à la rémunération des heures supplémentaires et au travail dissimulé. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement de Monsieur [E] fait état, en quatre pages, de plusieurs griefs relevant pour l'employeur d'une insuffisance professionnelle.

L'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement distincte de la faute. L'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal. Pour autant, l'insuffisance alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur. Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents et matériellement vérifiables et le salarié doit avoir bénéficié des moyens nécessaires pour accomplir sa mission.

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement, la société COMPAS FINANCE reproche au salarié des dysfonctionnements tant dans la société SIC SAFCO que dans la société FIDAREC. Il est ainsi évoqué des problèmes importants de comptabilité/facturation, une gestion non maîtrisée du stock et un désintérêt manifeste de Monsieur [E] qui, alerté sur les dysfonctionnements, ne s'est pas investi dans un plan d'action destiné à y remédier et a en outre refusé toute aide extérieure.

Dans ses écritures, la société COMPAS FINANCE fait également état de retard de livraison laissant apparaître l'absence d'anticipation du salarié en matière de gestion des commandes ainsi que l'absence d'initiative quant à l'entretien et au renouvellement du parc machines. L'employeur dénonce également la carence de Monsieur [E] en matière de recrutement et de formations des nouvelles équipes.

Au soutien de ses allégations, la société COMPAS FINANCE produit principalement des échanges de mails avec Monsieur [E] et les personnes extérieures chargées de l'assister (Monsieur [Y], Monsieur [Q]) ainsi qu'un document intitulé 'état du chiffre d'affaires mensuels et du retard client (commandes non livrées) à la fin du mois', non daté, non signé et présenté sur une simple feuille volante. La cour relève que, si l'employeur fait état d'audit et d'interventions extérieures, il n'en verse aucun compte rendu.

En réponse, Monsieur [E] rappelle qu'il a bénéficié d'une promotion en mars 2010 qui le maintenait dans ses fonctions de directeur de la société SIC SAFCO dont le site déménageait à St NAZAIRE et le nommait de surcroit directeur de la société FIDAREC . Concernant les griefs contenus dans la lettre de licenciement, le salarié soutient qu'ils ne lui sont pas imputables et que les retards de livraison de la société SIC SAFCO était justifié par la remise en route d'un outil de production vieillissant et la formation d'une nouvelle équipe de salariés, la quasi totalité des salariés travaillant sur le site de [Localité 3] ayant refusé de suivre le déménagement de l'entreprise à SAINT NAZAIRE. Monsieur [E] précise en outre que se sont ajoutées, également, une augmentation des commandes et des difficultés d'approvisionnement. Quant au grief relatif à la facturation , il fait valoir qu'il relève du service financier et que dès lors, aucun manquement ne peut lui être reproché.

Au soutien de ses allégations, le salarié produit des attestations d'anciens salariés de la société SIC SAFCO qui soutiennent d'une part que le parc machines, sur le site de [Localité 3], a toujours été bien entretenu malgré une vétusté importante et d'autre part, que la société a connu une période de forte croissance en 2008 se traduisant par une augmentation significative des commandes de condensateurs qui a entrainé un retard dans les livraisons.

Le salarié verse également :

- le rapport d'audit réalisé en septembre 2010 aux termes duquel il est indiqué que 'le poste entretien outillage a fortement augmenté probablement du fait de la vétusté du matériel et les contraintes engendrées par le déménagement. Le marché est en croissance et les commandes affluent. Les matières premières augmentent avec le coût de l'énergie. Il serait opportun de revoir la politique des prix. Nous proposons une action de la part de la direction marketing du groupe.... Au cours de cette mission, nous avons pu constater une amélioration des performances économiques.'

- le rapport de gestion du président de la société SIC SAFCOR sur les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2010 qui indique que 'depuis le début de l'exercice en cours, l'activité et les résultats de la société se sont très largement améliorés'.

Il ressort dès lors des pièces produites par le salarié que les retards de livraison de la société SIC SACFO sont liés au déménagement de l'entreprise , à la remise en route d'un outil de production vieillissant et à l'augmentation des commandes. En outre, il apparait que les problèmes de stock et de facturation ne dépendaient pas directement de la compétence de Monsieur [E].

De surcroit, la cour relève que les faits reprochés au salarié n'ont eu aucune incidence préjudiciable sur la société dont les résultats étaient plus que positifs.

Dès lors, l'insuffisance professionnelle supposée de Monsieur [E] n'est pas établie. La cour rajoutera même qu'il est pour le moins étonnant qu'un employeur découvre soudainement à l'encontre d'un salarié présent dans l'entreprise depuis plus de six ans et à qui il a confié successivement trois postes de responsabilité différents, les deux derniers étant des postes de « directeur de société » , accordé une promotion importante le 26 mars 2010, que dans son dernier poste Monsieur [E], alors qu'il occupait déjà le poste de directeur de la société SIC SAFCO depuis l'année 2005, révèle une insuffisance professionnelle telle qu'elle pouvait justifier son licenciement.

Par conséquent, le licenciement de Monsieur [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les incidences financières liées au licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

A la date du licenciement, Monsieur [E] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 9 625 €, avait 43 ans et bénéficiait d'une ancienneté de six ans et cinq mois au sein de l'entreprise. Il n'est pas contesté qu'il a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage versées jusqu'au 30 juin 2012. Le montant de l'indemnité devant lui être allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail sera en conséquence fixé à hauteur de 97800 €, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Il sera également accordé un montant supplémentaire de 5 000 euros en réparation du préjudice moral distinct résultant des circonstances particulièrement brutales du licenciement moins d'un an après une promotion importante du salarié dont les compétences professionnelles et le sérieux n'ont jamais été remis en cause jusqu'à ce licenciement injustifié.

L'application de l'article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi de la totalité des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois

Sur le complément d'indemnité de licenciement

Monsieur [E] s'estime fondé à solliciter un complément d'indemnité de licenciement du fait des heures supplémentaires effectuées.

Dans la mesure où la demande du salarié relative au paiement des heures supplémentaires a été rejetée, sa demande au titre du complément d'indemnité de licenciement est sans fondement. Il y a donc lieu de la rejeter.

Sur le paiement de la partie variable au titre de l'exercice 2010

Le salarié sollicite le versement de la partie variable de salaire prévue à son contrat au titre de l'exercice 2010. Il ne produit aucune pièce au soutien de sa demande.

La société COMPAS FINANCE indique que cette prime ne peut être versée à Monsieur [E], ce dernier n'ayant pas atteint les objectifs définis par le président de la société qui avait notamment fixé comme objectif 'l'amélioration de notre performance industrielle au service de tous les clients, la réduction des coûts'. En outre, l'employeur précise que cette prime n'a pas été versée tous les ans à Monsieur [E].

Il est constant que le salarié bénéficiait d'un bonus de 15% de sa rémunération brute annuelle en fonction de la réalisation des objectifs définis chaque année par son responsable. Les développements précédents ont permis d'établir que l'année 2010 a été particulièrement charnière pour la société SIC SACFO qui a déménagé et a eu à faire face à de nombreux retards de livraison et de facturation. Il est dès lors établi que les objectifs fixés par l'employeur n'ont pas été atteints par le salarié qui sera donc débouté de sa demande de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de l'attestation Pôle Emploi modifié en raison de la présente décision est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, l'indemnité de licenciement sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 31 août 2011, et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière en vertu de l'article 1154 du code civil.

sur l'article 700 et les dépens

C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société à payer à Monsieur [E] la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre.

La société COMPAS FINANCE sera condamnée en outre à lui payer la somme de 2500 euros pour la procédure d'appel au même titre.

La Société COMPAS FINANCE, partie succombante, sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de sa demande d'indemnisation de préjudice moral ;

Statuant à nouveau

CONDAMNE la société COMPAS FINANCE à payer à Monsieur [E] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice moral ;

CONFIRME pour le surplus ;

Y ajoutant

ORDONNE à la société COMPAS FINANCE la remise à Monsieur [E] d'une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision.

CONDAMNE la société COMPAS FINANCE à rembourser à Pôle Emploi la totalité des indemnités de chômage versées à Monsieur [E] dans la limite de six mois ;

DIT que les sommes dues par la société COMPAS FINANCE sont productrices d'intérêts au taux légal à compter du 31 août 2011, date de réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, capitalisables par année entière seulement.

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE la société COMPAS FINANCE à verser la somme de 2500 euros à Monsieur [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société COMPAS FINANCE aux dépens.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/11329
Date de la décision : 16/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°14/11329 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-16;14.11329 ?
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