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06/01/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006945050

France | France, Cour d'appel de Rennes, 06 janvier 2005, JURITEXT000006945050


4ème CHAMBRE - ARRET N° 12 DU 06/01/05 - RG 02/5414 SARL ATLANTIC CHEMPHARM LIMITED c/ SA PIERRE ET VACANCES DEVELOPPEMENT

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 21 novembre 1997, la Société de droit irlandais ATLANTIC CHEMPHARM LIMITED (ci après dénommée ATLANTIC Ltd), a cédé à la SCI CAP COZ LOISIRS, devenue depuis SA PONT ROYAL IMMOBILIER et enfin SA PIERRE et VACANCES DEVELOPPEMENT, un ensemble de terrains sis sur la Commune de FOUESNANT, destinés à la création d'une résidence de vacances, pour le prix de 5.000.000 F HT. (762

.245,08 Euros). La vente a été régularisée devant notaire les 7 et 9 juill...

4ème CHAMBRE - ARRET N° 12 DU 06/01/05 - RG 02/5414 SARL ATLANTIC CHEMPHARM LIMITED c/ SA PIERRE ET VACANCES DEVELOPPEMENT

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 21 novembre 1997, la Société de droit irlandais ATLANTIC CHEMPHARM LIMITED (ci après dénommée ATLANTIC Ltd), a cédé à la SCI CAP COZ LOISIRS, devenue depuis SA PONT ROYAL IMMOBILIER et enfin SA PIERRE et VACANCES DEVELOPPEMENT, un ensemble de terrains sis sur la Commune de FOUESNANT, destinés à la création d'une résidence de vacances, pour le prix de 5.000.000 F HT. (762.245,08 Euros). La vente a été régularisée devant notaire les 7 et 9 juillet 1998.

S'étonnant de la facilité avec laquelle l'acquéreur avait commercialisé son programme, la société venderesse a fait appel, pour rechercher la valeur exacte de son terrain, à un expert immobilier, Monsieur X..., qui a avancé le chiffre de 18.000.000 F.

S'estimant flouée, la société ATLANTIC Ltd a assigné, par acte du 22 octobre 1999 la société CAP COZ LOISIRS devant le tribunal de grande instance de QUIMPER pour solliciter la rescision de la vente pour un prix inférieur aux sept douzièmes de sa valeur réelle.

La société CAP COZ LOISIRS a fait valoir que cette assignation était nulle, comme ne comportant pas, contrairement aux exigences des articles 648 et 56 du nouveau Code procédure civile, la mention de l'organe représentant légalement la société en justice.

Par jugement du 6 novembre 2001, le tribunal a fait droit à cette argumentation, et, notant que la régularisation de ce manquement était intervenue postérieurement au délai de deux années prévu par l'article 1676 du Code civil traitant de la lésion, a rejeté la demande comme irrecevable.

La société ATLANTIC Ltd a formé appel principal contre cette décision.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, et celui des demandes et moyens présentésà la Cour, il sera fait référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions signifiées le 8 octobre 2004 par la SA PIERRE et VACANCES DEVELOPPEMENT et le 17 octobre 2004 par la société de droit irlandais ATLANTIC CHEMPHARM Ltd. L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2004.

MOTIFS

1. Sur la recevabilité de l'acte d'appel

En la forme

La société PIERRE et VACANCES fait valoir que l'acte d'appel de la société ATLANTIC Ltd serait nul comme ne précisant pas la dénomination de l'organe social agissant, ni sa forme, et se référant à une catégorie juridique, la SARL, qui n'est pas reconnue en droit irlandais.

Néanmoins, il ressort de la procédure que l'acte d'appel a été inscrit au nom de " la SARL ATLANTIC CHEMPHARM Ltd , SARL dont le siège social est 57, Dame Street Y... 2 (Irlande) prise en la personne de son représentant légal M Walter Z.... " La société PIERRE et VACANCES n'a cessé de protester contre l'absence de dénomination d'un poursuivant agissant au nom d'ATLANTIC Ltd. Elle ne peut donc prendre plainte de ce que ladite société adverse ait enfin décidé de communiquer le nom de son représentant légal.

La déclaration d'appel, qui émane d'une société parfaitement identifié à la suite de la procédure de première instance, doit donc être reçue comme valable en la forme, les seuls manquement relevés, soit la mention exacte de sa forme en droit irlandais et celle de la fonction précise de M Z... ne portant pas grief à l'intimée au niveau de l'appel.

Au fond

La société PIERRE et VACANCES fait reprocheà la société ATLANTIC Ltd

de n'être qu'une société Off-shore, ne plaidant que pour un auteur non déclaré, en l'espèce un dénommé LAURENT et son épouse Mme A..., agents immobiliers, qui gouverneraient en sous titre la société agissant comme simple trustee, et destinée en réalité à faire disparaître des biens soumis à saisie de justice. Elle en déduit que la société ATLANTIC Ltd ne justifie pas de la qualité ni de l'intérêt pour poursuivre son action, engagée au profit d'un tiers dont elle ne justifie d'aucun mandat officiel.

Pour autant, il n'est pas démontré que la société ATLANTIC Ltd, qui a valablement transféré à PIERRE et VACANCES DEVELOPPEMENT ses droits de propriétaire sur l'ensemble de terrains à bâtir en cause, et a reçu valablement paiement du prix, n'ait pas la qualité pour poursuivre en justice les droits que lui confère cet acte, quelques soient les conséquences de celui ci sur ses associés.

La demande en nullité de l'acte d'appel sera donc rejetée.

2. Sur les demandes en nullité de l'acte introductif d'instance

Les articles 56 et 648 du nouveau Code de procédure civile prescrivent que toute personne morale demanderesse à une action doit indiquer, à peine de nullité, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement. Cette nullité est cependant de forme, de sorte que le défendeur doit prouver que l'absence de mention lui a causé un grief dans la procédure, en lui interdisant de défendre complètement à celle ci. Il en découle que si ce défendeur a la possibilité de se renseigner simplement, par le biais par exemple d'une recherche auprès du Registre du commerce et des sociétés, il n'éprouve aucun grief suffisant pour que l'acte soit déclaré nul.

Il n'est pas contesté que l'assignation émise le 22 octobre 1999 par ATLANTIC Ltd ne mentionnait ni la personne la représentant, ni la qualité de cet organe.

La société soutient que la SA PIERRE et VACANCES ne pouvait ignorer que le demandeur était M Z..., qui avait signé (par procuration) l'acte de vente des terrains ; que cette personne avait la qualité de Director, lui permettant de poursuivre au nom de la société toutes actions en justice ; qu'il suffisait à PIERRE et VACANCES de se renseigner au besoin plus avant auprès du Registre des sociétés de Y..., voire d'Aix en Provence où elle avait ouvert un établissement secondaire pour ses activités en France.

En l'espèce cependant, la qualité de la société ATLANTIC Ltd. était particulièrement opaque.

Instituée en Irlande, elle présente des dirigeants suisses basés à Genève. Sa dénomination n'évoque aucune activité immobilière, n'indiquant en langue anglaise qu'une activité industrielle de chimie pharmaceutique. Elle se présentait par ailleurs comme une SARL, dont il n'est pas démontré que le statut soit reconnu comme tel en Irlande.

Contrairement à ce qu'elle prétend, la vente des terrains s'est faite au nom de M B..., lui mLme Director, auquel ne s'est joint que par la suite et in fine M Z..., autre Director ; il ne saurait donc Ltre reproché à la société PIERRE et INVESTISSEMENT de ne pas véritablement connaître M Z..., ni les pouvoirs exacts de celui ci, qui n'est apparu que sur les derniers documents de la société venderesse aux côtés de M B...

La société en cause avait certes une immatriculation pour ses activités en France,à Nice, mais elle y déclarait comme représentant légal un autre personnage, M C..., dont il n'était pas dit quel poste exact il occupait, sauf que cette mention semblait le destiner à être gérant. Elle prétend à ce jour qu'il s'agissait de son expert comptable, compétent pour la représenter fiscalement. Quelle que soit cette assertion, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas démontré que

M C... ait disposé des pouvoirs suffisants pour engager une action judiciaire contre PIERRE et VACANCES. Bien au contraire, l'affirmation qu'il n'était qu'un expert comptable démontre qu'il n'avait pas cette qualité.

Dans ces conditions, la seule recherche auprès du registre des Sociétés en France et en Irlande ne permettait pas d'identifier l'organe délibérant ayant décidé de l'action en cours, soit M B..., M Z... ou M C..., ni en quelle qualité ils se présentaient les uns les autres, ni s'ils agissaient ensemble comme Board of Directors, ou séparément.

Contrairement à ce qui est avancé, l'action en rescision pour lésion n'est pas un acte conservatoire ni d'administration, mais un acte de disposition puisqu'il peut aboutir, aux termes de l'article 1681 du Code civil, B l'annulation de la vente.

Il doit donc Ltre conclu, avec le tribunal, que la société ATLANTIC Ltd, manifestement encline au secret, voire à des arcanes impossibles à démonter, n'a pas donné au travers de son assignation à son adversaire les éléments nécessaires à permettre à celle ci de déployer l'ensemble de ses arguments en défense. Ce manquement, attentatoire au principe du contradictoire, et soulevé par PIERRE et VACANCES avant toute défense au fond, a ainsi causé à celle ci un grief qui justifie que la nullité de l'assignation ait été prononcée, le jugement devant être confirmé sur ce point. 3. Sur la régularisation du manquement dans l'assignation

Il est admis que la régularisation d'un défaut de forme dans l'assignation peut être régularisé en cours de procédure. Une telle régularisation ne vaut cependant qu'au moment où elle est effectuée, de sorte qu'on doit se placer à cet instant pour apprécier la prescription de l'action engagée.

L'article 1676 du Code civil déclare que l'action en rescision pour

lésion n'est plus recevable aprPs l'expiration de deux années B compter du jour de la vente. Ce délai est une délai dit préfix, donc insusceptible de prolongation pour causes personnelles au demandeur ou au défendeur.

Les premiers juges ont établi une comptabilité des temps, qui les ont amenés à constater que la régularisation avait été faite hors ce délai de deux années, par conclusions du 3 juillet 2000.

ATLANTIC Ltd leur reproche d'avoir pris pour base le compromis de vente signé le 21 novembre 1997, et non l'acte notarié signé les 7 et 9 juillet 1998 . Elle fait valoir que, après le compromis, il a été décidé d'adjoindre aux parcelles en cause deux autres parcelles provenant du découpage d'une bande de deux mètres au long des terrains, dont l'adjonction aurait eu pour effet de modifier les termes de la transaction initiale, de sorte que l'accord définitif des volontés ne s'était formé que lors de la signature de l'acte notarié. Elle ajoute que le délai prévu à l'acte sous seing privé pour la réalisation de la condition suspensive d'obtention du permis de construire avait été dépassé, de sorte qu'un nouvel accord de volonté avait été nécessaire pour la régularisation de la vente, postérieurement au compromis.

Néanmoins, il ressort du compromis et des pièces subséquentes que les parties ont valorisé la vente, non pas sur la valeur intrinsèque du terrain en cause, mais sur les droits à construire qui lui étaient attachés. C'est ainsi que le compromis comportait une condition suspensive concernant l'obtention d'un permis de construire 3.800 m de SHON. C'est encore ainsi qu'ATLANTIC Ltd a demandé à son expert immobilier, M X..., de calculer la valeur du bien, sur la seule base de celle des immeubles construits et commercialisés dessus. Dans ces conditions, la cession supplémentaire d'une bande de terrain de deux mètres de large, octroyée gratuitement ainsi qu'il ressort des suites

des actes, n'était qu'un accessoire à l'opération principale. Il importe peu sur ce point que la lettre d'accord pour cette cession supplémentaire émise par ATLANTIC Ltd ne mentionnât point de prix pour celle ci, résultant tant du dossier que de l'acte de vente notarié que ces parcelles, négligeables en terme de métrés, n'ont toujours été considérées que comme un simple accessoire à la vente principale, destinée à la réalisation d'une opération bien déterminée au départ. Par ailleurs, le simple fait qu'ATLANTIC ne se soit pas retirée de l'opération malgré le dépassement du délai de réalisation de la condition suspensive ne fait que confirmer sa validation du compromis signé antérieurement.

Les premiers juges ont donc à bon droit estimé que l'acte notarié ne faisait que traduire un accord des parties remontant au compromis valant accord synallagmatique de vente et d'achat.

Il en résulte que la Société ATLANTIC Ltd a manqué B régulariser ses actes de procédure dans le temps utile qui lui était imparti par le Code civil.

Le jugement sera donc encore confirmé en ce qu'il a déclaré forclose l'action de la société ATLANTIC Ltd.

4. Sur la demande en dommages intérêts pour procédure et appel abusifs

En cette affaire difficile, il n'est pas démontré de faute ni de légèreté blâmable à charge de ATLANTIC Ltd, qui n'a fait que poursuivre des droits qu'elle pouvait estimer valables. La demande sera donc rejetée.

5. Sur l'application de l'article 700 du NCPC

Il sera alloué à la SA PIERRE et VACANCES DEVELOPPEMENT la somme de 2.000 Euros, pour ses frais en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette la demande en nullité de l'acte d'appel,

Reçoit en conséquence cet appel,

Confirme le jugement rendu le 6 novembre 2001 par le tribunal de grande instance de QUIMPER,

Y ajoutant,

Rejette la demande en dommages intérêts de la société PIERRE et VACANCES DEVELOPPEMENT pour action et appel abusifs,

Condamne la société de droit irlandais ATLANTIC CHEMPHARM Limited à payer à la SA PIERRE et VACANCES DEVELOPPEMENT la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 ä), sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour ses frais en cause d'appel,

Condamne la société de droit irlandais ATLANTIC CHEMPHARM Limited aux dépens d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du mLme Code.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945050
Date de la décision : 06/01/2005

Analyses

VENTE

Il est admis que la régularisation d'un défaut de forme dans l'assignation peut etre réalisée au cours de procédure mais ne vaut qu'au moment où elle est effectuée, de sorte qu'on doit se placer à cet instant pour apprécier la precription de l'action engagée. Manque à son obligation de régulariser son assignation relative à une action en rescision pour lésion d'une vente de terrains dans le délai de 2 ans à compter du jour de la vente, imparti par l'article 1679 du Code civil, la société appelante qui régularise le manquement au delà du délai de 2 ans, le compromis valant accord synallagmatique de vente et non l'acte notarié, ayant été considéré comme la base du délai dès lors que la cession supplémentaire d'une bande de terrain octroyée gratuitement se présentait comme l'accessoire de la vente principale et, peu important le dépassement du délai prévu à l'acte sous seing privé pour la réalisation de la condition suspensive d'obtention du permis de construire, le vendeur,ne s'étant pas retiré, ne faisait en ce sens que confirmer la validation du compromis


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2005-01-06;juritext000006945050 ?
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