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12/02/2020 | FRANCE | N°17/08601

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 12 février 2020, 17/08601


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS











COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 9





ARRET DU 12 FEVRIER 2020


(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08601 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TBN





Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 16/01464








APPELANTE

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SAS KLYMCAR


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Représentée par Me Isabelle OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1927











INTIME





Monsieur T... V...


[...]


[...]





Représenté par Me Aurélien WULVERYCK, ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 12 FEVRIER 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08601 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TBN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 16/01464

APPELANTE

SAS KLYMCAR

[...]

Représentée par Me Isabelle OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1927

INTIME

Monsieur T... V...

[...]

[...]

Représenté par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sandra ORUS, première présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sandra ORUS, première présidente de chambre

Madame Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Madame Françoise SALOMON, présidente de chambre

Greffier, lors des débats : Mme Frantz RONOT

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Sandra ORUS, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. T... V... a été embauché en qualité de dépanneur frigoriste, par la société Klymcar, selon contrat à durée indéterminée du 5 février 2014.

Il a été licencié pour faute grave le 6 novembre 2015.

Contestant les conditions de la rupture de son contrat de travail et estimant n'avoir été suffisamment rempli de ses droits, M. V... a saisi le conseil des prud'hommes de Bobigny le 8 avril 2016, lequel, par une décision du 6 juin 2017, a annulé les avertissements dont le salarié avait été l'objet, déclaré son licenciement abusif, condamné la société Klymcar à lui payer les sommes de : 546 euros à titre de rappel de salaire sur la période de la mise à pied conservatoire et 54,60 euros à titre de rappel de congés payés afférents, 1821 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 182,10 euros au titre des congés, 698,05 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Klymcar a formé appel de ce jugement le 19 juin 2017.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2019, la société Klymcar demande à la cour de prendre acte de ce que selon dissolution sans liquidation ayant entrainé la transmission universelle de patrimoine, la Société Nouvelle Klymcar vient désormais aux droits de la société Klymcar; d'infirmer dans sa totalité le jugement rendu en première instance; de dire que le licenciement de M. V... est fondé sur une cause grave et à titre subsidiaire, sur une cause réelle et sérieuse; en conséquence, de le débouter de toutes ses demandes; de dire et juger qu'il n'a droit à aucune indemnisation de quelque nature que ce soit, vu son ancienneté de moins de deux ans dans l'entreprise et l'absence de préjudice; à titre subsidiaire, de dire qu'à tout le moins il y aurait lieu de dire et juger qu'il y a cause réelle et sérieuse au licenciement; à titre très subsidiaire, si la cause réelle et sérieuse n'était pas retenue dire et juger qu'aucune indemnisation ne serait due, vu l'absence de préjudice de M. V... qui avait moins de deux ans d'ancienneté lors du licenciement et n'a pas été inscrit à Pôle Emploi ayant retrouvé un emploi aussitôt après son licenciement; de dire et juger les avertissements fondés et débouter M. V... par avance de sa demande d'annulation d'avertissements; à titre reconventionnel, infirmant également de ce chef la décision de première instance, condamner M. V... à payer à la Société Nouvelle Klymcar venant aux droits de la société Klymcar la somme de 1 977,07 euros au titre du prix du matériel et outillage qui appartenait à la société Klymcar et que M. V... n'a pas été en mesure de présenter et de restituer; de condamner M. V... à payer à la Société Nouvelle Klymcar venant aux droits de la société Klymcar une somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et atteinte à la réputation de l'employeur du fait des éléments invoqués à son encontre, notamment des faits de prétendu harcèlement; de condamner M. V... à payer à la Société Nouvelle Klymcar venant aux droits de la société Klymcar une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

Par conclusions notifiées le 13 novembre 2017, M. T... V... demande à la cour de juger à titre principal que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en conséquence de confirmer le jugement sur le principe, d'annuler l'avertissement du 6 octobre 2014 et de condamner la société aux sommes suivantes:

'dommages-intérêts en réparation de l'annulation de l'avertissement du 6 octobre 2014: 2000 euros

'salaire sur mise à pied conservatoire 546 euros bruts et 54,60 euros au titre des congés payés afférents,

'indemnité compensatrice de préavis: 3 642,02 euros

'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 364,20 euros bruts

'indemnité conventionnelle de licenciement: 698, 05 euros

'dommages-intérêts pour harcèlement moral: 30 0000 euros

'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse: 50 000 euros

'article 700 du code de procédure civile : 3000 euros

d'ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard et laisser les dépens à la charge de la partie appelante.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2019 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 décembre 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les avertissements des 6 octobre 2014 et 28 novembre 2014

Au terme des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail, l'employeur fournit au conseil des prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction, le conseil des prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Les premiers juges ont retenu que s'agissant des faits reprochés au salarié dans l'avertissement du 6 octobre 2014, le doute devait lui profiter d'une part, en raison de la disproportion de la sanction et d'autre part, en raison du caractère crédible de l'intervention critiquée.

La cour relève en effet que la circonstance pour M.V... d'être intervenu dans des installations frigorifiques à l'arrêt, à la suite d'une fermeture pour non conformité et alors que sa présence, ce jour là , dans l'enceinte des locaux, n'est pas sérieusement contredite, est de nature à faire naître un doute qui doit lui profiter alors que l'employeur affirme, sans le démontrer, qu'aucune prestation n'a pu être effectuée et que le comportement du salarié est particulièrement déloyal.

L'annulation de l'avertissement prononcée par le conseil des prud'hommes est en conséquence confirmée.

Les premiers juges ont par ailleurs soulevé avec pertinence qu'en l'absence d'entretien préalable qui aurait permis au salarié de connaître les griefs de l'employeur et de fournir d'éventuelles explications, M. V... était légitime à répondre à son employeur sur la déloyauté reprochée, dans des termes qui ne relèvent ni de l'injure, ni de l'invective.

C'est en conséquence à bon droit qu'ils ont annulé cette deuxième sanction disciplinaire.

Par confirmation du jugement, le salarié ne justifiant pas d'un préjudice spécifique lié à la nullité de ces sanctions, il est débouté de sa demande en dommages-intérêts.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. V... verse au débat l'ensemble des courriers reçus de son employeur pendant sa période d'arrêt pour accident du travail, qui a débuté le 28 août 2014, dont une lettre du ler septembre 2014 qui lui conteste le caractère d'arrêt de travail initial pour accident ou maladie professionnelle et rejette le certificat d'arrêt de travail, un courrier du 19 septembre 2014 sur une note de service portant réorganisation des services chantiers et dépannages, une lettre recommandée du 3 octobre 2014 où l'employeur persiste dans sa contestation de la validité du certificat d'arrêt de travail initial, précédemment mentionné, un courrier d'avertissement du 6 octobre 2014 puis un deuxième avertissement en réponse au courrier du salarié, le 24 novembre 2014, un courrier de l'avocat de l'employeur du 28 novembre 2014 lui reprochant la polémique engagée à l'encontre de son employeur à la suite de l'avertissement du 6 octobre précité, un courrier du 27 janvier 2015 aux termes duquel l'employeur conteste auprès du salarié ses allégations de harcèlement.

Ces faits pris dans leur ensemble, qui se sont déroulés pendant l'arrêt maladie du salarié, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur soutient que ces courriers sont en réaction au comportement adopté par le salarié pendant l'exécution du contrat, qu'aucune dégradation des conditions de travail ne peut être relevée puisque M. V... était précisément en arrêt pendant cette période et qu'il n'a pas soutenu que sa santé aurait été altérée.

Or, la cour relève que l'employeur n'établit pas que lesdits courriers, adressés au salarié alors qu'il était en arrêt de travail, en situation de fragilité physique et psychologique, par leur caractère répété et offensif, contestant la qualification même de l'arrêt de travail et sanctionnant le salarié pour des comportements dont il n'était pas à même de s'expliquer normalement, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le jugement déféré qui a retenu le harcèlement moral est en conséquence confirmé.

Il en ressort que M. V... est bien fondé à solliciter l'indemnisation de son préjudice à ce titre qu'il convient toutefois, par infirmation du jugement déféré, de réduire à la somme de 3000 euros.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la nullité du licenciement

Le salarié soutient qu'ayant été victime d'un harcèlement moral et l'ayant dénoncé à son employeur, cette situation a conduit à son licenciement.

Or, la cour relève, à l'examen des pièces versées aux débats, que les faits de harcèlement retenus se sont produits entre le mois de septembre 2014 et le mois de janvier 2015, pendant l'arrêt maladie du salarié qui s'est prolongé , après un bref épisode de reprise, jusqu'au mois de septembre 2015; que le salarié a été licencié le 2 novembre 2015 pour des faits de détournement de matériel et de comportement sur le lieu de travail, sans lien avec les faits de harcèlement dénoncés par le salarié.

Il en ressort que la nullité du licenciement ne peut être prononcée, par confirmation du jugement déféré.

Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes:

« Nous avons à déplorer de votre part des agissements qui sont de nature à constituer une faute grave..

D'une part la non présentation du matériel de l'entreprise depuis votre reprise d'activité le 28 septembre 2015 après votre arrêt de travail.

En effet, et malgré nos demandes répétées depuis cette date et notre attente patiente, nous n'avons pu avoir de réponse de votre part sur l'impossibilité qui est la vôtre de rapporter le matériel de l'entreprise qui vous était confié et que vous ne dites ne plus détenir, sans autre explication.

Cette liste est ci après reproduite...

Vous n'avez pas rapporté ce matériel lors de votre arrêt de travail, ce qui a été gênant, mais le plus grave est qu'à votre reprise vous nous avez dit ne pouvoir le présenter..

Aucune explication ne nous est donnée quant à cette «disparition»..

Or, vous avez contre signé la liste dudit matériel lorsqu'il vous a été remis le 2 avril 2014; votre impossibilité de le rapporter et votre absence d'explication nous amène à constater que vous l'avez détourné, soit cédé sans notre autorisation soit conservé par devers vous. Cela est inacceptable sur le principe: faute de loyauté, la confiance que nous avions en vous est rompue, le contrat de travail n'étant pas exécuté de bonne foi.

Cela est inacceptable également quant à ce qui est demandé à l'ensemble des salariés.

Nous nous réservons par ailleurs de donner toute suite pénale à ce comportement.

D'autre part, votre comportement sur le lieu de travail

A de nombreuses reprises depuis le 28 septembre dernier et notamment les 7, 8, 13 et 20 octobre 2015 votre supérieur sur le chantier vous a trouvé immobile, et a dû intervenir pour vous demander de travail en vous donnant des instructions détaillées et ce pour vous amener à remplir lzs tâches à accomplir de façon immédiate et en suivant ensuite leurs accomplissement, faute de quoi vous cessiez à nouveau de travailler.

Cette attitude n'est pas acceptable alors que les interventions à effectuer sont communiquées par le supérieur sur le chantier en tout début de matinée et pour la journée.

De plus, au-delà de cette passivité dans le travail, il est apparu de façon plus grave encore que vous cessiez également de travailler pour filmer ou prendre en photos vos collègues avec votre téléphone portable.

Ces derniers vous ont demandé de ne pas être l'objet de vos «prise de vue», mais vous avez continué et vos collègues nous ont alertés le 13 et 15 octobre 2015 en contestant de pouvoir ainsi être photographiés ou filmés à leur insu pendant leur travail et en se demandant à quel titre vous y procédiez.. Cela est inacceptable car le respect du droit à l'image d'autrui interdit d'agir ainsi sans l'autorisation de celui qui est pris en photo: de plus ce procédé répété s'est produit à chaque fois su le lieu et pendant les heures de travail où un tel comportement n'a pas lieu d'être.

Etant précisé en outre, comme indiqué précédemment, qu'en ce qui vous concerne, le plus souvent vous n'y exécutiez vos tâches qu'après intervention de votre supérieur alors que vous vous octroyiez le droit de filmer ceux qui remplissaient leurs fonctions.

Cette conduite témoigne de l'absence de toute bonne foi dans l'exécution du contrat de travail et met en cause la bonne marche et le bon fonctionnement de l'entreprise.

Vous en nous avez donné aucune explication, vous enfermant dans un mutisme total, lors de l'entretien du 2 novembre 2015;

Nous avons tenu cependant après ledit entretien à entendre à nouveau votre supérieur de chantier et vos collègues; ils ont non seulement maintenu leurs plaintes et déclarations respectives oralement, mais encore ont entendu de façon très claire les confirmer par écrit; notamment, ils ont été formels quant à leur refus opposé à vos prises de photos et de filmes et ont affirmé de façon très claire que vous aviez poursuivi ces procédés nonobstant leur opposition.

Ainsi, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.»

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Il appartient à l'employeur, qui s'est placé sur le terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et exigeaient la rupture immédiate du contrat de travail ; les motifs invoqués doivent être établis, objectifs, réels, sérieux et vérifiables.

La société Klymcar reproche au salarié de ne pas avoir restitué le matériel mis à sa disposition par l'entreprise lors de son arrêt de travail du 28 août 2014 et de ne pas l'avoir présenté lors de sa reprise, le 28 septembre 2015, sans explication.

Elle produit au débat une liste du matériel, qui a été mis à la disposition du salarié, qui distingue le matériel propre à l'entreprise du matériel personnel du salarié, document contresigné par M. V... le 16 juillet 2014, sans contestation utile de ce dernier.

Elle justifie ainsi, contrairement à ce que soutient à tort le salarié, que ce dernier travaillait également avec du matériel de l'entreprise.

Elle verse au débat le témoignage du chef d'équipe, M. J..., qui affirme que sur le chantier TPS, qui s'est déroulé du 7 au 20 octobre 2015, M. V... empruntait l'outillage de ses collègues; qu'il en a référé à son supérieur hiérarchique, M. F..., qui atteste avoir sommé M. V... de rapporter le matériel lequel a répondu «qu'il ne l'avait pas».

Or, il appartenait au salarié de justifier du sort du matériel mis à sa disposition par l'employeur pour accomplir sa prestation de travail; en s'abstenant de présenter le matériel pour sa restitution , lors de son arrêt de travail, et de fournir des explications sur les raisons pour lesquelles il utilisait le matériel des autres salariés et était dans l'incapacité de le présenter à son employeur, au moment de la reprise, alors qu'il y était sommé par sa hiérarchie, il a commis une faute; le premier grief est en conséquence retenu.

L'employeur reproche au salarié sa passivité sur les chantiers depuis le 28 septembre 2018 et décrit l'immobilité de M. V... en attente des ordres du chef d'équipe.

La cour relève toutefois, comme les premiers juges, que la société Klymcar ne caractérise aucune situation d'insubordination ni une faute particulière du salarié qui effectue le travail dès lors qu'il reçoit les ordres; qu'au surplus, le seul manque d'autonomie et d'initiative reprochés, dans un contexte de reprise de travail, après un an d'arrêt maladie, et alors que la médecine du travail du travail préconise pendant la phase de suite de soins, une aide ponctuelle au salarié, n'est pas de nature à établir sérieusement le grief.

Enfin, M. J..., son chef d'équipe, atteste par un témoignage précis et circonstancié, que pendant ses interruptions de travail, sur le chantier qui s'est déroulé du 7 au 20 octobre 2015, M. V... a pris de manière illicite des photographies de ses collègues et de lui même; qu'il lui a demandé en vain de cesser ce comportement; que ces faits ont été portés à la connaissance de la hiérarchie, qui alertée par les réclamations des salariés, a demandé des explications à M. V... qui ne s'est pas expliqué (attestation F...).

Il s'ensuit que si la cour considère, comme les premiers juges, que l'employeur n'établit pas que les faits reprochés au salarié étaient de nature suffisante pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail et qu'ils rendaient impossible l'exécution du préavis, le fait de n' avoir fourni aucune explication sur la disparation du matériel mis à sa disposition par l'entreprise et d'avoir pris à leur insu ou contre leur gré des photographies de ses collègues sur leur lieu de travail, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La cour infirme en conséquence le jugement déféré et dit que le licenciement de M. V... repose sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné la société Klymcar à verser au salarié les sommes de 546 euros à titre de rappel de salaire, sur la période de mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, ainsi que la somme de 698,05 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Dans le dernier état de ses fonctions, le salaire de référence de M. V... était de 1 821 euros ; eu égard à son ancienneté, son préavis étant d'un mois minimum, il convient de confirmer le jugement qui a justement calculé l'indemnité revenant au salarié à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents.

Le licenciement étant prononcé pour cause réelle et sérieuse, M. V... est débouté, par infirmation du jugement déféré, de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande reconventionnelle

La cour a relevé que l'employeur a justifié du matériel lui appartenant, mis à la disposition du salarié et qu'il n'a pas restitué.

Au regard du document produit signé par le salarié le 16 juillet 2014, le coût du matériel mis à la disposition de M. V... et non restitué, après déduction du matériel propre du salarié et du matériel dénommé «prêt Klymcar» qui a été remis, la société Klymcar est bien fondée à solliciter la somme de 1977, 07 euros en réparation de son préjudice matériel.

La société Klymcar ne justifie pas en revanche du préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation du fait du comportement de son salarié ; elle sera déboutée de toute demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Il n'apparaît pas inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties le montant de ses frais irrépétibles et à leurs dépens.

PAR CES MOTIFS

Le cour,

Confirme le jugement en ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que le licenciement de M.T... V... était sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Klymcar à lui porter et payer la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. V... repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Société Nouvelle Klymcar à payer à M. V... la somme de 3000euros au titre du harcèlement moral ;

Condamne M. T... V... à payer à la Société Nouvelle Klymcar la somme de 1977, 07 euros en réparation de son préjudice matériel ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que chacune des parties assumera la charge de ses propres dépens ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/08601
Date de la décision : 12/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°17/08601 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-12;17.08601 ?
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