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08/11/2017 | FRANCE | N°15/01541

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 08 novembre 2017, 15/01541


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2017



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01541



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2014 -Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2013J02444





APPELANTE



SAS MATEL GROUP

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIR

ET : 339 827 834 (VIENNE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2017

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01541

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2014 -Tribunal de Commerce de LYON - RG n° 2013J02444

APPELANTE

SAS MATEL GROUP

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 339 827 834 (VIENNE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant : Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2306

INTIMÉES

- Société SLOANLED, société de droit américain

Ayant son siège social : [Adresse 2]

[Adresse 2] - USA

N° de TVA USA :952015446, n° de DUNS : 831293977

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

- Société SLOANLED EUROPE BV, Société de droit néerlandais

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3] (PAYS-BAS)

N° de TVA NL : 8233.83.040.B01, n° de DUNS : 489246763

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par Me Marie JANET de la SCP SCP BLUMBERG & JANET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0249

Ayant pour avocat plaidant : Me Jack BUSSY, avocat au barreau de PARIS, toque : A494

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène LUC, Présidente de chambre

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée, rédacteur

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Laure COMTE dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Matel Group, ci-après société Matel, est spécialisée dans le secteur d'activité de la fourniture d'enseignes lumineuses.

La société Sloanled est une société américaine qui produit des systèmes à diodes. La société Sloaned Europe B.V est une filiale de la société Sloanled en Europe.

À compter de l'année 2007, la société Matel Group distribue les produits de la société Sloanled.

Aucun accord de distribution écrit ne lie les parties.

À compter de l'année 2012, les sociétés Sloaned et Sloaned Europe B.V distribuent en France leurs produits également par l'intermédiaire d'un autre partenaire.

Un litige est né au cours de l'année 2012 entre la société Sloanled et la société Matel, notamment concernant la distribution en France des produits de la société Sloanled par une société concurrente à la société Matel, la commercialisation par cette dernière de produits qui seraient concurrents, la baisse importante des ventes par la société Matel des produits Sloanled et l'existence de stocks que la société Matel souhaite voir repris par la société Sloanled.

Faute d'accord, par actes du 2 octobre 2013, la société Matel a assigné les sociétés Sloaned et Sloaned Europe B.V devant le tribunal de commerce de Lyon, en réparation de son préjudice subi sur le fondement de l'article L.442-6-I 5° du code de commerce.

Par jugement du 17 décembre 2014, le tribunal de commerce de Lyon a :

- déclaré recevable, mais non fondée l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V et l'a rejetée,

- s'est déclaré compétent pour connaître du présent litige,

- mis hors de cause la société Sloanled Europe B.V,

- jugé que la rupture de la relation commerciale entre la société Matel group et la société Sloanled n'est pas imputable à cette dernière,

- débouté la société Matel Group de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- jugé que la société Matel Group s'est rendue coupable de faits de parasitisme et de concurrence déloyale à l'égard de la société Sloanled, lui causant un préjudice certain,

- condamné la société Matel Group à payer à la société Sloanled la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues,

- condamné la société Matel Group au paiement à la société Sloanled de la somme de 28.040,74 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- condamné la société Matel Group à payer à la société Sloanled la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Matel a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 21 janvier 2015 à l'égard de la société Sloanled et le 27 mai 2015 à l'égard de la société Sloanled Europe B.V.

La jonction entre les deux instances a été ordonnée le 19 janvier 2016.

La procédure devant la cour a été clôturée le 26 septembre 2017.

LA COUR

Vu les conclusions du 18 septembre 2017 par lesquelles la société Matel, appelante, invite la cour, à :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter la société Sloanled de ses entières demandes formées à titre incident,

- débouter la société Sloanled Europe B.V de ses entières demandes,

- débouter la société Sloanled Europe B.V de sa demande formée pour la première fois devant la cour en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner solidairement les sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V à lui payer, au titre du solde de l'avoir émis le 26 septembre 2011, la contrevaleur de 290.945,77 dollars, au jour du paiement, augmentée des intérêts de droit au taux légal à compter du 17 avril 2013,

- condamner solidairement les sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V à lui rembourser la valeur du stock encore en sa possession pour un montant de 391.133,01 euros, avec intérêts de droit au taux légal à compter du 17 avril 2013,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner solidairement les sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V à lui payer au titre de son préjudice commercial, la somme de 400.000 euros,

- débouter les sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V de toutes demandes à son encontre,

subsidiairement,

- ordonner la compensation des sommes,

en toute hypothèse,

- condamner les sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V à lui payer chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 7.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 8.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner les sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Me Etevenard dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile ;

Elle fait valoir que :

- la société Sloanled Europe B.V est également partie à cette relation contractuelle et ne s'est pas contentée d'une simple activité d'assistance technique,

- la rupture du contrat de distribution existant entre les parties est imputable aux sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V,

- elle a distribué à titre exclusif sur le territoire français les produits de la marque Sloanled,

- il importe peu que la relation commerciale ne repose sur aucun écrit et ne s'inscrive dans aucun cadre contractuel formalisé,

- la relation a été rompue à partir du mois de janvier 2012 par la mise en place d'un nouveau distributeur concurrent sans que les sociétés Sloanled ne l'annoncent, ni n'accordent un préavis,

- l'exclusivité dont bénéficiait la société Sloanled justifiait une rupture avec avertissement préalable et préavis suffisant eu égard aux dispositions de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce,

- la modification unilatérale de la situation d'exclusivité dont elle bénéficiait était fautive et imputable aux sociétés Sloanled, ayant rompu les relations contractuelles le 17 octobre 2012 avec un préavis pour le 31 décembre 2012,

- elle a toujours commercialisé des leds sur son catalogue, depuis 2005 avec d'autres produits que les produits Sloanled alors que la société Sloanled ne s'est jamais prévalue d'une inexécution de ses obligations contractuelles,

- les sociétés Sloanled ont accepté le 26 septembre 2011, de reprendre un stock de produits CL5 blanc, pour lequel elle a émis un avoir de 410.784 dollars dont il était convenu du remboursement de manière échelonnée par le biais de remises de 35% sur ses prochains achats à partir du 1er octobre 2011, en contrepartie de la récupération d'un important stock,

- après rectification par la société Sloanled, le montant de l'avoir était de 441.476 euros,

- la société Sloanled a tenté d'aider un distributeur qui lui demandait de consentir un effort pour surmonter des difficultés suite à la perte d'un marché important,

- la société Sloanled lui a proposé de l'aider dans l'écoulement de ses surplus de stock et a entreposé, en septembre 2011, 116.700 modules de CL5 en lui accordant un avoir comptable constituant un solde en sa faveur sur lequel s'imputait une remise de 35% du montant de ses achats à venir jusqu'à ce que la valeur totale des remises atteigne celle du surplus de stock CL5,

- l'offre de rachat du stock CL5 à un prix moindre ou de revente du stock pour son compte ne constitue pas une reconnaissance de dette envers cette dernière, ni une qualité de propriétaire du stock CL5,

- son préjudice consiste également dans le stock détenu pour une valeur de 387.283,83 euros,

- l'auteur de la rupture a l'obligation d'indemniser son cocontractant de la valeur des stocks restant en sa possession,

- la rupture de la relation commerciale se devait aux termes d'un préavis écrit, suffisant et non équivoque et que l'absence de préavis est un indice de brutalité de la rupture ne cédant qu'en cas d'inexécution contractuelle,

- le contrat conclu entre les parties ne prévoyait aucune prohibition pour elle de commercialiser ses propres produits, ce qu'elle a toujours fait,

- elle n'a commis aucune violation d'une obligation née du contrat,

- le juge, en condamnant la société Matel Group sur un fondement contractuel, a statué ultra petita au regard du fondement délictuel du parasitisme commercial,

- la société Sloanled n'apporte pas de preuve quant aux fautes qui auraient été commises par elle,

- le produit COB5 n'est pas destiné à la même application, et les documents commerciaux ne permettent aucune confusion entre les produits Sloanled et Matel présentés sous des gammes différentes,

- la société Sloanled ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le dommage dont elle demande réparation, alors que la baisse des ventes de la société Sloanled à la société Matel est liée à l'adjonction du nouveau distributeur,

- il ne résulte d'aucun élément que la relation commerciale entre les parties faisait bénéficier la société Sloanled d'une exclusivité de la société Matel Group ;

Vu les conclusions du 21 septembre 2017 par lesquelles les sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V, intimées ayant formé appel incident, demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1382 et 1383 anciens du code civil, L.442-2 et L.420-5 du code de commerce, 559, 566 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 17 décembre 2014 en son principe, l'infirmer en ses montants,

- rappeler l'absence de lien contractuel entre les sociétés Sloanled Europe B.V et Matel,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 17 décembre 2014 en ce qu'il a mis hors de cause la société Sloanled Europe B.V,

- rejeter l'intégralité des demandes de la société Matel Group à l'égard des sociétés Sloanled et Sloanled Europe B.V.,

- condamner la société Matel Group à payer à la société Sloanled la somme de 1.380.952 euros à titre de dommages et intérêt en réparation de son préjudice sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, et subsidiairement, de sa responsabilité quasi-délictuelle avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Matel Group à payer à la société Sloanled la somme de 28.040,74 euros en règlement des marchandises qui lui ont été régulièrement livrées avec intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2013, date de la dernière facture,

- condamner la société Matel Group à payer à la société Sloanled la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi par Sloanled sur le fondement de sa responsabilité délictuelle,

- condamner la société Matel Group à payer à la société Sloanled Europe B.V la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

En tout état de cause,

- condamner la société Matel Group à payer à la société Sloanled la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner la société Matel Group à payer à la société Sloanled Europe B.V la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner la société Matel Group aux entiers dépens, y compris de première instance et dans les procédures RG 15/01541 et 15/10843, au profit de Me Janet, avocat aux offres de droit, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile ;

Elles expliquent que :

- il n'existe pas de contrat de distribution ou une autre relation commerciale entre la société Matel Group et la société Sloanled Europe B.V.,

- il existait un contrat tacite conclu entre commerçants qui ne comportait aucune exclusivité territoriale stipulée au bénéfice de la société Matel, l'exclusivité dans les contrats de distribution ne pouvant se présumer et devant être convenue de manière expresse et non équivoque entre les parties, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce,

- il n'a jamais été dans l'intention de la société Sloanled de conclure une exclusivité avec la société Matel Group, ayant notamment l'habitude de travailler avec plusieurs distributeurs dans les marchés européens qu'elle considère importants,

- la société Matel Group ne rapporte aucune preuve de l'existence d'une intention non équivoque entre la société Sloanled et elle d'entretenir des relations commerciales exclusives,

- compte tenu de la chute des commandes de produits Sloanled par la société Matel et la mise sur le marché par cette dernière d'un produit directement concurrent à celui qu'elle devait distribuer pour le compte de la société Sloanled, elle a été contrainte de trouver un second distributeur,

- le président de Matel a adressé une lettre recommandée à Sloanled le 19 février 2013 pour lui proposer une solution financière afin de mettre un terme à leur relation commerciale,

- la société Sloanled n'est responsable d'aucune rupture fautive du contrat tacite de distribution, alors que la rupture brutale est imputable à la société Matel Group ayant pris l'initiative de cesser définitivement toutes relations commerciales avec la société Sloanled,

- les relations d'affaires se sont poursuivies entre les parties jusqu'à la prétendue rupture du contrat de distribution par la société Matel Group, et même au-delà,

- la société Matel Group ne peut se prévaloir de cette rupture pour justifier une reprise et un remboursement par la société Sloanled du stock encore en sa possession,

- la société Matel a toujours la possibilité de vendre les produits Sloanled sur le marché français, ce qu'elle a d'ailleurs continué de faire pendant la procédure de première instance,

- la société Matel Group ne justifie pas le montant du préjudice commercial qu'elle aurait subi, ni par la production de ses comptes sur les années citées, ni par la preuve d'une baisse de son chiffre d'affaires, ni d'aucun préjudice quel qu'il soit,

- la société Matel, au cours de l'année 2011 a lancé un produit COB5 directement concurrent des produits Sloanled,

- la société Matel Group a profité de sa position de distributeur de Sloanled pour étudier son savoir-faire et lancer un produit directement concurrent à celui de son fournisseur, tout en profitant également du réseau Sloanled pour en démarcher les distributeurs de façon déloyale,

- les agissements de la société Matel ont traduit l'exécution de mauvaise foi du contrat et sont constitutifs d'une faute contractuelle,

- ce comportement est constitutif de parasitisme commercial, la société Matel ayant pu, grâce à la notoriété des produits Sloanled, vendre ses produits sans effet au travers du réseau mis en place par la société Sloanled,

- ces agissements ont contribué à désorganiser le réseau de distribution de Sloanled, tout en profitant du savoir-faire de celle-ci, la privant alors d'une partie de son chiffre d'affaires,

- les agissements de la société Matel Group ont eu pour effet d'une part, d'entrainer une confusion parmi les membres du réseau de distribution Sloanled, d'exposer Sloanled à une dépréciation de l'image de ses produits en faisant apparaitre le produit comme bradé ou de mauvaise qualité en pratiquant des prix abusivement bas, et d'autre part, de mettre en péril la politique commerciale de la société Sloanled en laissant croire aux autres distributeurs du réseau que la société Matel bénéficie de conditions préférentielles ;

SUR CE

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la rupture des relations contractuelles 

Le caractère établi des relations commerciales entre la société Sloanled et la société Matel depuis l'année 2007 n'est pas contesté. En revanche, les parties s'opposent sur l'existence de relations commerciales avec la société Sloanled Europe B.V., sur l'exclusivité allouée à la société Matel pour distribuer en France les produits Sloanled, et sur l'imputabilité de la rupture.

Aux termes de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (') de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ''.

La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu'elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.

Sur les liens entre les sociétés Matel et Sloanled Europe B.V.

La société Matel soutient qu'elle entretenait des relations commerciales indifférenciées avec la société Sloanled Europe B.V. comme avec la société Sloanled, ce que ces dernières contestent, sollicitant la mise hors de cause de la société Sloanled Europe B.V..

Il ressort du courriel du 16 avril 2012 que la société Sloanled Europe B.V. explique aux distributeurs européens « passer d'un bureau de ventes et de support technique » et devenir « un centre de stockage et de distribution ». Dans les courriers des 26 septembre 2011 et 22 mai 2012, la société Sloanled Europe B.V. confirme à un client que la société Matel est un distributeur officiel en France et qu'elle accepte la reprise du stock en émettant un avoir au bénéfice de la société Matel. Il apparaît également que la société Matel commandait directement les produits Sloanled à la société Sloanled Europe B.V. (pièce Matel n°14). De même, par courriel du 23 mai 2012, adressé par le représentant de la société Sloanled Europe B.V. aux distributeurs, la société Sloanled Europe B.V. communique les nouveaux tarifs et modalités de commandes (pièce Matel n°15).

Ces éléments démontrent que la société Matel entretenait des relations commerciales avec la société Sloanled Europe B.V, en qualité de distributeur des produits Sloanled.

Il n'y a donc pas lieu de la mettre hors de cause.

Le jugement doit donc être infirmé, en ce qu'il a mis hors de cause la société Sloanled Europe B.V.

Sur l'exclusivité de la société Matel sur le territoire français :

Il est constant qu'aucun accord écrit ne lie les sociétés Sloanled Europe B.V. et Sloanled, d'une part et la société Matel, d'autre part.

Aucune clause d'exclusivité n'ayant été signée officiellement par contrat entre les parties, il appartient à la société Matel, qui soutient bénéficier d'une exclusivité de fait, d'établir que les sociétés Sloanled Europe B.V. et Sloanled avaient l'intention de lui donner l'exclusivité de la distribution de leurs produits en France. La seule circonstance que la société Matel ait été la seule distributrice en France des produits Sloanled entre 2007 et 2011 ne peut établir l'exclusivité dont elle aurait bénéficié des sociétés Sloanled Europe B.V. et Sloanled.

Il ressort par ailleurs des éléments du dossier que la société Sloanled Europe B.V. a signé le 22 janvier 2009, un contrat d'une durée de 6 mois avec un consultant français, la société BG Industries, avec pour mission d'organiser « des visites auprès de clients potentiels, d'utilisateurs finaux, de spécialistes de l'enseigne ou de concepteurs », souhaitant « développer son activité de signalétique et architecture lumineuse en France ». Ledit contrat stipule également que « le consultant travaillera avec les distributeurs et les clients directs clefs de Sloanled et ne devra pas vendre de produits Sloanled directement » (pièce Sloanled 1).

La société Matel ne démontre pas que les sociétés Sloanled Europe B.V. et Sloanled lui ont conféré une exclusivité de fait sur le territoire français, par la seule reconnaissance auprès de clients de ce qu'elle est distributeur officiel en France, cette déclaration n'impliquant pas une exclusivité. Au contraire, il apparaît que les sociétés Sloanled Europe B.V. et Sloanled ont souhaité étendre leur implantation sur le territoire français, par le développement du nombre de leurs distributeurs, ce qu'elles ont fait d'ailleurs après la baisse des ventes des ventes des produits Sloanled par la société Matel à la fin de l'année 2011.

En conséquence, il n'est pas démontré que la société Matel, en qualité de distributeur des sociétés Sloanled Europe B.V. et Sloanled, bénéficiait d'une exclusivité sur le territoire français.

Dès lors, la commercialisation des produits Sloanled par un second distributeur au cours de l'année 2012 ne constitue pas une modification des conditions contractuelles liant les parties et ainsi, une rupture partielle des relations commerciales.

Sur l'imputabilité de la rupture

Il ressort des échanges de courriels du mois de février 2013 entre les sociétés Sloanled et Matel que la rupture des relations commerciales a été décidée d'un commun accord entre les deux parties, en raison de leurs reproches mutuels. Ainsi, la société Sloanled fait savoir à la société Matel le 21 février 2013 que la réunion entre les deux sociétés pour trouver un accord à leurs différends s'est tenue le 17 octobre 2012 et qu'« après une courte discussion, il a été décidé qu'il était préférable pour les deux parties que la relation Sloanled-Matel prenne fin » et qu'un agenda a été fixé pour que les relations commerciales cessent au mois de décembre 2013. En réponse à ce courriel, le représentant de la société Matel, le 26 février 2013 répond être « heureux de lire que tu reconnais notre bonne volonté mutuelle de mettre fin à la relation commerciale Sloanled/Matel ».

La société Matel ne peut donc soutenir que la rupture des relations commerciales est intervenue le 17 octobre 2012 au cours de la réunion évoquée ci-dessus avec un préavis pour le 31 décembre 2012 du fait de la seule société Sloanled.

Bien au contraire, il est ainsi établi que les parties ont souhaité cesser de collaborer d'un commun accord au regard de leurs griefs respectifs et que les échanges devaient perdurer au moins jusqu'au mois de décembre 2012, ce qui n'est pas contesté.

En outre, il ressort des pièces du dossier, comme les premiers juges l'ont relevé, que les sociétés Sloanled Europe B.V. et Sloanled ont essayé de trouver une solution pour pérenniser leurs relations commerciales avec la société Matel, les commandes ayant perduré encore d'ailleurs au cours de la première moitié de l'année 2013.

Dans ces conditions, la rupture des relations commerciales entre les sociétés Sloanled Europe B.V. et Sloanled, d'une part, et la société Matel, d'autre part n'est pas imputable aux sociétés Sloanled Europe B.V. et Sloanled et ne peut donner lieu à indemnisation en vertu de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes de la société Matel de ce chef, à savoir le paiement de l'avoir, de la contrevaleur du stock et du préjudice commercial.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les demandes de la société Sloanled

Sur les actes de concurrence déloyale de la société Matel :

La société Sloanled reproche à la société Matel des actes de concurrence déloyale d'abord sur le fondement de la responsabilité contractuelle et subsidiairement sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, pour avoir commercialisé un produit concurrent à ses produits. La société Matel conteste tout acte de concurrence déloyale, en ce que le produit litigieux ne remplace pas les produits Sloanled et que sa responsabilité contractuelle ne peut être mise en jeu sur le fondement de la concurrence déloyale.

Aucun contrat n'ayant été conclu entre la société Sloanled et la société Matel, aucune exclusivité n'ayant été imposée de part et d'autre, il ne peut être reproché à la société Matel, distributeur des produits Sloanled en France, mais aussi vendeur de différents produits d'autres marques, de commercialiser des produits concurrents ou complémentaires, et d'engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Sloanled.

La responsabilité au titre de la concurrence déloyale ne peut pas être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique que la commercialisation par un distributeur de produits concurrents ou complémentaires est autorisée, sous certaines conditions tenant, par exemple, à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

La société Sloanled ne démontre pas que le produit COB 5 développé par la société Matel est identique à un de ses produits. Par ailleurs, le courriel du 11 janvier 2012 de la société Matel à des clients (pièce Sloanled 4) ne fait que présenter le produit COB 5 comme pouvant compléter la gamme Sloanled.

Ces seuls éléments ne peuvent être considérés comme fautifs, en ce qu'au regard de la liberté du commerce, un distributeur peut proposer à ses clients plusieurs types de produits de provenance diverses, lorsque l'origine de chacun des produits est clairement identifiée.

En l'espèce, le courriel présente le produit COB 5 comme un produit Matel, qui n'est pas proposé dans la gamme de produit Sloanled, permettant ainsi de compléter celle-ci. Il ne ressort de cette présentation aucune confusion entre les produits, de telle sorte que la société Matel n'a pas commis à ce titre d'actes de concurrence déloyale.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef.

Le jugement doit être infirmé sur ce point.

Sur les actes de parasitisme de la société Matel

La société Sloanled reproche à la société Matel d'avoir contacté ses distributeurs pour leurs proposer son produit COB 5, profitant de sa notoriété, et d'avoir vendu à perte certains de ses produits. La société Matel conteste les faits qui lui sont reprochés, en expliquant que les produits litigieux ne sont pas concurrents et que le préjudice n'est pas établi.

Le parasitisme est caractérisé dès lors qu'une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements, sans bourse délier.

L'annexe 9 du procès-verbal de constat d'huissier du 14 décembre 2013 ne peut établir une présentation confuse par la société Matel de son produit COB 5, sur son site internet. En effet, cet extrait présente un produit Great White 4, dont il n'est pas question dans le cadre de cette instance. En outre, la seule présence de la mention COB 5 dans la liste, sur le côté de l'écran des produits proposés par la société Matel sous la dénomination « Sloanled », ne peut démontrer en soi que le produit COB 5 est présenté comme étant « Sloanled », alors que la page de ce produit COB 5 sur le site internet de la société Matel n'est pas communiquée, que la page d'accueil dudit site n'est pas produite, ni la manière dont l'huissier de justice est arrivé à cette page litigieuse.

Par ailleurs, pour justifier de la vente à perte par la société Matel des produits Sloanled, la société Sloanled communique une liste de prix catalogue. Or, à défaut de produire les factures de vente des produits à la société Matel, le grief de vente à perte ne peut prospérer.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef.

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a jugé que la société Matel Group s'est rendue coupable de faits de parasitisme et de concurrence déloyale à l'égard de la société Sloanled, lui causant un préjudice certain, et condamné la société Matel Group à payer à la société Sloanled la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues.

Sur le paiement de la facture d'un montant de 28.040,74 euros :

La société Matel ne conteste pas rester devoir à la société Sloanled la somme de 28.040,74 euros au titre des produits livrés entre les mois de février et juin 2013 par la société Sloanled, mais non payés.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Matel Group au paiement à la société Sloanled de la somme de 28.040,74 euros, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

La capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil (ancien article 1154) est de droit lorsqu'elle est demandée. Elle ne court qu'à compter de la demande qui y en a été faite devant la cour, soit par conclusions signifiées le 21 septembre 2017. Il doit donc être fait droit à la demande de la société Sloanled de ce chef. Les intérêts porteront donc eux-mêmes intérêts à compter du 21 septembre 2018, le cas échéant.

Sur la demande de dommage et intérêts de la société Sloanled Europe B.V. pour procédure abusive

En application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

La société Sloanled Europe B.V ne rapporte pas la preuve de ce que l'action de la société Matel aurait dégénéré en abus, ce d'autant qu'elle n'a pas été mise hors de cause dans le cadre de cette instance. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens 

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Matel, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Sloanled et à la société Sloanled Europe B.V chacune la somme supplémentaire de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la société Matel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Sloanled Europe B.V., jugé que la société Matel Group s'est rendue coupable de faits de parasitisme et de concurrence déloyale à l'égard de la société Sloanled, lui causant un préjudice certain, et condamné la société Matel Group à payer à la société Sloanled la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues,

L'infirmant sur ces points,

Statuant à nouveau,

REJETTE la demande de mise hors de cause de la société Sloanled Europe B.V.,

DÉBOUTE la société Sloanled de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,

Y ajoutant,

ORDONNE la capitalisation des intérêts sur la condamnation de la société Matel Group au paiement à la société Sloanled de la somme de 28.040,74 euros, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

DIT que ces intérêts dus pour au moins une année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2017 en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil,

CONDAMNE la société Matel aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Sloanled et à la société Sloanled Europe B.V chacunes la somme supplémentaire de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

REJETTE toute autre demande.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Irène LUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/01541
Date de la décision : 08/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°15/01541 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-08;15.01541 ?
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