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11/09/2019 | FRANCE | N°17/07225

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 11 septembre 2019, 17/07225


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 11 Septembre 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/07225 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3LOX



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mars 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 16/00334





APPELANTE



Madame [E] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissanc

e 1] 1977



représentée par Me Stéphane VAVASSEUR, avocat au barreau de PARIS





INTIMEES



SASU NUTRIBEN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 490 452 034



représentée par Me Chr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 11 Septembre 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/07225 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3LOX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mars 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 16/00334

APPELANTE

Madame [E] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1977

représentée par Me Stéphane VAVASSEUR, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

SASU NUTRIBEN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 490 452 034

représentée par Me Christophe CASADO BOLIVAR, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Valentine TOLOTON, avocat au barreau de PARIS

SASU LABORATOIRES ALTER Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux et domiciliés en cette qualité au Siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 453 901 159

représentée par Me Christophe CASADO BOLIVAR, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Valentine TOLOTON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 08 avril 2019

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le groupe espagnol Alter avait 2 filiales, Nutriben et les laboratoires Alter.

Une transmission universelle de patrimoine est intervenue.

Madame [Z] a été engagée par la société Alter suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 17 septembre 2007, en qualité de délégué pharmaceutique. Sa fonction consistait à visiter des clients professionnels de santé, d'opérer des ventes et de faire remonter les informations du terrain au siège commercial.

La rémunération comportait une partie fixe et une partie variable.

Suivant un avenant du 26 mars 2008, l'horaire de travail a été ramené à 35 heures par semaine et suppression des RTT

Plusieurs réorganisations en interne sont intervenues à l'intérieur du groupe Alter, Madame [Z] a été dans ce cadre transférée dans l'une et l'autre des 2 filiales de ce groupe.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de l'industrie pharmaceutique.

Après avoir alerté son employeur sur la dégradation de ses conditions de travail, sur le harcèlement moral subi de la part de la directrice des ressources humaines, et à la suite de plusieurs accidents de la circulation dont l'un d'eux a été reconnu comme accident du travail, Madame [Z] a le 19 décembre 2014 saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Parallèlement, l'entreprise avait initié une procédure de licenciement suspendue en raison de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 30 septembre 2014.

Madame [Z] a été arrêtée pour l'accident du travail du 30 septembre 2014 au 25 janvier 2016.

Du 25 janvier 2016 au 8 août 2016, Madame [Z] a été en congé maternité.

Du 8 août 2016 au 23 août 2016, elle a été en congé.

Du 23 août 2016 au 4 septembre 2016, Madame [Z] a été arrêtée dans le cadre d'un arrêt maladie.

Le 12 septembre 2016, Madame [Z] a passé une visite médicale de reprise. Le médecin du travail a confirmé son aptitude à son poste.

Par lettre du 8 novembre 2016, Madame [Z] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.

Au cours de l'entretien du 21 novembre 2016, les documents relatifs au au CSP ont été remis à la salariée ainsi qu'une lettre d'accompagnement.

Le 9 décembre 2016, Madame [Z] a renvoyé les différents bulletins d'acceptation du CSP.

Devant le conseil de prud'hommes, Madame [Z] a sollicité le paiement de rappel de salaire, des heures supplémentaires accomplies et non rémunérées, des dommages-intérêts pour privation des repos compensateurs, des congés payés afférents, des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, une indemnité pour travail dissimulé, les indemnités de rupture.

.

Par jugement du 9 mars 2017, le conseil de prud'hommes de Longjumeau, section encadrement a débouté Madame [Z] de l'intégralité de ses réclamations.

Madame [Z] ayant constitué avocat a relevé appel du jugement par une déclaration transmise par le réseau virtuel des avocats le 16 mai 2017.

Les parties ont conclu.

Par un arrêt avant dire droit du 27 mars 2019, la cour d'appel a invité les parties à présenter leurs observations et prétentions mutuelles en tenant compte de la transmission universelle de patrimoine et renvoyé la cause et les parties devant le conseiller de la mise en état.

Les parties ont conclu et la clôture a été prononcée le 3 juin 2019 avant l'ouverture des débats.

Par des écritures remises par le réseau privé virtuel des avocats auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens invoqués, Madame [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, statuant à nouveau, de juger que les sociétés initialement intimées dans le cadre de la présente procédure d'appel : la SAS Laboratoires Alter et la Sasu Nutriben étaient ses co-employeurs, que la Sasu Nutriben a été dissoute par réunion de toutes ses parts sociales ou actions emportant transmission universelle de son patrimoine entre les mains de la SAS Laboratoires Alter et de condamner la SAS Alter à lui verser les sommes suivantes :

- 25547,75 euros au titre d'un rappel de salaire pour des heures supplémentaires, outre 2554,77 pour les congés payés afférents,

- 5915,07 € au titre des dommages-intérêts pour privation des repos compensateurs outre les congés payés afférents,

- 15 573,78 au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 15 573,78 euros au titre des dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail résultant du harcèlement moral subi, de la violation de l'obligation de santé de sécurité, du travail accompli pendant ses arrêts de travail congé maternité, du refus de son employeur de financer sa formation.

Au titre de la rupture du contrat de travail, elle sollicite :

- 11 975,69 euros à titre d'indemnité de préavis outre les congés payés afférents,

- 46 710 € nets à titre de dommages-intérêts pour rupture nulle comme étant consécutive au harcèlement moral, subsidiairement, 31 147,51 euros nets pour rupture sans cause réelle et sérieuse.

À titre infiniment subsidiaire, elle réclame 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour perte injustifiée de son emploi.

En tout état de cause, elle réclame 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Par des écritures remises par le réseau privé virtuel des avocats auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens invoqués, la société Alter a soulevé in limine litis l'irrecevabilité en cause d'appel de la demande de dommages-intérêts pour violation de l'ordre des licenciements au visa des articles 564 565 du code de procédure civile

Elle demande à la cour de constater la dissolution de la société Nutriben et la transmission universelle de son patrimoine à la société Laboratoires Alter effective en date du 30 janvier 2018, que la société Laboratoires ALTER a de plein droit qualité pour reprendre l'instance en cours pour le compte de la Société Nutriben, que Madame [Z] forme désormais l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Laboratoires Alter et Juger que la demande au titre du co-emploi initialement formée par Madame [Z] est dès lors sans objet.

Elle conclut à la confirmation du jugement déféré, s'oppose à l'intégralité des demandes formulées et sollicite à son tour une indemnité de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité de la demande nouvelle formulée au titre de l'ordre des licenciements ;

L'article 8 du décret du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a abrogé l'article R. 1452'6 du code du travail selon lesquelles 'Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance'. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

Toutefois, ces nouvelles dispositions n'ont vocation à recevoir application que dans les instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016.

Dans le cas d'espèce, l'action a été introduite 19 décembre 2014 en sorte que, en vertu du principe même de l'unicité de l'instance encore applicable, les demandes nouvelles peuvent être formées devant la cour d'appel.

Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande nouvelle de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements est inopérant.

Sur la dissolution de la société Nutriben et la transmission universelle de patrimoine au profit de la SAS Alter;

La dissolution de la société Nutriben et la transmission universelle de son patrimoine à la société Laboratoires Alter effective en date du 30 janvier 2018 permet de retenir que la société Laboratoires ALTER a de plein droit qualité pour reprendre l'instance en cours pour le compte de la Société Nutriben, que les prétentions de Madame [Z] sont toutes formées à l'encontre de la société Laboratoires Alter en sorte que la demande relative au co-emploi initialement formée par Madame [Z] est devenue sans objet.

Sur la demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires,

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il incombe au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Pour étayer sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies, Madame [Z] fait valoir qu'elle a d'abord été engagée en 2007 sur la base de 37 heures hebdomadaires, ramenées, par avenant du 26 mars 2008, à 35 heures par semaine, que pour autant ni ses missions, ni son secteur géographique n'ont été réduits, qu'au contraire, l'employeur a toujours étendu davantage les zones de prospection, lesquelles étaient éloignées de son domicile ce qui augmentait de facto ses temps de déplacement.

Elle expose que l'employeur exigeait la réalisation de 7 visites par jour au minimum, ne prenait pas en compte les temps de déplacement entre les différents lieux de visite pourtant constitutifs de temps de travail effectif, ni le temps de suivi administratif.

Se fondant sur les dispositions de l'annexe « visiteurs médicaux » de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, dans sa rédaction antérieure à l'avenant de révision du 8 juillet 2009, Madame [Z] expose que 123 visites médicales correspondaient à 169 heures de travail soit 1heure 22 minutes par visite, que, par voie de conséquence, l'objectif imposé par l'employeur correspondait nécessairement à une durée de travail supérieure à la durée légale.

Elle fait état des diverses interpellations formulées auprès de l'employeur le 18 juin 2014, le 25 juin 2014, le 29 septembre 2016.

Elle communique également un courriel adressé à son employeur le 1er juillet 2014 à 21h42 rédigé dans les termes suivants : « je suis partie de chez moi à 6h45 pour rentrer à 18h15. Je me suis arrêtée 15 minutes à midi pour m'acheter quelque chose pour déjeuner et je viens de terminer mon heure d' administratif. Encore une journée bien remplie, bonne réception ».

Elle indique que son secteur couvrait 6 départements et 29 UGA, certaines se situant à plus d'une heure 30 de route et en région parisienne.

Elle communique un décompte faisant état de 15,5 heures supplémentaires par semaine.

Par les explications fournies, les documents communiqués et le décompte opéré, Madame [Z] apporte des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande et pour permettre à l'employeur de répondre aux prétentions émises à propos des horaires effectués.

La société Alter fait valoir que :

- le temps de trajet du domicile au lieu de rendez-vous ne correspond pas à du temps de travail effectif,

- la salariée n'établit pas que les heures supplémentaires ont été faites à sa demande alors qu'elle avait, à plusieurs reprises, insisté sur l'interdiction d'accomplir des heures supplémentaires et renvoie pour en justifier aux divers courriels adressés à la salariée des 20 juin 2014, 3 juillet 2014, 17 juillet 2014, fait observer que Madame [Z] avait reconnu dans un courriel du 25 juin 2014 qu'il ne lui était pas demandé d'effectuer des heures supplémentaires,

- la salariée doit prouver la nécessité de dépasser la durée prévue au contrat de travail,

- la présentation tardive de la demande rend suspect la réclamation judiciairement formée,

- la demande n'est pas sérieuse, ni cohérente dans la mesure où les justificatifs sont insuffisants et le décompte approximatif, basé sur des moyennes, observation étant faite que la durée moyenne d'un entretien avec le client est fondée sur un texte qui n'a plus vocation à recevoir application, que l'entretien avec les professionnels dure une demi-heure, que certaines visites de présentation s'effectuent par téléphone, que le temps de suivi administratif était décompté puisque sur 84 jours de travail, la société prévoyait 4 jours pour procéder au suivi administratif, 6 jours pour les réunions, 7 jours de congés et 67 jours de visites.

- les tournées étaient organisées à l'avance en sorte que les clients d'un même secteur étaient regroupés le même jour ce qui était de nature à réduire d'autant les déplacements nécessaires,

- une journée type correspondait à 7 visites maximum de 20 à 30 minutes, le surplus du temps nécessaire étant dédié au suivi, aux quelques tâches administratives, aux inter-déplacements,

- en 2014, Madame [Z] n'a pas travaillé 19 semaines mais 15 semaines et 2 jours,

- toute évaluation forfaitaire des heures supplémentaires est prohibée .

Il convient tout d'abord de rappeler qu'en application des dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, si le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, laquelle est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe.

Il s'en déduit que le temps de déplacement pour rejoindre le lieu d'une mission ne constitue pas du temps de travail effectif, qu'il se situe à l'intérieur ou en dehors de l'horaire de travail ou qu'il excède ou non le temps habituel de trajet domicile-travail. Il n'a pas à être pris en compte pour le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, ni à être rémunéré comme heures de travail, sauf s'il coïncide avec l'horaire de travail ne donnant lieu à aucune perte de salaire

Tout en tenant compte de ces dispositions, il ressort néanmoins de l'examen des éléments communiqués de part et d'autre, notamment ceux relatifs au périmètre de prospection impliquant des déplacements importants entre les domiciles des clients après la première visite et sans tenir compte du temps de trajet entre le lieu de visite du dernier client et le retour au domicile, des explications fournies par l'une et l'autre des parties, que Madame [Z] a été amenée à effectuer des heures supplémentaires, nécessaires à l'exercice de ses missions, en parfaite connaissance de cause de la part de l'employeur qui a, tout au long de la collaboration, dénié un principe de réalité pour s'affranchir du paiement des heures supplémentaires accomplies par la salariée.

Au regard des éléments fournis, la cour fixera le rappel de salaire à 10779,77 euros auquel il y aura lieu d'ajouter les congés payés afférents.

Par ailleurs, le contingent annuel s'élève à 220 heures. Dans la mesure où la cour a retenu l'accomplissement de 8 heures supplémentaires chaque semaine au cours de l'année 2012, et que la salariée n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, elle est fondée à obtenir l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur, soit 1 346 52 euros dans le cas présent, et le montant de l'indemnité de congés payés afférents, soit 134,65 euros.

Sur l'indemnité de travail dissimulé ;

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit le versement au profit du salarié d'une indemnité forfaitaire correspondant à 6 mois de salaire.

Encore faut il que soit établi le caractère intentionnel de l'abstention en cause, observation étant faite que ce caractère intentionnel résulte d'une action en pleine connaissance de cause.

Dans le cas présent, l'employeur a dénié, en pleine connaissance de cause, les conséquences des contraintes mises à la charge de la salariée qui devait procéder à 7 visites par jour, sur un périmètre de prospection de plus en plus important, à l'origine de déplacements longs entre les domiciles ou sièges des clients, et à assurer un suivi administratif soutenu.

Il sera fait droit à la demande d'indemnité pour travail dissimulé, à hauteur de la somme de 15573,78 euros.

Sur les demandes formulées pendant ses arrêts en lien avec son congé de maternité et consécutifs à son accident du travail ;

Madame [Z] communique aux débats des courriels et l'attestation de M. [D] montrant qu'elle a été amenée à avoir des échanges avec la société pendant ses arrêts dans le courant de l'année 2013, du 6 au 7 mai 2013, du 13 mai 2013 au 17 juin 2013, le 5 septembre 2013, le 29 octobre 2013.

L'employeur répond que rien ne laissait présager la durée de l'arrêt de Madame [Z], que les collaborateurs directs ont seulement continué à l'informer régulièrement sans que les courriels ne nécessitent une quelconque réponse de sa part en dehors de ceux du 27 mai 2013. Le courriel du 5 septembre 2013 se limitait à demander à Madame [Z] de renvoyer son matériel informatique et son téléphone. Enfin, l'échange du 29 octobre 2013 résulte de ce qu'un client a passé une commande directe à Madame [Z] qui l'a seulement transmise.

Il conteste la conformité de l'attestation de M. [D], rédigée 3 années plus tard.

Il incombe à la juridiction d'apprécier si une attestation non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile présente des garanties suffisantes pour conserver une valeur probante.

En l'occurrence, l'attestation de M. [D] est certes dactylographiée mais est accompagnée d'une pièce d'identité.

Cette attestation présente donc toutes les garanties suffisantes pour conserver une valeur probante dans le présent débat. Le constat qu'elle a été rédigée le 27 janvier 2016 soit près de 3 ans après les faits qu'elle relate ne remet pas en cause la véracité de ceux-ci.

Les éléments communiqués confirment que la société a, à plusieurs reprises, interpellé Madame [Z] dans le cadre de l'activité professionnelle et alors que celle-ci était en arrêt.

Sur le refus de l'employeur de financer une formation ;

Madame [Z] fait valoir qu'entre octobre 2011 et janvier 2013, elle a suivi une formation diplomante de visiteur médical dans le cadre de la validation des acquis de son expérience professionnelle, que cette formation n'a été acceptée dans son principe qu'à la condition qu'elle la suive pendant ses congés payés. Elle précise que l'employeur avait commencé par refuser de régler les frais d'inscription aux épreuves avant de revenir sur sa décision.

Madame [L] [L] témoigne avoir elle aussi suivi une formation de visiteur dans le cadre d'une validation des acquis de l'expérience financée par son employeur à la condition que le temps de formation se fasse sur ses congés.

L'employeur conteste la conformité de cette dernière attestation dont il convient en effet d'observer qu'elle n' est accompagnée d'aucun document d'identité en sorte que la juridiction ne peut vérifier si elle présente des garanties suffisantes pour avoir une valeur probante dans le présent débat. Cette attestation sera écartée.

Par ailleurs, l'employeur expose avoir systématiquement répondu à toutes les sollicitations de la salariée à ce sujet et explique in fine que Madame [Z] n'a pas fait les démarches utiles dans les délais nécessaires pour que l'organisme qui a vocation à les assurer soit saisi dans les temps.

S'il est patent que Madame [Z] a suivi une formation notamment du 10 au 14 octobre 2011 et 2 jours de préparation à l'examen avant l'épreuve, il n'est pas permis en l'état de production des pièces de vérifier si elle a été ou non rémunérée pendant les jours de formation en question, ni que l'employeur s'est effectivement acquitté de l'intégralité des frais d'inscription exposés par la salarié y compris pour les rattrapages.

Sur le harcèlement ;

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Comme faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, Madame [Z] invoque des conditions de travail toujours plus pénibles, une charge de travail toujours plus pesante, au mépris de l'équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle.

Madame [Z] indique avoir dès juin 2014 dénoncé ses conditions de travail et plus spécialement :

- des heures supplémentaires nombreuses pour faire face à sa charge de travail,

- une exigence supplémentaire passant par un rapport quotidien,

- une réelle inégalité de rémunérations entre les différents salariés,

- le traitement infligé par Madame [M], directrice des ressources humaines et plus particulièrement, sa déconsidération, son agressivité et une réelle mauvaise foi caractéristiques d'un harcèlement.

Madame [Z] évoque plusieurs événements survenus entre les 22 juillet, 24 et 29 août 2014, et courant 2015, à savoir :

- trois accidents de voiture ayant donné lieu à des visites médicales et au cours desquelles les médecins alors consultés ont conclu au « burnout ».

- un malaise sur le lieu de travail survenu au cours d'un séminaire, dûment constaté par Madame [Q],

- l'envoi par la société à la CPAM, de photographies prises le 28 août 2014 au cours du séminaire alors qu'elle était sur un bateau et pratiquait du ski nautique, au cours de la journée et qu'elle a participé à la soirée dansante et ce pour exprimer ses réserves sur la dégradation de l' état de santé de la salariée, à cette époque,

- une sortie de route avec son véhicule de fonction le 30 septembre 2014 et la reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel de l'accident,

- les arrêts maladie consécutifs à cet accident et leur prolongation jusqu'au 2 juillet 2015,

- la réalisation par l'employeur d'une contre-visite médicale et la conclusion du médecin confirmant le caractère justifié de l'arrêt de travail,

- les lettres adressées par la société à la CPAM le 8 juin 2015 pour affirmer que les prolongations des arrêts de maladie étaient troublantes et la transmission à ladite caisse de copies de pages de profil Facebook montrant des photographies prises sur une aire de jeux où elle s'était trouvée en compagnie de ses enfants, le dimanche 11 octobre 2015.

Elle précise qu'une enquête a été initiée, en 2014, qu'elle a été entendue en présence du directeur général, de la directrice des ressources humaines, de la directrice régionale et d'un délégué du personnel, que le rapport de l'enquête concluant à l'absence de tout harcèlement a été rédigé par Madame [M], concernée par la dénonciation opérée.

Ces faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer un harcèlement.

L'employeur répond qu' à compter du litige relatif à la prise en charge de sa formation, Madame [Z] n'a travaillé que 4 mois du 1er avril 2014 au 22 juillet 2014, que cette fonction exigeait des déplacements quotidiens en voiture, que les secteurs proposés étaient toujours aussi proches que possible du domicile de la salariée situé dans le département du Cher dans la limite du Loiret, toujours dans les limites du secteur visé dans le contrat de travail. Il fait observer qu'aux termes de l'avenant proposé en novembre 2014, refusé par la salariée, les 2 départements les plus éloignés de son domicile avaient été supprimés, qu'elle est donc mal venue à former un grief à cet égard.

Il fait valoir que pendant le congé maternité de la salariée, le secteur dont elle avait la charge a été confiée à M. [D], et intervention de Madame [H], que le courriel du 11 mars était collectif adressé à l'ensemble des collaborateurs présents et faisait état des résultats globaux atteints en début d'année 2014.

La société explique avoir fait diligence après que Madame [Z] avait exposé avoir effectué en moyenne 11 heures de travail chaque jour, en lui demandant de présenter un compte rendu d'activité afin de cerner les éventuelles difficultés rencontrées dans son organisation.

Elle conteste toute inégalité de rémunération entre les différents salariés dénoncée par la salariée aux termes d'un courriel du 25 juin 2016 et renvoie à la réponse faite par Madame [M] le 3 juillet 2014 en ces termes : « s'agissant de l'augmentation accordée à certains, tu déformes mes propos en les présentant sous un jour outrageusement accusatoire. Loin de lier ta demande à « ton retour de maternité », j'attirai simplement ton attention sur le fait que les quelques bénéficiaires ont pu démontrer leurs mérites sur un cycle de 12 mois, incomplet te concernant puisque tu étais présente 4 mois. Un temps complémentaire est donc nécessaire pour apprécier ta performance et tes compétences, constat qui relève du simple bon sens ».

L'employeur fait valoir qu'aucune disposition légale conventionnelle n'exige la présence d'un collaborateur ou d'un conseiller lors d'un entretien ordinaire hors entretien préalable à une sanction.

S'agissant des résultats de l'enquête diligentée en interne, la société indique que M. [P] ayant assisté la salariée a co-signé l'avis selon lequel « les accusations portées à l'encontre de Madame [M] sont considérées comme non fondées ».

L'employeur rappelle que les dispositions du code du travail lui donnent la possibilité d'organiser une contre-visite médicale sans que puisse lui être reproché un acte de harcèlement à cet égard.

Il observe que les certificats d'arrêt de travail ne mentionnaient pas le motif des arrêts en sorte qu'il ne pouvait pas être informé qu'il s'agissait d'un « burn out ».

L'examen des éléments communiqués de part et d'autre révèle que l'employeur ne justifie pas que tous ses agissements ayant trait notamment à la charge de travail imposée à la salariée malgré ses alertes, à ses suspicions sur l'état réel de la santé de la salarié, à l'envoi à la CPAM, et ce, à plusieurs reprises de lettres de réserves avec communication de photographies extraites du profil Facebook ayant trait à des événements familiaux et privés, reposaient sur des éléments objectifs, pertinents, étrangers à tout harcèlement.

La cour retiendra la réalité d'un harcèlement.

De même, la cour relève que la salariée soutient à juste titre que l'employeur n'a pas satisfait à l'obligation de préserver sa santé, refusant in fine de prendre en compte sa situation personnelle de mère de famille de trois enfants dont l'un était en très bas âge allant même jusqu'à lui exprimer, qu'elle ne pouvait exiger de rentrer à son domicile chaque jour puisqu'il lui était possible de regrouper ses visites et de bénéficier de nuitées à l'hôtel.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Il découle de ce qui précède que l'employeur n'a pas exécuté le contrat de travail de manière loyale, que Madame [Z] a subi un préjudice moral certain résultant du surmenage dont elle justifie et dont l'employeur avait parfaitement connaissance ainsi que cela ressort du courriel que Madame [Q] a adressé à Madame [M].

Le préjudice subi sera justement évalué à la somme de 6000 euros.

Sur la rupture de la relation contractuelle ;

La cour a retenu plusieurs manquements de l'employeur en lien avec le non paiement des heures supplémentaires, le harcèlement subi, la violation de l'obligation de sécurité de résultat, lesquels manquements sont tous suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Il sera fait droit à la demande de la salariée tendant à voir juger que la rupture aura les effets d'un licenciement nul, observation étant faite que les effets de la résiliation judiciaire remonteront à la date de la rupture du contrat de travail soit à compter du 13 décembre 2016.

Sur les conséquences de la rupture ayant les effets d'un licenciement nul ;

En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécusisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées.

Il sera fait droit à la demande à ce titre.

Une somme de 11964, 69 euros à laquelle seront ajoutés les congés payés afférents, sera allouée à la salariée.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, du montant de la rémunération versée à la salariée (3988,33 euros), de son âge, de son ancienneté remontant à septembre 2007, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Madame [Z], une somme de 32 000 euros à titre de dommages et intérêts, observation étant faite que les condamnation à des dommages et intérêts sont en nettes sous réserve des sommes dues au titre de la CSG / CRDS et suivant le plafond fixé par décret.

Sur les intérêts ;

La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Ces intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

Dans les cas prévus aux articles L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

La société Alter sera condamnée à rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans le limite de 3 mois.

Sur les dépens et les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

La société Alter, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

L'équité commande d'accorder à Madame [Z] une indemnité de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Vu la dissolution de la société Nutriben et la tranmission universelle de patrimoine au profit de la SAS Laboratoires Alter,

Condamne la SAS Laboratoires Alter à verser à Madame [Z] les sommes suivantes ;

-10779,77euros au titre d'un rappel de salaire pour des heures supplémentaires, outre 1077,97eurospour les congés payés afférents,

- 1 346 52 € au titre des dommages-intérêts pour privation des repos compensateurs outre 134,65 euros les congés payés afférents,

- 15 573,78 au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 6000 euros au titre des dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail résultant du harcèlement moral subi, de la violation de l'obligation de santé de sécurité, du travail accompli pendant ses arrêts de travail congé maternité,

- 11 975,69 euros à titre d'indemnité de préavis outre les congés payés afférents,

- 32000 euros nets sauf CSG/RDS selon les plafonds applicables à titre de dommages-intérêts pour rupture nulle,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Dit que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois.

Condamne la SAS Laboratoires Alter à verser à Madame [Z] une indemnité de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions respectives,

Condamne la SAS Laboratoires Alter aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/07225
Date de la décision : 11/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/07225 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-11;17.07225 ?
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