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03/05/2024 | FRANCE | N°20/02148

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 03 mai 2024, 20/02148


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 03 MAI 2024



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/02148 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTCC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 février 2020 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/02801





APPELANTE

Société [5] anciennement dénommée [6]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 1]r>
représentée par Me Isabelle SAUTEREL, avocat au barreau de LYON, toque : 3208

Me Elisabeth GRAUJEMAN, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 03 MAI 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/02148 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTCC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 février 2020 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/02801

APPELANTE

Société [5] anciennement dénommée [6]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Isabelle SAUTEREL, avocat au barreau de LYON, toque : 3208

Me Elisabeth GRAUJEMAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Mme [U] [O] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la SAS [5] (la société) d'un jugement rendu le 4 février 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l'opposant à l'URSSAF Île-de-France (l'URSSAF).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que la SAS [5], anciennement dénommée [6] a formé un recours devant une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale ayant rejeté sa demande de remboursement de la somme de 766 385 euros correspondant aux sommes versées à tort au titre de l'assujettissement à cotisations sociales de l'unité représentative des frais d'entretien des vêtements professionnels à compter du 15 mai 2013.

Par jugement en date du 4 février 2020, le tribunal a :

débouté la SAS [5], anciennement dénommée [6], de sa demande de remboursement de cotisations à hauteur de 1 445 487, 64 euros ;

débouté la SAS [5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SAS [5] aux dépens.

Le tribunal a jugé que l'indemnité forfaitaire versée au salarié était en principe soumise à cotisations de sécurité sociale sauf à la société de démontrer remplir les conditions fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002 et la circulaire d'application pour être exclue de l'assiette des cotisations sociales. En visant l'accord de groupe, le tribunal a retenu que les modalités d'indemnisation des salariés au titre de l'entretien de leurs vêtements de travail avaient été négociées dans le cadre d'un accord collectif de groupe qui en fixait le montant à une somme brute qui induisait nécessairement que la prime était constitutive d'un élément de rémunération des salariés. Il a retenu que l'accord n'excluait pas de l'assiette des cotisations de l'assurance vieillesse et des risques professionnels cet élément de rémunération. Il a donc écarté toute erreur de la société et a indiqué ne pas vouloir dénaturer les termes clairs de l'accord signé avec les syndicats.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 19 février 2020 à la SAS [5] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 3 mars 2020.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la SAS [5] demande à la cour de :

infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 4 février 2020 en ce qu'il a débouté la SAS [5] de sa demande tendant à ce que l'Urssaf Ile de France soit condamnée à lui rembourser la somme de 1 445 487,64 euros au titre des cotisations sociales indûment payées s'agissant des indemnités pour frais des tenues de travail outre les intérêts légaux ;

jugeant à nouveau :

déclarer que les indemnités pour frais d'entretien des tenues de travail versées par la société appelante à ses salariés doivent être exonérées de cotisations et contributions sociales ;

en conséquence :

à titre principal :

condamner l'URSSAF Île-de-France à rembourser à la SAS [5] la somme de 1 445 487,64 euros dont 314 527,85 euros au titre des cotisations salariales qui seront à reverser aux salariés concernés ;

à titre subsidiaire :

condamner l'URSSAF Île-de-France à rembourser à la SAS [4] la somme 1 230 686 euros dont 267 788 euros au titre des cotisations salariales qui seront à reverser aux salariés concernés ;

en tout état de cause :

assortir la condamnation de l'URSSAF Île-de-France des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2016 ;

condamner l'URSSAF Île-de-France à payer à la SAS [5] les dépens ainsi que la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF Île-de-France demande à la cour de :

déclarer la SAS [5] recevable mais mal fondée en son appel ;

l'en débouter,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire -pôle social de Bobigny en date du 4 février 2020,

condamner la SAS [5] à verser à l'URSSAF Île-de-France la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouter la SAS [5] du surplus de ses demandes, fins et conclusions et, notamment sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 15 février 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

Moyens des parties

La SAS [5] expose que l'indemnité d'entretien versée doit être considérée comme la prise en charge de frais professionnels qui sont exclus de l'assiette des cotisations sociales ; qu'elle remplit l'ensemble des conditions requises pour être qualifiée de frais professionnels ; qu'elle est versée afin d'indemniser, conformément à ses obligations de droit du travail, les frais supportés par ses salariés pour l'entretien de tenues de travail dont le port quotidien et le nettoyage régulier sont obligatoires ; que la preuve de son utilisation conforme à son objet est rapportée ; que tous ses salariés qui travaillent dans les magasins et dans les entrepôts ont l'obligation de porter une tenue de travail spécifique siglée Carrefour ; qu'elle fournit les tenues de travail et en est le propriétaire ; que la tenue est étudiée pour faciliter le travail intensif notamment de manutention dans les magasins ; qu'elle procure une isolation qui protège du froid lorsque les salariés doivent se rendre dans les réserves ; qu'elle bénéficie d'une coupe et d'équipements particuliers adaptés aux différents postes occupés par les salariés ; qu'elle participe également activement à la démarche commerciale de la société ; que tous les règlements intérieurs des magasins comportent une clause sur la tenue de travail ; que tous les salariés sont parfaitement informés de l'obligation de porter la tenue de travail qui est fournie par leur employeur et de l'obligation qu'ils ont de la tenir propre, et donc régulièrement lavée ; que cette obligation est indiscutable ;

Que l'obligation d'indemniser les salariés des frais d'entretien de leur tenue de travail lui a été dans un premier temps imposée par des décisions de justice, puis a été formalisée dans l'accord collectif du 21 décembre 2012 ; que les décisions de justice rendues fondent l'obligation d'indemnisation sur la notion de frais professionnels, les juges ayant systématiquement constaté que les frais d'entretien des tenues de travail étaient inhérents à l'emploi des salariés et étaient supportés par ceux-ci au titre de l'accomplissement de leur mission pour elle ; que l'indemnité fixée dans l'accord collectif a été fixée par les partenaires sociaux en tenant compte des coûts exposés par les salariés pour le lavage, le repassage et le séchage de ces tenues pour une année de travail, soit une moyenne de 227 jours travaillés par an, déduction faite des périodes de congés, des jours de repos hebdomadaires et des jours fériés ; que la preuve d'une utilisation conforme peut être apportée par tous moyens et celle-ci est indubitablement établie en l'espèce par les éléments suivants, l'obligation qu'ont les salariés concernés d'entretenir leur tenue de travail, obligation disciplinairement sanctionnable et effectivement sanctionnée ; que le montant peu élevé de l'indemnité par rapport au montant des dépenses qu'elle a été condamnée à prendre en charge par les tribunaux, et de façon plus générale du montant admis par les tribunaux ; que le volume très important d'attestations sur l'honneur établies par les salariés concernés ; qu'en lavant sa tenue professionnelle une fois par semaine (ce qui est paraît être un rythme « normal » pour entretenir une tenue portée quotidiennement) le coût mensuel s'élève à la somme de 26,08 euros ; que ce montant est 3,23 fois plus élevé que l'indemnité (de 8 euros mensuels) qui est versée par l'employeur ; qu'elle a demandé aux salariés qui le souhaitaient, d'attester sur l'honneur qu'ils utilisaient l'indemnité pour l'entretien de leurs tenues de travail et les nettoyaient régulièrement ; que les salariés ont été informés que cette attestation pourrait être produite dans le cadre d'une procédure ; . que le montant de la prime varie en fonction de la durée effective de travail et est minorée en cas d'absence ; que le seuil d'un mois a été retenu dès lors qu'une dépense de nettoyage est bien engagée durant une absence de moins d'un mois ; que la cour de cassation a jugé que les indemnités de lavage versées sur une période de douze mois incluant la période de congés payés peuvent être considérées comme des remboursements de frais professionnels ; que seuls les salariés des magasins et des entrepôts sont concernés par l'obligation de porter une tenue siglée [4] et seuls ceux-ci bénéficient de l'indemnité ; que les salariés des sièges ne sont pas concernés ; que si l'accord précise qu'il s'applique indistinctement aux salariés « répondant aux conditions de l'article 3 ci-après, quelle que soit leur catégorie professionnelle » c'est pour souligner que tous les salariés soumis à l'obligation de porter une tenue de travail sont concernés, qu'ils soient employés, agents de maîtrise ou cadres ; que les tenues de travail techniques spécifiques des salariés des rayons produits frais traditionnels, boucherie, charcuterie, fromagerie, poissonnerie, boulangerie et pâtisserie doivent revêtir pour effectuer des tâches particulièrement salissantes et présentant des risques de coupure ne peuvent pas être nettoyées par les salariés dans un lave-linge conventionnel et sont donc confiées par elle à des prestataires spécialisés ; que les vêtements « normaux » (polaires, ') siglés aux couleurs de Carrefour, que ces salariés doivent revêtir lorsqu'ils se déplacent dans le magasin, et qu'ils doivent laver eux-mêmes comme c'est le cas pour les autres salariés du magasin ;

Que depuis l'entrée en vigueur des dispositions de l'accord du 21 décembre 2012, la société a intégré par erreur dans l'assiette des cotisations sociales le montant de l'indemnité ; que des cotisations patronales et salariales ont ainsi été versées à tort pour la période de mai 2013 à décembre 2017 ; que consécutivement au remboursement des cotisations et contributions sociales, la société sollicite le montant de la réduction « Fillon » dont elle aurait dû également bénéficier ; que l'exonération de cotisations sociales des primes d'entretien a donc pour conséquence d'augmenter pour chaque salarié concerné le montant de la réduction Fillon à laquelle l'employeur à droit ; que l'URSSAF n'a toujours pas répondu à sa demande relative à la méthode pour calculer les sommes à reverser, démontrant ainsi que le problème ne réside pas tant dans la justification du montant de remboursement demandé, mais dans la position de principe de l'URSSAF s'opposant au remboursement, sans chercher à étudier ses arguments ; qu'à titre subsidiaire, elle présente une demande consistant à réduire sa demande de remboursement du montant des cotisations afférentes, d'une part, à la fraction des indemnités de salissure correspondant aux périodes de congés payés des salariés et d'autre part, à la fraction de ces indemnités correspondant aux absences maladie et accidents, étant rappelé qu'aucune indemnité n'est versée au-delà de trente jours d'absence ; qu'à cet égard, il est précisé que pour chiffrer cette demande subsidiaire, il a été retenu un taux d'absentéisme global pour les congés payés et les absences maladie et accident au titre de la période concernée par la demande de remboursement (2013-2017) mais sans pouvoir matériellement opérer de distinction selon la durée des absences de plus ou de moins d'un mois ;

Que le jugement commet une erreur de droit dans l'interprétation de l'accord collectif ; que la législation de sécurité sociale est d'ordre public ; que les règles de déductibilité des frais professionnelles prévues par l'arrêté du 20 décembre 2002 sont d'ordre public ; qu'un accord collectif ne peut donc pas valablement stipuler qu'une somme est exonérée de cotisations sociales alors que la réglementation ne le prévoit pas, ou, à l'inverse, qu'une indemnité est soumise aux charges sociales alors que la réglementation ne le prévoit pas ; que la Cour de cassation a ainsi pris soin de préciser que le principe fondamental de faveur de droit du travail n'était pas applicable en matière de sécurité sociale (Cass. soc., 20 mars 2007, n°04-47.817) ; que la cour de cassation a clairement interdit à un accord collectif de déroger à la législation sociale au motif que ses stipulations seraient plus favorables aux salariés ; que l'emploi du terme « brut » ne traduisait en rien leur volonté de soumettre l'indemnité aux cotisations ; qu'au contraire, et compte tenu du contexte dans lequel a été conclu cet accord et de l'objet même de cette indemnité, il était évident pour elles qu'il s'agissait d'une indemnité représentative de frais professionnels ; que l''emploi du terme « brut » était une simple précaution de langage, qu'il est usuel d'utiliser dans des accords, afin d'anticiper une éventuelle évolution de la législation ; qu'il ne peut en effet jamais être exclu qu'une somme exemptée de prélèvements sociaux en application de la législation en vigueur au moment de la conclusion de l'accord, y soit ultérieurement soumise ; que l'indemnité d'entretien a toujours été considérée par les parties comme une indemnité représentative de frais professionnels ; que c'est d'ailleurs dans cette logique que l'accord a clairement exclu la prise en compte de cette indemnité dans le calcul d'avantages sociaux calculés sur le salaire, tels que l'indemnité de congés payés, les compléments de salaire en cas de maladie, les primes.

L'URSSAF Île-de-France réplique qu'en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 20 décembre 2002 les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du salarié que celui-ci apporte au titre de l'accomplissement de ses missions ; que dans le cas des primes de salissure, ni le code de la sécurité sociale ni l'arrêté du 20 décembre 2002 ne prévoient de limite d'exonération pour les dépenses de lavage, de sorte qu'il ne peut s'agir que du remboursement de dépenses réelles engagées par le salarié ; qu'il appartient donc à l'employeur de rapporter la preuve des dépenses de nettoyage réellement engagées par les salariés bénéficiant d'une prime de salissure et l'utilisation conforme à son objet ; que s'agissant plus particulièrement des vêtements de travail, lorsque les dépenses d'habillement des salariés se traduisent par un remboursement, elles sont considérées comme des avantages en espèces qui doivent donc être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales ; que la circulaire interministérielle du 19 août 2005, admet que relèvent des frais d'entreprise exclus comme tels de toutes charges sociales, les dépenses se traduisant par un remboursement de l'employeur ou par la fourniture gratuite aux salariés soit de vêtements qui répondent aux critères de vêtement de protection individuelle au sens de l'article R.4321-1 du code du travail en vigueur, soit à des vêtements de coupe et de couleur fixées par l'entreprise spécifiques à une profession qui répondent à un objectif de salubrité ou concourent à la démarche commerciale de l'entreprise ; que ces vêtements doivent demeurer la propriété de l'employeur ; qu'ils ne doivent pas être portés en dehors de l'activité professionnelle du salarié sauf à être considérés comme des avantages en nature ; que leur port doit être obligatoire en vertu d'une disposition conventionnelle individuelle ou collective ou d'une réglementation interne à l'entreprise ; que ne peuvent être considérées comme des frais d'entreprise, les primes de salissures versées par l'employeur lorsque les primes sont calculées uniformément ou en pourcentage du salaire et sans justification des dépenses réellement engagées ; qu'elles sont versées pendant la période de congés payés ou qu'elles sont versées à la quasi-totalité du personnel alors qu'il n'est justifié ni de frais anormaux de salissure ni de l'utilisation effective de la prime conformément à son objet et même si le versement est prévu par une convention collective ; que l'employeur doit ainsi justifier pour chaque salarié concerné, de la corrélation entre la prime allouée et les dépenses de nettoyage des vêtements professionnels engagés ;

Que le 21 décembre 2012, la direction du Groupe [4] et les représentants des organisations syndicales ont signé un accord relatif à l'indemnisation des frais d'entretien des tenues de travail ; que cet accord prévoit que l'indemnité allouée est fixée-forfaitairement et mensuellement à 6 euros en-2014, 7 euros en 2015 et 8 euros en 2016 ; qu'elle est attribuée indistinctement aux salariés, quelle que soit leur catégorie professionnelle (employé, agent de maitrise, cadre) et indépendamment du niveau de salissure des vêtements ; qu'elle est versée sur 12 mois, avec suspension du versement lors d'absences supérieures à un mois, les périodes de maladie et congés payés inférieures à cette durée ouvrant donc droit à l'indemnité ; que cet accord s'applique à la société ; que dans la mesure où la société n'était pas en mesure d'apporter la preuve que les indemnités versées étaient utilisées conformément à leur objet, l'inspecteur du recouvrement en a déduit que le caractère de frais professionnel des primes d'entretien n'était pas démontré ; que l'employeur aurait dû être en mesure de justifier des frais d'entretien relatifs aux vêtements de travail en établissant le coût moyen d'un lavage (consommations d'énergie. d'eau et de lessive) ainsi que sa fréquence rapporté à la situation personnelle de chaque salarié ; qu'aussi, le calcul présenté dans les conclusions des conseils de la société intervient bien après le contrôle et se base sur des coûts arbitraires sans s'attacher à la situation de chaque salarié concerné ; que les attestations produites ont été faites pour les besoins de la cause ;

Que si par extraordinaire la Cour devait reconnaitre le bien- fondé du principe de la demande de remboursement des primes d'entretien, la société présente une demande de remboursement de la réduction Fillon ; que cette demande ne pourra être que rejetée quant au quantum réclamé, celui-ci n'étant pas suffisamment démontré ; qu'en effet, à l'appui de sa demande, la société ne verse pas l'ensemble des bulletins de paie des intéressés et des éléments comptables de la société, le calcul des allégements Fillon étant individualisé ; qu'aussi, la demande de remboursement n'est pas justifiée ni dans son principe, ni dans son quantum.

Réponse de la cour

Le régime de l'assurance vieillesse comme celui du risque professionnel constituent des statuts légaux qui ne peuvent être ni modifiés ni aménagés par voie d'accord collectif. Le principe fondamental en droit du travail selon lequel la situation des salariés doit être régie, en cas de conflit de normes, par celle qui leur est la plus favorable, n'est pas applicable en dehors de ce domaine.

Dès lors, la seule référence au fait que la prime soit versée en salaire brut et soit partiellement soumise à cotisation ne saurait suffire à la qualifier de complément de salaire, la cour devant étudier les conditions d'exonérations par application des dispositions conjointes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 20 décembre 2002.

L'article L. 242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme une rémunération toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, et notamment les avantages en argent et en nature. L'alinéa 3 mentionne qu'il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.

Selon l'arrêté du 20 décembre 2002, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du salarié que celui-ci apporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

L'article 2 dudit arrêté précise que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

- soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé : l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3 , 4 et

5 ) ;

- soit sur la base d'allocations forfaitaires : l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9.

La circulaire du 7 janvier 2003 relative à la mise en 'uvre de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale et de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale précise ainsi en son paragraphe 2-4 « Autres avantages qui ne constituent pas des avantages en nature Vêtements de travail » que relèvent des frais d'entreprise les dépenses se traduisant par un remboursement de l'employeur ou par la fourniture gratuite aux salariés de vêtements qui répondent aux critères de protection individuelle au sens de l'article R. 233-1 du code du travail ou à des vêtements de coupe et de couleur fixées par l'entreprise spécifiques à une profession qui répondent à un objectif de salubrité ou concourent à la démarche commerciale de l'entreprise ; que ces vêtements doivent demeurer la propriété de l'employeur ; que leur port doit être obligatoire en vertu d'une disposition conventionnelle individuelle ou collective ; qu'il y a lieu d'admettre que les frais d'entretien de ceux-ci sont également des frais d'entreprise ; que l'employeur doit prouver que le vêtement reste la propriété de l'entreprise et doit démontrer le caractère obligatoire du port.

Il appartient à la SAS [5] d'apporter la preuve des dépenses de nettoyage et de l'utilisation de la prime conforme à son objet.

Les critères d'appréciation de la qualification de frais professionnels de l'indemnité de salissure sont, de manière indicative :

- la variation du montant de la prime en fonction de l'emploi occupé et de la durée effective de travail ;

- l'absence de calcul uniforme ou en pourcentage du salaire et sans justification des dépenses réellement engagées ;

- les particularités vestimentaires propres à certaines catégories de personnel ;

- l'absence de versement pendant les périodes de congé ;

- l'absence de versement des primes à la quasi-totalité du personnel alors qu'il n'est justifié ni de frais anormaux de salissure ni de l'utilisation effective de la prime conformément à son objet et même si le versement est prévu par une convention collective ;

- l'absence de surévaluation des montants alloués par rapport aux dépenses réelles de nettoyage que les salariés sont dans l'obligation de supporter.

- une référence aux données des conventions collectives, étant précisé que si la convention collective mentionne que le salaire prévoit l'indemnisation des frais de nettoyage, la prime doit être qualifiée de complément de salaire (2e Civ., 24 mai 2005, pourvoi n° 04-30.095)

En l'espèce, l'URSSAF ne conteste pas que la société impose à certains de ses salariés le port d'une tenue siglée.

Selon l'accord relatif à l'indemnisation des frais d'entretien et des tenues de travail du 21 décembre 2012, il est institué une indemnité forfaitaire représentative des frais d'entretien des tenues de travail aux salariés soumis à l'obligation de porter une tenue de travail fournie par l'entreprise ou des vêtements de travail siglés « Carrefour » concourants à la démarche commerciale de l'entreprise, lors de l'exécution de leur contrat de travail. Le contrat exclut les salariés pour lesquels l'employeur assure déjà l'entretien de la totalité de la tenue de travail obligatoire fournie par l'entreprise.

Les parties conviennent que l'indemnisation de l'entretien des tenues de travail s'effectue sur la base d'une allocation forfaitaire qui est réputée couvrir en totalité les frais exposés par les salariés pour l'entretien de leur tenue de travail, notamment lavage, repassage, séchage et ce, quel que soit le nombre de pièces portées par les salariés. Cette indemnité sera versée sur 12 mois. Elle indemnise les frais d'entretien des tenues de travail qui, par nature, ne sont pas portées pendant les périodes d'absence, toute absence supérieure ou égale à un mois calendaire conduisant à suspendre le versement de l'indemnité pour une durée égale à l'absence du salarié concerné. Le montant est défini à la somme de 60 euros brut par an, soit un versement de cinq euros par mois pour les salariés dans la durée hebdomadaire contractuelle de temps de travail effectif est supérieur à 12 heures de travail effectif et ayant été présent toute l'année sans absence supérieure ou égale à un mois il y a 30 euros bruts par an pour un salarié dont la durée hebdomadaire de travail contractuelle est inférieure ou égale à 12 heures.

La convention prévoit en outre une revalorisation automatique de la prime à compter du 1er janvier 2014 puis du 1er janvier 2015 et enfin du 1er janvier 2016.

Il résulte de cet accord que, contrairement à ce qu'indique la société, la prime versée ne varie pas en fonction de l'emploi occupé dans l'entreprise et n'est pas proratisée en fonction de la durée effective de travail du salarié, induisant des fréquences de lavage différentes. En effet, elle est versée durant les congés payés, puisque la condition d'un mois d'absence dans l'entreprise qui en suspend le versement, n'est quasiment jamais remplie au regard de la durée légale de ces derniers. Elle ne varie pas en fonction des horaires réellement réalisés mais uniquement en fonction de seuils d'horaires contractuels forfaitaires fixés à 12 heures, sans tenir compte de la durée effective des contrats de travail, entre temps plein et les différents temps partiels. La convention ne définit pas le nombre estimé de lavages se rapportant au temps passé au travail ni une fréquence de lavage s'y rapportant.

La base de calcul proposée ne tient compte aucunement du coût réel des consommations liées aux lavages ni de l'amortissement des machines, aucune explication n'étant donnée sur le montant retenu et son évolution progressive selon les années, de telle sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier l'absence de surévaluation du montant de la prime par rapport au coût réel des lavages.

Le fait que dans le cadre de litiges prud'homaux, la société ait été condamnée au paiement d'une indemnisation pour l'entretien des tenues de travail n'induit pas que cette indemnité présente de droit le caractère de frais déductibles, au regard de l'indépendance du droit de la sécurité sociale et du droit du travail.

Les attestations des salariées déposées aux débats n'apportent aucun éclairage à ce sujet, puisqu'elles sont toutes dactylographiées sur le même modèle, à l'instigation de leur employeur et qu'elles ne donnent aucune indication autre que le fait que la tenue, dont le port est obligatoire et dont l'entretien leur est confié, est lavée au moins une fois par mois.

Il en résulte que la preuve n'est pas rapportée de l'utilisation de la prime conformément à son objet.

Dès lors, la demande de remboursement de la SAS [5] sera rejetée tout comme celle relative au remboursement de la déduction Fillon.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

La SAS [5], qui succombe, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la SAS [5] ;

CONFIRME le jugement rendu le 4 février 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ses dispositions soumises à la cour ;

CONDAMNE la SAS [5] à payer à l'URSSAF Île-de-France la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS [5] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/02148
Date de la décision : 03/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-03;20.02148 ?
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