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11/09/2019 | FRANCE | N°17/08358

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 11 septembre 2019, 17/08358


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2019



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08358 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3RZZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F15/02851





APPELANT

Monsieur [O] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 2

]

Représenté par Me Gilles BOUYSSOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0264







INTIMÉE

SASU INTERXION FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 423 945 799

Représentée par...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2019

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08358 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3RZZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F15/02851

APPELANT

Monsieur [O] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représenté par Me Gilles BOUYSSOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0264

INTIMÉE

SASU INTERXION FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 423 945 799

Représentée par Me Catherine BROUSSOT MORIN de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Juin 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

M. Olivier MANSION, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Soleine HUNTER FALCK, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Anna TCHADJA-ADJE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Fanny MARTINEZ, Greffier présent lors de la mise à disposition.

La société Interxion qui a une activité de stockage de données virtuelles (Data Centre) est soumise à la convention collective SYNTEC ; elle comprend plus de 10 salariés.

Monsieur [O] [I] a été engagé par contrat à durée indéterminée par la société Interxion le 23.04.2007, en qualité de Gestionnaire Infrastructures et Maintenance (GINF), cadre, position 2.2, coefficient 130, à temps complet (à raison de 151h67 puis 160,33h à partir de janvier 2008).

Le salarié a exercé des fonctions de délégué syndical depuis janvier 2015, et membre de la délégation unique du personnel depuis le 07.04.2015, et membre élu du CHSCT.

La moyenne mensuelle des salaires de M. [I] s'établit à 3.664,15 €.

Dans un courriel du 02.02.2010, Monsieur [O] [I] a contesté le système d'astreintes qui lui était appliqué et qui résultait de l'accord d'entreprise signé le 18.02.2002 et modifié par avenant du 27.09.2006, ainsi que sa rémunération.

Le 10.09.2010 Monsieur [O] [I] a été personnellement avisé de la suppression de l'usage qui déterminait la rémunération du temps d'intervention réalisé dans le cadre des astreintes.

Le 23.03.2011 la SAS INTERXION a adressé à Monsieur [O] [I] un avertissement en raison de différents manquements répétés intervenus sur le site d'Ivry sur Seine depuis octobre 2010 et caractérisant une insuffisance professionnelle.

Un avertissement a été notifié au salarié le 31.08.2012, à la suite de manquements comprenant le non respect des procédures établies par la direction et caractérisant une insuffisance professionnelle, qu'il a contesté le 16.10.2012.

Monsieur [O] [I] a subi un accident le 09.11.2013 dont le caractère professionnel a été reconnu par la CPAM 77 le 15.11.2013. Il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 26.06.2015, il a continué à exercer ses mandats syndicaux.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 24.01.2014.

Le 26.05.2015, Monsieur [O] [I] a formé une demande de rappel de salaires de 2007 à 2015 par LRAR, que la SAS INTERXION a rejetée le 16.06.2015.

Le 22.06.2015 le conseil des prud'hommes de Bobigny a été saisi par M. [I] en demande de rappels de salaire notamment sur heures supplémentaires, et de dommages et intérêts pour défaut de repos compensateur, manquement de l'obligation de sécurité.

Monsieur [O] [I] a été déclaré inapte temporaire lors d'une première visite organisée devant le médecin du travail le 09.07.2015, puis apte avec restrictions le 16.07.2015 : 'recherche d'un poste ne nécessitant pas de montée répétée d'étages à pied et pas de montée d'échelle, pas de travail à cadence contrainte. Pas de travail d'astreinte de nuit. à revoir en septembre'.

Il a quitté son poste de GINF et a été temporairement placé sur un poste P3 auprès des équipes support.

Le 17.09.2015, il a été déclaré apte sous les réserves suivantes : 'apte à un autre poste de l'entreprise, inapte à son poste actuel (avec des astreintes de nuit) ; apte à un poste ne nécessitant pas de travail avec déplacements rapides ou montée et descente répétées d'escaliers, pas de travail d'astreinte de nuit. Peut effectuer des activités avec des déplacements à rythme normal et des activités de bureau.'

Les délégués du personnel ont été avisés des démarches entreprises le 29.09.2015, de même le CHSCT le 29.10.2015.

Monsieur [O] [I] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 24.11.2015.

Dans le cadre de la première visite d'inaptitude de l'article R4624-31 du code du travail, le médecin du travail a, le 26.11.2015, déclaré le salarié inapte au poste actuel, apte à un autre poste avec les précisions suivantes : 'apte à des postes ne nécessitant pas de déplacements rapides ni de montées ou descente d'escalier ou d'échelle rapide. Apte aux déplacements à vitesse normale ou aux activités de bureau. Pas de travail isolé. À revoir le 17 septembre'.

En raison des ses troubles de locomotion, le médecin du travail a déclaré, lors de la deuxième visite du 17.12.2015, le salarié inapte à tous poste en indiquant : 'pas d'objections médicales à la réalisation de ses mandats'.

La SAS INTERXION a réalisé une nouvelle recherche de reclassement au sein du groupe par courriels du 18.12.2015 et a interrogé le médecin du travail sur la compatibilité du salarié aux postes existants dans le groupe ; le médecin du travail a mentionné le 21.12.2015 une inaptitude à tous les postes du groupe INTERXION.

Les délégués du personnel ont été informés du déroulement de la procédure au cours d'une réunion du 12.01.2016.

Monsieur [O] [I] a contesté l'avis d'inaptitude auprès de l'inspection du travail le 14.01.2016.

Le 16.01.2016, la SAS INTERXION a proposé en reclassement au salarié le poste de représentant support client situé à l'ECSC de Londres (Angleterre) pour une durée de 12 mois, que le salarié a refusé. L'employeur a constaté l'impossibilité de le reclasser dans un courrier adressé le 03.02.2016.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé le 06.02.2016.

Le comité d'entreprise a été convoqué à une réunion extraordinaire et a émis un avis défavorable au projet de licenciement.

Monsieur [O] [I] a réclamé des compléments de salaire à la suite de son accident du travail, par courrier recommandé du 02.03.2016, et a formé une demande auprès de la commission des recours amiables de la CPAM 77 le 15.03.2016 concernant le mode de calcul des IJSS.

L'inspection du travail a été saisie d'une demande d'autorisation de licenciement de Monsieur [O] [I] pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 08.03.2016.

Le 11.03.2016 l'inspection du travail a, sur l'avis du médecin inspecteur régional du travail, annulé l'avis d'inaptitude du 17.12.2015 ce qui rendait sans objet la procédure de licenciement ; il a déclaré Monsieur [O] [I] : 'apte au poste de gestionnaire infrastructures en excluant les astreintes de nuit, les montées et descentes répétées d'échelles et le port de charge de plus de 15 kg'.

Monsieur [O] [I] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail notamment le 14.06.2016 ; il s'est désisté de cette instance le 18.09.2017 tout en poursuivant celle introduite devant le conseil des prud'hommes de Bobigny en élargissant ses prétentions.

Monsieur [O] [I] a été reconnu travailleur handicapé par la MDPH 77 à compter du 06.06.2016.

La SAS INTERXION a proposé au salarié le 08.07.2016 le poste de GINF sur le site de [Localité 1], poste qu'il n'a pas été occupé.

Le juge des référés a été saisi par Monsieur [O] [I] et par ordonnance rendue le 11.07.2016, et le conseil des prud'hommes de Paris en sa formation de référés a ordonné à l'employeur de réintégrer Monsieur [O] [I] sur le site d'Ivry.

Monsieur [O] [I] a été réaffecté sur le site d'Ivry mais avec suspension de son activité eu égard à l'avis d'inaptitude.

Le 11.07.2016, le médecin traitant de Monsieur [O] [I] a signé un certificat médical de rechute. Le salarié a fait à nouveau l'objet d'un arrêt de travail à compter du 12.07.2016 qui a été renouvelé.

Un certificat médical final avec consolidation avec séquelles a été établi par le médecin traitant le 26.06.2017.

Monsieur [O] [I] a saisi son employeur de manquemements répétés à ses obligations de sécurité par courrier du 18.04.2016 que la SAS INTERXION a contesté par lettre du 28.04.2016. Il a réitéré des demandes de rappels de salaire le 11.05.2016.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 14.06.2017 par M. [O] [I] du jugement rendu le 05.04.2017 par le conseil de prud'hommes de Bobigny section Encadrement qui a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens, en rejetantla demande reconventionnelle de la SAS INTERXION.

Le 27.12.2017 a été signé un accord d'entreprise relatif à l'organisation de l'astreinte au sein de la SAS INTERXION.

Le TASS de Meaux a, par jugement du 12.03.2018, dit notamment que l'accident du travail subi par Monsieur [O] [I] le 09.11.2013 était dû à une faute inexcusable de son employeur et, avant dire droit au fond, a ordonné une expertise médicale.

Ce jugement a été confirmé par arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 05.04.2019.

Le 16.03.2018, le médecin du travail a déclaré Monsieur [O] [I] inapte définitif au poste de gestionnaire infrastructure, en indiquant : 'pas d'utilisation d'échelles, éviter l'utilisation répétés des escaliers. L'état de santé de Mr [I] ne lui permet pas d'effectuer sa mission en toiture. Pas de port de chares de plus de 5 kg. Enfisager un poste de travail assis sédentaire. Les déplacements à pieds doivent être limités et à son rythme, sans contrainte de temps.'

Après consultation des délégués du personnel le 10.04.2018, la SAS INTERXION a proposé en reclassement au salarié le poste de gestionnaire activité GMAO Ultimo le 12.04.2018, que le salarié a refusé ; il a été convoqué à un entretien préalable le 07.05.2018 ; les membres du comité d'entreprise ont voté contre le licenciement du salarié le 22.05.2018.

Après enquête contradictoire, l'inspection du travail a par décision rendue le 27.07.2018 refusé l'autorisation de licenciement sollicitée le 28.05.2018 pour impossibilité de reclassement considérant qu'il présentait un lien avec les mandats du salarié.

Un recours hiérarchique a été formé par la SAS INTERXION auprès du Ministre du travail le 24.09.2018 et une décision implicite de rejet a été prise à effet du 25.01.2019, confirmant la décision de l'inspecteur du travail du 27.07.2018.

L'employeur a formé un recours devant le tribunal adminstratif à l'encontre de cette décision.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 10.05.2019 par M. [I] qui demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de :

- Condamner son employeur au paiement des sommes suivantes :

* Rappel d'heures supplémentaires dues et majorées de 25% de 151,67 à 160,33 : 13.225,71 € à titre de rappel de salaire augmenté des congés payés y afférent soit 1,322,57 €,

* Rappel sur les temps passés au téléphone et sur l'ordinateur en astreinte : 2.313,22 € et 231,32 € à titre de congés payés y afférents,

* Paiement des salaires correspondant à du temps de travail, effectif non payé et seulement qualifié d'astreinte par l'employeur : 21.506,76 €,

* 21.506,76 € à titre de dommages et intérêts pour manquement aux règles de repos quotidien hebdomadaire,

* 25.391,58 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* Rappel de salaire sur les sommes injustement prélevées sur les fiches de paie : 9.469,67 € et 946,97 € à titre de congés payés y afférents,

* Rappel de salaire au titre du bonus 2016 : 8.433 € et 843,3 € à titre de congés payés y afférents,

* Rappel de salaires de juillet 2015 : 3.513,81 € bruts et CP afférents, soit 351,38 € bruts,

* Rappel de salaires d'avril 2018 : 3.584,46 € bruts et CP afférents, soit 358,45 € bruts,

* 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité.

- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [I] aux torts exclusifs de l'employeur et condamner la société Interxion à lui payer les sommes suivantes :

* Indemnité de licenciement : 11.350,79 € arrêtée au 09/05/2019,

* Paiement du préavis : 10.753,38 € (3 mois) et congés payés y afférents : 1.075,34 €,

* Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 21.506,76 €,

* Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 21.506,76 €,

* Dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité : 21.506,76 €,

* Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 39.429,06 €,

* Dommages et intérêts pour discrimination syndicale : 21.506,76 €,

* Indemnité égale à la rémunération perçue jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours : 205.738,68 €,

- Condamner la société Interxion au paiement de la somme de 5.500 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 14.05.2019 par la société Interxion qui demande de confirmer le jugement, de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de constater :

* qu'aucune modification unilatérale du contrat de travail de M. [I] n'est intervenue,

* que le système d'astreinte mis en place au sein de la société Interxion est conforme aux dispositions légales et conventionnelles,

* que les repos quotidien et hebdomadaire ont été respectées par le régime d'astreinte,

* que le contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures n'a jamais été dépassé,

* que M. [I] a été correctement rémunéré pendant ses périodes d'absences pour maladie et pendant ses périodes d'inaptitude,

- In limine litis :

Se déclarer incompétente pour connaître de la demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat qui vise la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail, la demande de réparation étant de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale,

- A titre subsidiaire :

- Constater que le manquement à l'obligation de sécurité de résultat n'est pas démontré et que la société n'a pas manqué à ses obligations envers M. [I] ; que la demande de résiliation judiciaire aux torts de la société Interxion n'est pas fondée,

- En conséquence, débouter M. [I] de toutes ses demandes comme non fondées en droit et en fait et non justifiées dans leur quantum et en particulier de ses demandes de :

* Rappel d'heures supplémentaires dues et majorées de 25% de 151,67 à 160,33 : 13.225,71€,

* Congés payés y afférents : 1.322,57 €,

* Rappel de salaire sur les temps passés au téléphone et sur l'ordinateur en astreinte : 2.313,22 €,

* Congés payés y afférents : 231,32 €,

* Salaires correspondant au temps de travail effectif non payé et qualifié d'astreintes par l'employeur : 21.506,76 €,

* Dommages et intérêts pour manquement aux règles de repos quotidien et hebdomadaire : 21.506,76 €,

* Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 25.391,58 €,

* Rappel de salaire sur les sommes injustement prélevées sur les fiches de paie : 9.469,67 €,

* Congés payés y afférents : 946,97 €,

* Rappel de salaire sur du bonus 2016 : 8.433 €,

* Congés payés y afférents : 843,30 €,

* Rappel de salaires juillet 2015 : 3.513,81 €,

* Congés payés y afférents : 351,83 €,

* Rappel de salaires d'avril 2018 : 3.584,46 €

* Congés payés y afférents : 358,45 €

* Dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité : 20.000 €,

* Indemnité de licenciement : 11.350,79 €,

* Paiement du préavis : 10.753,38 € et congés payés y afférents : 1.075,34 €,

* Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 21.506,76 €,

* Dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité : 21.506,76 €,

* Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 39.429,06 €,

* Dommages et intérêts pour discrimination syndicale : 21.506,76 €,

* Indemnité égale à la rémunération perçue jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours : 205.738,68 €,

* Article 700 : 5.500 €

- En tout état de cause : Condamner le demandeur au paiement d'une somme de 5.000 € net au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14.05.2019 au visa de l'article 907 du CPC.

Les parties entendues en leurs plaidoiries le 04.06.2019, la cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel sous huit jours ; elle les a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré ; aucun accord en ce sens n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

A l'issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

1) Sur la diminution du taux horaire :

Au préalable sur la question de la prescription, l'action relative à des rappels de salaire intentée par M. [I] a été introduite le 22.06.2015.

L'article L 3245-1 du code du travail, dans sa version en vigueur jusqu'à la loi du 17.06.2013, disposait que :

'L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.'

Cependant l'article 21 de ladite loi a prévu que :

'Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.'

Par suite, c'est à bon droit que le salarié forme des demandes de rappels de salaire à compter du 22.06.2010.

Selon l'article 1135 du code civil devenu article 1103, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Le contrat de travail signé entre les parties le 23.04.2007 stipulait (article 4.3) que Monsieur [O] [I] devait percevoir une rémunération forfaitaire brute mensuelle de 3.166,66 € pour un horaire de 35 heures par semaine, calqué sur l'horaire collectif de l'entreprise, soit 151,67 h par mois, cette rémunération prenant en compte la nature des fonctions confiées et le niveau de responsabilité ; le taux horaire porté sur les fiches de paie était de 20,879 correspond à cette durée du travail.

Par ailleurs, le salarié reconnaissait qu'en sa qualité de cadre, il était soumis selon l'article 4.5 à un forfait hebdomadaire de 37 heures en bénéficiant en contre partie de 11 jours de RTT.

A partir de janvier 2008, les bulletins de paie mentionnent une base horaire mensuelle de 160,33 heures au taux de 20,146.

En effet, une convention annuelle de forfait en jours avait été conclue entre les parties antérieurement à la loi n°2008-789 du 20.08.2008 ; l'ancien article L3121-50 s'appliquait ; le salarié bénéficiait régulièrement d'une réduction de 2 heures de sa durée du travail.

La société a donc à juste titre régularisé la situation du salarié en janvier 2008 sans pour autant modifier sa rémunération ; le courriel du 21.05.2013 l'expose clairement en réponse à sa demande ; il n'y a pas eu de modification du contrat ou des conditions de travail qui auraient nécessité l'accord du salarié.

Cette demande sera rejetée.

2) Sur les demandes liées aux astreintes :

Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile

ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte doit faire l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos et ce indépendamment des heures d'intervention.

Le régime des astreintes dans la société était organisé par l'accord d'entreprise du 18.02.2002 qui a été modifié par avenant en date du 29.09.2006, puis par règlements internes du 11.03.2011 et du 11.05.2012, après que Monsieur [O] [I] ait reçu notification de la dénonciation de l'usage déterminant la rémunération du temps d'intervention réalisé dans le cadre des astreintes à compter du 10.12.2010 par courrier du 13.09.2010.

Monsieur [O] [I] communique, pour ce qui concerne la période antérieure au 11.03.2011, la note intitulée 'Modalités du travail en heures non ouvrées (dans le cadre des astreintes)' qui décrit les modalités d'intervention du salarié soumis aux astreintes, fixées du lundi au jeudi de 19h à 8h du matin, et du vendredi 18h à lundi 8h, outre les jours fériés, leur imposant, avec les moyens informatiques mis à leur disposition, une procédure d'intervention téléphonique, de diagnostic et de compte rendu.

Il verse aux débats ses bulletins de paie qui font état, ainsi que le relève le premier juge, du paiement régulier de primes d'astreintes et d'heures supplémentaires majorées en indiquant des mentions spécifiques au paiement des astreintes, ces astreintes étant limitées à une semaine par mois.

Le salarié a ainsi identifié 138 périodes d'astreintes réalisées et enregistrées par la société.

Celle ci reconnaît que Monsieur [O] [I] a été soumis à des astreintes en sa qualité de GINF jusqu'au 09.11.2013, date de son accident du travail.

L'accord d'entreprise initial prévoyait la rémunération d'une part du temps d'indisponibilité, le salarié ne disposant pas de sa totale liberté, soit : 7% du nombre d'heures effectuées en astreinte x taux horaire individuel, et d'autre part de l'intervention proprement dite sur 2 h, le taux horaire individuel étant majoré de 150%.

Les règlements venus compléter ces dispositions ont prévu pour leur part que le salarié affecté à une période d'astreinte de 7 jours serait de repos durant ses heures habituelles de travail et rémunéré aux mêmes conditions qu'en période d'activité (article 8), cette dispense de travail s'appliquant sur la période d'astreinte du mardi au vendredi inclus durant les heures habituelles de travail. Par ailleurs, les règlements ont maintenu la rémunération de la période d'astreinte et des périodes d'intervention.

Par suite, au vu des pièces communiquées, le salarié ne démontre pas avoir travaillé sans interruption la journée, la nuit, le week end et les jours fériés, et en outre, les périodes d'astreintes assurées par lui ont fait l'objet d'une compensation financière.

Cependant il n'en reste pas moins que l'employeur n'a pas pris en compte en tant que temps de travail effectif les temps d'appels téléphoniques durant ces périodes d'astreintes qui sont justifiée par les comptes rendus qui ont été adressés par voie informatique, et qui devaient être rémunérés comme tels au taux majoré correspondant au travail de nuit.

La demande du salarié qui est suffisamment détaillée sera accueillie, et le jugement infirmé ; la SAS INTERXION sera condamnée au paiement de la somme réclamée de 2.313,22 € outre les congés payés.

3) Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement aux règles de repos quotidien et hebdomadaire :

Monsieur [O] [I] ne démontre pas par les documents produits qu'il aurait travaillé en continu pendant les périodes d'astreinte et de jour ; il verse aux débats des documents qui ne concernent pas sa situation personnelle concernant des nombres excessifs d'astreintes réalisées par d'autres collègues ou bien des astreintes cumulées par eux avec du temps de travail quotidien ; dans son courriel du 02.02.2010, il critique le montant de la rémunération des astreintes sans en remettre en cause le principe. La SAS INTERXION produit pour sa part les bilans du paiement et des repos des astreintes qui récapitulaient les repos compensateurs à prendre par le salarié, étant précisé que ce repos a été systématiquement organisé après 2011 comme il ressort des couriels produits.

En conséquence cette demande sera rejetée et le jugement confirmé.

4) Sur la demande pour travail dissimulé :

Est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé tel que défini aux articles L 8221-1 et L 8221-5 du code du travail. Cependant il appartient au salarié de démontrer l'intention frauduleuse de l'employeur, cette intention frauduleuse ne pouvant découler du seul fait que le salarié a accompli des heures supplémentaires.

Au vu de ce qui précède, la SAS INTERXION a omis de prendre en compte comme temps de travail effectif les temps d'appels téléphoniques effectués durant ces astreintes, et en outre n'a pas appliqué le taux horaire correspondant au travail de nuit. Monsieur [O] [I] produit le memorendum rédigé par le cabinet REINHART le 30.10.2009 qui rappelait déjà à l'employeur les conditions légales en la matière et en particulier que : 'oui l'intervention qui s'effectue par téléphone depuis le domicile du salarié constitue du temps de travail effectif et doit être rémunéré comme tel'.

Cette circonstance démontre l'intention de l'employeur de dissimuler cette activité qui n'était pas suffisamment encadrée en l'absence de comptabilisation effective du temps de travail ainsi qu'il a été relevé lors de la réunion du comité d'entreprise du 27.03.2012.

En conséquence, la SAS INTERXION doit être condamnée au paiement de l'indemnité pour travail dissimulé et le jugement sera infirmé.

5) Sur les sommes retenues sur salaire en raison des absences pour maladie :

Monsieur [O] [I] conteste la régularisation intitulée 'REGUL GARANTIES CONV' mentionnée sur certains bulletins de paie, qui, selon l'employeur, correspond au maintien de la rémunération nette, en tenant compte des sommes versées dans le cadre des indemnités journalières, pour garantir un net à payer équivalent à celui qu'il aurait perçu s'il avait travaillé.

Les sommes versées pendant la suspension du contrat de travail sont soumises à charges sociales, aux taux de droit commun, en application des articles L 242-1 et R 242-1 du code de la sécurité sociale.

Il en résulte que c'est à bon droit que l'employeur a opéré une régularisation de l'assiette en plusieurs fois sur les bulletins de paie du salarié.

Cette demande sera rejetée et le jugement confirmé.

6) Sur la demande relative au bonus au titre de l'exercice 2015/2016 :

Monsieur [O] [I] justifie avant son arrêt maladie et jusqu'en 2013 du versement d'un bonus annuel sous forme de 'primes exceptionnelles' de 2000 à 3000 € ; les entretiens d'évaluation produits de 2009 à 2013 font état d'objectifs fixés au salarié qui verse en outre l'accord NAO 2016 prévoyant l'attribution de primes annuelles.

La suspension du contrat de travail était consécutive à un accident du travail qui ne pouvait pas être pris en compte pour écarter la demande du salarié ; de même lors de l'entretien proposé en août 2016, le salarié était indisponible puisqu'en rechute d'arrêt de travail depuis le 11 juillet, alors qu'il avait repris son activité depuis le 29.06.2015 ; enfin la société ne peut arguer des restrictions imposées par le médecin du travail pour rejeter la demande.

Par suite il sera fait droit à la demande présentée par le salarié ; le jugement sera infirmé.

7) Sur la demande relative aux salaires impayés :

En premier lieu, le salarié se prévaut des indications portées sur le bulletin de paie de juillet 2015 qui mentionnent le versement d'indemnités de prévoyance à hauteur de 2.5010,70 € outre le salaire proprement dit d'un montant de 3.513,81 € qui est diminué de la somme de 3.045,30 € correspondant aux absences accident du travail ; il est indiqué en effet que le salarié a été compté en accident du travail du 1er au 26 juillet 2015. Au cours du mois d'août le salaire a été enregistré comme travaillant, sauf du 10 au 15 en raison d'un arrêt maladie et à partir du 29 pour des congés.

Le planning récapitulatif des absences de Monsieur [O] [I] versé aux débats par la société n'est pas en concordance avec les bulletins de salaire dès lors qu'en août sont mentionnés des congés payés et qu'en juillet les sigles utilisés ne sont pas décryptables. Si l'on se réfère au bulletin de paie de juin 2015 comme proposé par l'entreprise, le salarié est indiqué comme en arrêt de travail sur toute la durée du mois ce qui n'est pas davantage en cohérence avec la situation de Monsieur [O] [I].

Par suite, l'employeur ne démontre pas avoir réglé la période d'activité du salarié en juillet 2015 comme réclamée ; il sera fait droit à cette demande en deniers ou quittances et le jugement sera infirmé.

En second lieu, la SAS INTERXION reconnaît dans ses écritures que la fin de l'arrêt maladie de Monsieur [O] [I] est intervenue le 20.02.2018 ; en ce qui concerne le mois d'avril 2018 dont le salarié demande le paiement, la SAS INTERXION a fait apparaître sur le bulletin de paie que le salarié était en congé tout le mois et non pas jusqu'au 13 avril comme elle l'indique dans ses écritures.

La SAS INTERXION ne donne pas d'élements suffisants pour expliciter les sommes retenues, par suite il y a lieu de faire droit à la demande en deniers ou quittances ; le jugement sera infirmé.

8) Sur l'obligation de sécurité :

Selon l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit.

La juridiction des affaires de la sécurité sociale a une compétence exclusive pour connaître des demandes en réparation des préjudices résultant d'un accident du travail.

Monsieur [O] [I] avait déjà saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale en vue de voir reconnaîre la faute inexcusable de l'employeur ayant été à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime le 10.11.2013 ; cette affaire a fait l'objet d'un jugement rendu par le TASS de Meaux le 12.03.2018 puis d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 05.04.2019.

Par suite, la même cour d'appel n'est plus compétente pour statuer sur la demande, le litige ayant été définitivement tranché ; cette demande doit être rejetée.

9) Sur le harcèlement moral :

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les

éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral. Le juge ne doit pas seulement examiner chaque fait invoqué par le salarié de façon isolée mais également les analyser dans leur ensemble, c'est-à-dire les apprécier dans leur globalité, puisque des éléments, qui isolément paraissent insignifiants, peuvent une fois réunis, constituer une situation de harcèlement.

Si la preuve est libre en matière prud'homale, le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral est tenu d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants qu'il présente au soutien de ses allégations afin de mettre en mesure la partie défenderesse de s'expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés.

Pour justifier de cette nouvelle demande en cause d'appel, Monsieur [O] [I] constate qu'après avoir été victime d'un accident du travail le 09.11.2013, il a fait l'objet de plusieurs projets de licenciements qui n'ont pas abouti .

Il a ainsi été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 24.01.2014 et le 24.11.2015, procédures restées sans suite, puis à un entretien préalable à un licenciement fixé le 06.02.2016 dans le cadre d'une inaptitude qu'il a contestée et qui a été annulée ; il a été soumis à 6 visites médicales entre juillet 2015 et avril 2016 ; il constate que le 15.01.2015 il ne figure plus sur l'organigramme de l'entreprise, il se prévaut de mutations géographiques et obtient du juge des référés du conseil des prud'hommes de Paris le11.07.2016 sa réintégration sur son poste initial à Ivry. Ses conditions de travail se traduisent par une rechute le 11.07.2016.

Enfin il rappelle les autres demandes formées judiciairement.

Ces éléments précis et concordants sont matériellement établis et peuvent laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral

La SAS INTERXION réplique que les deux procédures de licenciement pour motif disciplinaire font suite à des faits fautifs, l'employeur se bornant à exercer ses prérogatives normales.

L'inspection a implicitement rejeté la première demande d'autorisation de licenciement fondée sur les faits des 06 et 07.11.2013, sans que la société conteste cette décision ; la SAS INTERXION produit des éléments tendant à démontrer la réalité de ces faits notamment le courriel client du 29.11.2013 et celui du responsable hiérarchique du 09.11.2013, alors que Monsieur [O] [I] avait déjà reçu deux avertissements concernant des non respects de procédure en août 2012 et en mars 2011.

La société déclare que la deuxième procédure de licenciement était liée à la déclaration d'inaptitude et à l'impossibilité de reclassement alors cependant que le salarié a bien été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 24.11.2015, et ce n'est que le 06.02.2016 qu'il sera convoqué pour un licenciement en lien avec une inaptitude qui sera contestée et réformée.

Les visites médicales ont été rendues nécessaire par la complexité de la procédure et certaines ont été organisées sur sa demande ; la SAS INTERXION justifie des échanges avec le médecin du travail lors de la recherche de reclassement ; elle estime avoir proposé le seul poste disponible situé certes à Londres le 19.01.2016.

L'employeur déclare que le site de [Localité 1] présentait un environnement mieux adapté à la situation du salarié, décrit dans le courriel du 11.04.2016, sans que cette solution soit imposée à Monsieur [O] [I] ; c'est en raison de son statut de salarié protégé et de l'absence d'accord écrit, que ce dernier a obtenu en référé d'être réintégré à Ivry.

Il en ressort que la SAS INTERXION ne justifie pas des raisons objectives de la convocation de Monsieur [O] [I] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 24.11.2015, certes non suivie d'effets ; par ailleurs l'employeur connaissait la situation de salarié protégé de Monsieur [O] [I] et ne pouvait donc pas lui imposer, à défaut d'accord écrit, un reclassement sur un poste dans un site différent sans son accord et c'est suite à l'intervention du juge des référés que le salarié a réintégré son poste à Ivry. Le bonus du salarié ne lui a pas été versé pour l'année 2016 ; l'employeur n'a pas rémunéré le temps de travail lié aux appels téléphoniques dans le cadre des astreintes.

Ces éléments pris dans leur ensemble, outre la dégradation de l'état de santé du salarié médicalement constatée et ayant donné lieu à un arrêt maladie prolongé à compter du 12.07.2016 pour cause de rechute, établissent la réalité du harcèlement moral invoqué.

En réparation du préjudice subi, la SAS INTERXION sera condamnée au paiement de la somme de 10.000 €.

10) Sur la discrimination syndicale :

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations en raison de ses activités syndicales.

Aux termes de l'article L1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se prétend victime d'une discrimination de présenter des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes le mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Monsieur [O] [I] fait valoir son activité syndicale importante ainsi que ses mandats ; il constate n'avoir bénéficié d'aucun entretien d'évaluation depuis 2013 ni d'augmentation individuelle ou d'évolution de carrière ; il n'a pas perçu de bonus depuis 2013 ; il compare sa situation à celle de M. [N], mieux loti, mais qui a en définitive été licencié pour insuffisance professionnelle en 2014, et il conteste pouvoir être comparé à M. [X] eu égard à sa formation et à son expérience multi technique ; il indique qu'il avait réalisé ses objectifs à hauteur de 77% chaque année à mi parcours alors que ces objectifs étaient élevés ainsi qu'il a été constaté en comité de direction du 30.10.2014 ; il ne s'est pas vu attribuer de chèques cadeau fin 2014 ; il justifie avoir été planifié d'astreintes lors de la fixation de réunions de CE en novembre 2011, août, novembre 2012, janvier et juin 2013 ; il fait valoir des retards de salaire ou des non paiements ; il rappelle que l'inspection du travail a refusé le 27.07.2018 la demande d'autorisation de le licencier au motif notamment que 'dans les circonstances de l'espèce, la demande d'autorisation de licenciement de Monsieur [I] n'est pas sans rapport avec les fonctions représentatives qu'il exerce au sein de la société', mais aussi que le CE a noté le 19.06.2018 qu'il n'y avait pas eu de réunion extraordinaire le 15.05.2018 pouvant justifier de leur avis sur le licenciement du salarié, et enfin qu'un seul poste lui a été proposé le 12.04.2018 sur les deux postes identifiés par l'employeur susceptibles du lui convenir ainsi que l'indique l'inspection du travail dans sa décision du 27.07.2018.

La SAS INTERXION justifie de ce qu'un entretien de mi parcours s'est tenu le 26.08.2013 puis que les absences successives du salarié n'ont pas permis la tenue d'autres entretiens d'évaluation, mais aussi du fait que Monsieur [O] [I] a été en mesure d'exercer ses mandats, ce qu'il revendique.

Cependant elle compare la situation salariale du salarié avec celle de M. [X] qui occupe un poste similaire sans donner les éléments suffisants relatifs à la formation et au poste occupé à l'embauche en particulier ; il est constant qu'un rappel de bonus est dû au salarié ; elle ne justifie pas l'absence d'allocation de chèques cadeau fin 2015 alors que le salarié était toujours dans les effectifs ; il est établi que la SAS INTERXION n'a pas proposé au salarié les deux postes qui avaient été identifiés comme pouvant lui convenir lors de la recherche de reclassement à la suite de la procédure de licenciement initiée le 07.05.2018.

Dans sa décision l'inspection du travail observe que Monsieur [O] [I] a été désigné délégué syndical le 30.01.2015 au sein de la seule organisation syndicale présente dans l'entreprise en France, qui a un effectif de 120 salariés répartis sur 8 sites, et qu'il est l'unique délégué syndical habilité à négocie les accords d'entreprise dans le cadre des NAO, qu'il a signé 7 accords d'entreprise et que par suite son activité syndicale était importante. Alors qu'il était le seul à bénéficier d'un mandat syndical, l'employeur se devait de prendre en compte ses astreintes pour fixer les dates des institutions représentatives.

Il convient de rappeler la convocation de Monsieur [O] [I] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 24.11.2015 qui n'a pas été justifiée.

En conséquence la discrimination syndicale est démontrée ; la SAS INTERXION sera condamnée à verser en réparation du préjudice subi la somme de 10.000 € ; il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel.

11) Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Monsieur [O] [I] se prévaut de l'anomalie de la demande d'autorisation de licenciement alors que les membres du comité d'entreprise ont constaté le 22.05.2018 que cette demande faisait référence à une réunion du 15 mai qui ne s'est pas tenue ; cependant la décision de l'inspection du travail du 27.07.2018 vise expressément l'avis négatif donné par le comité d'entreprise le 22 mai ; il s'agit donc d'une simple erreur dans le courrier.

Le salarié invoque également toutes les prétentions opposées à son employeur, dont une partie sont admises.

Eu égard à la décision rendue sur les différents points soulevés par le salarié et admis par la cour, il convient de dire que la SAS INTERXION n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail de Monsieur [O] [I] ; en réparation du préjudice subi, la société sera condamnée au paiement de la somme de 3.000 €.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

En cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur sur le fondement des articles 1224 à 1230 nouveaux (article 1184 ancien du code civil).

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsqu'en revanche, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande. Le contrat de travail n'étant pas résilié, son exécution se poursuivra.

La résiliation judiciaire produit effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.

A l'appui de sa demande, Monsieur [O] [I] fait valoir à bon droit plusieurs manquements à l'encontre de son employeur qui sont suffisamment graves pour justifier la résiliation de son contrat de travail aux torts de celui ci et qui résultent des motifs précédemment exposés.

La rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, en sus de l'indemnisation du préjudice lié à la rupture, au paiement, au titre de la violation de son statut protecteur, d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande.

En conséquence la SAS INTERXION doit être condamnée à verser au salarié, outre l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, ainsi qu'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour un montant de 39.429,06€, une indemnité spéciale de licenciement qu'il a justement évaluée à la somme de 215.067,60€.

Il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel.

Il serait inéquitable que Monsieur [O] [I] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SAS INTERXION qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 05.04.2017 par le conseil des prud'hommes de Bobigny à l'encontre de la SAS INTERXION sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées par Monsieur [O] [I] et relatives à : les rappels de salaire sur temps passé au téléphone et sur l'ordinateur et concernant les mois de juillet 2015 et avril 2018 ; le rappel de bonus 2016 ; les dommages intérêts pour travail dissimulé ;

L'infirme sur ces points,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre la SAS INTERXION et Monsieur [O] [I] aux torts de l'employeur et dit que la rupture produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la SAS INTERXION à payer à Monsieur [O] [I] les sommes de :

- 2.313,22 € à titre de rappel de salaire outre les congés payés à hauteur de 231,32 € ;

- 25.391,58 € à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé,

- 8.433 € au titre du bonus 2016 outre la somme de 843,30 € au titre des congés payés afférents;

- 3.513,81 € au titre du rappel de salaire pour le mois de juillet 2015 outre la somme de 351,38 € au titre des congés payés afférents ce, en deniers ou quittances ;

- 3.584,46 € au titre du rappel de salaire pour le mois d'avril 2018 outre la somme de 358,45 € au titre des congés payés afférents ;

- 10.000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral ;

- 10.000 € à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale ;

- 3.000 € à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 11.350,79 € pour indemnité de licenciement ;

- 10.753,38 € pour indemnité compensatrice de préavis et 1.075,34 € pour congés payés y afférents ;

- 39.429,06 € pour dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 205.738,68 € pour indemnité spéciale de licenciement en raison de la protection du salarié ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;

Rejette les autres demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS INTERXION à payer à Monsieur [O] [I] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la SAS INTERXION aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 17/08358
Date de la décision : 11/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°17/08358 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-11;17.08358 ?
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