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10/12/2014 | FRANCE | N°13/00217

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 10 décembre 2014, 13/00217


PC/AM



Numéro 14/4360





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 10/12/2014







Dossiers : 13/00217

13/03291





Nature affaire :



Demande en revendication d'un bien mobilier















Affaire :



SCI [I] OCEAN



C/



[U] [T] épouse [Z]

























Grosse délivré

e le :



à :























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 décembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de proc...

PC/AM

Numéro 14/4360

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 10/12/2014

Dossiers : 13/00217

13/03291

Nature affaire :

Demande en revendication d'un bien mobilier

Affaire :

SCI [I] OCEAN

C/

[U] [T] épouse [Z]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 décembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 19 mai 2014, devant :

Monsieur CASTAGNE, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame VICENTE, greffier, présente à l'appel des causes,

Monsieur [V], en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame PONS, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame CATUGIER, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE et INTIMEE :

SCI [I] OCEAN

[Adresse 2]

[Localité 2]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Maître Sophie CREPIN, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître NONNON, avocat au barreau du GERS

INTIMEE et APPELANTE :

Madame [U] [T] épouse [Z]

née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Maître Olivia MARIOL, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître Stéphan LOPEZ BERNADOU, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 17 DECEMBRE 2012

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

M. [K] [I] a créé en 1971 une SCI dénommée [I] Océan dont les associés étaient M. [Y] [Q], Mme [S] [T] et Mme [O] [T], qu'il a épousée en 1983.

M. [K] [I] a assumé seul la gérance de cette société jusqu'au 1er avril 2004, date à laquelle M. [R] [M] en a été nommé cogérant.

Le 8 octobre 2004, M. [I] a résilié un contrat de location d'un coffre-fort n° 17 dont il était titulaire auprès de l'agence biarrotte du Crédit Commercial de France et dans lequel il conservait des lingots et pièces d'or.

Le même jour, M. [I] a, avec M. [M], tous deux agissant en qualité de cogérants de SCI [I] Océan, signé auprès de la même agence bancaire un contrat de location de deux coffres-forts numérotés 7 et 17.

Au décès de M. [I], survenu le [Date décès 2] 2007, M. [M] est devenu l'unique gérant de la SCI [I] Océan et a, en cette qualité, engagé une procédure d'ouverture forcée des deux coffres-forts laquelle a révélé la présence de 17 lingots d'or dans le coffre 7 et de 13 lingots et 147 pièces d'or dans le coffre 17.

Mme [O] [I] est décédée le [Date décès 1] 2010, laissant pour lui succéder Mme [U] [T] épouse [Z], sa fille adoptive.

Par acte du 8 novembre 2010, Mme [Z] a fait assigner la SCI [I] Océan pour obtenir, sur le fondement de l'article 2276 du code civil, sa condamnation à lui remettre le contenu des deux coffres-forts.

Par jugement du 17 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Bayonne a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI [I] Océan du chef d'un prétendu défaut de qualité à agir de Mme [Z],

- dit que les lingots et les pièces d'or faisant l'objet de l'inventaire dressé le 19 février 2010 appartiennent à Mme [Z] et qu'elle pourra en disposer dès la signification du jugement,

- condamné en tant que de besoin la SCI [I] Océan à restituer les 17 lingots et 147 pièces d'or découverts dans les coffres 7 et 17, sous astreinte définitive de 300 € par jour de retard, courant quinze jours après la signification du jugement,

- condamné la SCI [I] Océan à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La SCI [I] Océan a interjeté appel de cette décision selon déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 16 janvier 2013 (instance enrôlée sous le RG n° 13/00217).

Par requête déposée le 3 septembre 2013, Mme [Z] a saisi la Cour d'une demande de rectification de l'erreur matérielle affectant le dispositif du jugement déféré et tendant à obtenir la condamnation de la SCI [I] Océan à restituer les 30 (et non 17) lingots et 147 pièces d'or découverts dans les coffres 7 et 17 (instance enrôlée sous le RG n° 13/03291).

Par ordonnance du 23 septembre 2013, confirmée par arrêt du 29 novembre 2013, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables, par application de l'article 909 du code de procédure civile, les conclusions d'intimée déposées le 14 juin 2013 par Mme [Z] au titre du dossier RG n° 13/00217.

La clôture de l'instruction a été prononcée, au titre du dossier 13/00217 par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 7 avril 2014 et le dossier 13/03291 a été appelé à la même audience de plaidoirie.

Dans ses dernières conclusions déposées le 12 avril 2013 au titre de l'instance 13/00217, la SCI [I] Océan demande à la Cour, réformant le jugement entrepris, au visa des articles 1122, 2229 et 2230 du code civil, de débouter Mme [Z] de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SELARL Lexavoué Pau-Toulouse.

Elle soutient en substance :

- qu'en ayant transféré la propriété des biens litigieux à SCI [I] Océan, M. [I] a stipulé tant pour lui que pour ses héritiers et ayants cause qui ne peuvent plus contester sa propriété, par application de l'article 1122 du code civil,

- qu'elle se prévaut d'une détention paisible, publique, de bonne foi et continue depuis 2004 en sorte que la charge de la preuve pèse sur le demandeur à la revendication qui doit établir la précarité de sa possession sans que, bénéficiaire de la présomption résultant de ladite détention, elle ait, elle-même, besoin de prouver l'existence d'un acte translatif de propriété en sa faveur,

- qu'il appartient donc à Mme [Z] de prouver non seulement que sa possession est viciée mais aussi qu'elle détient à un autre titre que celui de propriétaire et de rapporter la preuve du contrat qui l'obligerait à restituer,

- que tous les objets se trouvant dans ses coffres sont présumés lui appartenir sauf preuve contraire qui ne peut résulter du fait que M. [I] a conservé les clés des coffres et les certificats d'authenticité dès lors d'une part que ces certificats ne constituent pas des titres de propriété et d'autre part qu'il était normal que ces objets soient conservés à son domicile qui était également le siège social de la SCI, étant par ailleurs considéré que M. [I] qui avait transféré à la société un coffre qui était auparavant à son nom et loué un autre coffre au nom de la société ne détenait plus ces valeurs en son nom propre mais en qualité de cogérant de la société,

- que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il existait une contradiction dans ses écritures puisqu'elles pouvaient très bien affirmer que M. [M], cogérant, ignorait le contenu des coffres tout en en revendiquant la détention puisque M. [I] ne détenait lui-même qu'en sa qualité de cogérant, légitimant ainsi la possession de la société,

- que les premiers juges ne pouvaient considérer que la détention d'or ne faisait pas partie de l'objet social dès lors que celui-ci définit l'activité de la société mais non sa capacité à détenir n'importe quelle somme ou valeur, dans la seule limite du caractère civil de son objet,

- que Mme [O] [I] - qui était informée de la présence des lingots dans les coffres - partageait la volonté de son époux de les transférer à la SCI [I] Océan, raison pour laquelle elle ne les a pas retirés des coffres après le décès de M. [I] alors qu'elle disposait d'une procuration, le décès de M. [I] n'ayant pas mis fin au mandat qu'elle tenait de la SCI.

Par conclusions déposées le 2 octobre 2013, la SCI [I] Océan a demandé à la Cour de déclarer la requête en rectification d'erreur matérielle irrecevable et subsidiairement mal fondée et de condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, avec bénéfice de distraction au profit de la SELARL Lexavoué Pau-Toulouse en soutenant :

- qu'au prétexte d'une rectification d'erreur matérielle, Mme [Z] demande à la Cour de procéder à une interprétation de la décision déférée à laquelle la Cour ne peut se livrer qu'à l'occasion de l'exercice de son pouvoir de réformation dans le cadre d'un appel incident qu'elle est irrecevable à interjeter compte tenu de l'irrecevabilité de ses conclusions d'intimée,

- que la rectification ne peut intervenir qu'à titre accessoire et à la condition que la partie qui la sollicite soit recevable à soutenir son appel principal ou incident, une cour d'appel ne pouvant connaître de la rectification des jugements qui lui sont déférés que si l'appel n'est pas limité à la rectification, les juges du second degré ne pouvant ni aggraver le sort de l'appelant sur son unique appel ni réformer la décision des premiers juges au profit de l'intimé qui n'a pas relevé appel incident,

- que la décision n'est entachée d'aucune erreur matérielle.

MOTIFS

Il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et compte tenu du lien de connexité unissant les deux instances, d'ordonner la jonction, sous le RG n° 13/00217, des instances enrôlées sous les RG n° 13/00217 et 13/03291, étant considéré qu'il ne pourra être utilement statué sur la requête en rectification d'erreur matérielle portant sur l'étendue de l'obligation de restitution que dans l'hypothèse d'une confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a reconnu l'existence même de cette obligation.

Le moyen tiré de l'article 1122 du code civil ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile mais une défense au fond dont l'appréciation suppose que soit caractérisée au préalable l'existence de la volonté de dépossession irrévocable de feu M. [I].

La présomption, résultant de la possession, édictée par l'article 2276 du code civil implique, pour le demandeur en revendication qui prétend que les meubles ont été remis à titre précaire au défendeur, la charge de justifier de la précarité de la possession, à défaut de quoi le défendeur doit être considéré comme ayant un titre pour les conserver, sans être obligé de prouver l'existence de l'acte translatif - à titre onéreux ou gratuit - qu'il invoque comme cause de sa possession.

Par ailleurs, on déduit des dispositions de l'article 2256 du code civil (on est toujours présumé posséder pour soi et à titre de propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre) qu'il appartient au demandeur en revendication de démontrer que le possesseur prétendu n'est qu'un simple détenteur de la chose en établissant :

- soit l'existence d'un contrat par lequel le possesseur a reconnu le droit d'autrui sur la chose et emportant obligation de restitution,

- soit un comportement exclusif de la volonté de posséder à titre de propriétaire,

tous éléments devant être appréciés à la date de l'entrée en possession, en l'espèce à la date de signature des contrats de location de coffre-forts au nom de la SCI [I] Océan, aucune partie ne soutenant et aucun élément n'établissant que les biens litigieux ont été déposés dans lesdits coffres postérieurement.

Or aucun élément objectif et incontestable du dossier n'établit :

- d'une part, que la possession de la SCI [I] Océan est la résultante d'un contrat conclu avec M. [I] (dépôt, prêt ou autre) emportant obligation de restitution au profit de celui-ci,

- d'autre part, que le comportement de la SCI [I] Océan est exclusif de la volonté de posséder à titre de propriétaire,

- étant considéré :

$gt; que la circonstance que M. [I] a conservé les titres de location des coffres-forts et les clés de ceux-ci demeure équivoque puisqu'il était fondé à les détenir en sa qualité de cogérant de la SCI,

$gt; que l'absence de régularisation du transfert de propriété des biens litigieux par établissement d'un acte d'apport en nature constitue une irrégularité purement interne à la gestion de la société.

Par ailleurs, la possession de la SCI [I] Océan présente les caractéristiques requises par l'article 2261 du code civil pour son efficacité dès lors :

- qu'il n'est justifié de la survenance d'un quelconque acte interruptif entre la date de signature des contrats de coffres-forts et la date de la revendication par Mme [Z],

- que la possession a été paisible et publique en ce que l'existence des objets litigieux était connue des auteurs de l'intimée,

- que son caractère non équivoque et à titre de propriétaire a été reconnu ci-dessus.

Il convient dès lors, réformant la décision entreprise, de débouter Mme [Z] des fins de son assignation introductive d'instance tendant à la restitution des lingots et pièces d'or entreposés dans les coffres 7 et 17 et de dire n'y avoir lieu à statuer sur la requête en rectification d'erreur matérielle, dépourvue d'objet et d'intérêt en suite de la réformation totale du jugement déféré.

L'équité commande, réformant le jugement entrepris, de condamner Mme [Z] à payer à la SCI [I] Océan, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 3 000 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Mme [Z] sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais afférents à la requête en rectification d'erreur matérielle, avec bénéfice de distraction au profit de la SELARL Lexavoué Pau-Toulouse.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 17 décembre 2012,

Ordonne la jonction des dossiers RG n° 13/00217 et 13/03291 sous le n° 13/00217,

Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- Déboute Mme [Z] des fins de sa demande en restitution des lingots et pièces d'or entreposés dans les coffres 7 et 17 objets des contrats de location conclus au nom de la SCI [I] Océan,

- Déboute Mme [Z] de sa requête en rectification d'erreur matérielle, dépourvue d'objet et d'intérêt,

- Condamne Mme [Z] à payer à la SCI [I] Océan, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 3 000 € (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

- Condamne Mme [Z] aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais afférents à l'instance en rectification d'erreur matérielle, avec bénéfice de distraction au profit de la SELARL Lexavoué Pau-Toulouse.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Sandra VICENTEFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13/00217
Date de la décision : 10/12/2014

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°13/00217 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-10;13.00217 ?
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