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03/02/2016 | FRANCE | N°15/01946

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 03 février 2016, 15/01946


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 03 Février 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01946



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 janvier 2015 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section activités diverses - RG n° F13/04649









APPELANTE

SAS CERBERE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Siren n° 429 967 045
r>représentée par Me Cyril TRAGIN, avocat au barreau de PARIS, D0524 substitué par Me Pétra LALEVIC, avocat au barreau de PARIS,







INTIME

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 03 Février 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01946

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 janvier 2015 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section activités diverses - RG n° F13/04649

APPELANTE

SAS CERBERE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Siren n° 429 967 045

représentée par Me Cyril TRAGIN, avocat au barreau de PARIS, D0524 substitué par Me Pétra LALEVIC, avocat au barreau de PARIS,

INTIME

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Mohamed LOUKIL, avocat au barreau de PARIS, J069

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 novembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [I] [Z] a été engagé par la société Hélios, suivant contrat de travail à durée indéterminée prenant effet à compter du 26 février 2007, pour y exercer les fonctions d'agent de sécurité, statut employé, coefficient 110, niveau 2, échelon 1.

Le contrat de travail de M. [I] [Z] a été successivement transféré à la société PSP Sécurité, le 1er novembre 2009, puis à la SAS Cerbere, à compter du 1er juillet 2010.

Le salarié exerçait en dernier lieu les fonctions d'agent des services de sécurité incendie et d'assistances à personnes, niveau 1 (SSIAP1), coefficient 140 et il percevait une rémunération mensuelle de 1 714.94 €.

L'entreprise qui emploie plus de dix salariés, est assujettie à la convention collective de la prévention et de la sécurité.

Par lettre recommandée du 19 mars 2013, la société Cerbere a notifié à M. [I] [Z] une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 avril 2013 ainsi qu'une mise à pied à titre conservatoire.

Un licenciement pour cause réelle et sérieuse a été notifié à l'intéressé par lettre recommandée datée du 19 avril 2013, rédigée en ces termes :

« (') Vous êtes SSIAP1 salarié de notre entreprise depuis le 01 juillet 2010 (avec reprise de votre ancienneté au 26/02/2007).

Vous étiez affecté sur le site de Kuehne Nagel à [Localité 4], Monsieur [D], votre responsable, a été obligé de vous changer de site suite à une mauvaise entente avec le personnel et la direction de Kuehne Nagel.

Monsieur [D] vous a affecté sur le site de Kuehne Nagel à [Localité 5] le 13 mars 2013.

Durant votre vacation du 15 mars 2013, vous avez eu un comportement agressif à l'égard de l'agent de sécurité en poste qui vous formait sur le site et ce, devant témoin.

Vous refusiez qu'il vous montre les différentes tâches du poste.

Vu les faits, le 19 mars 2013, nous avons été dans l'obligation de vous mettre à pied à titre conservatoire et convoqué pour le mardi 02 avril 2013.

Lors de notre entretien, nous vous avons exposé ces divers griefs.

Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Cette conduite perturbe la bonne marche du service.

En conséquence, pour les motifs énoncés ci-dessus et constitutifs, nous vous licencions pour cause réelle et sérieuse.(') ».

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [I] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, lequel, par jugement rendu le 21 janvier 2015, a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en allouant au salarié les sommes de 15 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son droit individuel à la formation et une indemnité de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 19 février 2015, la société Cerbere a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 18 novembre 2015 et soutenues oralement, la société Cerbere demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et forme une demande de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 18 novembre 2015 et soutenues oralement, M. [I] [Z] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement était dépourvu cause réelle et sérieuse et en ce qu'il lui a alloué une indemnité de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [I] [Z] sollicite une infirmation du jugement sur le montant des indemnités allouées ; il réclame les sommes de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 8 000 € en réparation de l'atteinte à son droit individuel à la formation, ainsi qu'une indemnité complémentaire de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

Sur la rupture du contrat de travail

1. Sur la régularité de la procédure de licenciement

M. [I] [Z] soutient que ce n'est que par lettre du 21 mai 2013 que l'employeur lui a transmis la lettre de licenciement, qui ne lui «'serait'» pas parvenue en raison de l'erreur commise sur son adresse Il souligne que comme l'a retenu le conseil de prud'hommes, il n'a pas reçu la lettre de licenciement dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 1332-2 du code du travail, du fait de l'erreur commise par l'employeur sur son adresse figurant sur l'accusé de réception de la lettre recommandée de licenciement, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La société Cerbère fait valoir que c'est la date d'envoi de la lettre de licenciement par l'employeur qui doit être prise en considération, que la lettre de licenciement a été expédiée à M. [I] [Z] le 22 avril 2013, soit dans le délai légal d'un mois, à la bonne adresse, comme le montre le cachet de la poste figurant sur l'enveloppe contenant la lettre de licenciement envoyée au salarié, l'erreur figurant sur l'accusé de réception étant sans conséquence.

*

Selon l'article L. 1332-2 du code du travail « Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation ... . la sanction ne peut intervenir moins de 2 jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé».

Lorsque le licenciement est notifié par lettre recommandée, il convient, pour déterminer la date de la notification, de se placer à la date d'envoi de la lettre.

En l'espèce la société Cerbere produit une enveloppe envoyée le 22 avril 2013, comme il ressort du cachet de la Poste qui y est apposé, indiquant comme destinataire, M. [I] [Z] [Adresse 2] (77), ce qui est l'adresse exacte du salarié. Il n'est pas contesté que cette enveloppe est celle ayant contenu la lettre de licenciement. Dès lors il importe peu que l'accusé de réception du recommandé de cette lettre, retourné à l'expéditeur, porte la mention d'une adresse erronée (93 au lieu de [Adresse 2]) et par ailleurs que le salarié ait interrogé son employeur par courrier du 16 avril 2013 sur les suites données par ce dernier à l'entretien préalable au licenciement du 2 avril, puisque comme le rappelle justement la société Cerbere, pour apprécier le respect du délai d'un mois fixé par l'article L. 1332-2, c'est la date d'envoi de la lettre de licenciement qui doit être prise en considération et non la date de réception de cette même lettre. Par conséquent il y a lieu, infirmant le jugement sur ce point, de dire régulière la procédure de licenciement.

2. Sur le caractère réel et sérieux du licenciement

Aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif au licenciement, d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, celui-ci devant fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La société Cerbere reproche au salarié d'avoir eu, devant témoin, un comportement agressif à l'égard de l'agent de sécurité qui le formait sur le site de Kuehne Nagel à [Localité 5] où il avait été affecté à compter du 13 mars 2013 et d'avoir refusé qu'il lui montre les différentes tâches du poste.

M. [I] [Z], pour sa part, invoque l'imprécision du grief allégué qui ne permet pas de caractériser l'agressivité de son comportement.

Dans la lettre de licenciement, l'employeur rappelle qu'il s'est vu contraint de changer le salarié de site «'suite à une mauvaise entente avec le personnel et la direction de Kuehne Nagel, site de [Localité 4] » et il vise, précisément, le comportement agressif du salarié durant sa vacation du vendredi 15 mars 2013 sur son nouveau site d'affectation à [Localité 5].

Le rapport établi par M.[U] [T], agent en poste sur ce site, indique les circonstances de l'altercation avec M.[I] [Z] dans les termes suivants :

«'Comme demandé par mon chef de poste, j'ai essayé à plusieurs reprises de montrer les différentes tâches des agents de nuit au nouvel agent mais à chaque fois il me répondait qu'il ne voulait pas et surtout qu'il ne faisait rien pour nous aider.

Dans la soirée, j'ai un peu plus insisté en lui disant que cela ne servait à rien qu'il soit là s'il ne se forme pas un minimum.

J'ai voulu lui montrer comment saisir les missions en sortie sur la base ACCES, et c'est à ce moment là qu'il s'est emporté en me répondant « qu'il n'avait rien à faire de tout ça et que ça fait 7 ans qu'il travaille chez CERBERE et que je n'avais pas à lui montrer son travail et que si je n'étais pas content il s'expliquerait avec moi en dehors du site ! Le tout en me balançant des grossièreté comme « petit pédé » ou encore j'en ai connu des « petit con » comme toi » Nous avons eu un échange assez agressif pendant quelques minutes et il était près à en venir aux mains.

C'est l'agent [F] [N] qui a du intervenir et s'interposer entre nous deux pour calmer l'affaire.

Je tiens à vous demander, dans la mesure du possible, de ne plus travailler avec cet agent afin d'éviter tout incident ».

Les faits reprochés au salarié, notamment les circonstances de l'altercation, ne sont pas contestés par l'intéressé, ils sont précis et circonstanciés.

Considérant le fait, rappelé dans la lettre de licenciement, que suite à une mésentente du salarié avec ses collègues sur le site de [Localité 4], M. [I] [Z] venait d'être affecté sur un nouveau site, le comportement manifesté par ce dernier lors de sa première vacation sur ce site, qui est établi, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement qui a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et qui a alloué au salarié une indemnité à ce titre.

Sur la demande d'indemnité pour atteinte au droit individuel à la formation

M. [I] [Z] sollicite la somme de 8 000 € en réparation de l'atteinte à son droit individuel à la formation. Il reproche à son employeur de s'être trouvé par sa faute dans l'impossibilité de mettre en 'uvre les 120 heures de droit individuel à la formation figurant sur son certificat de travail, dans la mesure où ses demandes de formation de «cariste» et de «recyclage SST» ont été rejetées par Pôle Emploi, au motif que la société Cerbere n'était pas à jour de ses cotisations au titre de la professionnalisation et du DIF.

Il fait valoir qu'il est vu contraindre d'attendre que l'employeur régularise sa situation avant de pouvoir suivre, en mai 2014, une formation de cariste, lui ayant permis de retrouver un emploi dès le mois de juillet 2014.

La société CERBERE, pour sa part, affirme avoir respecté les obligations lui incombant à ce titre.

*

L'examen des pièces versées au dossier, notamment l'attestation établie le 4 mars 2014 par l'organisme Opcalia, révèle que la société Cerbere s'est acquittée le 28 février 2013, soit dans les délais impartis, de ses obligations légales au titre du plan de formation et de la professionnalisation concernant l'exercice 2012, ouvrant les droits à la formation pour l'année 2013, année du licenciement de M. [I] [Z]. L'employeur ne peut, dans ces conditions, se voir reprocher le refus de prise en charge par l'organisme Opcalia des demandes de formation du salarié.

Dès lors ce dernier ne justifie pas d'un préjudice imputable au comportement fautif de la société Cerbere dans l'exécution de ses obligations légales et il convient de rejeter sa demande d'indemnisation.

Le jugement déféré qui a alloué au salarié une indemnisation à ce titre sera infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

M. [I] [Z], qui succombe en l'intégralité de ses prétentions, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [I] [Z] est fondé sur une cause réelle et sérieuse;

DEBOUTE en conséquence M. [I] [Z] de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

DEBOUTE M. [I] [Z] de sa demande en dommages et intérêts pour atteinte au droit individuel à la formation;

CONDAMNE M. [I] [Z] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/01946
Date de la décision : 03/02/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/01946 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-03;15.01946 ?
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