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31/05/2023 | FRANCE | N°19/09496

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 31 mai 2023, 19/09496


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 31 MAI 2023

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09496 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUIQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - Section Activités diverses - RG n°F14/00436





APPELANTE



ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION

AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Jean-Charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉS



Monsieur [Z] [O]

[Adresse 1]

[Local...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 31 MAI 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09496 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUIQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - Section Activités diverses - RG n°F14/00436

APPELANTE

ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Monsieur [Z] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Aurélie BOUSQUET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 214

Me [E] [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL IMPEC SÉCURITÉ FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC143

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Indiquant être lié par un contrat de travail à durée indéterminée verbal avec la société Impec Sécurité France à compter du 1er septembre 2012 en qualité d'agent de sécurité, M. [Z] [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de ladite société suivant courrier daté du 1er août 2013.

Par jugement du 2 octobre 2013, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société Impec Sécurité France et désigné la société SMJ en qualité de liquidateur.

M. [O] a saisi la juridiction prud'homale le 13 février 2014.

Suivant jugement du 10 février 2016, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif des opérations de liquidation judiciaire de la société Impec Sécurité France et désigné la société SMJ en qualité de mandataire ayant pour mission de poursuivre les instances en cours et de répartir les sommes perçues à l'issue de celles-ci.

Suivant jugement du 17 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de Créteil a :

- dit que la rupture est imputable à la société Impec Sécurité France,

- fixé au passif de la société Impec Sécurité France les sommes suivantes :

- rappel de salaire de mars à juillet 2013 : 7 128,50 euros,

- congés payés afférents : 712,85 euros,

- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 8 554,20 euros,

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 425,70 euros,

- indemnité de préavis : 1 425,70 euros,

- congés payés afférents : 142,57 euros,

- dit que l'AGS CGEA Ile de France Est devra garantir la créance de M. [O] conformément aux dispositions des articles L. 3253-6 du code du travail dans les limites de la garantie prévue par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

- ordonné la remise des documents sociaux conformes,

- débouté M. [O] du surplus de ses demandes.

Par déclaration du 21 décembre 2016, l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Est a interjeté appel du jugement.

Suivant arrêt du 20 juin 2018, la cour a :

- révoqué l'ordonnance de clôture,

- invité l'AGS CGEA IDF Est à communiquer le jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 10 février 2016, à défaut, la décision de nomination d'un mandataire ad hoc de la société Impec sécurité France, et à régulariser ses écritures suivant cette nomination,

- fixé le calendrier de procédure suivant :

- dit que l'AGS CGEA IDF Est devra communiquer ses conclusions et pièces au plus tard le 15 octobre 2018,

- dit que M. [Z] [O] devra communiquer ses conclusions et pièces au plus tard le 15 février 2019,

- dit que M. [Z] [O] et l'AGS CGEA IDF Est devront faire signifier par acte d'huissier de justice leurs conclusions et pièces au représentant de la société Impec sécurité France aux dates susvisées et en justifier auprès de la cour,

- fixé la date de clôture au 5 mars 2019 à 10 heures,

- fixé la date de plaidoirie à l'audience du 11 avril 2019 à 9 heures en rapporteur,

- réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par ordonnance du 11 avril 2019, le magistrat de la cour d'appel chargé d'instruire l'affaire a :

- ordonné la radiation de l'affaire du rôle de la cour,

- dit qu'elle pourra être rétablie au vu de la communication par l'AGS de la décision de nomination d'un mandataire ad hoc de la société Impec Sécurité France,

- dit que ces diligences sont prescrites à peine de péremption de l'instance.

L'AGS a sollicité le rétablissement de l'affaire par courrier reçu le 9 septembre 2019 en communiquant à la cour le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 10 février 2016.

Par ordonnance du 23 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Créteil a nommé Maître [R], mandataire judiciaire, en remplacement de la société SMJ dans les dossiers pour lesquels elle agissait en qualité de mandataire.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 juin 2022, l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Est demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- constater que M. [O] ne justifie pas de sa qualité de salarié et le débouter de ses demandes,

- à titre subsidiaire, constater qu'il ne justifie pas avoir pris acte de la rupture de la relation de travail dès lors que la lettre de prise d'acte n'est pas parvenue à la société,

- dire en conséquence qu'il ne justifie pas pouvoir prétendre au paiement des indemnités de rupture,

- dire que l'AGS ne doit pas sa garantie au titre desdites indemnités par application de l'article L. 3253-8 du code du travail,

- constater que l'intimé ne justifie pas être resté à disposition de la société et le débouter de sa demande de rappel de salaires,

- débouter l'intimé de sa demande d'heures supplémentaires et de repos compensateur afférent, le décompte produit n'étant pas fiable et entaché d'erreur, et ne pouvant en tout état de cause suffire de preuve contre un tiers à la relation de travail,

- en tout état de cause, donner acte à l`AGS qu'e1le ne procède à la garantie et à l'avance des créances de l'artic1e L. 3252-6 du code du travail que dans les termes et conditions des articles L. 3253-8, L. 3253-17 et suivants du code du travail,

- dire en conséquence qu'elle ne saurait être appelée à garantir les sommes éventuellement allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des astreintes,

- dire que le cours des intérêts a été arrêté par le jugement d'ouverture de la procédure collective et dire n'y avoir lieu de prononcer leur capitalisation,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 mars 2023, M. [O] demande à la cour de :

in limine litis,

- déclarer acquise la péremption d'instance d'appel et constater l'extinction de l'instance,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur et, statuant à nouveau de ces chefs,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire les sommes suivantes :

- rappel d'heures supplémentaires de septembre 2012 à février 2013 : 8 791,35 euros,

- congés payés afférents : 8 791,35 euros,

- indemnité compensatrice de repos compensateur d'août 2012 à janvier 2013 : 2 434,60 euros,

- rappel de salaire de mars à juillet 2013 : 7 128,50 euros,

- congés payés afférents : 712,85 euros,

- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 8 554,20 euros,

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 425,70 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 1 425,70 euros,

- congés payés afférents : 142,57 euros,

- ordonner la remise des documents sociaux conformes,

- déclarer le jugement à intervenir opposable à l'AGS,

- condamner Maître [R], liquidateur judiciaire, aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 mars 2023, Maître [R], ès qualités, demande à la cour de :

- constater l'absence de péremption d'instance,

- prendre acte de son intervention volontaire en qualité de mandataire de la société Impec Sécurité France,

à titre principal,

- dire qu'il n'existe aucun contrat de travail entre M. [O] et la société Impec Sécurité France,

- infirmer le jugement, débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes et le condamner aux entiers dépens,

à titre subsidiaire,

- dire que la prise d'acte de rupture produit les effets d'une démission,

- infirmer le jugement, débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes et le condamner aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée le 6 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 6 mars 2023.

MOTIFS

Sur la péremption de l'instance

L'intimé soutient que la péremption de l'instance est acquise en ce qu'elle a fait l'objet d'une radiation à l'audience du 11 avril 2019, qu'au cours de cette instance, le mandataire judiciaire n'avait pas cru utile de se constituer intimé dans la cause, que l'affaire a été réintroduite le 9 septembre 2019, que l'avocat constitué pour le compte du mandataire judiciaire le 12 mars 2020 n'a communiqué aucune conclusion, que par ordonnance du 23 mars 2021, Maître [R] a été désigné en remplacement de la société SMJ et que ce n'est que par conclusions du 6 février 2023, que le mandataire a conclu, soit près de trois ans après sa constitution. Il en déduit qu'en l'absence de diligence accomplie par le conseil du mandataire judiciaire dans un délai de deux ans à compter de sa constitution, la péremption de l'instance d'appel est acquise depuis le 12 mars 2022.

Maître [R] réplique que si la société SMJ a constitué avocat le 12 mars 2020, ladite société a ensuite été dissoute compte tenu du fait que Maître [L] [M] a fait valoir ses droits à la retraite et que, dans ces conditions, il a été désigné en remplacement de la société SMJ par ordonnance du tribunal de commerce de Créteil en date du 23 mars 2021, cette ordonnance étant un acte interruptif d'instance. Il précise qu'il a conclu en intervention volontaire et au fond le 6 février 2023, soit dans le délai de 2 ans à compter du 23 mars 2021, date de sa nomination, et que, compte tenu des diligences ainsi accomplies, la péremption d'instance n'est pas acquise.

Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

En l'espèce, étant observé que suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Créteil en date du 23 mars 2021, Maître [R], mandataire judiciaire, a été nommé en remplacement de la société SMJ dans les dossiers pour lesquels celle-ci agissait en qualité de mandataire, il apparaît que Maître [R], ès qualités, a transmis par voie électronique le 6 février 2023 des conclusions d'intervention volontaire et au fond, soit dans le délai de 2 ans courant à compter de la date de sa nomination, le fait que Maître [R] ait fait le choix de désigner le même conseil que la société SMJ, ancien mandataire, et que ce conseil n'ait pas communiqué de conclusions pour le compte de la société SMJ suite à sa constitution le 12 mars 2020 étant sans incidence de ce chef compte tenu de l'ordonnance précitée du président du tribunal de commerce de Créteil du 23 mars 2021.

Au vu de ces éléments, la cour constate l'intervention volontaire de Maître [R], ès qualités, ainsi que l'absence de péremption de l'instance.

Sur l'existence d'un contrat de travail

L'AGS et le mandataire judiciaire font valoir que les seuls éléments produits par l'intimé sont insuffisants pour caractériser l'existence d'un contrat de travail.

L'intimé réplique qu'il exerçait une activité d'agent de sécurité, qu'il recevait des plannings ou des instructions de se rendre sur les sites dont il assurait le gardiennage et qu'il était donc sous le contrôle de son employeur, qu'une fois sur les lieux, il recevait des instructions du chef de poste, autre salarié de la société, auquel il rendait compte de l'exécution de sa mission et qu'ainsi son travail le plaçait sous la subordination de la société et l'insérait dans un ensemble organisé de personnel et de moyens dont il était une des composantes, l'examen de ses relevés bancaires révélant qu'il recevait des revenus de la société. Il souligne apporter la preuve irréfutable de la réalité de la relation contractuelle avec l'employeur en ce qu'il produit des bulletins de salaire, ces différents éléments démontrant qu'il a bien travaillé pour le compte de ladite société en qualité de salarié.

Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération, le lien de subordination étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

En outre, il sera rappelé que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Enfin, il résulte des articles 1315 devenu 1353 du code civil et L. 1221-1 du code du travail, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve, étant précisé que la délivrance de bulletins de paie crée l'apparence d'un contrat de travail.

En l'espèce, si l'AGS et le mandataire judiciaire contestent la qualité de salarié de l'intimé, au vu des différentes pièces versées aux débats par ce dernier et notamment des bulletins de paie établis par la société au nom de l'intéressé pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2012 (lesdits bulletins de paie faisant état d'une date d'ancienneté au 1er septembre 2012) ainsi que des relevés de compte bancaire afférents à la même période faisant état de virements à son profit de la part de la société, il apparaît que l'intéressé établit l'existence d'un contrat de travail apparent.

Au vu des seuls éléments produits en réplique par l'AGS et le mandataire judiciaire et, mises à part leurs propres affirmations de principe sur l'absence de qualité de salarié de l'intimé, il apparaît qu'ils ne rapportent pas la preuve du caractère fictif du contrat de travail litigieux, le jugement devant dès lors être confirmé en ce qu'il a reconnu l'existence d'un contrat de travail liant M. [O] et la société Impec Sécurité France à compter du 1er septembre 2012.

En application des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, la société Impec Sécurité France apparaissant s'être intentionnellement soustraite à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, il convient d'accorder à l'intimé, sur la base d'un salaire mensuel de référence de 1 425,70 euros, une indemnité pour travail dissimulé d'un montant de 8 554,20 euros, et ce par confirmation du jugement.

S'agissant de la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période courant de mars à juillet 2013, il sera rappelé qu'en application des dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail et de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, il est établi que l'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition et, qu'en cas de litige relatif au paiement des salaires, il revient à l'employeur de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.

En l'espèce, l'intimé apparaissant avoir été régulièrement rémunéré jusqu'au mois de janvier 2013 inclus ainsi que cela résulte des bulletins de paie et des relevés de compte précités, la cour relève que, s'agissant de la période postérieure courant de février à juillet 2013, il résulte du relevé de carrière détaillée produit par l'AGS que l'intéressé a travaillé pour le compte de la société Luxant Security Ile de France du 1er janvier au 9 septembre 2013 ainsi que pour le compte de la société Cave Canem Gardiennage du 1er mars au 30 novembre 2013, lesdits éléments permettant d'établir que l'intimé ne s'est pas tenu à la disposition de son employeur pour effectuer un travail au titre de la période litigieuse.

Dès lors, il convient de débouter l'intimé de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période courant de mars à juillet 2013, et ce par infirmation du jugement.

Sur les heures supplémentaires

L'intimé indique avoir accompli régulièrement des heures supplémentaires qui n'ont été ni déclarées ni rémunérées.

L'AGS et le mandataire judiciaire répliquent que l'intimé formule sa demande d'heures supplémentaires en se fondant sur un relevé manuscrit d'heures, que ces mentions ne reflètent que l'amplitude horaire et non le temps de travail et que ledit relevé est entaché d`erreurs et ne saurait servir de fondement à une condamnation, l'intéressé s'abstenant d'apporter un préalable de preuve d'heures supplémentaires pour que l'employeur puisse y apporter une contradiction.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, au vu des pièces communiquées par l'intimé et notamment des bulletins de paie, des relevés journaliers d'heures et du décompte précis et détaillé des heures supplémentaires réclamées au titre de la période litigieuse, il apparaît que l'intéressé présente à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il indique avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'AGS et le mandataire judiciaire se limitant en réponse à contester les demandes formées par l'intimé et à critiquer les pièces produites par ce dernier, la cour relève qu'ils ne fournissent donc pas d'éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par l'intéressé.

Dès lors, étant rappelé qu'il résulte des développements précédents que la cour a retenu que l'intimé ne s'était plus tenu à la disposition de son employeur postérieurement au mois de janvier 2013, au vu de l'ensemble des éléments précités et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, la cour retient la réalisation d'heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié, dans une moindre mesure toutefois qu'allégué, et accorde à l'intéressé la somme totale de 2 000 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 200 euros au titre des congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement.

Compte tenu du seul volume d'heures supplémentaires retenu, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté l'intimé de ses demandes au titre du repos compensateur pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires.

Sur la prise d'acte

L'AGS soutient que l'intimé ne justifie pas avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail en ce que la lettre recommandée n'a pas touché l'employeur qui n'en a donc pas eu connaissance, la prise d'acte n'ayant donc produit aucun effet.

Le mandataire fait valoir que les griefs reprochés à la société ne sont soit pas fondés, soit pas justifiés, le doute profitant à l'employeur en cette matière, soit inopérants pour juger que la prise d'acte de rupture produirait les effets d'un licenciement abusif, celle-ci devant uniquement produire les effets d'une démission.

L'intimé réplique que le manquement de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles est caractérisé par la non-fourniture de travail depuis le 1er mars 2013, l'absence de paiement de la totalité des heures de travail effectuées et notamment des heures supplémentaires, le défaut d'information sur le droit au repos compensateur ainsi que le non-paiement des salaires de février à juillet 2013. Il souligne avoir adressé sa prise d'acte par lettre recommandée avec accusé de réception le 1er août 2013, le fait que la société n'ait pas cru devoir recevoir ce courrier ne pouvant lui être reproché.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, les faits invoqués par le salarié devant être établis et constituer des manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

La fourniture du travail et le paiement de la rémunération convenue constituent des obligations essentielles de l'employeur, dont la violation justifie une prise d'acte de la rupture ou une action en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

En l'espèce, il sera tout d'abord relevé que l'intimé justifie de l'envoi de son courrier de prise d'acte par lettre recommandée avec avis de réception du 1er août 2013, celle-ci ayant été régulièrement envoyée à l'adresse du siège social de la société Impec Sécurité France.

Au vu de l'ensemble des développements précédents, l'employeur ayant manqué à ses obligations en matière d'accomplissement des formalités relatives à la déclaration préalable à l'embauche, de fourniture du travail et de paiement de l'intégralité de la rémunération, lesdits manquements apparaissant, compte tenu de leur réitération ainsi que de leur persistance durant la période litigieuse, d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour confirme le jugement en ce qu'il a retenu que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

S'agissant des indemnités de rupture, en application des dispositions du code du travail et sur la base de la rémunération de référence précitée de 1 425,70 euros, la cour confirme le jugement en ce qu'il a accordé à l'intimé la somme de 1 425,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (correspondant à un préavis d'une durée d'un mois compte tenu d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans) outre 142,57 euros au titre des congés payés y afférents.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans leur version applicable au litige, eu égard à l'ancienneté dans l'entreprise (1 an), à l'âge du salarié (32 ans) et à la rémunération de référence précitée lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des seuls éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, la cour confirme le jugement en ce qu'il a accordé à l'intimé la somme de 1 425,70 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise à l'intimé de documents sociaux conformes.

Compte tenu de la date de la rupture du contrat de travail, les créances de l'intimé seront garanties par l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Est, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail.

En application de l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts au taux légal cessent de produire effet à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective.

Enfin, il convient de fixer les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Constate l'intervention volontaire de Maître [R] en qualité de mandataire judiciaire de la société Impec Sécurité France ;

Constate l'absence de péremption de l'instance ;

Infirme le jugement en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Impec Sécurité France les sommes de 7 128,50 euros à titre de rappel de salaire de mars à juillet 2013 outre 712,85 euros au titre des congés payés y afférents et en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [O] de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période courant de mars à juillet 2013 ;

Fixe la créance de M. [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société Impec Sécurité France aux sommes de 2 000 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 200 euros au titre des congés payés y afférents ;

Rappelle que les intérêts au taux légal cessent de produire effet à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Dit que les créances de M. [O] seront garanties par l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Est, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;

Fixe les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la société Impec Sécurité France.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/09496
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;19.09496 ?
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