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19/02/2020 | FRANCE | N°17/10458

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 19 février 2020, 17/10458


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 19 FEVRIER 2020



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10458 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35IZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 13/01780





APPELANTE



SAS DEVEA

[Adresse 3]

[Localité 4]/F

rance



Représentée par Me Jonathan BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K103







INTIME



Monsieur [F] [H] [U] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1] CAMEROUN



Représenté par Me Oli...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 19 FEVRIER 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10458 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35IZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 13/01780

APPELANTE

SAS DEVEA

[Adresse 3]

[Localité 4]/France

Représentée par Me Jonathan BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : K103

INTIME

Monsieur [F] [H] [U] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1] CAMEROUN

Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 19 juillet 2019

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Un contrat qualifié de « contrat de consultant » a été signé le 15 juillet 2008 par la société Devea et l'«Entreprise X forme juridique représentée par Monsieur Monsieur [U] [R] [F] [H]. Capital social'adresse du siège social'le numéro de SIREN ainsi que le greffe du tribunal auprès duquel la société est immatriculée ci-après dénommée le consultant »

« article 1 : définition

Devea SAS charge le consultant de trouver des entreprises en vue de conclure une ou plusieurs opérations commerciales. Contrairement à l'agent commercial, le consultant ne devra en aucun cas conclure de contrat au nom et pour le compte du donneur d'ordre, les commandes étant directement passées auprès du donneur d'ordre ».

Article 2 : objet du contrat et mission du consultant

Devea SAS confie au consultant la mission du lui rechercher des partenaires commerciaux pour les opérations suivantes :

'création de filiales

'mise en relation avec des partenaires commerciaux

Le consultant peut éventuellement être chargé de négocier les conditions propres à une ou plusieurs commandes. La négociation devra porter sur les points suivants :

'descriptif produit

'prix

'modalité de paiement

'les modalités de livraison

Devea se réserve, toutefois, le droit d'accepter ou de refuser les conditions ainsi négociées par le consultant.

Article 3 : compétence territoriale du consultant

Le consultant accomplira sa mission dans le ressort géographique suivant : continent africain et plus particulièrement les pays de l'Afrique centrale.

Article 7 : commissions

En rémunération de ses services, le consultant adressera à Devea une facture mensuelle de 1000 euros qui regroupe les prestations du consultant et les frais de déplacement.

Article 11 : attribution de juridiction

Tout litige pouvant survenir entre les parties à l'occasion du présent contrat devra être porté devant le tribunal de commerce de Bobigny. »

Le 2 mai 2013, Monsieur [U] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin de voir requalifier la relation contractuelle et obtenir notamment des rappels de salaires et indemnités consécutives à la rupture.

Par jugement du 29 juin 2017, cette juridiction :

's'est déclaré matériellement compétente ;

'a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;

'a fixé le salaire brut mensuel à 1321 euros pour 2008 et 1337,70 euros pour 2009 ;

'a condamné la société SAS Devea à verser à Monsieur [U] [R], les sommes de :

- 1337,70 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 409,74 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 15 juillet 2008 au 16 novembre 2009 ;

- 1337,70 euros à titre de rappel de congés payés ;

- 1337,70 euros à titre de rappel de préavis ;

- 137,70 euros à titre des congés payés sur préavis ;

- 8.025,60 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale

- 100 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

-1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Devea a interjeté appel et sollicite de voir :

- in limine litis

à titre principal,

*constater l'incompétence d'attribution du conseil de prud'hommes pour connaître de la demande formée par Monsieur [U] [R].

*dire que cette demande relève de la compétence du tribunal de commerce de Bobigny.

à titre subsidiaire,

*constater son incompétence territoriale pour connaître de la demande formée par Monsieur [U] [R].

*dire que cette demande relève de la compétence de la juridiction camerounaise et renvoyer en conséquence l'affaire devant la juridiction du travail de Douala

sur le fond

*constater l'absence de lien de subordination entre la société Devea et Monsieur [U] [R]

*appliquer la loi camerounaise au détriment de la loi française

*infirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 29 juin 2017 en ce qu'il a condamné la société Devea aux sommes suivantes :

- 1337,70 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 409,74 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 15 juillet 2008 au 16 novembre 2009 ;

- 1337,70 euros à titre de rappel de congés payés ;

- 1337,70 euros à titre de rappel de préavis ;

- 137,70 euros à titre des congés payés sur préavis ;

- 8.025,60 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale

- 100 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

*débouter Monsieur [U] [R] de ses demandes incidentes,

*le condamner à verser à la société Devea la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [U] [R] sollicite de voir :

*confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour brusque rupture du contrat et sur le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive, du rappel de salaire pour la période du 15 juillet 2008 au 16 novembre 2009, des dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche et de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.

*condamner la société à lui payer les sommes de :

-13 290,21 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 15 juillet 2008 au 16 novembre 2009

- 1329,02 euros à titre de rappel de congés payés ;

- 1337,70 euros à titre pour non-respect de la procédure de licenciement

- 6000 euros à titre de dommages-intérêts pour brusque rupture-3000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale

-1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et 3000 euros en appel.

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 21 mai 2013, et capitalisation des intérêts ;

*ordonner à la société de remettre les documents sociaux (certificat de travail, bulletins de paye, solde de tout compte, attestation pôle emploi) conformes à la décision dans les dans le délai d'un mois suivant la notification de celle-ci ;

*dire qu'à défaut de remise à l'expiration de ce délai, la société devra payer une astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions adressées par voie électronique.

MOTIFS

Sur la compétence de la juridiction prud'homale

La société conclut à l'incompétence de la juridiction prud'homale pour connaître des demandes de [U] [R] au motif que le contrat de consultant a prévu une clause attributive de compétence au tribunal de commerce de Bobigny, que le lieu d'exécution est le Cameroun, que la loi camerounaise est applicable et la juridiction camerounaise compétente.

Pour statuer sur cette exception d'incompétence, il convient au préalable d'examiner si Monsieur [U] [R] était lié à la société Devea par un contrat de travail.

Monsieur [U] [R] conclut à l'illicéité du contrat de consultant au motif qu'il n'est ni inscrit au registre du commerce des sociétés, ni en qualité de travailleur indépendant, qu'il n'est pas auto entrepreneur, qu'il n'a jamais créé ni représenté une société en France ou au Cameroun, qu'il n'a pas de numéro SIREN, qu'il n'existe pas de siège social et qu'il ne dispose pas de capital social.

En effet, aucune pièce ne vient contredire ces allégations d'autant que le contrat ne donne aucune précision sur ces points et mentionne même l'«Entreprise X ».

Par ailleurs, il résulte des nombreux courriels versés aux débats que Monsieur [U] [R] prospectait et prenait de nombreux rendez-vous commerciaux pour le compte de la société Devea de laquelle il recevait des instructions.

À titre d'exemple :

-courriel du 12 août 2008 de la société Devea demandant à Monsieur [U] [R] de lui envoyer un compte rendu précis des visites déjà effectuées et courriel en réponse du même jour de Monsieur [U] [R] lui adressant un compte rendu de visites auprès de plusieurs sociétés....

-courriel du 18 septembre 2009 de la société Devea : « Merci de vous rendre chez Connect informatique pour leur signifier que nous allons porter plainte à l'ambassade de France pour escroquerie si nous ne recevons pas notre règlement' qu'ils nous doivent depuis le mois de janvier 2009' merci de me tenir au courant ».

-courriel du 4 septembre 2008 de Monsieur [U] [R] mentionnant la liste des entreprises visitées au mois d'août 2008 (liste comportant 20 noms)

-courriel du 17 septembre 2008 de Monsieur [U] [R] rendant compte de nombreuses visites.

Monsieur [U] [R] soutient en outre sans être contredit que la société lui a fourni les moyens de travail tels que ordinateur portable - dont elle lui réclamera la restitution lors de la rupture des relations contractuelles - catalogue de produits de la société, brochures, devis et factures proforma pour la promotion des ventes de ses produits.

Monsieur [U] [R] était donc placé dans un lien de subordination à l'égard de celle-ci. Dans son courriel du 16 novembre 2009 mettant fin à la relation contractuelle, elle lui a d'ailleurs annoncé le virement de son « dernier salaire ».

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a requalifié la relation contractuelle en contrat de travail.

La juridiction prud'homale était dès lors compétente, et en particulier, en application de l'article R. 1412'1 dernier alinéa du code du travail, le conseil de prud'hommes de Bobigny, le siège social de la société étant situé dans le ressort de cette juridiction ainsi que le lieu où l'engagement a été contracté.

Sur le rappel de salaire

Monsieur [U] [R] sollicite un rappel de salaire pour la période du 15 juillet 2008 au 16 novembre 2009 au motif que sa rémunération mensuelle de 1000 euros était inférieure au SMIC. Le jugement a à juste titre fixé le salaire brut mensuel à la somme de 1321 euros pour l'année 2008 et de 1337,70 euros pour l'année 2009.

Cependant, Monsieur [U] [R] fait valoir qu'il n'a perçu aucune rémunération pendant certaines périodes et l'employeur ne justifie aucunement de ce règlement. Il convient de faire droit à l'appel incident et d'accorder les rappels de salaire réclamés dont le montant est fixé au dispositif.

Sur la rupture des relations contractuelles

La société a mis fin à la relation contractuelle par courriel du 16 novembre 2009 invoquant un manque de résultat. La réalité de ce motif n'étant pas établie, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que sur le montant des indemnités pour rupture abusive et non-respect de la procédure de licenciement justement apprécié par le conseil de prud'hommes.

Il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte la remise des documents sociaux.

Sur le travail dissimulé

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer une indemnité pour travail dissimulé. En effet, celle-ci s'est délibérément soustraite au paiement des charges sociales afférentes à un travail salarié.

Sur le défaut de visite médicale

Monsieur [U] [R] n'a pas passé de visite médicale d'embauche mais ne justifie pas d'un préjudice ; il sera débouté de cette demande. Le jugement sera infirmé sur ce point

Il est équitable de lui accorder une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré excepté sur le montant des salaires et en ce qu'il a accordé des dommages et intérêts pour défaut de visite médicale ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Devea à payer à Monsieur [U] [R] les sommes de :

-13 290,21 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 15 juillet 2008 au 16 novembre 2009

-1329,02 euros à titre de rappel de congés payés afférents ;

Y ajoutant,

-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne la capitalisation des intérêts judiciaires dans les conditions posées par l'article 1343'2 du Code civil ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Devea aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/10458
Date de la décision : 19/02/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/10458 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-19;17.10458 ?
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