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13/05/2022 | FRANCE | N°17/12884

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 13 mai 2022, 17/12884


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 13 Mai 2022

(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/12884 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4JTA



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Février 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 16/00840





APPELANTE

SAS [8]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Vivien GUI

LLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1804





INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Localité 4]

représentée par M. [W] [J] en vertu ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 13 Mai 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/12884 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4JTA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Février 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 16/00840

APPELANTE

SAS [8]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Vivien GUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1804

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Localité 4]

représentée par M. [W] [J] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre et Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la S.A.S. [8] d'un jugement rendu le 23 février 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à l'URSSAF Île de France.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la S.A.S. [8] a fait appel en février 2014 à une société de travail temporaire pour la réalisation de divers travaux de bâtiment ; que le 28 août 2014, l'inspecteur du recouvrement de l'URSSAF Île de France lui adressait une lettre d'observations au titre de la solidarité financière aux motifs qu'elle n'aurait pas pris les garanties de régularité de la situation de son cocontractant au titre de son devoir de vigilance ; qu'elle recevait une mise en demeure du 1er septembre 2015 pour un montant de cotisations de 163 212 euros ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, elle a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil le 4 juillet 2016 à l'encontre de la décision de rejet qui lui a été notifiée le 3 juin 2016.

Par jugement en date du 23 février 2017, le tribunal a :

- déclaré le recours de la S.A.S. [8] recevable en la forme mais mal fondé ;

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF Île de France en date du 14 avril 2016 ;

- dit qu'au titre de la solidarité financière prévue à l'article L 8222-2 du code du travail, la S.A.S. [8] devra verser à l'URSSAF Île de France la somme de 163 212 euros ;

- débouté la S.A.S. [8] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a relevé que la société n'avait produit l'attestation de vigilance de son sous-traitant qu'après que les inspecteurs le lui aient demandé à trois reprises. Elle n'a pas vérifié la validité du document présenté alors qu'une simple démarche de vérification du numéro de sûreté sur le document permettait de s'en assurer. Le tribunal a relevé que les attestations étaient des faux, les numéros de sécurité correspondant à ceux d'autres entreprises.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 18 octobre 2017 à la S.A.S. [8] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 19 octobre 2017.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.S. [8] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-de-Marne du 23 février 2017 ;

- annuler la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF Île de France du 3 juin 2016 ;

- juger qu'il n'y a pas lieu de mettre en 'uvre la solidarité financière à son encontre pour un montant de 163 212 euros ;

- condamner l'URSSAF Île de France à lui verser la somme de 7 540 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que, deux jours après avoir été informé par l'inspecteur du recouvrement de l'irrégularité de la situation de la société [7] au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, elle a enjoint à la société [7] de faire cesser cette situation ; que dès lors, en application du 2ème alinéa de l'article L. 8222-5 du code du travail, elle ne saurait être tenue solidairement avec la société [7] au paiement des cotisations dues par cette dernière ; qu'elle a eu recours aux services de la société [7] à compter du mois de février 2014 et s'est fait remettre, dès le 25 février 2014 une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations ; qu'un peu moins de quatre mois plus tard, elle s'est fait remettre une nouvelle attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations, datée du 18 juin 2014 ; que ces attestations sont signées par le directeur de l'URSSAF ; qu'elles concernent bien la société [7], située [Adresse 2] à [Localité 6], dont elles mentionnent par ailleurs le numéro SIREN, [N° SIREN/SIRET 3], qui correspond bien à cette société ; que, contrairement à ce qu'indique l'URSSAF, il n'a jamais été démontré que le numéro de sécurité figurant sur ces attestations correspondrait à une autre société que la société [7] ; qu'à ce jour, en entrant le code de sécurité sur le site internet de l'URSSAF, il est simplement précisé que « le numéro correspond à une attestation périmée » ; que cela signifie que les attestations en cause sont aujourd'hui périmées mais ont auparavant été valides ; qu'ainsi, l'URSSAF ne démontre pas que les attestations fournies par la société [7] seraient des faux ; qu'en tout état de cause, elle était dans l'impossibilité de déceler le caractère frauduleux desdites attestations.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF Île de France demande à la cour de :

- débouter la S.A.S. [8] en la déclarant irrecevable ou mal fondée. en toutes ses exceptions, demandes, fins et prétentions, tant principales ou incidentes que subsidiaires ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil rendu le 23 février 2017 ;

y ajoutant,

- condamner la S.A.S. [8] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- lui délivrer la grosse revêtue de la formule exécutoire.

Elle expose que le destinataire de l'attestation doit vérifier la concordance des informations figurant sur le document remis et les informations détenues par l'URSSAF, celles-ci devant correspondre en tous points à l'écrit ; qu'elle démontre qu'il y a bien une procédure informatique de vérification qui est gratuite et ne prend que quelques instants ; que l'organisme invite également à bien conserver une copie de la page internet pour justifier de l'accomplissement de l'obligation de vérification ; que, soumise au secret professionnel, elle ne peut dire à qui correspondent les codes de sécurité des attestations ; que cette information n'apporterait absolument rien aux débats sur la question posée aux Juges ; que la S.A.S. [8] ne veut pas admettre que ses pièces adverses n° 12 et13 n'ont pas été vérifiées par elle, ce qui lui aurait permis de savoir immédiatement à réception qu'il s'agissait de véritables faux en écriture.

SUR CE,

Selon l'article L. 8222-1 du code de la sécurité sociale , toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte :

1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

2° de l'une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.

L'article L 8222-2 du même code énonce que toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :

1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;

2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;

3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.

En application de ces textes, l'article D. 8222-5 du code de la sécurité sociale précise ainsi que : La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution :

1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants :

a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;

b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ;

c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ;

d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription.

Les documents énumérés par l'article D. 8222-5 du code du travail sont les seuls dont la remise permet à la personne dont le cocontractant est établi en France, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, de s'acquitter de l'obligation de vérification mise à sa charge par l'article L. 8222-1.

Dès lors qu'il est constaté qu'une société ne s'est pas fait remettre par son cocontractant les documents mentionnés par le premier de ces textes et qu' elle n'a pas procédé aux vérifications qui lui incombaient en vertu du dernier, elle est tenue à la solidarité financière prévue par l'article L. 8222-2.

Il se déduit des articles précités que l'attestation de solidarité financière doit être délivrée et vérifiée à la signature de chaque contrat et non postérieurement.

L'article D. 243-15 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, précise que :

« Lorsque le cocontractant emploie des salariés, l'attestation prévue à l'article L. 243-15 mentionne l'identification de l'entreprise, le nombre de salariés et le total des rémunérations déclarés au cours de la dernière période ayant donné lieu à la communication des informations prévue au deuxième alinéa du I de l'article R. 133-13.

La contestation des cotisations et contributions dues devant les juridictions de l'ordre judiciaire ne fait pas obstacle à la délivrance de l'attestation. Toutefois, l'attestation ne peut pas être délivrée quand la contestation fait suite à une verbalisation pour travail dissimulé.

L'attestation est sécurisée par un dispositif d'authentification délivré par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales. Le donneur d'ordre vérifie l'exactitude des informations figurant dans l'attestation transmise par son cocontractant par voie dématérialisée ou sur demande directement auprès de cet organisme au moyen d'un numéro de sécurité ».

En la présente espèce, la lettre d'observations du 12 décembre 2014 adressée à la S.A.S. [8] rappelle que dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, un contrôle a été réalisé auprès de la S.A.R.L. [7] dont il est résulté la caractérisation du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

S'agissant de la production des attestations de vigilance, l'inspecteur du recouvrement indique que la S.A.S. [8] n'a pas procédé à la vérification de l'attestation de fourniture des déclarations sociales pour la période du 1er février 2014 au 31 juillet 2014.

En réponse aux observations de la société, les inspecteurs du recouvrement répliquent que l'attestation en cause n'a été produite qu'à la troisième demande, que le président de la S.A.S. [8] ne sait pas si la vérification a été réalisée et que si la vérification avait été effectuée, la société se serait aperçue du fait que le numéro de sûreté correspondait à celui d'une autre entreprise.

En l'espèce, la S.A.S. [8] ne démontre pas avoir réalisé la vérification de l'attestation datée du 25 février 2014 qui lui a été remise en application des dispositions de l'article D. 8222-5 du code du travail et de l'article D. 243-15 du code de la sécurité sociale, antérieurement ou concomitamment à la signature des contrats avec la S.A.R.L. [7], ni de celle du 18 juin 2014 au jour de la signature des contrats ou à un temps proche de leur remise. En effet, la preuve de la tentative de vérification ne résulte que d'une démarche effectuée le 19 juin 2016, comme cela résulte de la recherche par code de sécurité, soit postérieurement au contrôle et qui n'a pu aboutir au regard du caractère périmé des attestations litigieuses.

Il en résulte que faute d'avoir procédé à la vérification des attestations qui ont été remises, la S.A.S. [8] a failli à son obligation de vigilance, sans qu'il ne soit besoin de s'attacher plus avant au contenu de la vérification à opérer par le donneur d'ordre.

Le fait d'avoir cessé sa collaboration après avoir été avertie de ce que son cocontractant effectuait du travail dissimulé par dissimulation d'emploi ne l'exonère pas de la solidarité financière, les dispositions invoquées de l'article L 8222-5 alinéa 1er n'étant applicables qu'aux sociétés qui avaient procédé aux vérifications qui leur incombaient au moment de la signature des contrats.

La S.A.S. [8] est donc tenue solidairement des cotisations omises au regard de la constitution du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié de son co-contractant, dont elle ne discute pas la réalité.

Le montant des cotisations appelées n'est pas discuté et la société ne formule aucune autre critique des chefs du jugement.

Celui-ci sera donc confirmé.

La S.A.S. [8], qui succombe, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement au profit de l'URSSAF Île de France d'une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement rendu le 23 février 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil ;

Y ajoutant

CONDAMNE la S.A.S. [8] à payer à l'URSSAF Île de France la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la S.A.S. [8] aux dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/12884
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;17.12884 ?
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