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31/08/2016 | FRANCE | N°14/11132

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 31 août 2016, 14/11132


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 31 août 2016



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11132



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 septembre 2014 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section commerce - RG n° 12/01193





APPELANT

Monsieur [J] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2]

reprÃ

©senté par Me Stéphane BOUDIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, PB215







INTIMEE

ECONOMAT DES ARMEES EPIC

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Hubert FLICHY, avocat au barre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 31 août 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11132

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 septembre 2014 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section commerce - RG n° 12/01193

APPELANT

Monsieur [J] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2]

représenté par Me Stéphane BOUDIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, PB215

INTIMEE

ECONOMAT DES ARMEES EPIC

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Hubert FLICHY, avocat au barreau de PARIS, P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUPUY, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Anne DUPUY, conseiller

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [J] [T] a été engagé en qualité de technicien chaud/froid par l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) économat des armées par contrat à durée déterminée du 4 juin 2007, à l'occasion de l'opération militaire dite Trident, le lieu de travail étant fixé en Serbie.

Jusqu'au 12 mars 2011, il a conclu douze contrats à durée déterminée avec l'économat des armées, pour l'énumération desquels la cour se réfère au jugement déféré, en qualité de technicien chaud/froid, d'électro-frigoriste ou d'électricien, et a travaillé en Serbie, au Tchad et au Kosovo.

Par lettre du 2 mars 2011, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'à la rupture anticipée du contrat de travail pour faute grave, fixé au 9 mars 2011. Par lettre du 12 mars 2011, le contrat de travail de M. [T] a fait l'objet d'une rupture anticipée pour faute grave le jour même.

Sollicitant la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le paiement d'heures supplémentaires, des indemnités au titre de la rupture, pour travail dissimulé et pour mauvaise exécution du contrat de travail, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 30 mars 2012 qui, statuant en formation de départage, par jugement rendu le 2 septembre 2014, a rejeté l'ensemble des demandes de M. [T] et l'a condamné aux dépens.

M. [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision et aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 12 avril 2016, a demandé à la cour de :

- requalifier les indemnités de grand déplacement versées du 4 juin 2007 au 12 mars 2011 en complément de salaires

- requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du contrat en date du 4 juin 2007, subsidiairement à compter du contrat du 28 septembre 2007 et à titre infiniment subsidiaire à compter du contrat du 31 mars 2009

en conséquence,

- condamner l'économat des armées à lui régler les sommes suivantes:

' 10.023,67 € de congés payés du fait de la requalification des indemnités de grand déplacement en complément de salaires

' 31.684,45 € de rappel de salaires sur heures supplémentaires

' 3.168,45 € de congés payés afférents

' 2.073,19 € de rappel de salaires sur astreintes

' 207,32 € de congés payés afférents

' 4.577,71 € de rappel de repos compensateur

' 457,77 € de congés payés afférents

' 45.398,05 € d'indemnité pour travail dissimulé

' 7.114,13 € d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

' 97.622,09 € de rappel de salaires pour les périodes interstitielles

' 9.762,21 € de congés payés afférents

' 1.343,29 € de rappel de primes d'intéressement

' 5.000 € de dommages et intérêts pour absence de prime de classification

' 10.000 € de dommages et intérêts pour conditions de travail difficiles

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal

- ordonner à l'économat des armées de lui délivrer un bulletin de paie rectificatif pour chaque mois de la relation contractuelle concerné par les demandes, soit de juin 2007 à mars 2011, conforme à l'arrêt à intervenir, dans le délai maximum d'un mois à compter de la date de sa notification à l'intimé, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par bulletin, cette cour se réservant la compétence de la liquidation de cette astreinte

- condamner l'économat des armées à lui régler la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-condamner l'économat des armées aux dépens.

À l'audience, l'économat des armées reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, a demandé à la cour de :

- confirmer le jugement déféré

- à titre principal rejeter l'intégralité des demandes de M. [T]

- à titre subsidiaire limiter le quantum des éventuelles condamnations prononcées conformément aux principes exposés dans le corps de ses écritures

- en tout état de cause, condamner M. [T] à lui verser la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Au visa de l'articles L. 3245-1 du code du travail, l'économat des armées soulève la prescription des demandes de nature salariale de M. [T] présentées pour la première fois en cause d'appel à l'exception de celles relatives, d'une part aux deux premiers contrats à durée déterminée exécutés du 4 juin 2007 au 9 septembre 2007 et du 28 septembre 2007 au 16 janvier 2008, d'autre part au dernier contrat à durée déterminée exécuté du 15 janvier au 12 mars 2011, en soutenant que compte tenu de la présentation des nouvelles demandes salariales le 4 janvier 2016, celles-ci sont prescrites pour les contrats exécutés avant le 4 janvier 2011.

Aux termes de l'article R. 1452-7 du code du travail, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel.

L'action en justice de M. [T] portant sur l'ensemble de ses contrats à durée déterminée en ce qu'il en demandait la requalification en contrat à durée indéterminée, ayant été introduite devant le conseil de prud'hommes le 30 mars 2012, soit avant la promulgation de la loi du 14 juin 2013 intervenue le 16 juin 2013 instaurant une prescription triennale en matière d'action en paiement de salaires, l'action en justice du salarié reste soumise à la prescription quinquennale, de sorte que la prescription soulevée en cause d'appel n'est pas acquise.

Sur les indemnités de grand déplacement

Se prévalant de ce que les sommes versées en contre-partie d'un travail sont, en principe, des salaires et par exception des frais professionnels, M. [T] soutient que les indemnités de grand déplacement qu'il a perçues, d'un montant bien supérieur à sa rémunération de base et sans lien avec la réalité des frais supportés sur le terrain, constituent une rémunération, contre-partie de son travail.

Il ajoute que l'employeur, auquel incombe cette charge, ne rapporte pas la preuve de la réalité des frais professionnels couverts par l'indemnité de grand déplacement qu'il a perçue et ajoute qu'en tout état de cause le décret du 20 décembre 2002, le décret n°2006-781 du 3 juillet 2006 et son arrêté du 3 juillet 2006, qu'il estime applicables à l'économat des armées, posent des limites d'exonération aux indemnités de grand déplacement qu'il convient d'appliquer en l'espèce.

Invoquant les arrêtés fixant le barème des frais de mission, M. [T] précise les limites d'exonération applicables au Kosovo et au Tchad, lieux où il s'est vu affecté en mission.

Il fait valoir que l'effet libératoire des reçus de solde de tout compte établis par l'économat des armées se limite aux sommes versées sur le mois correspondant au reçu ou à tout le moins doit être limité au contrat à durée déterminée correspondant.

M. [T] demande, en conséquence, de voir requalifier en salaire les sommes versées à titre d'indemnité de grand déplacement sur la période de juin 2007 à mars 2011 selon le décompte produit et de condamner l'économat des armées à lui payer la somme de 10 023,67 € à titre d'indemnité de congés payés afférents.

L'employeur qui conteste le bien fondé de ces allégations fait valoir qu'en application de l'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002, les indemnités de grand déplacement sont réputées être utilisées conformément à leur objet si elles ne dépassent les limites fixées par arrêté et que l'employeur justifie que le salarié ne peut regagner chaque jour sa résidence, qu'en l'espèce M. [T] avait bien son domicile en France, que les indemnités qu'il a perçues, de 97,57 € par jour en Serbie-Kosovo et 150 € par jour au Tchad, sont largement inférieures aux plafonds fixés par arrêté, qu'ainsi l'indemnité de grand déplacement qu'il a reçue bénéficie de la présomption irréfragable d'utilisation conforme. Il souligne encore que les frais remboursés au réel, mentionnés dans certains bulletins de salaire de M. [T], qui correspondent aux frais engagés par le salarié pour se rendre sur son lieu de mission depuis son domicile, sont distincts de l'indemnité de grand déplacement destinée à couvrir les dépenses de repas et de logement engagés par le salarié sur son lieu de mission. Enfin et en tout état de cause aucune somme n'est due puisque le salarié a signé son solde de tout compte et ne l'a pas dénoncé dans les six mois.

*

L'arrêté du 20 décembre 2002 relatifs aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale prévoit :

- en son article 2 que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue soit sous la forme du remboursement des sommes réellement engagées par le travailleur salarié assimilé, soit sur la base d'allocations forfaitaires ; dans ce second cas l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par cet arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures aux montants fixés par cet arrêté aux articles 3,4,5,8 et 9 ;

- en son article 5.4°, relatif aux indemnités de grand déplacement à l'étranger, que lorsque le travailleur [...] est en déplacement professionnel, les indemnités destinées à compenser les dépenses supplémentaires de repas et de logement sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas le montant des indemnités de mission du groupe I allouées aux personnels civils et militaires de l'Etat envoyés en mission temporaire à l'étranger.

Il ressort de ces dispositions qu'un salarié empêché de regagner chaque jour sa résidence du fait de ses conditions de travail peut percevoir des allocations forfaitaires destinées à compenser ses dépenses supplémentaires de logement et de nourriture.

Il est constant que M. [T], qui a son domicile en France, était en déplacement à l'étranger et a perçu des indemnités de grand déplacement de 97,57 € par jour en Serbie-Kosovo et de 150 € par jour au Tchad, soit inférieures au montants fixés par arrêté (150 € par jour puis 127,50 € après 4 mois pour le Kosovo et 225 € par jour puis 191,25 € après 4 mois pour le Tchad).

Il ressort de ces éléments que le salarié est mal fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 2 de l'arrêt du 3 juillet 2006, prévoyant que pour l'étranger, les taux des indemnités de mission sont réduits de 65% lorsque l'agent est logé gratuitement, pour en déduire que les indemnités de grand déplacement versées auraient dépassé le plafond fixé par arrêté du 3 juillet 2006 pour le Tchad à 150 € par jour et le Kosovo à 97,57 € par jour, dès lors que son domicile était resté fixé en France.

Contrairement à ce qu'il affirme l'indemnité de grand déplacement qu'il a perçue bénéficie donc de la présomption légale d'utilisation conforme à son objet.

Il n'y a pas lieu en conséquence à requalification des indemnités de grand déplacement en complément de salaires et il convient de débouter M. [T] de sa demande, présentée pour la première fois en cause d'appel, de congés payés en découlant.

Sur les heures supplémentaires, les astreintes et le rappel de salaire sur repos compensateur

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

M. [T] verse aux débats le règlement de service intérieur Opération Trident du 15 décembre 2008 qui prévoit que 'le chef de mission EdA organise le travail de ses équipes, dans le respect des réglementations applicables, en vue de répondre aux besoins de la force durant leurs horaires de travail, soit du lundi au samedi de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures', un rapport hebdomadaire établi en commun avec son collègue M. [M] avec lequel il travaillait, à compter de la semaine du 3 au 9 août 2007 détaillant pour chaque journée les tâches accomplies dans les horaires fixés soit du lundi au samedi de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures, ainsi qu'un tableau récapitulatif mensuel des sommes réclamées pour un total de 31.684,45 € de rappel d'heures supplémentaires et 2.073,19 € de rappel d'astreintes, outre les congés payés afférents.

L'économat des armées affirme que la surcharge de travail invoquée n'est pas établie, que M. [T] a perçu la rémunération des heures supplémentaires et heures d'astreinte qu'il a réellement effectuées ainsi qu'en témoignent ses bulletins de salaires, comportant également le paiement des repos compensateurs obligatoires afférents.

*

Les contrats de travail à durée déterminée produits par M. [T] mentionnent : '9° Durée du travail et horaires :

Emploi à temps complet,

a, l'horaire hebdomadaire est fixé à 42H30,

b, les horaires et la durée quotidienne moyenne sont fixés en fonction des besoins du théâtre,

c, le titulaire peut être soumis à un régime d'astreinte nuit, jour férié ou week end donnant lieu à une indemnisation respectivement fixée à 12, 24 et 48 heures sur la base de 5% du taux horaire afférent au coefficient détenu,

d, la prise d'un jour de repos hebdomadaire est obligatoire.'

En l'absence de décompte précis des heures effectuées chaque jour ou chaque semaine par M. [T] personnellement, le règlement de service intérieur Opération Trident du 15 décembre 2008 d'ordre général et le rapport

hebdomadaire des tâches accomplies produit par M. [T] correspondant à un relevé d'activité commun avec M. [M] à l'intérieur d'une plage horaire globale, qui ne sont corroborés par aucun autre élément, ne sont pas de nature à étayer ses prétentions par des éléments suffisamment précis permettant à l'employeur d'y répondre. La demande du salarié relative aux heures supplémentaires, d'astreintes, ainsi que celle relative aux repos compensateurs qui en découlent, doivent par conséquent être rejetées, confirmant ainsi la décision déférée.

Sur le travail dissimulé

En application de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable d'embauche, soit de se soustraire intentionnellement à la formalité prévue à l'article L 3243-2 du même code, relatif à la délivrance du bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L'article L 8223-1 du code du travail sanctionne le travail dissimulé, d'une indemnité forfaitaire allouée au salarié égale à six mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable.

La dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Compte-tenu de ce qui précède, M. [T], qui fonde cette demande sur les heures supplémentaires prétendument effectuées dont il a été débouté, ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef, par confirmation du jugement déféré sur ce point.

Sur la requalification des contrats à durée déterminée

M. [T] fait valoir, au soutien de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée que :

- l'employeur ne rapporte pas la preuve d'un accroissement temporaire d'activité

- son emploi relevait d'une activité normale et permanente de l'entreprise

- les contrats à durée déterminée conclus pour accroissement d'activité ne peuvent s'assimiler à des contrats à durée déterminée d'usage

et à titre subsidiaire que :

- le terme des contrats à durée déterminée a été dépassé (pour le 1er contrat du 4 juillet 2007 et le 2ème du 28 septembre 2007)

- le délai de carence entre deux contrats à durée déterminée n'a pas été respecté

- les cas de recours visés par les contrats à durée déterminée sont illicites.

*

Les articles L 1242-1 et L 1242-2 du code du travail disposent que le contrat à durée déterminée quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Sous réserve des dispositions de l'article L 1242-3, il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés par l'article L 1242-2.

Selon l'article L 1242-12, le contrat à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif ; à défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée. L'article L 1244-3 du code du travail impose un délai de carence entre deux contrats à durée déterminée conclus sur un poste identique.

Aux termes des articles L. 3421-1 et L. 3421-2 du code de la défense, l'économat des armées est une centrale d'achat qui a pour objet le soutien logistique et la fourniture de services, de denrées et de marchandises diverses aux formations militaires en France et à l'étranger.

Il ressort des écritures et pièces des parties qu'à compter de 2007 l'armée française a demandé à l'économat des armées d'assurer une partie du soutien des forces françaises déployées sur certains points à l'étranger, l'accord-cadre signé avec l'Etat major des armées stipulant que les activités d'externalisation dévolues à l'économat des armées ont un caractère 'imprévisible, aléatoire et fluctuant'. L'économat des armées a ainsi une activité principale limitée à l'approvisionnement des restaurants militaires essentiellement en métropole et par ailleurs, depuis 2007, une activité temporaire de soutien logistique à l'armée française liée à des opérations militaires déterminées à l'étranger, aléatoires dans leur durée et leurs conditions de sécurité, pouvant être interrompues ou prolongées.

M. [T] a conclu avec l'économat des armées neuf contrats à durée déterminée pour accroissement d'activité, dans le cadre des opérations Trident en Serbie et Macédoine et Epervier au Tchad.

Adoptant les motifs pertinents des premiers juges, la cour retient que l'emploi occupé par M. [T] pendant la durée de chaque contrat conclu avec l'économat des armées dans le cadre du soutien logistique apporté par celui-ci à l'armée française sur le théâtre des opérations militaires, présente les mêmes caractères que les événements qu'il sert, par nature temporaires et sans durée prévisible, de sorte que les contrats conclus par l'intéressé n'ont pas eu pour effet ni pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à une activité normale et permanente de l'entreprise, mais bien de faire face à un accroissement temporaire d'activité de l'économat des armées.

De la même manière, adoptant les motifs pertinents des premiers juges, la cour relève que les contrats à durée déterminée successifs conclus par M. [T] s'appliquent à des postes différents d'électro-frigoriste et d'électricien basse-tension, ce que ne conteste pas le salarié, de sorte que les éléments produits aux débats ne permettent pas de conclure qu'il a été embauché en violation des dispositions relatives au délai de carence.

En outre, le salarié fait valoir qu'ont été conclus pour des motifs illicites pour ne pas être prévus dans les cas limitatifs visés à l'article L 1242-2 du code du travail, les contrats à durée déterminée suivants :

- du 21 septembre 2009 d'une durée de deux jours ayant pour objet une formation auprès de l'APAVE intitulée 'recyclage du personnel électricien habilité' ;

- du 3 janvier 2011 d'une durée de cinq jours auprès de l'APAVE ayant pour objet une formation intitulée ' fluides frigorigènes' ;

- des 31 mars 2009, 5 mai 2009 et 11 janvier 2011, d'une durée d'une journée ayant pour objet 'exécution d'une tâche précise : journée d'information à la direction générale et visite médicale en vue de la prise ultérieure de fonctions'.

L'employeur conteste l'illicéité reprochée.

Au vu de ces éléments, et alors qu'il appartient au juge de donner aux relations entre les parties leur exacte qualification, il convient de considérer que n'est pas un contrat de travail, un contrat qui a pour seul objet une visite médicale ou une journée d'information ou de formation, lesquelles ne constituent pas une prestation de travail, contre-partie indispensable au paiement d'un salaire.

Il s'ensuit que les contrats précités échappent à l'application des articles L 1242-1 et suivants du code du travail.

Enfin, le salarié fait valoir que le contrat à durée déterminée du 4 juin 2007 avec un terme au 4 juillet 2007 a été prolongé par un 'avenant' daté du 23 juillet 2007, de sorte que la relation de travail s'est poursuivie, à compter du 4 juillet, en contrat à durée indéterminée, à défaut de nouveau contrat à durée déterminée régularisé à cette date. A l'appui de cette affirmation, M. [T] produit aux débats un renouvellement de contrat à durée déterminée, qu'il a signé le 23 septembre 2007, prévoyant la prolongation jusqu'au 4 septembre 2007 de la relation de travail venant à son terme le 4 juillet 2007.

M. [T] ajoute qu'alors que l'avenant du 23 juillet 2007 a prolongé le terme du contrat initial du 4 juin 2007 au 4 septembre 2007 inclus, les relations de travail entre les parties se sont poursuivies au-delà de cette date puisqu'il a travaillé pour l'économat des armées jusqu'au 9 septembre 2007, soit cinq jours plus tard, comme le démontrent ses bulletins de paie et son certificat de travail.

Répondant aux conclusions de l'économat des armées qui soutient qu'il aurait été rémunéré sans travailler et qu'il ne justifie d'aucune prestation de travail, M [T] produit le rapport d'activité des journées concernées pour justifier de son activités les 5, 6, 7 et 8 septembre 2007 (achat Pristina, réparation essoreuse à salade, dépannage four, ...).

L'employeur fait valoir que pour des raisons, étrangères à sa volonté, de disponibilité de vecteurs aériens, le rapatriement de M. [T] n'a été possible que le 9 septembre 2007, hypothèse prévue par le contrat de travail à durée déterminée du 4 juin 2007 qui précise, après avoir fixé le terme du contrat, que 'des contraintes spécifiques et indépendantes de la volonté de l'économat des armées liées à la disponibilité des vecteurs de transport aérien peuvent modifier la date de fin de contrat mentionnées ci-dessus. Aussi, au bénéfice du salarié, la date de fin de contrat sera réputée repoussée au jour de retour effectif du salarié en métropole'.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et en particulier du fait que M. [T] n'a pas contesté la validité de l'avenant du 23 juillet 2007 intitulé 'renouvellement du contrat à durée déterminée du 4 juin 2007", qui prévoyait : 'dans le cadre de l'exécution du contrat TRIDENT en Serbie, la mission de M. [J] [T] dont le terme est fixé au 4 juillet 2007, est prolongée jusqu'au 4 septembre 2007 inclus', sans que cela emporte poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée sauf dénaturation des termes de la convention, il convient de considérer que le contrat à durée déterminée du 4 juin 2007 a été régulièrement prolongé et que le départ différé de M. [T] le 9 septembre 2007 correspondant à une hypothèse contractuellement prévue, n'emporte pas requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, le salarié n'apportant pas la preuve d'une activité effective personnelle qui se serait poursuivie au delà du 4 septembre 2007, terme de la prolongation de son contrat de travail, par la seule production d'un rapport d'activité établi en commun avec son collègue M. [M] avec lequel il travaillait.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les contrats à durée déterminée ont été régulièrement conclus au regard des textes précités. Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la demande de requalification de M. [T], ainsi que l'ensemble de ses demandes subséquentes en paiement d'indemnité de requalification, de rappel de salaires et rappel d'intéressement pour les périodes interstitielles et de rappel de prime d'intéressement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de grille de classification

M. [T] qui ne justifie d'aucun préjudice personnel à ce titre sera débouté de sa demande présentée pour la première fois en cause d'appel.

Sur la demande de dommages et intérêts pour conditions de travail difficiles

M. [T] sollicite des dommages et intérêts en invoquant un préjudice manifeste dû à ses conditions de travail rendues difficiles par des manquements de l'économat des armées à ses obligations du fait des restrictions portées aux autorisations de sortie, d'un logement en baraquement à l'intérieur des camps ne répondant pas aux caractéristiques d'un logement décent et d'une absence de politique de prévention des risques d'atteinte à la santé physique et mentale des salariés confrontés à la situation difficile des théâtres d'opération.

M. [T] a accepté en connaissance de cause des missions se déroulant à l'étranger, dans le cadre d'opérations militaires françaises, dont il ne pouvait ignorer le contexte difficile.

Il ne produit aucun élément établissant que dans l'exercice de ces missions, il aurait subi un préjudice dépassant l'inconfort que comporte la nature de telles missions qu'il a contractuellement acceptées à plusieurs reprises.

Il sera donc débouté de ce chef de demande.

Sur la remise des documents sociaux conformes pour les droits à la retraite

Compte-tenu de ce qui précède, il convient de débouter M. [T] de ce chef de demande.

Sur les autres demandes

M. [T] supportera les dépens.

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [J] [T] de sa demande de requalification des indemnités de grand déplacement en complément de salaires et de sa demande subséquente de congés payés;

DÉBOUTE M. [J] [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour conditions de travail difficiles et absence de grille de classification ;

REJETTE le surplus des demandes;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE M. [J] [T] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/11132
Date de la décision : 31/08/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°14/11132 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-08-31;14.11132 ?
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