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25/04/2024 | FRANCE | N°19/02557

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 25 avril 2024, 19/02557


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 25 AVRIL 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02557 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7LET



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° 14/02282





APPELANT



Monsieur [B] [K] [O] [H] exerçant sous l

'enseigne [O] RENOVATION entreprise individuelle

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Agnès COUTANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0367







INTIME



Monsieu...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 25 AVRIL 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02557 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7LET

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° 14/02282

APPELANT

Monsieur [B] [K] [O] [H] exerçant sous l'enseigne [O] RENOVATION entreprise individuelle

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Agnès COUTANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0367

INTIME

Monsieur [X] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Sandrine ROLLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1822

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [X] [N] a été engagé par l'entreprise artisanale "[O] rénovation" dirigée par

M. [B] [K] [O] [H], suivant "contrat initiative emploi" à durée indéterminée en date du 2 novembre 2007, en qualité de maçon-carreleur.

Au moment de la rupture, M. [B] [K] [O] [H] employait moins de 11 salariés.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des travaux de maçonnerie générale et gros 'uvre de bâtiment, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 2 640,72 euros.

Le 4 septembre 2014, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 16 septembre suivant. Préalablement, M. [X] [N] s'était vu notifier une mise à pied à titre conservatoire, le 28 août 2014.

Le 23 septembre 2014, le salarié a été licencié pour faute grave, aux termes d'un courrier ainsi libellé :

"Nous avons été informés par nos clients, Mr et Mme [J], clients particuliers et le responsable technique de la Cité Universitaire, qui est M. [C], de votre comportement blâmable envers notre entreprise.

En effet, vous vous êtes permis de dénigrer notre entreprise auprès de ces personnes en indiquant que nos tarifs étaient trop chers pour les prestations pratiquées.

Vous vous êtes même proposé d'effectuer ce même travail "au noir".

Ces faits graves et avérés nous ont conduit à décider de votre mise à pied conservatoire avec effet immédiat en date du 28/08/2024.

Lors de notre entretien du 4 septembre 2014, vous nous avez fait part de vos remarques et observations, mais qui ne nous ont pas permis de comprendre vos différents agissements. En conséquence, nous avons le regret de vous informer que nous prenons la décision de vous licencier pour les motifs évoqués ci-dessus qui correspondent à une faute grave".

Le 23 octobre 2014, M. [X] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, dans sa section Industrie, pour contester son licenciement et solliciter un rappel de salaire à compter du mois de janvier 2012 et des dommages-intérêts pour absence de visite médicale.

Le 8 avril 2016, l'affaire a été renvoyée devant la formation de départage.

Le 13 septembre 2018, le juge départiteur statuant seul a :

- déclaré le licenciement dont M. [X] [N] a fait l'objet le 23 septembre 2014 dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamné M. [B] [K] [O] [H], artisan inscrit à la chambre des métiers de l'artisanat du Val-de-Marne sous le numéro 428754972, à payer à M. [X] [N] les sommes suivantes :

* 18 485,04 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif

* 5 280 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 528 euros au titre des congés payés afférents

* 4 067 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

* 2 132,90 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

* 213,30 euros au titre des congés payés afférents

Rappelé que l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement portent intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2014 et que le surplus des sommes allouées est assorti des intérêts au taux légal à compter de la présente décision

- rejeté le surplus des demandes

Rappelé que la moyenne mensuelle brute des trois derniers salaires de M. [X] [N] est fixée à la somme de 2 640,72 euros et que les charges sociales devront être déduites pour le recouvrement des créances salariales

- condamné M. [B] [K] [O] [H], artisan inscrit à la chambre des métiers de l'artisanat du Val-de-Marne sous le numéro 428754972, à verser une indemnité de 1 500 euros dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision

- condamné M. [B] [K] [O] [H], artisan inscrit à la chambre des métiers de l'artisanat du Val-de-Marne sous le numéro 428754972, aux dépens.

Par déclaration du 13 février 2019, M. [B] [K] [O] [H] a relevé appel du jugement de première instance dont il a reçu notification à une date non déterminable.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 2 octobre 2019, aux termes desquelles

M. [B] [K] [O] [H] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil

A titre principal,

- dire que le licenciement est fondé sur des faits fautifs imputables au salarié

- en conséquence, débouter Monsieur [N] de ses demandes fins et conclusions

Subsidiairement,

- dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse

- en conséquence débouter Monsieur [N] de ses demandes, fins et conclusions

Y ajoutant,

- En toute hypothèse, condamner Monsieur [N] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 19 juillet 2019, aux termes desquelles M. [X] [N] demande à la cour d'appel de :

- rejeter la demande de nullité du jugement

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a requalifié le licenciement du 23 septembre 2014 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a condamné M. [B] [K] [O] [H] à verser à M. [X] [N] les sommes suivantes :

* 2 132,90 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

* 213,30 euros au titre des congés payés afférents

* 5 280 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 528 euros au titre des congés payés afférents

* 4 067 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

* 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau condamner M. [B] [K] [O] [H] à verser à M. [X] [N] les sommes suivantes :

* 32 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive

* 5 443,50 euros bruts outre les congés payés afférents, soit 544,35 euros au titre des rappels de salaire depuis le mois de janvier 2012

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale durant la relation contractuelle

- condamner M. [B] [K] [O] [H] à verser à M. [X] [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 8 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le défaut de visite médicale

Le salarié intimé fait grief à l'employeur de ne pas avoir organisé la moindre visite médicale de contrôle durant les sept années de la relation contractuelle. Il ajoute que son emploi de maçon-carreleur entraînait une certaine pénibilité et une sollicitation constante du corps. D'ailleurs, M. [X] [N] précise qu'il a dû être opéré en mars 2014 d'une hernie et que cette intervention aurait peut-être pu évitée s'il avait bénéficié d'un suivi médical approprié. En conséquence, il revendique une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

M. [B] [K] [O] [H] n'articule aucun moyen en réponse à cette demande.

La cour retient qu'alors que les fonctions du salarié s'accompagnaient d'une sollicitation importante du dos du fait des positions adoptées et du transport de charges parfois lourdes, l'absence de mise en 'uvre d'un suivi médical par l'employeur n'a pas permis de détecter une hernie dont l'aggravation a nécessité un acte chirurgical. Le préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation étant avéré il sera alloué à M. [X] [N] une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts et le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.

2/ Sur le licenciement pour faute grave

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché au salarié d'avoir adopté une attitude désinvolte auprès de la clientèle et d'avoir proposé à une cliente de la société d'effectuer un "travail au noir" pour lui permettre de réaliser une économie. Choquée par cette proposition, ladite cliente a écrit à la société pour demander à ne plus avoir affaire à M. [X] [N] (pièce 5).

Le salarié intimé objecte que la seule pièce sur laquelle l'employeur fonde son licenciement est le courrier manuscrit de Mme [J], cliente de la société mais surtout amie intime de l'employeur, ce qui enlève à ce document toute objectivité et tout caractère probant. Le salarié s'étonne que ce courrier ait été accompagné d'une photocopie de la carte d'identité de sa rédactrice alors que nul ne joint à une lettre de réclamation une copie de pièce d'identité sauf s'il lui a été précisé que le document aurait valeur d'attestation. M. [X] [N] constate aussi qu'alors que ce courrier était daté du 8 juillet 2014, la procédure de licenciement n'a été engagée que le 4 septembre, soit près de deux mois plus tard.

Le salarié intimé expose que le véritable motif de son licenciement était d'ordre économique, ainsi qu'en attestent les difficultés et les retards que rencontrait l'employeur pour lui régler son salaire. Mais, un licenciement économique étant plus coûteux qu'un licenciement pour faute et l'employeur ayant déjà eu à assumer le coût d'un premier licenciement économique en avril 2014, M. [B] [K] [O] [H] aurait trouvé ce stratagème pour rompre le contrat de travail.

Quelques mois plus tôt, ce dernier avait déjà tenté de lui imputer des absences sur le chantier de la Cité universitaire alors que M. [X] [N] s'était présenté sur ce chantier, le 21 mai 2014 mais n'avait pas trouvé son employeur, qui avait refusé de lui expliquer où étaient situés les travaux à accomplir. Le 22 mai, il avait écrit pour dénoncer cette situation et l'employeur lui avait envoyé un courrier en retour le 23 mai, antidaté de la veille. Le 26 mai, il s'était à nouveau présenté sur le chantier où le maître d'ouvrage l'avait informé qu'il n'y avait aucun travail de planifié (pièce 9).

En cet état, la cour retient que la faute reprochée au salarié n'est justifiée que par la production d'un courrier dont la forme (accompagné de la copie d'une pièce d'identité) permet de douter du caractère spontané et objectif. De surcroît, le licenciement du salarié est intervenu dans un contexte où la société rencontrait d'importantes difficultés pour fournir du travail à son personnel et pour régler les salaires, comme en témoignent les problèmes rencontrés sur le chantier de la Cité universitaire. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que les éléments constitutifs de la faute grave imputables à M. [X] [N] ne ressortaient pas de l'analyse des pièces produites.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [X] [N] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, a droit, à une indemnité correspondant au préjudice subi en application de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 56 ans, de son ancienneté de plus de 6 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, c'est à juste titre que le premier juge a fixé à 18 485,04 euros l'indemnité pour licenciement abusif

Le jugement entrepris sera, également, confirmé en ce qu'il a alloué au salarié intimé les sommes suivantes :

* 2 132,90 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

* 213,30 euros au titre des congés payés afférents

* 5 280 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 528 euros au titre des congés payés afférents

* 4 067 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

3/ Sur les demandes de rappel de salaire

M. [X] [N] explique qu'il était d'usage dans l'entreprise de faire supporter par le salarié les journées non travaillées en raison de l'absence de chantier en les décomptant sur les bulletins de salaire comme des "absences non rémunérées". Il verse à cet effet deux attestations de salariés qui confirment ces allégations (pièces 21 et 22). Or, non seulement ces absences n'intervenaient pas à l'initiative des salariés auxquels l'employeur avait l'obligation de fournir un travail mais, en outre, l'intimé affirme qu'il s'est bien présenté sur le chantier le 26 mai 2014, ainsi que la semaine précédente alors que ces journées ont été déduites de sa rémunération. En outre,

M. [X] [N] reproche à l'employeur de l'avoir fait travailler alors qu'il se trouvait en arrêt maladie en décembre 2013, sans le rémunérer.

En conséquence, il revendique une somme de 5 443,50 euros à titre de rappel de salaire, outre 544,35 euros au titre des congés payés afférents pour toutes les retenues irrégulières pratiquées par l'employeur depuis le mois de janvier 2012.

M. [B] [K] [O] [H] n'articulant aucun moyen en réponse à ces prétentions et ne justifiant pas des absences à l'initiative du salarié déduites de ses bulletins de paie, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [X] [N] de ses demandes de ce chef et il sera fait droit à ses prétentions.

4/ Sur les autres demandes

M. [B] [K] [O] [H] supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à M. [X] [N] une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [X] [N] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [B] [K] [O] [H] à payer à M. [X] [N] les sommes

suivantes :

- 5 443,50 euros bruts à titre de rappel de salaire

- 544,35 euros au titre des congés payés afférents

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale

- 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [B] [K] [O] [H] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/02557
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;19.02557 ?
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