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11/09/2019 | FRANCE | N°19/05382

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 11 septembre 2019, 19/05382


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2019



(n° 327 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05382 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7P7L



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Février 2019 -Président du TGI de Paris - RG n° 19/51178



APPELANTE



Maître [O] [W], associé de la SCP BR ASSOCIES, ès qualité de Ma

ndataire liquidateur de la société E2C MARTINIQUE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Gilles ESPECEL de l'AARPI OVEREED, avocat au barreau de PARIS, ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2019

(n° 327 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05382 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7P7L

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Février 2019 -Président du TGI de Paris - RG n° 19/51178

APPELANTE

Maître [O] [W], associé de la SCP BR ASSOCIES, ès qualité de Mandataire liquidateur de la société E2C MARTINIQUE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Gilles ESPECEL de l'AARPI OVEREED, avocat au barreau de PARIS, toque : E1680

Assistée par Me Bertrand VERMERSCH, substituant Me Gilles ESPECEL de l'AARPI OVEREED, avocat au barreau de PARIS, toque : E1680

INTIMÉE

SCI LE CARRE D'EVE, représentée par ses co-gérants en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par Eric GOMEZ de la SELARL LAZARE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J067

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie GRALL, Conseillère, et Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie GRALL, Conseillère

Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère

M. Thomas VASSEUR, Conseiller

Qui ont en délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Anaïs SCHOEPFER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère, pour la Conseillère empêchée et par Anaïs SCHOEPFER, Greffière.

La SCI Le Carré d'Eve est le maître de l'ouvrage d'une opération de construction immobilière portant sur 41 logements locatifs sis [Adresse 3], destinés à être vendus en l'état futur d'achèvement à un acquéreur unique, la SNC Adam.

Suivant acte des 26, 27 et 29 mai 2017, la SCI Le Carré d'Eve a fait assigner la SMABTP, la Mutuelle des Architectes Français, la SA EUROMAF, la SARL Société Antillaise de Construction - SACO, la SCP BR Associés, Maître [I] [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL SACO, la SARL CODECO, la SAS MJ ELECTRIC, l'agence d'architecture Henri Jos - AAH, la SARL Société d'Etudes Techniques du Bâtiment - SETB, la SARL E2C Martinique, et la SARL CH2 Techni Contrôle, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 17 octobre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a déclaré la SCI Le Carré d'Eve irrecevable en sa demande d'expertise.

Suivant déclaration du 14 novembre 2017, la SCI Le Carré d'Eve a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 28 juin 2018, la cour d'appel de Paris a rejeté les exceptions d'incompétence territoriale et de connexité, infirmé l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et ordonné une mesure d'expertise confiée à Mme [Y] [J].

Par acte du 13 décembre 2018, la SCI Le Carré d'Eve a fait assigner la SCP BR Associés, prise en la personne de Maître [O] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique afin que la mesure d'expertise lui soit déclarée opposable.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 14 février 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, accueillant cette demande, a :

rendu opposable à la SCP BR Associés, prise en la personne de Maître [O] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, la mesure d'expertise ayant commis Mme [Y] [J] en qualité d'expert ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 juin 2018 ;

condamné la demanderesse aux dépens.

Par déclaration du 9 mars 2019, la SCP BR Associés, prise en la personne de Maître [O] [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, a interjeté appel de cette décision.

Suivant conclusions déposées et notifiées le 11 juin 2019 par le RPVA, Maître [O] [W], associé de la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, appelant, demande à la cour de :

Vu les articles 369 et 372 du code de procédure civile,

Vu l'article L 622-23 du code de commerce,

déclarer son appel recevable et bien fondé ;

En conséquence,

infirmer l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

déclarer non avenu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 28 juin 2018 ;

condamner la SCI Le Carré d'Eve à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SCI Le Carré d'Eve aux entiers dépens.

Maître [O] [W], associé de la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique fait valoir que l'arrêt du 28 juin 2018, qui a ordonné l'expertise, est réputé non avenu pour avoir été rendu en dépit de l'interruption de l'instance consécutive à l'ouverture le 10 avril 2018 d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société E2C Martinique, la SCI Le Carré d'Eve, pourtant dûment informée de la liquidation judiciaire avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, s'étant abstenue de reprendre l'instance en appelant en la cause le mandataire liquidateur. Il soutient que le juge des référés ne pouvait donc sans méconnaître le caractère non avenu de l'arrêt rendre opposable au mandataire liquidateur la mesure d'expertise ordonnée à l'issue d'une instance dans laquelle il n'avait pas été mis en mesure de faire valoir ses moyens de défense. Il indique que les arguments soulevés par la SCI Le Carré d'Eve tenant à l'absence d'interruption de l'instance, à la confirmation tacite de l'arrêt et à la reprise de l'instance sont inopérants. Il relève, en ce sens, que l'interruption de l'instance survient sans formalité dès la seule survenance du jugement déclaratif, que le fait qu'il ait participé aux opérations expertales en qualité de mandataire liquidateur de la société SACO ainsi qu'en qualité de mandataire liquidateur de la société d'architecture Henri Jos et le fait qu'il n'ait pas constitué avocat dans le cadre de l'instance aux fins d'ordonnance commune ne caractérisent aucunement un comportement non équivoque de sa part traduisant son intention de renoncer au caractère non avenu de l'arrêt, et que l'arrêt non avenu a éteint l'instance sans que cette dernière puisse être reprise dans le cadre de la présente procédure.

Suivant conclusions déposées et notifiées le 29 mai 2019 par le RPVA, la SCI Le Carré d'Eve, intimée, demande à la cour de :

Vu les articles 369 et 372 du code de procédure civile,

Vu l'article L 622-22 du code de commerce,

A titre principal,

confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

Ce faisant,

débouter la SCP BR Associés, ès qualités de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire, si la cour déclarait non avenu l'arrêt rendu le 28 juin 2018,

limiter l'effet du caractère non avenu de l'arrêt du 28 juin 2018 à la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique ;

En tant que de besoin, après avoir constaté la reprise d'instance,

rendre communs et opposables à Maître [O] [W] de la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, l'arrêt rendu le 28 juin 2018 par la cour d'appel de Paris ayant commis Mme [Y] [J] en qualité d'expert judiciaire ainsi que les opérations d'expertise de cette dernière ;

En toute hypothèse,

condamner la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, à lui régler une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, au paiement des entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Jeanne Baechlin, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La SCI Le Carré d'Eve fait valoir, à titre principal, qu'il n'y a pas eu d'interruption valable de l'instance dès lors que Maître [O] [W], associé de la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, n'a jamais justifié auprès de la cour de l'existence de la procédure de liquidation judiciaire de la société E2C Martinique, qui n'a été rendue opposable aux tiers qu'à la date de sa publication au BODACC le 9 août 2018. Elle indique que la notion d'instance en cours est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur le montant et l'existence de la créance ce qui n'est pas le cas d'une instance en référé, notamment d'une instance en référé expertise qui ne rentre pas dans le champ d'application des articles 369 du code de procédure civile et L 622-22 du code de commerce. Elle soutient, en tout état de cause, qu'en s'abstenant de présenter toute défense devant le juge des référés en première instance, les organes de la procédure collective ont tacitement mais nécessairement confirmé l'arrêt du 28 juin 2018 au sens de l'article 372 du code de procédure civile. Elle relève, au demeurant, que l'ordonnance entreprise n'a pas rendu commun l'arrêt à Maître [O] [W], associé de la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, mais qu'elle lui a seulement rendu opposable à la mesure d'expertise ordonnée par ladite décision de sorte que le caractère non avenu de l'arrêt n'a pas d'incidence sur l'ordonnance entreprise. Elle fait valoir, à titre subsidiaire, que la demande de Maître [O] [W], associé de la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, tendant à voir déclarer non avenu l'arrêt rendu le 28 juin 2018 est manifestement irrecevable devant la cour, le seul recours possible étant un pourvoi en cassation. Elle invoque le caractère particulièrement dilatoire du comportement de Maître [O] [W], associé de la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, qui alors même qu'il n'a pas été représenté en première instance poursuit l'infirmation d'une simple ordonnance commune. A titre infiniment subsidiaire, elle soutient que seul Maître [O] [W], associé de la SCP BR Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique a qualité pour se prévaloir du caractère prétendument non avenu de l'arrêt, et demande, en tant que de besoin, d'en limiter les effets au seul appelant. Ajoutant qu'elle a déclaré sa créance auprès du liquidateur de la société E2C Martinique, elle fait valoir, en tout état de cause, que l'instance peut être reprise conformément à l'article L 622-22 du code de commerce.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

Postérieurement à ce texte, l'article L. 622-21 du code de commerce, tel que résultant de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 sur les procédures collectives, est venu préciser cette cause d'interruption en indiquant, en son I : 'Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.'

L'article suivant, L. 622-22 indique en son premier alinéa : 'Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3 [qui concerne les instances prud'homales et demeure donc sans incidence dans le présent dossier], les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit (...).'

Enfin, l'article L. 641-3 prévoit notamment que 'le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus en cas de sauvegarde (...) par les articles L. 622-21 et L. 622-22 (...).'

Ainsi, le dispositif législatif des procédures collectives est venu circonscrire, par rapport au dispositif antérieur du code de procédure civile, le champ des procédures concernées par l'interruption d'instance : toutes les instances ne sont pas interrompues par la procédure collective car seules celles qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent sont concernées par cette interruption.

La Cour de cassation juge que l'action tendant à la désignation d'un expert ou à l'extension d'une expertise ne tend pas, par elle-même, à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et ne contrevient donc pas à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles. En effet, cette action ne tend pas à obtenir le paiement d'une somme d'argent mais seulement à établir une preuve en vue d'une procédure ultérieure : Cass. Com. 2 décembre 2014, Bull. IV n° 175, pourvoi n° 13-24.405.

Au cas présent, l'instance, qui tendait à l'obtention d'une mesure d'instruction in futurum et qui s'est conclue par l'arrêt du 28 juin 2018 dont l'appelant demande qu'il soit déclaré non-avenu, n'a pas été interrompue par la survenance de la procédure collective de la société E2C Martinique. Aussi est-ce à bon droit que l'intimée souligne que l'instance qui s'est conclue par l'arrêt prononcé le 28 juin 2018 n'entre pas dans le champ d'application des articles 369 du code de procédure civile et L. 622-22 du code de commerce.

Dès lors que l'instance n'a pas été interrompue, l'arrêt prononcé le 28 juin 2018 n'a pas lieu d'être considéré comme non-avenu, au sens de l'article 372 du code de procédure civile.

Il convient en conséquence de débouter l'appelant de sa demande tendant à ce que soit déclaré non-avenu l'arrêt du 28 juin 2018 et, partant, de confirmer l'ordonnance entreprise. Il n'y a pas lieu dès lors de statuer sur les demandes que l'intimée présente à titre subsidiaire, tendant à limiter l'effet du caractère non avenu de l'arrêt du 28 juin 2018 au seul liquidateur judiciaire et à rendre commun et opposable à celui-ci l'arrêt précité.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Condamne la société BR Associés, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société BR Associés, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société E2C Martinique, à verser à la société Le Carré d'Eve la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, Pour la Conseillère empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 19/05382
Date de la décision : 11/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°19/05382 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-11;19.05382 ?
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