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02/05/2024 | FRANCE | N°21/05197

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 02 mai 2024, 21/05197


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° /2024, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05197 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2PY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 18/03568





APPELANTE



Madame [Z] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895





INTIMEE



S.A COMPTOIR FIDUCIAIRE DE [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Martin...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° /2024, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05197 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2PY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 18/03568

APPELANTE

Madame [Z] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895

INTIMEE

S.A COMPTOIR FIDUCIAIRE DE [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Martine ASSIÉ-SEYDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E0222

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillmette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Comptoir fiduciaire de [Localité 5] (CFP) a une activité de recouvrement de créances qui s'exerce à son siège à [Localité 5].

Elle a engagé Mme [J] suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 décembre 2008, en qualité d'agent de recouvrement.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Mme [J] a fait l'objet, après convocation du 2 février 2018 et entretien préalable fixé au 14 février suivant, d'un licenciement pour faute grave le 22 février 2018.

À la date de fin de contrat, la société Comptoir fiduciaire de [Localité 5] occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Mme [Z] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 14 mai 2018, aux fins de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner son employeur à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 7 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de départage, a débouté les parties de l'intégralité de leurs demandes et condamné Mme [Z] [J] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe en date du 3 juin 2021, Mme [Z] [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 décembre 2023, Mme [Z] [J] demande à la Cour de :

- réformer dans son intégralité le jugement déféré,

En conséquence :

- condamner la société Comptoir fiduciaire de [Localité 5] à payer à Mme [Z] [J] les sommes suivantes :

* 26 062,29 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 6 756,89 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 5 791,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 579,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés sur préavis,

* 20 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

- débouter la société Comptoir fiduciaire de [Localité 5] de ses demandes reconventionnelles,

- condamner la société Comptoir fiduciaire de [Localité 5] à payer à Mme [Z] [J] 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour cause d'appel,

- condamner la société Comptoir fiduciaire de [Localité 5] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 novembre 2023, la société Comptoir fiduciaire de [Localité 5] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré

- débouter Mme [Z] [J] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant :

- condamner Mme [Z] [J] à rembourser au Comptoir fiduciaire de [Localité 5] la somme de 2 090 euros correspondant aux primes indues,

- condamner Mme [Z] [J] à verser au Comptoir fiduciaire de [Localité 5] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de rupture du 22 février 2018 est ainsi libellée :

« Madame,

Le 2 février dernier, nous vous avons convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception pour un entretien préalable. Cet entretien s'est déroulé le 14 février dernier en présence de M. [B] et de M. [X]. Vous étiez assistée par Mme [I] [T].

Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé l'ensemble des griefs qui nous ont conduits à envisager votre licenciement pour faute grave.

Vous avez été embauchée en qualité d'agent de recouvrement le 8 décembre 2008. Pour exercer vos fonctions, vous utilisez des outils métiers (logiciel Arpège) permettant les traitements des dossiers dont vous avez la charge depuis votre entrée dans la société.

Dans le courant de l'année 2017, un incident est survenu sur le client MICROSTRATEGY qui doit à l'entreprise plus de 350 K€ de commissions de recouvrement. Souhaitant comprendre tous les ressorts de ce litige, la Direction Générale a commandé un audit à un cabinet externe afin d'examiner les processus de recouvrement et déceler si, en interne, il existe une ou des failles qui a / ont pu contribuer éventuellement à ce dysfonctionnement.

Le cabinet D&CMF, cabinet contrôlant notamment les sociétés agréées par l'ACPR, a donc réalisé un audit durant le mois de décembre 2017. Après avoir réalisé une série d'entretiens avec les différents collaborateurs concernés, D&CMF a demandé au contrôle interne du Groupe EDC d'effectuer un contrôle des factures MICROSTRATEGY par sondage. Il est apparu que certains remboursements effectués directement chez MICROSTRATEGY n'ont pas été comptabilisés par le Service de recouvrement amiable (SASE) du CFP à la date à laquelle le service en a eu connaissance ce qui est contraire à la procédure de recouvrement qui stipule la saisie de ces récupérations « à bonne date », c'est-à-dire aussitôt que la somme a été reçue.

Parallèlement, compte tenu de l'absence de M. [L] [O] début décembre 2017, la Direction Générale a dû valider les salaires variables (prime d'objectif) calculés pour le mois de novembre.

La Direction Générale s'est étonnée de constater l'importance de ces primes pour novembre 2017. Les investigations menées ont montré que les primes sont élevées en 2017 en mars, en mai, en septembre et en novembre 2017 après à chaque fois un mois précédent médiocre. Le cabinet D&CMF a été saisi de cette question et a mis à jour des anomalies sur les encaissements consistant en des reports volontaires de saisie d'écritures dans le logiciel métier du CFP, le but étant de concentrer le maximum de saisies sur un même mois afin de bénéficier à plein du barème progressif de primes en 2017, voire de tenter de retrouver les primes de 2015 qui ont été calculées sur une base erronée concernant l'effectif pris en compte.

Le système de primes variables a été mis au point par M. [L] [O], en lien avec Monsieur [S] et mis en oeuvre par certaines collaboratrices du service SASE, dont vous. Mr [L] [O] en assurait également le contrôle et validait seul les primes de l'ensemble du service SASE.

Ces manoeuvres, contraires aux procédures et à la bonne foi, ont eu pour conséquence :

- Une facturation illisible et non compréhensible pour les clients concernés mettant en cause le professionnalisme de l'entreprise. En effet, les clients sont facturés en fonction des dates d'encaissements saisies et non pas en fonction des véritables dates d'encaissements reçus. Compte tenu du décalage dans le temps, le taux facturé est possiblement supérieur à ce qu'il aurait dû être, au détriment du client créancier, et en plus la date de facturation ne correspond pas à la date de l'encaissement réel ce qui suscite l'incompréhension des clients, voire leurs réclamations. Il y a là un risque grave de réputation pour le CFP et sa maison mère, l'EDC, Société de Financement assujettie aux contrôles de l'ACPR.

- Des primes variables plus élevées qu'elles n'auraient dû l'être en raison des manoeuvres frauduleuses mises en évidence.

Les analyses menées dans la foulée des premières anomalies identifiées sur les primes variables révèlent que ces anomalies existaient au moins sur l'ensemble de l'année 2017 et remontaient probablement à plusieurs années auparavant, avec des systèmes de fraudes différents selon les années.

D'autre part, plusieurs membres du personnel ont témoigné que ce système de décalage de saisie était pratiqué sciemment, depuis plusieurs années, notamment via un outil Excel mis au point et géré par Monsieur [S] qui, depuis 2009 suit l'avancée des encaissements au mois le mois et permet le pilotage des variables.

Dans ce contexte, le 30 janvier 2018 dernier, vous avez été reçue par Madame [A] [V] accompagnée de Mr [G] [W] qui vous a demandé d'expliquer ce que vous connaissiez personnellement de ce système frauduleux.

Vous avez alors reconnu des décalages de saisie en les expliquant par des retards liés à la surcharge de travail, aux absences maladies et congés.

Invitée à témoigner par écrit sur les raisons de ces décalages, vous avez confirmé cette version.

Lors de votre entretien préalable en date du 14 février dernier, vous avez reconnu l'existence de décalages et expliqué également que ceux-ci étaient dus à une surcharge de travail et nié avec véhémence toute pratique d'encaissements différés. Nous comprenons que la mise à jour de pratiques frauduleuses mises en oeuvre de concert avec plusieurs autres salariées vous ait fortement déplu d'autant que l'une d'entre elles avait reconnu dans un premier temps l'existence de la fraude.

Cet argument de surcharge de travail n'est à l'évidence pas recevable car c'est durant les mois où le CFP enregistre le moins de remises (et est donc en sous-activité) que les décalages se produisent dans le but de gonfler frauduleusement les statistiques du mois suivant.

Nous vous indiquons cependant que l'ensemble des éléments en notre possession démontrent que votre responsabilité dans la mise en oeuvre du système frauduleux est largement et indubitablement établie : sur les seuls douze derniers mois, plus de 50 retards de saisie ont été identifiés sur les dossiers que vous suivez. L'analyse des différents cas de retards montre qu'ils se produisent un mois sur deux en 2017 à quatre occasions pour quatre des salariés du SASE, mais pas pour les autres : sur ces quatre mois vous avez sciemment repoussé la saisie des encaissements afin de concentrer les saisies sur le mois suivant et ainsi optimiser les rémunérations variables. Le caractère non aléatoire des retards de saisie montre qu'ils ne sont pas dus à des surcharges de travail ni même à des oublis. En outre, les décalages que vous avez provoqués sur vos dossiers sont concomitants avec ceux de trois autres salariés sur leurs propres dossiers, cette concomitance démontrant le caractère concerté de ces actions.

Enfin, à l'occasion des investigations menées, nous avons découvert également que vous avez exercé des pressions, sur d'autres salariés du SASE afin qu'ils participent comme vous au décalage des encaissements et qu'ils gardent le secret sur ces pratiques frauduleuses. Ces salariés nous ont révélé avoir subi des insultes, des intimidations et en avoir gravement souffert. Ces personnes harcelées avaient jusqu'à présent refusé de s'exprimer par craintes de représailles. Ce régime de la terreur a mené le service SASE à un climat délétère nuisant gravement à la santé psychique de certains collaborateurs. Vous avez personnellement participé à l'entretien d'un climat malsain et à la division du SASE en deux groupes antagonistes de salariés.

Par ailleurs, depuis le début février 2018, nous avons constaté que l'ambiance a continué de se dégrader entre vous et vos collègues en interne au SASE.

L'ensemble de ces faits nous conduit à prononcer un licenciement pour fautes graves.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés votre maintien dans l'entreprise est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement ».

Mme [Z] [J] conteste l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.

Elle fait valoir que les accusations dont elle est l'objet ne reposent sur aucun fondement, que les éventuels décalages constatés dans la saisie des encaissements trouvent leur origine dans une surcharge de travail qui pesait exclusivement sur les collaborateurs du service Sase auquel elle appartenait, que cette surcharge a été en vain portée à la connaissance de la Sa Comptoir fiduciaire de [Localité 5] par les délégués du personnel, que, de plus, les décalages relevés sont erronnés en ce qu'ils ne tiennent pas compte des jours d'absence de congés payés, de maladie, des temps partiels et des fins de semaine, ce qui permet à la société de 'gonfler' le nombres de jours réels de décalages.

La salariée expose également que le client CATALINA est soumis à une procédure spécifique et que son inclusion parmi les autres dossiers litigieux a pour objectif de gonfler le nombre de jours de décalage.

Elle souligne que les copies d'écran produites sont peu lisibles et enfin que l'employeur n'apporte pas la moindre preuve de son implication dans la fraude dont il fait état et qu'en particulier, l'audit réalisé ne démontre pas qu'elle aurait participé à une fraude ou à un système de fraude.

La salariée indique que la décision de l'inspecteur du travail produite par la société concernant son responsable, M. [S], ne le mentionne pas, ni le témoignage de M. [D].

Mme [Z] [J] soutient que les accusations formulées à son encontre avaient pour seul but de la forcer à rédiger des attestations mensongères à l'encontre de ses deux responsables, Messieurs [S] et [O] que la direction voulait licencier, avec la menace qu'en cas de refus, elle pourrait être licenciée. Elle indique que deux autres collègues, mesdames [T] et [F], qui ont refusé d'attester ont également été licenciées.

Elle expose que l'autorisation de licencier Mme [R], qui occupait le même poste qu'elle a été refusée par l'inspecteur du travail. Elle indique que la plainte pénale de la société a été classée sans suite.

Enfin, la salariée indique que la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Paris dans le dossier à l'encontre de M. [O] n'a pas retenu l'existence d'une fraude mais un non respect du process de la saisie des encaissements qu'il aurait dû vérifier en sa qualité de directeur juridique et que cette décision ne peut lui être opposée dans la mesure ou elle n'a pas les mêmes repsonsabilités.

La société explique que la salariée était affectée au service de recouvrement amiable des créances et qu'elle était placée sous la direction de M. [O], directeur juridique et de M. [S], chef de service.

Pour preuve des faits reprochés à la salariée, la Sa Comptoir fiduciaire de [Localité 5] verse aux débats, le rapport d'audit établi le 28 décembre 2017 à sa demande par la Sas D&Cmf, cabinet de déontologie et compliance des marchés financiers, décrivant l'organisation en vigueur au sein de l'entreprise et le processus de facturation.

Aux termes de ce rapport, il est indiqué, s'agissant de la synthèse du fonctionnement du service de recouvrement amiable dans lequel la salariée était affectée que 'le fonctionnement est processé mais le process n'est pas respecté concernant la saisie des encaissements qui doit être faite «à bonne date» dès que le SASE en a connaissance', renvoi étant fait à l'annexe 1 relative à la procédure d'encaissement, dès que le SASE (Service de recouvrement amiable) en a connaissance.

Or les rédacteurs de ce rapport ont mis en évidence des dysfonctionnements entraînant une augmentation erronée et répétée des primes variables sur les mois de mars, mai, septembre et novembre 2017, avec cette précision que 'dans les cas où les sommes recouvrés sont directement perçues par le client, l'écriture de remboursement dans le logiciel Arpège est imputée par toute personne du service amiable (Sase) parfois dans des délais irréguliers, voire très irréguliers selon les périodes'.

Il est mentionné que le contrôle a consisté à faire une extraction des encaissements sur quatre mois (les plus importants en termes de récupération soit mars, mai, septembre et novembre 2017) et à se focaliser sur les encaissements directs, qu'il a été procédé à l'examen des blocs-notes récapitulant toutes les actions intervenues entre l'agent Sase, le débiteur et le client, qu'il a été constaté 'dans bon nombre de dossiers' un certain nombre d'irrégularités 'et notamment un décalage significatif entre la date à laquelle l'agent a eu confirmation du règlement du débiteur par le client (principalement par mail) et la date effective à laquelle il a saisi l'encaissement direct dans le logiciel Arpège', et que 'ces décalages ont entraîné le franchissement très favorable de seuils liés aux rémunérations variables'.

Le barème des primes communiqué par l'employeur montre que le salarié peut percevoir un montant de prime variant entre 30 et 1 660 euros.

L'enregistrement avec décalage des encaissements avait donc pour finalité de permettre une augmentation significative, certains mois de la prime mensuelle collective attribuée à chaque salarié.

C'est ainsi qu'ont été comptabilisés 60 décalages concernant la salariée représentant un montant de 160 390,87 euros ainsi que l'inspectrice du travail, qui a procédé à une enquête et à l'examen des éléments apportés par l'entreprise, l'indique dans le cadre du recours dont elle avait été saisie suite au litige opposant la Sa Comptoir fiduciaire de [Localité 5] et M. [S].

Le décalage ainsi mis en évidence, ainsi que cela résulte des autres procédures en cours, relevait d'une pratique concertée, entre M. [O], directeur juridique, M. [S], chef de projet, bénéficiant du statut de salarié protégé, dont l'autorisation de licenciement a, par décision du 23 mars 2021, été validée par la cour administrative d'appel de [Localité 5], qui relève que ce dernier 'avait mis en place à l'insu de sa hiérarchie des tableaux de suivi de suivi des créances en sorte de déterminer des dates optimales de recouvrement' et qu'il n'utilisait pas le logiciel Arpège, lequel aurait 'dévoilé le système qu'il avait mis en place.' et la salariée.

Aucune des pièces versées aux débats par l'appelante ne permet de constater que le service Sase devait faire face à une surcharge de travail expliquant à elle seule les décalages constatés.

Il apparaît que les décalages étaient :

- simultanés entre quatre personnes (objet de quatre procédures contentieuses), seule cette simultanéité permettant d'obtenir le déclenchement de seuils favorables en créant des montants cumulés suffisamment importants,

- effectués dans des dossiers comportant des versements importants

- concentrés sur les mois de faible activité ce qui justifie le report au mois suivant.

Ils présentaient un caractère qui n'était ni aléatoire ni fortuit mais uniquement intentionnel,

Aucun élément, de plus, ne permet de démontrer que le montant ayant permis de déterminer la prime de la salariée, tel que ressortissant des pièces communiquées par l'intimée, est entaché d'erreurs ainsi qu'elle l'affirme.

Contrairement à ce qu'indique Mme [J], la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 11 janvier 2023 retient le grief de fraude à l'encontre de M. [O].

Il est ainsi établit que Mme [Z] [J] a participé et bénéficié de ce système de décalage, mis en place par le directeur juridique et le chef de service, lui permettant de recevoir des primes plus élevées, sans à aucun moment le remettre en question ou le signaler à la direction.

L'ensemble de ces agissements caractérisent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de Mme [J] dans l'entreprise pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.

Le jugement déféré est ainsi confirmé en ce qu'il a jugé fondé le licenciement pour faute grave de Mme [Z] [J], en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes financières afférentes et de sa demande de dommages ét intérêts pour préjudice distinct.

2-Sur la demande de l'employeur de remboursement du trop perçu

La Sa Comptoir fiduciaire de [Localité 5] fait valoir que Mme [Z] [J] a perçu, pour l'année 2017, un trop perçu de 2 090 euros dont elle sollicite le remboursement.

L'employeur ne communique aucun élément permettant de vérifier tant les modalités de calcul retenu que le montant sollicité.

C'est à juste titre que le conseil de prud'homme a débouté la Sa Comptoir fiduciaire de [Localité 5] de sa demande reconventionnelle.

3-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, Mme [Z] [J] est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

CONDAMNE Mme [Z] [J] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05197
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.05197 ?
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