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11/09/2019 | FRANCE | N°16/10071

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 11 septembre 2019, 16/10071


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 11 Septembre 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/10071 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZLMS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/04681



APPELANTES



Me [T] [S] - Liquidateur amiable de la SNC AIRELLE

[Adresse 6]

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représenté par Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS, toque : A0190 substitué par Me Audrey DAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0027



SAS FLYBUS

[Adress...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 11 Septembre 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/10071 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZLMS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/04681

APPELANTES

Me [T] [S] - Liquidateur amiable de la SNC AIRELLE

[Adresse 6]

[Localité 4]

représenté par Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS, toque : A0190 substitué par Me Audrey DAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0027

SAS FLYBUS

[Adresse 3]

[Localité 7]

N° SIRET : 447 916 669

représentée par Me Catherine VISY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1306

SNC AIRELLE

[Adresse 2]

[Localité 8]

N° SIRET : 384 225 389

représentée par Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS, toque : A0190 substitué par Me Audrey DAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0027

INTIME

Monsieur [K] [H]

[Adresse 5]

[Localité 9] / France

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 10] (Maroc)

représenté par Me Emmanuel GAYAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0028

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 08 avril 2019

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Sur la situation et les procédures concernant les sociétés Airelle et Flybus

La société Airelle filiale du groupe de transports routiers Keolis effectuait jusqu'au printemps 2010, pour le compte des compagnies aériennes, les navettes en autobus destinées au transport des équipages et des passagers, entre les terminaux et les avions sur l'aéroport de [11]. Elle appliquait à son personnel, comme toutes les sociétés du groupe, la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires des transports, ce personnel au nombre de 74 salariés étant majoritairement composé de chauffeurs d'autobus.

Estimant cette activité structurellement déficitaire, la société Airelle a engagé en septembre 2009 une procédure de licenciement collectif pour motif économique avec mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Lors de la première réunion du comité d'entreprise de la société Airelle tenue le 14 septembre 2009, la direction a exposé les difficultés créées par la concurrence accrue, notamment de la société Flybus qui avait repris certains de ses contrats commerciaux avec les compagnies aériennes, puis expliqué que l'absence de reprise par ses concurrents des contrats des salariés de la société Airelle concernée par la perte de ses contrats commerciaux résultait notamment du fait que la société Flybus n'appliquait pas la même convention collective qu'elle-même.

La société Airelle a résilié en conséquence les contrats commerciaux qui la liaient aux compagnies aériennes, en adaptant la date d'échéance de ses contrats au rythme des reclassements opérés. Au 31 mars 2010, la société Airelle a complètement cessé son activité précédente de navettes.

Dans l'intervalle des négociations sont intervenues entre la société Airelle et ses concurrentes, dont la société Flybus, afin que celles-ci reprennent certains des salariés non reclassés de la société Airelle. La société Flybus qui ne s'estimait tenue à aucune obligation de reprise, légale ou conventionnelle, n'a finalement repris aucun des contrats des anciens salariés de la société Airelle.

Le comité d'entreprise de la société Airelle et le syndicat union locale CGT de la zone aéroportuaire de [11] ont saisi le tribunal de grande instance de Bobigny afin de voir juger que la société Airelle, soumise aux dispositions de la convention collective du personnel au sol des entreprises de transport aérien, et la société Flybus ayant repris l'activité de prestation assurée précédemment par la société Airelle sur l'aéroport de [11], devaient mettre en 'uvre les dispositions de l'annexe VI de cette convention collective instaurant un transfert de personnel entre entreprises d'assistance en escale.

Par jugement rendu le 18 novembre 2010, cette juridiction a déclaré le comité d'entreprise de la société Airelle irrecevable en son action et rejeté les demandes de l'Union locale CGT.

Par arrêt rendu le 5 janvier 2012, la Cour d'appel de Paris a :

'confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il avait déclaré l'action du comité d'entreprise d'Airelle irrecevable ;

'l'a infirmé pour le surplus, jugeant que lors de la résiliation de ses divers contrats marchés passés avec les compagnies aériennes au cours de l'année 2010, la société Airelle était de droit soumise aux dispositions de la collective des transports aériens personnel au sol et son Annexe IV relative au transfert de personnel entre les entreprises d'assistance en escale, résultant de l'avenant conclu le 11 juin 2002 ;

'dit, en conséquence, que la procédure de transfert conventionnel était applicable aux contrats de travail des salariés d'Airelle affectés affectée sur les marchés de celle-ci à la date d'expiration des relations contractuelles entre la société et régler les compagnies aériennes ;

'dit qu'ayant repris à tout le moins certain de ces marchés, la société Flybus, devait reprendre dans les conditions définies par l'Annexe IV, les contrats de travail des personnels de la société Airelle affectés aux marchés repris ;

'ordonné à la société Airelle sous astreinte d'adresser à Flybus la liste des divers marchés passés par elle avec les compagnies aériennes et résiliés à son initiative en 2010, ainsi que la liste des salariés affectés sur ces marchés ;

'ordonné sous astreinte à la société Flybus d'adresser à la société Airelle la liste de démarcher repris par elle ;

'ordonné aux deux sociétés d'établir et de communiquer à l'UL-CGT de Roissy la liste des personnels de la société Airelle dont la société Flybus aurait dû reprendre les contrats de travail, par application de l'Annexe IV de la convention collective.

En exécution de cet arrêt, la société Airelle a adressé le 9 février 2012 à la société Flybus la liste des 74 salariés affectés aux différents marchés que cette dernière avait repris. Toutefois, les deux sociétés n'ont pas été en mesure de s'accorder sur la liste du personnel d'Airelle éligible au transfert auprès de Flybus.

Les société Airelle et Flybus ainsi que le comité d'entreprise d'Airelle et l'UL-CGT de Roissy ont formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris.

Le 24 avril 2012, la société Airelle a été placée en liquidation amiable et Monsieur [T] a été désigné comme liquidateur amiable.

Par arrêt du 25 septembre 2013, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris mais seulement ce qu'il avait débouté le syndicat CGT de sa demande tendant à ordonner à la société Flybus de proposer aux salariés un avenant à leur contrat de travail, dit n'y avoir lieu à renvoi, ordonné à la société Flybus, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par salarié commençant à courir 2 mois après la signification du présent arrêt dans la limite de 6 mois, de proposer un avenant aux salariés figurant sur la liste des personnels de la société Airelle dont la société Flybus avait vocation à reprendre les contrats de travail au regard des dispositions de l'annexe IV (en réalité VI).

Le 3 octobre 2013, les sociétés Airelle et Flybus ont sollicité conjointement la désignation d'un expert, procédure prévue par l'article 7 de la convention collective, pour qu'il les accompagne dans la mise en oeuvre de la décision de la Cour de cassation, notamment concernant la détermination des salariés dont le contrat de travail devait être repris par Flybus et la mise en oeuvre des critères de priorité posées par la convention collective.

L'expert a rendu son rapport le 22 novembre 2013 établissant la liste des salariés transférables parmi lesquels figurait Monsieur [H].

Sur la situation et les procédures concernant Monsieur [H]

Monsieur [H] a été engagé par la société Airelle, suivant un contrat à durée déterminée à compter du 28 mai 2004, en qualité de conducteur de bus. Le 21 juin 2005, le contrat s'est poursuivi pour une durée indéterminée.

Par lettres des 18 novembre 2009 et 4 décembre 2009, Monsieur [H] s'est vu proposer par la société Airelle 50 postes de conducteur au sein des filiales du groupe Keolis, propositions auxquelles il n'a pas donné de suite.

Il a été licencié 1er février 2010 pour motif économique en raison de la cessation d'activité de la société entraînant la suppression de l'intégralité des emplois.

La société Flybus a engagé Monsieur [H], en qualité de conducteur de véhicule de transport en commun, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée saisonnier pour la période du 7 mai au 31 août 2011.

La société Flybus a adressé le 11 décembre 2013 à Monsieur [H] une proposition de contrat de travail à durée indéterminée qu'il a acceptée le 16 janvier 2014.

Monsieur [H] a saisi le Conseil prud'hommes de Bobigny le 3 novembre 2014, sollicitant la condamnation solidaire des sociétés Airelle et Flybus au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de leur violation conjointe de la garantie d'emploi prévue par la convention collective, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudices distincts subis, et la condamnation de la société Flybus au paiement d'un rappel de prime conventionnelle d'ancienneté.

Par jugement du 30 juin 2016, cette juridiction a :

*condamné solidairement la société Flybus et la société Airelle, prise en la personne de Monsieur [T], liquidateur amiable, à verser au salarié les sommes suivantes:

12.862,74€ au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

51.992,60€ à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions de la convention collective

1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

*condamné la société Flybus à verser à Monsieur [H] la somme de 646€ au titre de rappel de prime d'ancienneté ;

*rappelé que les créances salariales porteraient intérêts de droit à compter du 3 novembre 2014, et les créances à caractère indemnitaire à compter du jugement.

La société Flybus et la société Airelle ont interjeté appel de ce jugement les 12 et 25 juillet 2016.

Dans ses dernières conclusions au fond, transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 26 décembre 2017, la société Flybus demande de voir :

à titre principal :

*infirmer le jugement en ce qu'il a :

retenu une solidarité entre Flybus et Airelle ;

jugé le licenciement de M. [H] nul et a déclaré celui-ci bien-fondé à obtenir le paiement de ses salaires pendant la période, qui s'est écoulée entre son licenciement par l'entreprise sortante et son embauche par l'entreprise entrante et ainsi condamné solidairement Flybus et Airelle à lui payer la somme de 51 992,60 € ;

jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné solidairement Flybus et Airelle à lui payer la somme de 12 862,74 €;

condamné Flybus et Airelle à payer la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du CPC ;

condamné Flybus à payer à Monsieur [H] la somme de 646 € à titre de rappel de prime d'ancienneté.

*confirmer le jugement, en ce qu'il a débouté Airelle en son appel en garantie à l'encontre de Flybus et Monsieur [H] de sa demande de dommage et intérêts à hauteur de 20 000€ ;

juger que la solidarité ne se présume pas car l'affaire n'est pas commerciale,

juger que la demande de condamnation solidaire de Flybus et Airelle est irrecevable,

juger que le fait générateur du préjudice allégué par Monsieur [H] a pour seule source l'application par Airelle de la convention collective des transports routiers et son choix de réaliser un PSE basé sur des reclassements exclusivement sans transfert de personnel vers les différentes entreprises entrantes,

constater que M. [H] n'était pas un salarié protégé chez Airelle et de ce fait, n'est pas en droit d'obtenir la nullité de son ''jugement'' et par voie de conséquence, le paiement de ses salaires pendant la période qui s'est écoulée entre son licenciement par l'entreprise sortante et son embauche par l'entreprise entrante,

juger que les demandes ne sont fondées ni dans leur principe ni dans leur quantum à l'égard de Flybus ;

à titre subsidiaire :

*si le licenciement était déclaré sans cause réelle et sérieuse, juger que la société Airelle en supporterait les conséquences financières sans solidarité aucune avec la société Flybus.

en tout état de cause :

*constater que les arrêts des 5 janvier 2012 et 25 septembre 2013 sont des décisions judiciaires décisoires,

*juger que Flybus a respecté les décisions judiciaires décisoires puisqu'elle a adressé, dans le délai imparti, un contrat de travail à Monsieur [H] lequel faisait partie des salariés transférables,

*juger mal fondée la demande financière formée à l'encontre de Flybus au titre du rattrapage de la prime d'ancienneté,

*donner acte à la société Flybus de ce qu'elle est prête à lui faire une attestation indiquant que son ancienneté avait été reprise à compter du 28 mai 2014 conformément aux dispositions de la CCNTA-PS,

*juger mal fondé l'appel en garantie formé par la société Airelle,

*condamner Monsieur [H] ou toute partie succombante à verser à Flybus la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

à titre infiniment subsidiaire :

*fixer la répartition des responsabilités entre Flybus et Airelle, et juger que la responsabilité de Flybus ne pourra être fixée qu'à hauteur de 5%, ce qui autorisera Flybus à récupérer tout montant qu'elle aurait pu avancer pour le compte d'Airelle au-delà du pourcentage de responsabilité fixé à 5%.

Dans ses dernières conclusions au fond, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 30 décembre 2018, la société Airelle, prise en la personne du liquidateur amiable, demande de voir :

*confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires pour préjudice distinct,

*l'infirmer en qu'il a alloué à Monsieur [H] les sommes de 51.992,60 € à titre de dommages et intérêts pour éviction illicite pour la période du 1er avril 2010 au 16 janvier 2014, 12.862,74 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et déclaré irrecevable l'appel en garantie de la société Airelle dirigé contre la société Flybus.

à titre principal,

constater la défaillance de Monsieur [H] dans la charge de la preuve du préjudice réclamé à hauteur de 98.106,51€ ;

dire que la société Airelle ne peut être condamnée à régler une somme à titre de complément de salaire pour la période postérieure à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris du 5 janvier 2012 ;

juger que Monsieur [H] n'a subi aucune perte de rémunération entre la rupture de son contrat de travail et l'arrêt rendu le 5 janvier 2012 par la cour d'appel de Paris ;

En conséquence,

débouter Monsieur [H] de sa demande d'indemnisation dirigée à l'encontre de la société Airelle, solidairement avec la société Flybus ;

le débouter de sa demande de réparation pour préjudice « complémentaire » formée sur le même fondement ;

rejeter la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

à titre subsidiaire, 

*Sur le quantum de la demande formée pour éviction de l'emploi pour la période du 1er avril 2010 au 16 janvier 2014 :

constater et juger que Monsieur [H] ne produit aucun élément relatif à sa situation professionnelle (revenus, indemnité de remplacement') ou personnelle postérieur au 4 juin 2012 ;

rejeter toute demande d'indemnisation pour la période entre le 4 juin 2012 et le 16 janvier 2014, date à laquelle il a été transféré au sein de la société Flybus ;

constater que Monsieur [H] n'a subi aucune perte de rémunération entre la rupture de son contrat de travail et le 4 juin 2012 ;

débouter Monsieur [H] de sa demande d'indemnisation dirigée contre la société Airelle, solidairement avec la société Flybus, pour perte de rémunération pour la période du 1er avril 2010 au 16 janvier 2014 ;

*Sur l'action en garantie formée à l'encontre de la société Flybus :

constater l'ensemble des recherches effectuées en toute bonne foi par la société Airelle pour trouver un repreneur avant sa cessation d'activité et le refus exprès de la société Flybus d'accepter une mise en 'uvre de la procédure d'expertise prévue par l'article 7 de l'annexe VI de la CCNTA-PS postérieurement à l'arrêt du 5 janvier 2012 de la cour d'appel de Paris ;

condamner la société Flybus à garantir la société Airelle de toutes condamnations éventuelles qui pourraient être mises à sa charge ;

en tout état de cause,

*condamner Monsieur [H] ou toute partie succombante à verser à la société Airelle la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions au fond, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 29 juin 2018, le salarié demande de voir :

*juger dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement qui lui a été notifié le 1er février 2010, intervenu en fraude à la convention collective du personnel au sol du transport aérien, *constater qu'il a vainement sollicité sa réintégration dans son emploi,

*dire que la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 septembre 2013, a constaté la violation par les sociétés Airelle et Flybus des dispositions de la convention collective du personnel au sol du transport aérien et ordonné, sous astreinte, à la société Flybus de lui proposer un contrat de travail ;

*condamner solidairement les sociétés Flybus et Airelle à lui payer les sommes de :

-12.862,74€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-65.243,77€ correspondant à sa perte de rémunération entre la période du 15 janvier 2011 et le 15 janvier 2014, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illicite de son emploi,

-20.000€ au titre des autres chefs de préjudice subi

*constater que la société Flybus viole les dispositions tant de la convention collective que du contrat de travail en ne lui attribuant pas la prime correspondant à son ancienneté,

*condamner la société Flybus à lui régler une prime d'ancienneté correspondant à une prime de 9 % de janvier à avril 2014 et de 10 % depuis mai 2014, déduction faite des primes d'ores et déjà versées, soit au 31 octobre 2014, la somme de 646 euros.

*condamner les sociétés défenderesses à lui verser la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffier et développées oralement.

MOTIFS

Sur la méconnaissance de la convention collective applicable

La société Airelle effectuait jusqu'au printemps 2010, pour le compte des compagnies aériennes, les navettes en autobus destinées au transport des équipages et des passagers, entre les terminaux et les avions sur l'aéroport de [11]. Elle appliquait à tort la convention collective du transport routier alors que son activité de transport sur piste entrait dans le champ d'application de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.

L'annexe VI de cette convention collective résultant d'un accord collectif de travail du 11 juin 2002, étendu par arrêté du 17 décembre 2002, a pour objet de définir les conditions de transfert de personnel entre les entreprises d'assistance en escale dans le cas de mutation de marché d'assistance en escale ou de mutations de contrat commercial.

L'article 2 de l'accord prévoit que lorsqu'une entreprise devient titulaire d'un marché auparavant assuré par une autre entreprise, elle s'engage à reprendre l'ensemble des personnels affectés à ce marché dans les mêmes conditions que celles résultant d'une application légale du transfert des contrats de travail.

Ces dispositions auraient dû être appliquées par la société Airelle et la société Flybus laquelle applique spontanément cette convention collective, et conduire au transfert du contrat de travail de Monsieur [H], le 1er février 2010. La cour d'appel de Paris dans son arrêt du 5 janvier 2012 a jugé que ces dispositions, qui s'imposaient aux 2 sociétés, avaient été méconnues. Par arrêt du 25 septembre 2013, la Cour de cassation a ordonné à la société Flybus de proposer un avenant aux salariés figurant sur la liste des personnels de la société Airelle dont la société Flybus avait vocation à reprendre les contrats de travail regard des dispositions de l'annexe VI. Monsieur [H] qui figurait sur cette liste a été réintégré le 16 janvier 2014.

Sur le licenciement de Monsieur [H]

Le licenciement ayant été prononcé en violation des dispositions conventionnelles est sans effet. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de Monsieur [H] en paiement de dommages et intérêts.

En revanche, Monsieur [H] n'a obtenu sa réintégration dans son emploi qu'après près de 4 ans d'attente. Il est donc en droit de solliciter le paiement des salaires qu'il aurait perçus entre le 1er avril 2010 et le 1er février 2014, date de de sa réintégration effective (soit la somme de 98 614,30 euros, sur la base du salaire perçu chez la société Airelle l'année précédant la rupture, soit 2143,79 euros * 46 mois) . Il conviendra de déduire de cette somme les indemnités de rupture versées à l'occasion du licenciement prononcé le 1er février 2010, les indemnités versées par Pole emploi, les salaires perçus de la société Flybus dans le cadre du contrat de travail saisonnier du 7 mai au 31 août 2011.

Le jugement sera confirmé sur le montant retenu au titre de la perte de rémunération du salarié.

La société Flybus, nouveau titulaire du marché, ayant méconnu les dispositions de l'avenant du 22 juin 2002 l'obligeant à reprendre son service le personnel affecté aux marchés depuis au moins 4 mois, sera condamnée in solidum (et non solidairement) avec la société Airelle au paiement des dommages et intérêts.

S'agissant de la demande d'indemnité complémentaire, Monsieur [H] ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par les dommages-intérêts déjà alloués. Le jugement sera également confirmé sur ce point

Sur le rappel de prime d'ancienneté

Le contrat de travail conclu le 16 janvier 2014 avec la société Flybus stipule : « Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée, à compter du 16 janvier 2014 avec une reprise d'ancienneté au 28 mai 2004. »

L'article 10 de la convention collective du personnel au sol du transport aérien prévoit en son annexe III qu' « Il est attribué aux ouvriers et employés une prime d'ancienneté en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise telle qu'elle est définie à l'article 35 de la convention collective nationale.

À l'issue de chaque année d'ancienneté, le montant de cette prime ne peut être inférieur au produit du nombre d'années d'ancienneté par 1 % des appointements minimaux correspondant au coefficient hiérarchique de l'intéressé dans l'entreprise, l'application de cette règle étant limitée aux 15 premières années d'ancienneté ».

Dans sa lettre du 30 juillet 2014, la société Flybus indiquait : «' au 31 janvier 2010 vous aviez cumulé 11,92 ans d'ancienneté. C'est ainsi que votre prime d'ancienneté est, dès votre entrée chez Flybus de 5 % de votre salaire brut de base.' Entré chez Flybus le 15 janvier 2014, vous avez atteint la 12e année d'ancienneté au bout de 29 jours de présence dans notre entreprise soit à la date du 13 février 2014 ».

Il résulte de des termes de cette lettre que la société Flybus n'a pas tenu compte de la période d'éviction de 2011 à 2014. Il convient de faire droit à la demande.

Il est équitable d'accorder au salarié une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les RG n°16/10071 et 16/10133 sous le numéro unique 16/10071 ;

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Airelle et Flybus et alloué à Monsieur [H] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum la société Airelle, prise en la personne de Monsieur [T] liquidateur amiable, et la société Flybus à payer à Monsieur [H] les sommes figurant dans le jugement à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions de la convention collective et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société Airelle, prise en la personne de Monsieur [T] liquidateur amiable, et la société Flybus à payer en appel à Monsieur [H] une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum la société Airelle, prise en la personne de Monsieur [T] liquidateur amiable, et la société Flybus aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/10071
Date de la décision : 11/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/10071 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-11;16.10071 ?
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