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06/03/2024 | FRANCE | N°21/04760

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 06 mars 2024, 21/04760


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 06 MARS 2024



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04760 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYCC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL





APPELANTE



Madame [J] [X]

Née le 28 avril 1978 à [Local

ité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Véronique MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : C 956







INTIMEE - APPELANTE INCIDENT



S.A.R.L. AV INDUSTRY Prise en la personne de s...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 06 MARS 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04760 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYCC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL

APPELANTE

Madame [J] [X]

Née le 28 avril 1978 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Véronique MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : C 956

INTIMEE - APPELANTE INCIDENT

S.A.R.L. AV INDUSTRY Prise en la personne de son représentant légal

N°SIRET : 452 455 9833

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Christine LUSSAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0271

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne MENARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Anne MENARD, présidente

Fabienne ROUGE, présidente

Véronique MARMORAT, présidente

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne MENARD, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [X] a été engagée par la société AV Industry le 16 janvier 2017 en qualité de commerciale grands comptes.

Elle a été licenciée pour faute grave le 17 septembre 2019, la lettre de licenciement évoquant sa démotivation, son inertie et son inaction dans le suivi de ses dossiers et dans l'élaboration d'un plan d'action.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil le 27 janvier 2020.

Par jugement en date du 23 mars 2021, le conseil a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et condamné la société AV Industry au paiement des sommes suivantes :

3.756,93 euros à titre de rappel de salaire du 28 août au 17 septembre 2019,

375,69 euros au titre des congés payés afférents,

1.458,39 euros au titre du rappel de jours de repos,

780,46 euros au titre des heures supplémentaires,

78,04 euros au titre des congés payés afférents,

10.548 euros à titre d'indemnité de préavis,

1.054,80 euros au titre des congés payés afférents,

3.191,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

1.300 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [X] a interjeté appel de cette décision le 26 mai 2021.

Par conclusions récapitulatives du 13 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, elle demande à la cour :

- de confirmer le jugement sur les condamnations suivantes :

3.756,93 euros à titre de rappel de salaire du 28 août au 17 septembre 2019,

375,69 euros au titre des congés payés afférents,

1.458,39 euros au titre du rappel de jours de repos,

10.548 euros à titre d'indemnité de préavis,

1.054,80 euros au titre des congés payés afférents,

3.191,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- de l'infirmer pour le surplus, et de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

182,03 euros au titre de la journée de solidarité apparaissant sur le bulletin de paie de septembre 2019,

6.568,81 euros au titre des heures supplémentaires entre le 16 janvier 2017 et le 28 août 2019,

656,88 euros au titre des congés payés afférents,

12.324,53 euros à titre de rappel de prime d'objectif de l'année 2018 et 1.232,45 euros au titre des congés payés afférents,

6.412,39 euros à titre de rappel de prime d'objectif du premier semestre de l'année 2019 et 641,23 euros au titre des congés payés afférents,

1.394,75 euros à titre de rappel de prime d'objectif des mois de juillet et août 2019 et 139,47 euros au titre des congés payés afférents,

2.100 euros à titre de prime d'équipe des années 2017 à 2019 et 210 euros au titre des congés payés afférents,

6.273,19 euros à titre de rappel des indemnités de congés payés des années 2017, 2018 et 2019,

1.435,41 euros à titre de solde de congés payés de l'année 2019.

60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au visa des articles L. 1152-3 et L. 1235-3-1 du Code du travail, et en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse au visa de l'article L. 1235-3 du Code du travail,

80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral au visa de l'article L. 1152-1 du Code du travail,

6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives du 3 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société AV Industry demande à la cour d'infirmer le jugement sur les condamnations prononcées, de le confirmer pour le surplus, de débouter madame [X] de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

- Sur la journée de solidarité

Madame [X] sollicite le remboursement de la somme déduite de ses salaires au titre de la journée de solidarité, alors selon elle qu'elle l'a prise au mois de juin 2019.

Toutefois, comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, aucune somme n'apparaît en regard de la ligne 'déduction un repos pour journée de solidarité', de sorte qu'il ne sera pas fait droit à ce chef de demande.

- Sur les jours de repos

Madame [X] produit le relevés de ses jours de récupération, lesquels n'ont pas tous été reportés sur ses bulletins de paie, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à ce chef de demande.

- Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, madame [X] se contente de produire un relevé du nombre d'heures supplémentaires qu'elle indique avoir réalisé semaine par semaine, sans donner la moindre indication sur ses horaires de travail, ni même sur son nombre d'heure de travail par jour, étant souligné qu'elle était rémunérée pour 40 heures de travail par semaine, conformément à son contrat de travail. Elle produit des notes de frais qui attestent de l'existence de déplacements, sans pour autant indiquer en quoi ces déplacements entraînaient la réalisation d'heures supplémentaires, étant par ailleurs souligné qu'elle a bénéficié au titre de ces déplacements de journées de récupération (16 en 2018 suivant son propre décompte).

Les éléments produits sont insuffisamment précis pour permettre à l'employeur de présenter ses propres éléments. Ce dernier produit néanmoins la copie de l'agenda de la salariée pour l'année 2019 qui ne permet pas d'observer la réalisation d'heures supplémentaires.

Compte tenu de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait partiellement droit à la demande au titre des heures supplémentaires.

- Sur la prime d'objectif

Le contrat de travail prévoit le versement d'une prime représentant 0,5% du chiffre d'affaires réalisé pour une atteinte de 100% des objectifs, et 1% du chiffre d'affaires pour une atteinte de 120% de l'objectif. Toutefois, il est stipulé que la part du chiffre d'affaires de la société Son Vidéo Distribution est plafonnée à 70% du montant global du chiffre d'affaires.

Madame [X] sollicite des rappels de prime pour 2018 et 2019 sur la base de 1% du CA réalisé.

Pour l'année 2018, elle fait état d'un chiffre d'affaires de 2.470.953,37 euros alors que son objectif était de 2.242.000, de sorte qu'elle l'a réalisé, mais n'a pas atteint les 120% lui permettant de prétendre à une prime majorée.

Pour l'année 2019, elle ne produit ni la notification de ses objectifs permettant d'en déterminer le calcul, ni les éléments permettant de déterminer la part de son chiffre d'affaires qui provient de la société Son Vidéo Distribution.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à ces chefs de demande.

- Sur la prime d'équipe

Aucune prime d'équipe n'est prévue par le contrat de travail, et madame [X] ne donne aucun élément sur le fondement de cette demande, non plus que sur son calcul

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'en a déboutée.

- Sur les indemnités de congés payés

Madame [X] fait état d'irrégularité relatives au congés payés sans donner aucune précision, et en se référant à un tableau inintelligible.

L'employeur de son côté donne le détail jour par jour des congés payés pris par la salariée, qui démontre qu'elle a été remplie de ses droits à cet égard.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à ce chef de demande.

- Sur la demande de nullité du licenciement

Madame [X], sans former aucune demande au titre de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime, fonde sa demande de nullité du licenciement sur le fait qu'elle aurait dénoncé de tels faits à son employeur, ce qui serait à l'origine de la procédure.

Elle expose qu'elle subissait une pression importante de sa hiérarchie relative à ses résultats, et que deux réunions ont été organisées au cours de l'été 2019 pour en discuter; que la première, le 23 juillet 2019, s'est très bien déroulée, mais que la seconde, qui s'est déroulée le 22 août 2019, a été particulièrement houleuse, et que le directeur de la société monsieur [F] lui aurait dit que 'si tu ne comprends pas ça c'est que tu es conne'. Elle soutient que ces propos ont été reconnus par monsieur [F] qui s'en est excusé lors de l'entretien préalable, comme en témoignerait la conseillère du salarié qui l'accompagnait.

La cour observe qu'il ne ressort pas du compte rendu d'entretien préalable ni d'aucune autre pièce produite que monsieur [F] ait reconnu avoir tenu des propos insultant, mais seulement qu'il s'est excusé de propos non compris ou prononcés qui ont donné à madame [X] le sentiment d'être harcelée. Il n'est pas justifié d'autres éléments, de sorte que le ton excessivement vif de l'entretien du 22 août 2019 ne peut être qualifié à lui seul de harcèlement moral.

Mais en tout état de cause, madame [X] qui soutient qu'elle aurait été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, ne justifie nullement d'une telle dénonciation, tout au moins avant le jour de l'entretien préalable, date à laquelle la procédure était déjà engagée, de sorte qu'elle ne trouve de toute évidence pas son origine dans cette dénonciation.

Dans ces conditions, il n'apparaît pas que son licenciement soit la conséquence de la dénonciation de faits de harcèlement moral, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à sa demande de nullité.

- Sur le motif du licenciement

En vertu des dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En vertu des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur;

La motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée dans les termes suivants :

'Je vous rappelle que vous occupez au sein de la société, le poste de commerciale grands comptes.

A ce titre, vous êtes notamment chargée de la prospection et du suivi des grands comptes clients et vous devez participer à la détermination de la stratégie commerciale de l'entreprise.

Or nous devons déplorer de nombreux manquements dans l'exercice de vos missions.

Ainsi et sans que cette liste soit exhaustive :

- Vous n'avez pas procédé, et il s'agit d'une abstention fautive, au référencement de nos produites auprès de la centrale ADE et ce alors même que ce référencement vous a été demandé en avril 2019 et que vous saviez que vous aviez à le faire suite au rendez vous chez ce client qui s'est tenu le 27 mars dernier, rendez-vous auquel j'étais présent.

Votre inertie à ce titre est inacceptable et ce d'autant plus que la centrale ADE est pour la société une centrale importante, représentant de nombreux comptes, ce que vous ne pouvez pas ignorer.

Ce dernier nous a d'ailleurs relancé le 30 août dernier de manière désagréable, je le cite:

'depuis le mois de mai, et malgré ma venue dans vos locaux et de multiples rappels, je n'ai jamais eu de retour de la part de [J] sur une matrice AVI complète... Nous en sommes restés à Elipson et ce qui est plus grave c'est que je n'ai rien pour les écrans. Je t'avoue avoir renoncé à demander sans cesse la même chose'.

Aucune explication à votre absence de réaction !

Il en est de même avec le client Pro et Cie qui m'a fait part de cette situation, en rappelant d'ailleurs qu'il était désormais trop tard pour rajouter des marques supplémentaires pour le bon de commande du salon qui s'est tenu la semaine passée.

- Votre inertie s'est également manifestée dans le cadre du suivi du client Fnac Darty, client stratégique pour l'entreprise et qui est le client numéro 1 en termes de volume sur votre secteur.

Certains de nos produits ne sont toujours pas référencés et ce alors même que monsieur [G] vous a adressé une relance par courriel du 20 août dernier, à laquelle vous vous êtes délibérément abstenue de donner suite.

- De même vous n'avez entamé aucune réflexion ni à fortiori bâti aucun plan d'action consécutivement à la baisse d'activité sur votre secteur.

En effet, si l'on excepte SON VIDEO DISTRIBUTION, une société qui fait partie de notre groupe et qui n'est donc pas à prendre en compte, il a été fait le constat d'une baisse globale du chiffre d'affaires réalisé par votre intermédiaire de près de 24%.

Il fallait donc réfléchir à une stratégie de conquête de nouveaux clients et de développement des clients actuels.

C'est dans cette perspective que monsieur [G] vous a alertée à plusieurs reprises aux mois et mai et juin derniers sur les actions en ce sens que vous envisagiez de mener.

Vous n'avez apporté aucune réponse à ses courriels en ce sens.

Nous espérions néanmoins qu'à l'occasion de la réunion de synthèse du 22 août dernier, vous auriez préparé un plan d'action et que vous aviez des propositions à nous soumettre.

Il n'en a rien été puisque vous êtes venue 'les mains dans les poches' en ayant manifestement aucune intention de vous intéresser à la question.

Ce n'est pas acceptable.

C'est d'autant plus inacceptable que vous n'envisagiez même pas de vous remettre en cause et d'exercer convenablement les missions qui sont les vôtres ; vous n'avez d'ailleurs pas hésité à me dire à l'occasion de notre entretien du 22 août dernier que j'étais je cite 'chiant', alors que je vous demandais simplement de faire votre travail !

Cette familiarité insultante ne peut être admise encore moins d'une collaboratrice qui fait preuve de manquements répétés dans l'exercice de ses fonctions.

Il apparaît qu'en réalité, vous avez purement et simplement cessé de travailler.

Vous nous avez d'ailleurs remis à l'occasion votre convocation à l'entretien préalable la liste de vos rendez-vous : ils sont au nombre de 4 jusqu'au 27 septembre prochain, ce qui traduit une insuffisance d'activité manifeste.

Il y a d'ailleurs une incohérence entre votre agenda très pauvre en rendez-vous professionnels et votre présence effective dans les locaux de l'entreprise.

Manifestement vous n'êtes pas toujours à l'extérieur pour des rendez-vous clients.

Nous avons pu constater également que vous ne traitez que très partiellement les courriels qui vous sont adressés ; vous laissez en fait délibérément sans réponse toute une série de demandes qui vous sont faites, qu'elles émanent soit de collaborateurs de l'entreprise, soit de clients ou prospects.

A cet égard et lors de l'entretien préalable, vous n'avez apporté aucune explication à votre comportement, vous contentant d'indiquer que vos objectifs étaient atteints ; or vous prenez en compte le chiffre d'affaires réalisé avec SON VIDEO DISTRIBUTION, alors que nos reproches portent sur le traitement des autres clients de votre portefeuille et sur votre volume d'activité.

Notre collaboration ne peut donc pas se poursuivre et la situation impose qu'il soit mis fin de manière immédiate et sans préavis à notre collaboration'.

Il convient d'examiner les différents griefs :

En ce qui concerne le client ADE, l'employeur produit le courriel qui est cité par la lettre de licenciement, aux termes duquel ce client fait état de relance qu'il aurait envoyées en vain. Madame [X] indique en premier lieu que ce client ne fait pas partie de son portefeuille. Elle produit les mails par lesquels sont manager fait le point avec elle sur son chiffre d'affaires, dont il ressort qu'il n'apparaît pas sur la liste de ses clients. En outre, le mail de monsieur [Y], qui fait référence à une conversation de la veille, a été adressé après la mise à pied de madame [X], de sorte que sa spontanéité doit être regardée avec prudence.

Les mêmes observations peuvent également s'appliquer au mail de monsieur [U] dans le dossier Pro et Cie, qui ne fait pas non plus partie des clients listés par le manager de madame [X], le mail ayant lui aussi été adressé dans les jours qui ont suivi la mise à pied de la salariée.

Pour autant, il ressort des pièces versées par l'employeur que dès le mois de mai 2019, le manager de madame [X], monsieur [G], a attiré son attention sur son chiffre d'affaires en baisse, et l'a interrogée sur les solutions qu'elle entendait mettre en oeuvre.

Il lui a écrit le 15 mai 2019 'Je te confirme également avec mes dernières remarques, il y a deux mois, que le CA reste décevant sur le secteur quand on observe le montant des CA facturés sur les comptes dont tu assures le suivi et qui ont très peu évolué depuis le début de l'année. Quelles sont tes remarques et suggestions sur ton CA pour y remédier au plus vite'.

Madame [X] a répondu le 17 mai 2019, après avoir été relancée, 'J'ai bien pris note de ton mail. A première vue le CA de VP n'est pas bon (...). Je ne manquerai pas de vous répondre avec précision'.

Madame [X] n'a finalement apporté aucune réponse ni proposé aucun plan d'action, et monsieur [G] lui a écrit en ces termes le 27 juin 2019, soit un mois et demi plus tard: 'Toujours pas de nouvelles à mes précédentes relances sur tes propositions sur l'évolution de ton CA (...). Ton secteur évolue de 13% grâce à SVD qui sur cette même période évolue à lui tout seul de 30%. Si on retraite tes CA sans SVD, ton activité passe de 326k€ à 245 k€ soit -24% (...).

Je te rappelle que ta mission ne doit pas se limiter à tes actions sur SVD, s'agissant d'une société intra-groupe, mais également dans la recherche de nouveaux partenaires et évolution des partenaires actuels. Malheureusement ce n'est pas ce qui ressort de tes compteurs. Merci donc de tes explications rapides et proposition de retour'.

Madame [X] n'a jamais répondu utilement à ces deux mails, et n'a pas fait de proposition pour redresser la situation. C'est dans ces conditions que des réunions ont été organisées durant l'été 2019 en présence de monsieur [F], à l'occasion desquelles elle n'a pas plus fait de proposition pour redresser la situation.

L'employeur verse également l'agenda de madame [X], dont il ressort qu'elle n'avait que quatre rendez-vous organisés pour le mois de septembre 2019. Elle le conteste, mais sans apporter aucun élément pour contredire cette pièce.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les résultats de madame [X], en dehors de la société SVD qui appartient au même groupe et dont monsieur [F] est le gérant, étaient en baisse très sensible, et que pour autant elle n'a jamais répondu aux messages de son manager lui demandant les solutions qu'elle envisageait, et n'a programmé que très peu de rendez vous pour la rentrée. Elle n'a pas non plus élaboré de plan d'action à la suite de la réunion du 22 juillet 2019, bien qu'une nouvelle réunion ait été programmée un mois plus tard.

L'employeur a donc justifié d'une inertie de la salariée, à l'origine d'une dégradation sensible de ses résultats au cours de l'année 2019. Cette situation, si elle constitue un motif réel et sérieux de licenciement, ne rendait pas nécessaire la rupture immédiate du contrat de travail, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à la salariée la rémunération de sa période de mise à pied, une indemnité de préavis, et son indemnité de licenciement, et l'a déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a fait droit pour partie à la demande au titre des heures supplémentaires ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Déboute madame [X] de sa demande au titre des heures supplémentaires ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne madame [X] aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 21/04760
Date de la décision : 06/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-06;21.04760 ?
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