La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2022 | FRANCE | N°19/06312

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 07 juin 2022, 19/06312


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°332



N° RG 19/06312 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QDTK













SARL ETABLISSEMENTS MONCHOIX

SAS AU BON SOUVENIR



C/



Mme [O] [V]-[U]

Mme [F] [I]

SARL ZE SOUVENIR



























































Copie exécutoire délivrée




le :



à : Me DEMIDOFF

Me LE VACON











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 JUIN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur

Assesseur ...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°332

N° RG 19/06312 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QDTK

SARL ETABLISSEMENTS MONCHOIX

SAS AU BON SOUVENIR

C/

Mme [O] [V]-[U]

Mme [F] [I]

SARL ZE SOUVENIR

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me DEMIDOFF

Me LE VACON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur

Assesseur : Monsieur Jean-Denis BRUN, Conseiller,designé par ordonnance du premier president en remplacement de Monsieur Dominique GARET

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Avril 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

APPELANTES :

SARL ETABLISSEMENTS MONCHOIX, immatriculé au RCS de [Localité 2] sous le n° 317 143 410, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentée par Me Yulia BOCHIKHINA substituant Me Hervé DARDY de la SELARL KOVALEX, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

En presence de Monsieur [S] [J], Gérant de la SARL ETS MONCHOIX

SAS AU BON SOUVENIR, immatriculée au RCS de [Localité 2] sous le n° 821 497 591, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Yulia BOCHIKHINA substituant Me Hervé DARDY de la SELARL KOVALEX, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

En presence de Monsieur [S] [J], President de la SAS AU BON SOUVENIR

INTIMÉES :

Madame [O] [V]-[U]

née le 24 Novembre 1984 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Emmanuel LE VACON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Madame [F] [I]

née le 16 Avril 1963 à [Localité 8]

Lieudit [Localité 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel LE VACON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Société ZE SOUVENIR, immatriculée au RCS [Localité 2] sous le n° 832 070 486, représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel LE VACON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

******

La société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, société familiale existant depuis 1955, a pour objet l'achat, la fabrication et la vente en gros et au détail des cadeaux et souvenirs bretons.

Le 19 juillet 2016, son dirigeant, Monsieur [S] [J], a créé une autre structure, la société AU BON SOUVENIR qui a pour vocation l'achat, la fabrication et la vente en gros et détail de tous articles cadeaux à destination des circuits de grande distribution.

Les deux sociétés s'approvisionnent essentiellement auprès des fournisseurs étrangers et procèdent à la personnalisation dans l'atelier situé à [Localité 11] des produits pour leurs clients commerçants et vendeurs d'articles de souvenir.

La société ETABLISSEMENTS MONCHOIX a employé Mme [F] [I] à des fonctions de commerciale de 2005 à 2011 et Mme [O] [V] comme responsable d'achats du 1er avril 2008 au 29 décembre 2016.

Le 25 septembre 2017, une société dénommée ZE SOUVENIR a été immatriculée au RCS de Saint Brieuc sous le numéro 832 070 486 par Mmes [I] et [V], ayant pour activité : commerce de gros (commerce interentreprises) non spécialisé.

La société ETABLISSEMENTS MONCHOIX se plaint de différents actes de concurrence déloyale :

- la dénomination 'ZE SOUVENIR' serait proche de 'AU BON SOUVENIR',

- le siège social de la société ZE SOUVENIR aurait été établi à proximité immédiate de celui de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX,

- les articles vendus par cette société sont non seulement de même nature, mais également de même apparence, il en serait de même concernant les supports de communication,

- la société ZE SOUVENIR démarcherait systématiquement ses clients,

La société ETABLISSEMENTS MONCHOIX a obtenu sur requête une ordonnance du 29 mai 2018 rendu par le Président du tribunal de commerce de Saint Brieuc, missionnant un huissier de justice pour procéder à des mesures de constats dans les locaux de la société ZE SOUVENIR.

L'ordonnance a été exécutée le 22 juin 2018.

Par acte du12 février 2019 les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR ont assigné la société ZE SOUVENIR, Mesdames [I] et [V] devant le tribunal de commerce de Saint-Brieuc afin que celui-ci les condamne à des dommages et intérêts et mette fin aux actes de concurrence déloyale commis à son préjudice.

Par jugement du 02 septembre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a :

- jugé que le procès-verbal de constat d'huissier établi le 22 juin 2018 est valide;

- dit que la Société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V]-[U] et [F] [I] ne démontrent pas de préjudice issu du constat d'huissier, et donc pas de grief recevable ;

- écarté du débat les documents saisis par l'huissier que le Tribunal jugerait sans rapport avec l'objet de sa mission ;

- dit que pour le surplus les pièces saisies sont acquises aux débats ;

- jugé que les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR n'apportent pas d'éléments suffisamment probants pour prouver que la Société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V]-[U] et [F] [I] ont commis des actes de concurrence déloyale à rencontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR ;

- dit que la Société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V]-[U] et [F] [I] n'ont pas commis d'actes de concurrence déloyale à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR ;

- dit que la Société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V] [U] et [F] [I] n'ont pas commis des actes de parasitisme à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR ;

- débouté les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR de toutes leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

- débouté les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions ;

- dit que la Société ZE SOUVENIR, n'apporte pas la preuve du préjudice subi ni dans le bien-fondé ni dans quantum sur le fondement du dénigrement constitutif d'un trouble commercial ;

- débouté la Société ZE SOUVENIR, de sa demande au titre des dommages et intérêts pour dénigrement constitutif d'un trouble commercial ;

- dit que la procédure introduite par les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR n'a pas de caractère abusif ;

- jugé que la Société ZE SOUVENIR, Madame [O] [V]-GONZALES et Madame [F] [I] n'apportent pas la preuve du caractère abusif de la procédure ;

- débouté la Société ZE SOUVENIR, Madame [O] [V]-GONZALES et Madame [F] [I] de leur demande au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- dit que l'exécution provisoire ne s'impose pas dans cette affaire ;

- débouté les parties de leurs demandes d'exécution provisoire ;

- condamné les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR in solidum à payer à la Société ZE SOUVENIR, à Madame [O] [V]-GONZALES et à Madame [F] [I] la somme de 1.000 euros chacune, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de ProcédureCivile ;

- condamné in solidum les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR aux entiers dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples demandes ou contraires aux dispositifs du présent jugement ;

Appelantes de ce jugement, les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR, par conclusions du 05 avril 2022, ont demandé que la Cour :

- déboute la Société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V] [U] et [F] [I] de leur appel incident,

- rejette l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la Société ZESOUVENIR et Mesdames [O] [V]-[U] et [F] [I],

- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions qui ne font pas

grief aux Sûciétês ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,

- réforme le Jugement du 2 septembre 2019 en ce qu'il a :

«JUGÉ que les Sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,n'apportent pas d'é/éments suffisamment probants pour prouver que la Société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V]- [U] et [F] [I] ont commis des actes de concurrence déloyale à /'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,

DIT que la Société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V] [U] et [F] [I] n'ont pas commis d'actes de concurrence déloyale à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,

DIT que la Société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V] [U] et [F] [I] n'ont pas commis des actes de parasitisme à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,

DÉBOUTÉ les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR de toutes leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,

DÉBOUTÉ les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNÉ les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR in solidum à payer à la Société ZE SOUVENIR, à Madame [O] [V]-GONZALES et à Madame [F] [I] la somme de 1.000 euros chacune, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNÉ in solidum les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR aux entiers dépens ;

DEBOUTÉ les parties de leurs plus amples demandes ou contraires aux dispositifs du présent jugement ''

Statuant à nouveau :

- dise que le procès verbal de constat d'Huissier établi le 22 juin 2018 est valide,

- subsidiairement, dise que la société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V]-[U] et [F] [I] ne démontrent pas de grief,

- très subsidiairement, écarte du débat les documents saisis par l'huissier que le Tribunal jugerait sans rapport avec l'objet de sa mission,

- dise que pour le surplus les pièces saisies sont acquises aux débats,

- dise que la société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V] [U] et [F] [I] ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,

- dise que la société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V] [U] et [F] [I] ont commis des actes de parasitisme à I'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,

- condamne in solidum la société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V]-[U] et [F] [I] à payer aux sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR :

- la somme de 127.500 euros au titre du manque à gagner,

- la somme de 138.000 euros au titre de la privation de la rémunération du travail de conception,

- la somme de 30.000 euros au titre du préjudice moral,

- la somme de 40.000 euros au titre du préjudice à l'image,

- la somme de 20.000 euros au titre du préjudice de désorganisation,

- ordonne à la société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V] [U] et [F] [I] la cessation immédiate des agissements déloyaux et parasitaires, par une interdiction, sous astreinte de 5.000 euros par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir :

- d'utiliser l'ensemble des fichiers dérobés à la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, notamment les fichiers clients, fichiers fournisseurs et plans de fabrication des produits,

- de fabriquer et de commercialiser des articles de souvenir similaires à ceux commercialisés par les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR et notamment ceux figurants dans le catalogue 2017 de la société ZE SOUVENIR sous les numéros : FUN O1, FUN 03, FUN 21, FUN 22, GAO 04, GAO O7, HAY O3, HAY 05, HAY 07, HAY 14, HAY 15, HAY 18, HAY 25, HAY 26, HAY 33, HAT 34, HAY 35, HAY 55, HAY 56, HAY 57, JOY 01, JOY 02, LUC 01, LUC 02, LUC O3, SHA 10, SHA 11, SHA 12, SHA 13,

SHA 15, SHA 16, SHA 17, SHA 18, SHA 19, SHA 20, YAN 03, YAN O2,

- de livrer de commandes en cours et portant sur des articles de souvenir similaires à ceux commercialisés par les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR et notamment ceux figurants dans le catalogue 2017 de la société ZE SOUVENIR sous les numéros : FUN 01, FUN 03, FUN 21, FUN 22, GAO 04, GAO O7, HAY O3, HAY 05, HAY 07, HAY 14, HAY 15, HAY 18, HAY 25, HAY 26, HAY 33, HAT 34, HAY 35, HAY 55, HAY 56, HAY 57, JOY 01, JOY 02, LUC 01, LUC 02, LUC 03, SHA

10, SHA 11, SHA 12, SHA 13, SHA 15, SHA 16, SHA 17, SHA 18, SHA 19, SHA 20, YAN 03, YAN 02,

- ordonne que toute infraction constatée par procès verbal d'huissier de Justice, dont le coût sera supporté par la société la société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V]- [U] et [F] [I], à cette interdiction soit sanctionnée par le paiement des dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros,

- ordonne le rappel des circuits commerciaux et la destruction immédiate, sous astreinte de 100 euros par jour et par article, des articles de la société ZE SOUVENIR imitant ceux commercialisés par les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR et notamment ceux figurants dans le catalogue 2017 de la société ZE SOUVENIR sous les numéros : FUN O1, FUN 03, FUN 21, FUN 22, GAO 04, GAO 07, HAY 03, HAY 05, HAY 07, HAY 14, HAY 15, HAY 18, HAY 25, HAY 26, HAY 33, HAT 34, HAY 35, HAY 55, HAY 56, HAY 57, JOY 01, JOY 02, LUC 01, LUC 02, LUC 03, SHA 10, SHA 11, SHA 12, SHA 13, SHA 15, SHA 16, SHA 17, SHA 18, SHA 19, SHA 20, YAN 03, YAN O2,

- ordonne aux frais de la société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V]- [U] et [F] [I] :

- la publication du dispositif du jugement à intervenir dans les journaux Ouest France, Sud Ouest et La Dépêche du Midi dans les régions suivants : Bretagne, Normandie, Centre, Pays de la Loire, et Aquitaine, Limousin Poitou Charentes,

- l'affichage du dispositif du jugement sur la page d'accueil du site internet de la société ZE SOUVENIR pendant un délai de 6 mois, ainsi que la communication d'une copie de la décision à intervenir à l'ensemble des clients de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, figurant dans la liste des 318 clients saisie par l'Huissier de Justice le 22 juin 2018, par lettre recommandée avec avis de réception et de présenter aux sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR les accusés de réception de ces lettres.

L'ensemble de ces publications et communications doit être effectuées, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant signification du jugement à intervenir.

- condamne in solidum la société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V]-[U] et [F] [I] à payer aux sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR de 12.500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamne la société ZE SOUVENIR et Mesdames [O] [V] [U] et [F] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris aux frais du constat d'Huissier de Justice en date du 22 juin 2018 et aux éventuels frais de l'exécution du Jugement à intervenir.

Par conclusions du 02 décembre 2020, la société ZE SOUVENIR, Mme [V]-GONZALES et Mme [I] ont demandé que la Cour :

- réforme le jugement entrepris en ce qu'il a :

' JUGÉ valable le constat d'huissier établi le 22 juin 2018.

' DIT que la société ZE SOUVENIR n'apporte pas la preuve du préjudice subi ni dans le bien-fondé, ni dans le quantum, sur le fondement du dénigrement constitutif d'un trouble commercial,

' DÉBOUTE la société ZE SOUVENIR de sa demande au titre des dommages intérêts pour dénigrement constitutif d'un trouble commercial,

' DIT que la procédure introduite par les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR n'a pas de caractère abusif,

' DÉBOUTE la société ZE SOUVENIR et ses associées, de leurs demandes au titre des dommages intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau :

' dise nul et nuel effet le constat d'huissier établi le 22 juin 2018.

' écarte des débats l'ensemble des pièces communiquées par les appelantes, lesquelles sont exclusivement tirées dudit constat et des éléments saisis,

' juge qu'en conséquence, les sociétés appelantes ne versent au débats aucun élément probant à l'appui de leurs prétentions,

' les déboute en conséquence de l'ensemble de leurs demandes,

' condame les sociétés AU BON SOUVENIR et ETABLISSEMENTS MONCHOIX, in solidum, à payer aux intimées les sommes de :

' 100000 euros à titre de dommages intérêts pour dénigrement (au bénéfice de la seule société ZE SOUVENIR).

' 15000 euros à chacune des intimées, à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.

' 7500 euros à chacune des intimées, sur le fondement de l'article 700 du CPC, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

' JUGÉ que les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR n'apportent pas d'éléments suffisamment probants pour prouver que la société ZE SOUVENIR ou ses associées ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,

' DIT que la société ZE SOUVENIR et ses associées n'ont pas commis d'actes de concurrence déloyale à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,

' DIT que la société ZE SOUVENIR et ses associées n'ont pas commis d'actes de parasitisme à l'encontre des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR.

' DÉBOUTÉ les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR de toutes leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,

' DÉBOUTÉ les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

' CONDAMNÉ les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR in solicum à payer à chacune des défendresses la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

- condamne enfin les appelantes aux entiers dépens, de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'exécution de la décision à intervenir.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

SUR CE :

Sur la validité du constat d'huissier établie en exécution de l'ordonnance sur requête :

L'ordonnance sur requête rendue le 29 mai 2018, dont il n'a pas été demandé la rétractation ou le cantonnement, fixait une mission très large à l'huissier de justice, en ce qu'elle l'autorisait non seulement à prendre copie des fichiers clients fournisseurs, collection des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR (pour autant qu'ils se trouvent sur les supports informatiques de la société ZE ZOUVENIR), mais aussi, à prendre copie sans aucune limitation de date ni de recherche de mots clefs l'intégralité des fichiers clients, fournisseurs, collection de la société ZE SOUVENIR.

Pour autant, cette mission très large n'autorisait pas l'huissier à copier une demande de crédit documentaire, un questionnaire de santé y étant attaché, des documents liés à l'activité économique de l'époux de Mme [V] (sans aucun rapport avec les produits régionaux), non plus que des photos familiales.

Ce dévoiement ne conduit pas toutefois à l'annulation du procès-verbal de constat mais à l'impossibilité d'utiliser ces pièces, lesquelles au demeurant, ne sont pas citées à l'appui de l'argumentation des appelantes.

La demande d'annulation du procès-verbal de constatation est rejetée, mais sont écartées des débats la demande de crédit documentaire, le questionnaire de santé y étant attaché, les documents appartenant à l'époux de Mme [V] et les photos familiales.

Sur la concurrence déloyale :

Le détournement de documents confidentiels :

Mme [I] a quitté la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX en 2011 et Mme [V] a fait l'objet d'un licenciement au mois de septembre 2016 avec effet au mois de décembre suivant, licenciement qu'elle a contesté devant la juridiction prud'hommale.

Elle n'était liée par aucune clause de non concurrence.

La société ZE SOUVENIR a été immatriculée au mois de septembre 2017.

Mesdames [I] et [V] disposent à titre personnel de compétences indéniables quant au marché des produits régionaux :

- après avoir travaillé pour la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, Mme [I] a exercé comme agent commercial pour la société NOVOBOX, qui fabrique des boîtes en métal contenant des produits alimentaires régionaux (gâteaux) et des cadeaux souvenirs: en d'autres termes, elle a démarché personnellement durant plusieurs années sur tout le secteur du grand ouest les vendeurs de produits régionaux, qui représentent très exactement la clientèle des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR,

- pour sa part, Mme [V] était responsable d'achat dans l'entreprise ETABLISSEMENTS MONCHOIX et parle couramment le mandarin, spécificité rare en France ; elle avait donc une connaissance particulière des fournisseurs chinois, dont il n'est pas contesté qu'ils sont les fabricants exclusifs des produits commercialisés par les sociétés appelantes.

Les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR leur font grief d'avoir détourné des fichiers.

Sont effectivement apparus sur les supports informatiques de la société ZE SOUVENIR des fichiers appartenant à la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

Un certain nombre de fichiers sont datés des années 2010 à 2015 ; beaucoup sont des photos de cartes de visites d'entreprises chinoises, dont le premier juge a pertinement noté le caractère obsolète, compte tenu du caractère très concurrentiel du marché. Par ailleurs, ces photos sont trop nombreuses pour être significatives des fournisseurs de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX et représentent de simples contacts pris au fil des années.

Surtout, la société ZE SOUVENIR a démontré qu'il était très aisé de retrouver sur internet, en faisant une recherche par produit, les entreprises chinoises qui fabriquent tel ou tel produit.

Ensuite, le fait qu'il ait été formulé des demandes de prix à des fournisseurs de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX n'est pas en soi un acte de concurrence déloyale.

Beaucoup de fichiers sont aussi des photos de produits dont il n'est pas démontré qu'ils soient tous des produits ETABLISSEMENTS MONCHOIX, et pour ceux qui sont des produits ETABLISSEMENTS MONCHOIX dont il n'est pas démontré qu'il s'agisse de photos confidentielles plutôt que des mêmes photos que celles figurant sur les catalogues publics.

Il n'est pas démontré par ailleurs que la pièce numéro 11 des appelantes soit la reprise à son compte par la société intimée d'un document imaginé par le dirigeant de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, se présentant comme un simple récapitualitf de commande.

De la même façon, les intimées démontrent que le document intitulé 'fichier anti-dumping ETABLISSEMENTS MONCHOIX' contient des données publiques se trouvant sur un document paru au Journal Officiel du 15 mai 2013, reproduit dans leur pièce numéro 20. Aucune valeur ajoutée ne peut donc être liée à la possession de ce fichier.

Elles démontrent aussi que le document 'buying chart' datant de 2015 est un tableau excel de calcul de marge qui émane de l'ancien employeur du dirigeant de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, démontrant ainsi que lorsque ce dernier l'a importé dans sa propre entreprise, il n'avait pas le sentiment de commettre un acte de concurrence déloyale.

De même, il ne résulte pas de la pièce numéro 14 des appelantes qu'elle soit une demande de prix faite par la société ZE SOUVENIR à un fournisseur en prenant pour base les produits ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

Ont en revanche été retrouvés (pièces numéro 13) des graphiques de fabrication de quelques produits: bolées, couteau à beurre et plateaux, qui n'auraient pas dû se trouver dans les fichiers de la société ZE SOUVENIR: pour autant ces graphiques n'étaient que des plans de l'apposition de décors - dont il n'a pas été démontré qu'ils aient été 'recopiés' par la société ZE SOUVENIR - sur des objets parfaitement banals et formant l'arsenal classique du produit régional breton: bolée de cidre, couteau à beurre et plateau à thé, insusceptibles de révéler le moindre savoir faire spécifique.

Contrairement à ce qu'affirment les appelantes, le fichier client ZIG RESEAU n'est pas une pièce appartenant à la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX mais est le fichier client de la société intimée; à cet égard, il a été démontré plus haut que Mme [I] disposait à titre personnel d'un fichier client très important dans le même secteur d'activité que la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

Enfin, à l'examen des conclusions de Mme [V] devant le conseil de prud'hommes, il n'apparaît pas que les fichiers appartenant à la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX aient servi à l'élaboration de sa défense ; si même elle avait pu les conserver pour le cas où ils s'avéreraient nécessaires à sa défense, ils ne pouvaient être conservés sur les fichiers informatiques de la société ZE SOUVENIR.

La possession de ces fichiers est donc constitutive en soi d'un détournement de données, même s'il vient d'être démontré que son importance n'est pas celle qui est plaidée par les appelantes.

L'utilisation abusive des fichiers :

Cette utilisation n'est pas démontrée par la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

S'agissant des bols à liqueurs, dont les plans ont été retrouvés dans les fichiers de la société ZE SOUVENIR, la société MARVA, ancienne cliente de la société MONCHOIX, a rédigé deux attestations pour certifier qu'elle n'avait pas été démarchée par la société ZE SOUVENIR, qu'elle était mécontente des prestations de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX et qu'elle avait pris elle-même l'initiative de prendre contact avec la société ZE SOUVENIR pour lui demander de fabriquer ses bols à liqueur en lui fournissant les échantillons, les photos des décors, les dimensions des produits (courriel consistant en la pièce 111 des intimées).

La pièce numéro 26 des appelantes ne peut être intérprétée comme le fait la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX et rien ne justifie que la demande de prix émanant de la société ZE SOUVENIR soit faite par référence aux produits ETABLISSEMENTS MONCHOIX plutôt qu'aux produits standards proposés par le fournisseur destinataire de la demande.

De la même façon, la pièce numéro 33 des appelantes n'est pas pas significative d'une utilisation abusive des fichiers: il s'agit d'une commande effectuée par la société ZE SOUVENIR auprès d'une graphiste, Mme [D], qui a effectué à une époque un stage dans la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX mais dont il n'est pas démontré qu'elle aurait ensuite travaillé pour la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

La société ZE SOUVENIR formule donc une commande produit par produit, en mettant en exemple des photos qui sont des photos de produits ETABLISSEMENTS MONCHOIX ; mais ce sont des photos de catalogue et non des photos de fichiers détournés.

Ensuite, les commentaires de la commande sont très clairs: la graphiste ne doit pas copier les dessins présents mais au contraire les moderniser, faire preuve de force de proposition, y ajouter des éléments différents ...

Cette pièce sera réexaminée sous l'angle du parasitisme mais n'est pas significative de l'utilisation d'un fichier détourné.

Enfin, il a été démontré plus haut qu'il n'est pas démontré, compte tenu de l'expérience personnelle accumulée par Mesdames [I] et [V]-[U] qu'elles se soient appuyées sur les fichiers fournisseurs et clients de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX pour établir leurs propres contacts.

Notamment, s'agissant des fournisseurs, elles démontrent par la copie de leur billets d'avion s'être rendues en Chine en 2017 et 2018 pour le salon professionnel des producteurs de produits régionaux.

Le démarchage illicite de la clientèle :

Ainsi qu'il a été rappelé plus haut, Mme [I], par son activité d'agent commercial de produits régionaux sur le grand ouest dispose, à titre personnel, d'une clientèle qui est spécifiquement celle des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR.

En outre, un agent commercial se déplaçant chez ses clients, elle a établi des contacts personnels avec nombre d'entre eux - comme le démontre la pièce numéro 21 des appelantes relatives à la SAVONNERIE DE L'ILE DE RÉ- dans laquelle Mme [I] explique à Mme [V]-[U] 's'entendre super bien avec lui et sa femme', en évoquant les gérants de cette enseigne.

Il s'en déduit que Mme [I] pouvait parfaitement contacter toute cette clientèle pour l'informer de sa nouvelle activité et ne commettait de ce fait aucun acte de concurrence déloyale.

Ensuite, il n'est pas fondé de conclure que Mmes [I] et [V]-[U] aient établi 'une action concertée pour s'approprier la clientèle de la société MONCHOIX en utilisant de façon systématique, dans un laps de temps très court, les travaux et l'expérience technique de cette dernière, en reproduisant les produits à l'identique'.

Il a en effet été démontré plus haut que la société MARVA, cliente de petites bolées à liqueur, avait elle-même contacté la société ZE SOUVENIR car elle était mécontente des prestations de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, et qu'elle connaissait Mme [I] pour travailler avec elle depuis 2012 pour les produits NOVOBOX.

La société LA ROUTE DES COMPTOIRS a attesté par courriel avoir rencontré Mme [I] sur un salon professionnel et avoir été séduite par son approche consistant à montrer les produits qu'elle commercialisait plutôt qu'un simple catalogue.

La gérante de la société CIDRE SORRE a attesté par courriel avoir confié le marché de ses bolées à cidre à la société ZE SOUVENIR car elle n'était pas satisfaite de la qualité de son ancien fournisseur.

La société BISCUITERIE BRETONNE a attesté avoir connu Mme [I] lors de son activité NOVOBOX, et dans ce cadre, avoir voulu travailler avec elle dans sa nouvelle activité, celle-ci lui permettant de 'varier ses collections'.

La société LA GABELLE a attesté se fournir en pelles à sel et moulins à sel auprès de trois fournisseurs différents, dont ZE SOUVENIR.

La société LE GRAIN DE SEL atteste travailler avec Mme [I] depuis une dizaine d'années.

La société GASTRONOMIE des Sables d'Olonne atteste avoir connu la société ZE SOUVENIR sur un salon en 2018, alors qu'elle n'avait travaillé qu'une fois avec la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, cinq années auparavant.

La société LA SALORGE a accepté de fournir à la société ZE SOUVENIR la copie d'un courriel adressé à la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX en 2018 pour se plaindre de la qualité de ses produits.

La société LE COMPTOIR DU SEL a écrit travailler depuis dix années avec Mme [I] et considérer que ZE SOUVENIR propose des produits inédits sur le marché.

La société GOURMET TRANCHAIS atteste que les produits ZE SOUVENIR ne se trouvent pas ailleurs.

Les société SEL DE VIE, a attesté travailler avec Mme [I] depuis plus de dix années et trouver novatrice la gamme de produits ZE SOUVENIR.

La société LES SALICORNIERS a attester travailler avec Mme [I] depuis plus de dix ans et apprécier l'originalité de la gamme de produits ZE SOUVENIR.

Il résulte donc de ces attestations que la clientèle de la société ZE SOUVENIR est celle qui était l'ancienne clientèle de Mme [I] comme agent commercial NOVOBOX, que la société ZE SOUVENIR ne s'est pas bornée à vendre des produits régionaux classiques et banals mais a mis en place une gamme que plusieurs revendeurs trouvent originale, tandis qu'enfin, la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX était au demeurant en difficulté avec plusieurs de ses clients.

Aucun détournement de clientèle n'est avéré.

L'imitation des produits des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR :

Il vient d'être relevé par la Cour que plusieurs clients de la société ZE SOUVENIR ont attesté de l'originalité de ses produits, ce qui est contradictoire avec l'imputation qui lui est faite de copier les produits MONCHOIX.

Les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR reprochent à la société ZE SOUVENIR de copier leur catalogue.

Ce reproche n'apparaît pas fondé, dans la mesure où le catalogue de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX est une simple énumération de produits contenant des colonnes avec une case par produit où figurent sa photo, ses dimensions, son prix, et un code barre.

Il ne contient aucun signe distinctif ou commentaire commercial permettant de mettre en exergue tel ou tel produit ou telle ou telle action commerciale, ou tel ou tel savoir faire.

Le catalogue ZE SOUVENIR contient effectivemement des listes de produits par colonne avec une case par produit contenant sa photo, ses dimensions, son prix, sans code barre.

Il s'agit dans les deux cas de simples énumérations des produits vendus et le reproche n'est pas fondé.

Les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR reprochent ensuite à la société ZE SOUVENIR de commercialiser des copies serviles des produits MONCHOIX.

Toutefois, les produits choisis comme exemple par la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX ne sont pas significatifs dans la mesure où ils consistent en des produits régionaux banals: bolées ou mugs décorés de drapeaux bretons ou de triskel, ou de poissons, dessous de plats avec drapeaux bretons, pots à sels avec décors de marais salants, et qu'il a été aisé à la société ZE SOUVENIR de verser aux débats des copies de page internet démontrant que des produits similaires sont déclinés à l'infini par tous les grossistes de produits régionaux, sans qu'il soit possible de déceler de différences entre les uns et les autres, sauf à regarder attentivement leurs dimensions.

A cet égard, il ne peut être utilement plaidé qu'une bolée à cidre décorée d'un drapeau breton soit le produit phare de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, tout grossiste de produits bretons en ayant de similaires à son catalogue.

Aucune pièce ne justifie par ailleurs que les produits invoqués constituent 'les meilleures ventes' de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

Pour sa défense, la société ZE SOUVENIR a édité un tableau où sont repris produit par produit les copies alléguées par la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, permettant d'établir que la majorité d'entre eux sont des produits standards chinois (ce qui est démontré par d'autres pièces), que ses décors ou les dimensions sont différents et que pour 16 produits sur 39 cités, elle vend plus cher que la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX (ce qui se vérifie par comparaison des catalogues).

Elle justifie par ailleurs de décors différents (même si leur inspiration - le triskell ou le drapeau - sont évidemment similaires) et de dimensions différentes pour certains produits.

Il est exact en revanche que la société ZE SOUVENIR a demandé à une graphiste salariée de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, Madame [T], de lui dessiner des décors.

Si même ces décors sont différents de ceux de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, cette demande constituait un acte de concurrence déloyale, que la salariée ait eu ou non une clause d'exclusivité à son contrat de travail, aucun salarié ne pouvant travailler pour un concurrent direct de son emoloyeur.

Cependant et malgré l'utilisation de cette graphiste, l'accusation de copie servile, au regard de la nature des produits en cause et de leur banalité, n'est pas fondée.

Le parasitisme :

Les sociétés appelantes, compte tenu de la nature des produits vendus, ne peuvent utilement soutenir que l'appellation 'ZE SOUVENIR' serait une imitation de la dénomination sociale de la société 'AU BON SOUVENIR', celle-ci ne pouvant pas prétendre à une utilisation exclusive du mot 'souvenir' qui n'est qu'une description de l'activité exercée.

Au surplus, il n'est pas réellement démontré que la société AU BON SOUVENIR exerce réellement une activité, apparaissant pour le moment en sommeil.

Les défenderesses ont aussi démontré que la proximité géographique de leur siège social avec celui de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX n'avait duré que quelques mois et était dû à un cas fortuit découlant du fait qu'elles se sont établies pour leurs débuts d'activité dans un local mis à leur disposition (comme toute jeune entreprise ) par la CCI, lequel se trouvait dans la même zone artisanale que ceux de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

La proximité n'a toutefois duré que quelques mois et la société ZE SOUVENIR a établi son siège social dans une autre commune.

Les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR reprochent aussi à la société ZE SOUVENIR d'avoir embauché M. [W], qui s'occupait de la logistique chez MONCHOIX et a démissionné.

Selon l'attestation de M. [W], la raison de sa démission est le changement de dirigeant de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX (le dirigeant actuel étant le fils des anciens dirigeants) et une certaine incompréhension des méthodes du nouveau dirigeant. Cette démission s'incrit donc banalement dans les remous que causent toujours un changement de méthode dans la gestion d'une entreprise et ne révèlent aucune volonté d'appropriation par la société ZE SOUVENIR, dont les deux associées avaient été des collègues de travail de M. [W] durant des années avant qu'il ne décide de les rejoindre.

Au demeurant, M. [W] n'était tenu par aucune clause de non-concurrence, tandis que le montant de son salaire, tel qu'il résulte de l'examen du contrat de travail aux débats par la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, permet difficilement de le qualifier comme un élément indispensable à la bonne marche de l'activité de l'entreprise.

Elles reprochent aussi à la société ZE SOUVENIR d'avoir fait appel à la société DB SHENKER pour transporter leurs produits; la société DB SHENKER est une société d'envergure mondiale spécialisée dans la logistique, qui dispose d'agences sur tout le territoire français; il résulte de l'attestation rédigée par le directeur commercial de l'agence de [Localité 9] que la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX a exigé qu'elle cesse de travailler avec la société ZE SOUVENIR sous peine de mettre fin à leur collaboration.

La société DB SHENKER écrit que cette demande était contraire à sa politique de neutralité envers ses différents clients, souvent concurrents, et qu'ainsi, les contrats n'ont pas été reconduits avec la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

Il se déduit de cette attestation que pour compétente qu'elle ait été, la société DB SHENKER n'était pas un élément essentiel de la commercialisation des produits MONCHOIX, celle-ci n'hésitant pas à se passer de ses services.

Il ne peut être soutenu que la société ZE SOUVENIR se soit placée dans le sillage de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX pour choisir ses fournisseurs: la société ZE SOUVENIR verse aux débats les billets d'avion justifiant des voyages effectués en Chine durant deux années de suite.

D'autre part, la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX ne précise pas quels fournisseurs seraient communs aux deux société, tandis que la société ZE SOUVENIR conclut sans être contredite avoir ving-deux fournisseurs chinois dont seuls trois seraient communs avec la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

S'agissant la clientèle il a été démontré plus haut que la société ZE SOUVENIR disposait d'une clientèle au moment même de sa création et que celle-ci était précisément la même que celle de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX en raison de la nature même de l'activité antérieurement exercée par Mme [I], ce qui ne peut être imputé à faite.

Les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR reprochent à la société ZE SOUVENIR d'avoir fait appel à une graphiste, domiciliée à Londres (Mme [D]) qui fut autrefois stagiaire au sein de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

Il n'est toutefois pas justifié qu'après ce stage, effectué plusieurs années auparavant, la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX ait fait appel aux services de cette graphiste.

Son utilisation par la société ZE SOUVENIR n'est donc pas fautive et ne peut être considérée comme significative d'une volonté de profiter de ses investissements, lesquels en l'espèce, pour cette graphiste, étaient inexistants.

Il a été trouvé dans les fichiers de la société ZE SOUVENIR les commandes effectuées par la société ZE SOUVENIR à Mme [D], auxquelles étaient jointes des photos de produits MONCHOIX, ce qui démontrerait, selon la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, la volonté de se placer dans son sillage.

Les commentaires joints à la commande démontrent toutefois le contraire puisque la société ZE SOUVENIR indique :

- pour le drapeau breton, de tenter de faire des lignes irrégulières sans que la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX justifie avoir eu cette idée au préalable,

- pour les motifs ORIGAMI (petits bateaux en forme de pliage, aussi très classiques) de les compléter avec d'autres petits motifs et autres couleurs,

- pour les personnages bretons, motif très classique du produit régional: 'tu connais le décor couple rétro breton, on veut aussi notre décor breton mais dessiné avec ta patte, ton style, et pourquoi pas un peu de modernité, peux tu nous faire une proposition'',

- pour la pomme d'amour: 'tu as carte blanche pour le graphisme et les couleurs',

- pour le décor des plateaux de service: 'celui-là est à créer de toute pièce; on cherche un décor qui fasse mer, qui se vende aussi bien en Bretagne qu'en Vendée, on aurait juste à changer le nom dessus.. Tu as carte blanche, je te montre les décors de ce genre de MONCHOIX pour t'orienter dans l'idée, mais on ne veut pas copier, ce décor n'est pas prioritaire, il va surement te prendre plus de temps'.

En d'autres termes les demandes faites par la société ZE SOUVENIR à Mme [D] sont justement de ne pas reproduire les thèmes de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX mais d'arriver à faire preuve d'originalité malgré la banalité des thèmes.

D'autre part, Mme [D] a été payée, pour un total de 1.800 livres ou 2.141 euros pour la seule année 2016, et ainsi la société ZE SOUVENIR a elle-même investi pour développer sa gamme de produits.

La volonté d'originalité de la société ZE SOUVENIR s'est retrouvée dans les attestations des clients de la société ZE SOUVENIR dont plusieurs ont souligné qu'elle avait renouvelé les gammes de produits régionaux.

Enfin, a été saisi un courriel de Mme [I] à Mme [V] dans laquelle la première expliquait à la seconde qu'elle avait refusé les demandes de certains clients consistant à copier les produits MONCHOIX ; l'existence de ce courriel démontre que la volonté des dirigeantes de la société ZE SOUVENIR n'a pas été de se placer dans le sillage de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX mais au contraire de développer une gamme qui leur soit propre.

Il en résulte que la volonté de la société ZE SOUVENIR de se placer dans le sillage de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX n'est pas démontrée, les dirigeantes de la société ZE SOUVENIR possédant de nombreux atouts personnels comme la clientèle NOVOBOX et l'usage du mandarin, et ayant effectué les investissements nécessaires (déplacements en Chine chez les fournisseurs, déplacements personnels chez les clients) pour développer leur propre gamme sans profiter des investissements intellectuels et financiers réalisés par la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

Sur les préjudices des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR :

Ont donc été relevés :

- un acte de concurrence déloyale consistant en la possession de fichiers appartenant à la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, mais l'absence d'utilisation de ces fichiers dans le cadre de l'activité commerciale de la société ZE SOUVENIR,

- un acte de concurrence déloyale consistant à avoir demandé à une graphiste salariée de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, Madame [T], de réaliser des prestations.

Ces deux fautes ont nécessairement causé un préjudice à la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX (aucune faute relative à la société AU BON SOUVENIR n'a été démontrée), très limité en raison :

- de l'absence d'utilisation effective des fichiers,

- du faible nombre de commandes passées à Mme [T] graphiste salariée.

Notamment, ces fautes sont trop limitées pour être susceptibles d'avoir causé à la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX les préjudices qu'elle invoque soit un manque à gagner, et une perte du travail de conception.

Elles ont causé un simple préjudice moral qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 15.000 euros de dommages et intérêts.

En l'absence d'actes de dénigrement, aucune atteinte à l'image des sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR est justifiée et la demande est rejetée.

De la même façon, aucune désorganisation des appelantes n'a été démontrée et la demande indemnitaire émise à ce titre est rejetée.

Ensuite, il n'y a pas lieu de prononcer la moindre interdiction de fabrication et de commercialisation, la cour ayant démontré que les fichiers n'étaient pas utilisés et ayant aussi rejeté les accusations de copie serviles et de parasistisme.

Enfin, la demande de publication de la décision est rejetée compte tenu du caractère très limité des fautes retenues.

Sur les demandes reconventionnelles de la société ZE SOUVENIR :

S'il est exact que la société ZE SOUVENIR fait état d'attestations reproduisant des propos dénigrants à son encontre du dirigeant de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX, pour autant elle ne justifie pas du préjudice en étant résulté et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande.

D'autre part, compte tenu des dommages et intérêts allouées, la procédure ne peut être qualifiée d'abusive et la demande présentée à ce titre est rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les parties garderont à leur charge leurs propres frais irrépétibles, de première instance comme d'appel.

Il sera fait masse des dépens, qui seront partagés par moitié entre les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR d'une part, la société ZE SOUVENIR d'autre part.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- écarté des débats les documents saisis par l'huissier que le tribunal jugerait sans rapport avec l'objet de sa mission,

- jugé que les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR n'apportent pas d'éléments suffisamment probants pour prouver que la société ZE SOUVENIR et Mesdames [V]-[U] et [I] ont commis des actes de concurrence déloyale à leur encontre,

- dit que la société ZE SOUVENIR et Mesdames [V]-[U] et [I] n'ont pas commis d'actes de concurrence déloyale,

- débouté les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR de toutes leurs demandes,

- statué sur les frais irrépétibles et les dépens.

Statuant à nouveau :

Ecarte des débats les pièces suivantes: la demande de crédit documentaire, le questionnaire de santé de Mme [V]-[U] , les pièces relatives à l'activité commerciale de l'époux de Mme [V]-[U] et les photos de famille.

Dit que la société ZE SOUVENIR, Mesdames [V]-[U] et [I] ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX.

Condamne in solidum la société ZE SOUVENIR, Madame [V]-[U] et Mme [I] à payer à la société ETABLISSEMENTS MONCHOIX la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts réparant le préjudice moral en étant découlé.

Déboute les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR du solde de leurs demandes indemnitaires.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Fait masse des dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'exécution de l'ordonnance de requête du 29 mai 2018, et dit qu'ils seront supportés à parts égales entre les sociétés ETABLISSEMENTS MONCHOIX et AU BON SOUVENIR d'une part, la société ZE SOUVENIR d'autre part.

Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/06312
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;19.06312 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award