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11/09/2019 | FRANCE | N°17/06598

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 11 septembre 2019, 17/06598


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06598 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3IWE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/02675





APPELANTE



Madame [S] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 3]
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Représentée par Me Laurence CIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1613







INTIMÉE



SAS [Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Christine HILLIG POUDEVIGNE...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06598 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3IWE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/02675

APPELANTE

Madame [S] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

Représentée par Me Laurence CIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1613

INTIMÉE

SAS [Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine HILLIG POUDEVIGNE de la SELARL MOISAND BOUTIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0036

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sandra ORUS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sandra Orus, présidente

Mme Carole CHEGARAY, conseillère

Madame Séverine TECHER, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Sandra ORUS, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SA [Adresse 5] a pour activité principale la distribution en ligne de produits informatiques et électroniques grand public en France.

La société relève de la convention collective de la vente à distance, elle emploie plus de 11 salariés.

Mme [S] [W] a été embauchée par la SA [Adresse 5], le 10 juillet 2012, avec effet au 03 septembre 2012, en qualité de chef de produits BU-TV, statut agent de maîtrise.

Suivant un avenant au contrat de travail, elle a été nommée chargée d'animation commerciale, au statut cadre, à compter du 05 janvier 2015,

Le 21 avril 2015, Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire, fixé au 04 mai 2015, en vue d'un éventuel licenciement.

Mme [W] a été licenciée le 12 mai 2015 pour faute grave.

Suivant lettre recommandée du 12 juin 2015, Mme [W] a dénoncé son reçu pour solde de tout compte et a contesté son licenciement.

Le 15 juin 2015, elle a saisi le conseil des prud'hommes de BOBIGNY, qui a fixé sa rémunération brute moyenne des trois derniers mois à

3 448,57 euros, a dit que son licenciement pour faute grave était sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SA [Adresse 5] à lui payer avec intérêts légaux à compter de la réception par la partie avec défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter de la décision pour les autres, les sommes de :

- 21 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 109 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire plus 210,90 euros pour congés payés afférents

- 8 250 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 825 euros pour congés payés afférents

- 2 900 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 3 500 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral au titre de l'article L 4121-1 du code du travail

- 126,92 euros au titre de la RTT du 15 avril 2015

- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement condamne en outre la SA [Adresse 5] à remettre les documents conformes rectifiés sous astreinte, à rembourser à Pôle Emploi à hauteur de quatre mois les allocations chômage perçues par Mme [W] et la déboute de sa demande reconventionnelle.

Mme [W] a formé appel de cette décision le 28 avril 2017.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2, notifiées par voie électronique du 15 avril 2019, Mme [W] sollicite le rejet des prétentions de la SA [Adresse 5] et demande à la cour l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse; de constater que son licenciement est nul, en retenant qu'elle a été licenciée en raison de son état de grossesse et pour contourner les règles spécifiques aux licenciements économiques. Subsidiairement, elle demande de confirmer le jugement qui a déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle sollicite la condamnation de la SA [Adresse 5] à lui payer avec intérêts légaux capitalisés à compter de l'introduction de la demande et remise des documents conformes sous astreinte, les sommes suivantes :

- 21 978,96 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination représentant la somme qu'elle aurait perçue sur la base de sa rémunération brute mensuelle entre la rupture de son contrat de travail et la date à laquelle elle a retrouvé un emploi

- 70 000 euros nets de CSG-CRDS au titre de l'indemnité pour nullité du licenciement

Subsidiairement, elle demande la condamnation de la société [Adresse 5] à lui payer des dommages-intérêts au titre de la discrimination à hauteur de 6 mois de rémunération brute soit 21 978,96 euros et 70 000 euros nets de CSG-CRDS au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause , elle demande la condamnation de la SA [Adresse 5] à lui payer les sommes de :

- 2 387,41 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire plus 238,74 euros bruts pour congés payés afférents

- 10 989,48 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 1 089,94 euros pour congés payés afférents

- 4 187,69 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 126,92 euros au titre du RTT du 30 avril 2015

- 30 032,57 euros au titre des heures supplémentaires plus 3 003,25 euros pour congés payés afférents

- 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail - 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral en application de l'article 1240 du code civil

- 15 000 euros nets à titre de dommages intérêts pour violation de l'article L 4121-1 du code du travail

- 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 22 septembre 2017, la SA [Adresse 5] demande à la cour l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a dit que Mme [W] n'a pas été victime de discrimination, que le licenciement n'est pas nul, a rejeté la demande en paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents, a dit qu'elle avait satisfait à son obligation de sécurité et de résultat et a rejeté la demande relative à l'exécution déloyale du contrat de travail ; statuant à nouveau, elle demande de juger que le licenciement de la salariée repose sur une faute grave et est en tout état de cause bien fondé ; outre le rejet de l'intégralité des prétentions de l'appelante, elle demande d'ordonner le remboursement par Mme [W] des sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution provisoire et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens et leur suite.

L'ordonnance de clôture a été rendue le16 avril 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La lettre de licenciement, qui fixe les limite du litige, énonce les faits suivants:

"Le 17 avril dernier, comme cela est inhérent à votre mission, il était de votre responsabilité de mettre en oeuvre l'animation des offres commerciales définies par le Business Units.

- Vous aviez donc à paramétrer les codes de l'animation commerciale avec des paliers ; en l'occurrence le déclenchement d'un bon de réduction à compter d'un certain montant d'achat.

- Or, vous n'avez pas mis de palier ce qui a provoqué sur le site auprès des clients, le déclenchement de bons d'achat sans condition

- Cela a généré, le samedi 18 avril, 3 000 commandes en moins d'une heure avec une perte potentielle pour l'entreprise de 90 000 euros dont seulement moins d'un tiers a pu être récupéré malgré la mobilisation des équipes ventes, réseaux sociaux, fraudes.

- Cela constitue une faute inadmissible compte tenu de votre niveau de responsabilité et de votre expérience dans le domaine puisque dès l'origine de votre contrat initial, il est dans vos missions de gérer «l'animation commerciale et l'administration de l'offre sur le site et de vos boutiques : directe et indirect». La mise en place de telles opérations commerciales constitue donc votre coeur de métier.

- Qui plus est, ce même 17 avril, vous avez eu des échanges avec vos clients internes des Business Units de la direction commerciale Maison et Mode qui ne sont pas tolérables dans l'entreprise. En effet, vous témoignez d'un mépris et d'une agressivité à l'égard de vos interlocuteurs qui ne peuvent perdurer. Les injonctions permanentes que vous formulez à leur égard par écrit ( «Non, mais là c'est le monde à l'envers !Je ne suis pas là pour checker vos prix !!!» Ou «C'est une blague ! Vous venez de vous en apercevoir !» Traduisent une attitude qui n'a pas sa place dans l'entreprise et qui est d'autant moins tolérable quand on occupe comme vous,un poste à la direction des ventes qui est une direction transverse aux différents BU

- Vous accusez vos collègues par écrit d'incompétence, en termes excessifs et virulents. Cela crée des tensions au sein des équipes et c'est totalement préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise.

- Nous déplorons d'autant plus la situation que ce n'est pas la première fois que nous vous faisons des remarques sur vos difficultés relationnelles, notamment lors de votre entretien annuel 2014 ; difficultés relationnelles tant en interne qu'en externe, ce qui ternit l'image de l'entreprise.

À cet égard vous avez même suivi une formation à la gestion du stress et des conflits en septembre 2014 qui , manifestement n'a pas été suivie d'effet puisque vous avez continué à avoir la même posture.

- Nous sommes donc dans l'obligation de mettre un terme immédiat à votre contrat de travail, ces faits étant constitutifs d'une faute grave."

Sur la nullité du licenciement

Mme [W] soutient que l'unique raison de son licenciement est son état de grossesse dont l'employeur était informé au moment où il a engagé la procédure de licenciement à son encontre.

La SA [Adresse 5] conteste avoir eu connaissance de l'état de grossesse de la salariée avant le 29 avril 2015, date de la réception du certificat grossesse.

Il ressort de la chronologie des faits que Mme [W] a été convoquée à l'entretien préalable, avec mise à pied à titre conservatoire le mardi 21 avril 2015, soit immédiatement après les faits reprochés à la salariée qui s'étaient produits le vendredi précédent.

Or, pour que la salariée puisse bénéficier de la protection légale accordée à la femme en état de grossesse, il suffit qu'elle établisse par tout moyen que l'employeur avait connaissance de son état au moment de l'engagement de la procédure.

En l'espèce, s'il est établi que le certificat de grossesse a bien été reçu par l'employeur le 29 avril 2015, aucune des pièces versées aux débats n'accrédite en revanche le fait que, dès le 10 avril 2015, il avait connaissance de la grossesse de sa salariée, qui se contente de soutenir avoir informé oralement sa hiérarchie de son état.

Au regard de ce qui précède, la cour considère que la preuve n'est pas rapportée de la connaissance par l'employeur de l'état de grossesse de Mme [W] le 21 avril 2015, jour où la convocation à un entretien préalable pour faute grave lui a été adressée, de sorte que, confirmant l'appréciation des premiers juges sur ce point, le lien entre l'état de grossesse et la procédure de licenciement n'est pas établi et que doivent être rejetées les demandes de dommages intérêts pour licenciement discriminatoire et nul .

Mme [S] [W] n'apporte en outre aucun élément probant de nature à justifier que son licenciement aurait eu pour objet de contourner les règles applicables au licenciement économique.

Elle sera par suite déboutée de toute demande à ce titre.

Sur la nature des faits reprochés

Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée, lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée, sauf s'il démontre l'existence d'une faute grave de l'intéressée, non liée à la grossesse ou de l'impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ;

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; il appartient à l'employeur qui s'est placé sur le terrain disciplinaire de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et exigeait la rupture immédiate du contrat de travail ; les motifs invoqués doivent être établis, objectifs, réels, sérieux et vérifiables. La faute est d'autant plus grave que les fonctions exercées par le salarié comportent des responsabilités faisant courir un risque à l'entreprise.

L'employeur établit sans être sérieusement contesté que le 17 avril 2015, il incombait à Mme [W] de récupérer, auprès des différents services concernés, les offres commerciales à mettre en ligne sur le site et d'organiser l'animation commerciale desdites offres, cette tâche comportant la codification des offres promotionnelles en fonction du montant de l'achat.

L'employeur justifie encore, sans être utilement contesté par la salariée, que le paramétrage et la mention du palier de déclenchement, destiné à faire bénéficier les clients d'un bon d'achat en fonction du montant de leur acquisition, n'ont pas été effectués ce jour là, générant un nombre exponentiel de visites du site et de commandes, à tel point que devant cet afflux (3000 visites et commandes en moins d'une heure ), la responsable hiérarchique de Mme [W], Mme [L], directrice des ventes et de la communication, dont le témoignage précis présente des garanties suffisantes pour convaincre la cour, déclare avoir été alertée par le service , avoir émis elle-même une alerte auprès des équipes, endigué le sinistre financier qui s'annonçait pour la SA [Adresse 5], estimé à la somme de 90 000 euros (nombre de visites x 30 euros de bon de réduction, sans condition de montant d'achat).

La cour relève que la salariée, qui était garante du processus de contrôle de la codification au sein de son équipe, conteste sans l'étayer être à l'origine de ce sinistre, alors que l'employeur établit que le code de la manipulation était bien celui de Mme [W] ; que cette manipulation litigieuse relevait de son coeur de métier dans lequel elle avait acquis de l'expérience et pour lequel elle avait suivi des formations, et alors qu'il n'est établi par aucune pièce que le 17 avril 2015, ses conditions de travail avaient été particulièrement inhabituelles et stressantes, au point d'omettre une phase essentielle de sa tâche du jour.

Il en résulte que Mme [W] a commis une faute faisant courir un risque à l'entreprise, aux conséquences financières avérées pour son employeur, puisque selon le témoignage de Mme [L], il a perdu 45 000 euros dans l'opération.

La circonstance que la salariée Mme [W] se soit rendue sur son lieu de travail le week-end pour tenter de limiter les conséquences de sa faute n'en fait pas disparaître la gravité.

Au surplus, l'employeur établit un comportement agressif et déplacé de la salariée à l'égard de ses collaborateurs et des interlocuteurs externes, tel qu'il le démontre par les courriels versés au débat, dans la période du 23 février 2015 au 17 avril 2015, en dépit du message de recadrage adressé par la supérieure hiérarchique à Mme [W], le 10 mars 2015.

La cour relève en conséquence que le grief d'un comportement défaillant, qui n'a pas été amendé par la salariée en charge de fonctions d'encadrement et qu'elle a réitéré dans la période précédant l'engagement de la procédure de licenciement, sans justification sérieuse d'une dégradation de ses conditions de travail, est retenu.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs, le risque que la salariée a fait courir à son employeur lors de la journée du 17 avril 2015 et son comportement méprisant et agressif à l'égard des équipes et des partenaires de la société, compte tenu de son niveau de responsabilité et de son expérience, justifient à eux seuls sa convocation immédiate en vue d'un licenciement, sa mise à pied et la rupture immédiate du contrat de travail pour faute grave.

La faute grave étant retenue par la cour, le licenciement de Mme [W] est justifié et il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu le licenciement sans cause réelle et sérieuse et octroyé des rappels de salaire pour mise à pied et congés payés afférents, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires et de manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat

Mme [W] soutient que ses horaires étaient 9h15-12h30 et 14h -20h, soit un minimum de 45h par semaine, prétendant avoir systématiquement effectué 10h supplémentaires chaque mois pendant 32 mois.

L'employeur rappelle qu'aux termes de son contrat de travail, Mme [W] était soumise à l'horaire collectif en vigueur soit 37 h par semaine, les deux heures effectuées au-delà des 35h étant compensées par l'allocation de 12 RTT ; il fait valoir que Mme [W] n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires tout au long de la relation contractuelle et que la présentation forfaitaire de la réclamation démontre son caractère non justifié dans les faits.

L'article L 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, qui doit fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En tout état de cause, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant la preuve contraire.

En l'espèce, le conseil des prud'hommes a rappelé à bon droit que les heures supplémentaires se décomptent par semaine, or, la cour relève que Mme [W] présente une réclamation sur une base mensuelle répétitive de 10h par mois, sans en préciser le détail, et invoque à l'appui de sa demande des courriers électroniques qui ont été envoyés après 18h et certains à 00h01, 22h59, 1h19,23h51, sans précision sur leur lieu d'expédition et la nécessité de leur envoi à cette heure tardive, sans déduire ses prises de congés, ses RTT ou ses arrêts maladie.

La cour considère en conséquence que les éléments communiqués par la salariée ne sont pas suffisamment précis et fiables pour permettre un débat contradictoire et vérifier ainsi l'existence de l'accomplissement d'heures supplémentaires restées impayées.

Il s'ensuit que confirmant le jugement déféré, il y a lieu de débouter Mme [W] de sa demande au titre des heures supplémentaires, de ses prétentions relatives aux manquements par l'employeur du respect des durées maximales de travail et minimales de repos journalier qu'elle n'établit pas de même que sa demande de dommages intérêts sur le fondement de l'article 4121-1 du code du travail .

Sur les autres demandes

La cour relève qu'au regard des pièces versées aux débats, Mme [W] a bénéficié de l'écoute, de l'appui et de l'aide de sa hiérarchie à chaque étape de son parcours professionnel, dont il est justifié par les entretiens d'évaluation; qu'il est établi qu'elle a été reçue en entretien, à sa demande, le 27 mars 2015, ce dont elle a remercié sa supérieure en ces termes "j'apprécie que tu aies pris du temps pour me recevoir et que tu prennes en compte les difficultés que je rencontre sur le poste», en réponse à son message du 19 mars 2015, au terme duquel elle considérait que son expertise n'était pas suffisamment reconnue, se plaignant d'avoir un rôle d'exécutante et d'être perçue "comme un trublion".

Il en ressort que l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur n'est pas établie et que, confirmant l'appréciation des premiers juges, la demande en dommages-intérêts de ce chef sera écartée.

La cour ayant retenu que le licenciement pour faute grave était justifié, la preuve de circonstances vexatoires entourant le licenciement n'est pas rapportée, il y a lieu de rejeter la demande de dommages intérêts pour préjudice moral.

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes qui a fait droit à la demande en paiement de la somme de 126,92 euros correspondant à une journée de RTT considérée par l'employeur comme prise alors que le 30 avril 2015, Mme [W] faisait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire .

Cette somme portera intérêts légaux à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et qu'ils seront capitalisés année par année conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil recodifié 1343-2 du même code.

Il convient d'ordonner à la SA [Adresse 5] , sans qu'il y ait lieu à astreinte , de remettre à la salariée les documents salariaux et sociaux rectifiés conformes au présent arrêt .

Sur la demande reconventionnelle de la SA [Adresse 5]

Le présent arrêt, infirmant partiellement le jugement déféré relatif au paiement du rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire, les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que l'indemnité de licenciement, vaut titre de restitution de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement présentée par la SA [Adresse 5].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant au principal, Mme [W] sera condamnée aux dépens.

Il est justifié pour des considérations d'équité que chacune des parties conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement, les dommages intérêts pour discrimination liée à l'état de grossesse et pour exécution déloyale du contrat de travail ; rejeté les demandes de rappels de salaire pour heures supplémentaires et condamné la SA [Adresse 5] à payer à Mme [S] [W] la somme de 126,92 euros au titre de la retenue injustifiée d'un RTT le 30 avril 2015.

L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit que le licenciement pour faute grave de Mme [S] [W] est justifié.

Dit que la somme de 126,92 euros au titre de la retenue d'un RTT portera intérêts légaux à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et qu'ils seront capitalisés année par année conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil recodifié 1343-2 du même code.

Déboute Mme [S] [W] de toutes ses demandes.

Ordonne à la SA [Adresse 5], sans qu'il y ait lieu à astreinte, de remettre à la salariée les documents salariaux et sociaux rectifiés conformes au présent arrêt .

Rejette toutes autres demandes des parties.

Laisse les dépens d'appel à la charge de Mme [S] [W].

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/06598
Date de la décision : 11/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°17/06598 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-11;17.06598 ?
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