La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2024 | FRANCE | N°22/06948

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 09 avril 2024, 22/06948


1ère Chambre





ARRÊT N°123



N° RG 22/06948 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TJXX













M. [K] [I] [A] [J]



C/



Mme [L] [R] [D] veuve [O]

Me [M] [V]

S.C.I. VICTOR HUGO



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 0

9 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre entendu en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Marie...

1ère Chambre

ARRÊT N°123

N° RG 22/06948 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TJXX

M. [K] [I] [A] [J]

C/

Mme [L] [R] [D] veuve [O]

Me [M] [V]

S.C.I. VICTOR HUGO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre entendu en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 janvier 2024

ARRÊT :

réputé contradictoire, prononcé publiquement le 09 avril 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 26 mars 2024 à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [K] [I] [A] [J]

né le 30 mai 1972 à [Localité 14]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Maître [M] [V]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représenté par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Carine PRAT de la SELARL EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

La SCI VICTOR HUGO, SCI immatriculée au registre du commerce et des sociétés de sous le n°812.204.782, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel PEIGNARD, Postulant, avocat au barreau de VANNES

Représentée par Me Jean-Marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame [L] [R] [D] veuve [O]

née le 17 mars 1937 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Régulièrement assignée par acte de commissaire de justice délivré le 10 mars 2023 à sa personne, n'a pas constitué

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Le 15 septembre 2015, Me [M] [V], notaire à [Localité 4], a dressé un acte de vente entre Mme [L] [O] et la SCI Victor Hugo, relative à un magasin au rez-de-chaussée avec une vitrine d'environ 80 m² et un arrière magasin de 60 m² donnant sur la cour accessible par l'[Adresse 3], dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 6], section [Cadastre 12] et [Cadastre 2], formant le lot n° 2, avec 2500/10000èmes de la propriété du sol et des parties communes et le droit de jouissance de deux parkings dans la cour commune dont les emplacements figurent en teinte hachurée bleue sur un plan annexé.

2. Il est précisé que l'immeuble fait l'objet d'un état descriptif de division du 14 juin 2000, publié le 12 septembre 2000.

3. L'acte indique que le bien est donné en location à la SARL Coiff&bio, dont le gérant est M. [H], également gérant de la SCI Victor Hugo.

4. Au chapitre 'servitudes', le vendeur déclare que l'accès aux parkings situés dans la cour commune s'effectue par les parcelles cadastrées section [Cadastre 11] et [Cadastre 5], ce que reconnaît l'acquéreur qui en fait son affaire personnelle.

5. Le 25 juillet 2017, Me [V] a dressé un acte de vente entre Mme [O] et M. [K] [J], portant sur le lot n° 1 comprenant une cour accessible par l'[Adresse 3] et le bâtiment B intégrant au rez-de-chaussée : entrée, garage et deux caves, au premier étage à droite un appartement type T2, à gauche un appartement type T3 dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 3], section [Cadastre 12] et [Cadastre 2], avec 5000/10000èmes de la propriété du sol et des parties communes.

6. Il est, là encore, précisé que l'immeuble fait l'objet d'un état descriptif de division du 14 juin 2000, publié le 12 septembre 2000.

7. Au chapitre 'garantie de jouissance', l'acquéreur déclare avoir été informé par le vendeur que, dans l'acte d'acquisition de la SCI Victor Hugo, il a été mentionné que le propriétaire du salon de coiffure utilise deux places de parking situées dans la cour appartenant au propriétaire du lot n° 1.

8. Au chapitre 'servitudes', le vendeur déclare que l'accès à la cour située sur la parcelle [Cadastre 2] s'effectue par la parcelle [Cadastre 9] et que l'accès à la cour située sur la parcelle [Cadastre 10] s'effectue par la parcelle [Cadastre 9] ct [Cadastre 2].

9. M. [J] règle la taxe foncière pour l'ensemble du lot n° 1.

10. Un litige s'est fait jour entre la SCI Victor Hugo ct M. [J] à raison de l'usage des places de parking dans la cour.

11. Le 13 mars 2020, aux termes d'un protocole signé entre M. [J] et la SCI Victor Hugo, les parties sont convenues, en attendant qu'une solution soit trouvée, de confirmer l'utilisation actuelle des deux places de stationnement de la manière suivante : jouissance exclusive au profit de la SCI Victor Hugo jusqu'au 31 mars 2021.

12. Par actes d'huissier des 4 et 13 août 2020, la SCI Victor Hugo a fait assigner Mme [O], M. [J] et Me [V] devant le tribunal judiciaire de Vannes aux fins de nullité du lot n° 1 de l'état descriptif de division et de nullité de la vente intervenue entre Mme [O] et M. [J] portant sur ce lot n° 1.

13. Selon ordonnance du 10 septembre 2021, le juge de la mise en état a rejeté l'exception tirée du défaut de publication de l'assignation et fait injonction à M. [J] d'avoir à libérer la place de parking utilisée par son véhicule Volvo conformément au droit de jouissance dont dispose la SCI Victor Hugo concernant les deux places de parking réservées à l'usage du salon de coiffure, ce sous astreinte.

14. Par jugement du 18 octobre 2022, le tribunal a :

- débouté la SCI Victor Hugo de ses demandes de nullité du lot n° 1 de l'état descriptif de division et de la vente du 25 juillet 2017 entre Mme [O] et M. [J] ainsi que de ses demandes indemnitaires formées contre Mme [O] et Me [V],

- condamné M. [J] à respecter le droit de jouissance exclusif consenti à la SCI Victor Hugo portant sur les deux parkings visés dans son titre de propriété en date du 15 septembre 2015,

- rejeté la demande d'homologation du projet de règlement de copropriété présenté par M. [J],

- condamné M. [J] à payer à la SCI Victor Hugo les sommes de :

* 3.000 € à titre de dommages et intérêts,

* 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [J] de sa demande indemnitaire formée contre la SCI Victor Hugo, Mme [O] et Me [V],

- condamné M. [J] à payer à Me [V] la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] aux dépens.

15. Pour statuer ainsi, le tribunal retient qu'il n'y a aucune contradiction des titres, la cour n'étant pas une partie commune mais la propriété privative de M. [J], sur laquelle la SCI Victor Hugo dispose toutefois d'un droit de jouissance de deux places de stationnement, ce dont M. [J] a été informé aux termes de son acte d'acquisition, droit de jouissance qu'il a temporairement contrarié. Par ailleurs, aucune faute n'est imputable ni à Mme [O] ni à Me [V], quand bien même ce dernier aurait reconnu une erreur de plume en qualifiant la cour de commune, ce qui ne suffisait pas à l'assimiler à une partie commune eu égard à l'état descriptif de division.

16. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 29 novembre 2022, M. [J] a interjeté appel de cette décision.

* * * * *

17. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 23 novembre 2023, M. [J] demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- à titre principal,

- déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de la SCI Victor Hugo visant à :

* juger que les deux parkings font partie du lot n° 2 ainsi qu'il est mentionné dans l'acte de vente de la SCI Victor Hugo et qu'elle en a donc la pleine propriété,

* subsidiairement,

* juger que le lot n° 2, propriété de la SCI Victor Hugo, bénéficie d'une servitude d'utilisation réelle et perpétuelle sur la partie du lot n° 1 de l'état descriptif de division de l'immeuble sis [Adresse 6], constituée par les deux parkings,

* en tous les cas,

* condamner Mme [O] et M. [J] à respecter la servitude d'utilisation consentie au lot n° 2 de l'état descriptif de division, propriété de la SCI Victor Hugo, laquelle porte sur les deux parkings visés dans son titre de propriété en date du 15 septembre 2015,

* condamner M. [J] à payer à la SCI Victor Hugo la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi du fait de l'occupation de la place de parking par M. [J] jusqu'au 10 septembre 2021,

* ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au service de la publicité foncière de [Localité 4] en précisant que cette servitude instituée au bénéfice du lot n° 2 de l'état descriptif de division repose sur le lot n° 1 du descriptif de division de l'immeuble reçu par acte authentique de Me [P], notaire à [Localité 4], en date du 14 juin 2000, publié au service de la publicité foncière de [Localité 4], le 12 septembre 2000, volume 200P, n° 8472,

* à titre très subsidiaire et si par impossible le droit sur les parkings consenti au profit de la SCI Victor Hugo venait à être annulé ou limité,

* condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] à payer à la SCI Victor Hugo la somme de 50.000 € pour la perte ou la limitation de ses droits, sur les deux parkings, partie du lot n° 1,

- déclarer irrecevable la demande de la SCI Victor Hugo,

- annuler la clause relative au droit de jouissance de deux emplacements de parking au profit du propriétaire du salon de coiffure ou de la SCI Victor Hugo dans les actes de vente du 15 septembre 2015 et du 25 juillet 2017,

- à titre subsidiaire,

- annuler la clause contenue dans l'acte de vente du 25 juillet 2017 stipulant un droit de jouissance exclusive perpétuelle et illimitée au profit du propriétaire du salon de coiffure,

- à titre plus subsidiaire,

- limiter la clause contenue dans l'acte de vente du 25 juillet 2017 stipulant un droit de jouissance au profit du propriétaire du salon de coiffure à un seul emplacement de parking,

- à défaut, la limiter à une durée qui ne saurait être supérieure à trente ans, soit jusqu'au 14 juin 2030, sous réserve de la limite à fixer à la date la plus proche en cas de changement de propriétaire du salon de coiffure ou de fermeture de l'établissement,

- condamner la SCI Victor Hugo à lui verser mensuellement une indemnité compensatrice de jouissance jusqu'à cette échéance, qui ne saurait être inférieure à 100 € par mois par place de parking,

- à titre encore plus subsidiaire, si la cour était néanmoins amenée à retenir la qualification de cour commune,

- annuler l'acte de vente du 25 juillet 2017 du lot n° 1, passé entre Mme [O] et lui, seulement en ce que la cour a été désignée dans cet acte comme acquise par lui,

- condamner in solidum Mme [O] et Me [V] à lui verser la somme de 47.000 € au titre du remboursement de la valeur foncière de la cour,

- en tout état de cause,

- déclarer Me [V] responsable,

- condamner in solidum la SCI Victor Hugo, Mme [O] et Me [V] à lui verser la somme de 14.400 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

- condamner in solidum la SCI Victor Hugo, Mme [O] et Me [V] à lui verser la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'ordre public des biens et à son droit de propriété,

- condamner in solidum la SCI Victor Hugo, Mme [O] et Me [V] à lui verser la somme de 1.878,78 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,

- condamner in solidum la SCI Victor Hugo, Mme [O] et Me [V] à lui verser la somme de 7.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- débouter la SCI Victor Hugo, Mme [O] et Me [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum la SCI Victor Hugo, Mme [O] et Me [V] à lui verser la somme de 12.000 € au titre des frais irrépétibles,

- condamner la SCI Victor Hugo, Mme [O] et Me [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

18. À l'appui de ses prétentions, M. [J] fait en effet valoir :

- que, dans le cas d'une copropriété désorganisée, il appartient au co-indivisaire demandeur de saisir le président du tribunal judiciaire d'une demande tendant à désigner un administrateur provisoire avant d'engager une action à l'encontre des autres co-indivisaires, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, ce que n'a pas fait la SCI Victor Hugo avant de porter sa contestation sur la cour,

- que, faute de règlement de copropriété, c'est le statut légal résultant de la loi du 10 juillet 1965 qui s'applique,

- que, dans l'état descriptif de division, la cour a bien été qualifiée de cour privative et rattachée au lot n° 1 dont il est propriétaire,

- que, dès lors que le règlement de copropriété n'a été ni rédigé ni publié, il ne peut être imposé à un copropriétaire une quelconque restriction à son droit de jouissance sur ses parties privatives,

- que, s'il est possible de créer des droits de jouissance spéciale, l'assujettissement total et perpétuel des utilités d'usage de la propriété d'un fonds est proscrit, la mention très imprécise 'le propriétaire du salon de coiffure' renvoyant aussi bien à la SCI Victor Hugo qu'à son gérant,

- qu'en tout état de cause, ce droit de jouissance ne saurait excéder plus de trente ans, moyennant une indemnité compensatrice calculée sur l'activité économique de la SCI Victor Hugo,

- que, le cas échéant, si la cour devait être requalifiée en cour commune, l'annulation de l'acte de vente s'imposerait et Mme [O] et Me [V] seraient condamnés à lui rembourser la somme de 47.000 € correspondant à la valeur foncière de cette cour,

- que ses demandes en appel ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles ne font que reformuler ses demandes de première instance à l'identique et reviennent au même que celles-ci, ce qui n'est pas le cas de celles développées par la SCI Victor Hugo en ce qu'elles tendent à se voir reconnaître pleinement propriétaire des places de parking litigieuses,

- que, si la rédaction des actes concernés n'était pas entrée en contradiction, il n'y aurait jamais eu de litige, le notaire ayant ici nui à l'efficacité de ses actes, n'ayant pas alerté les parties sur l'imprécision des droits en cause et vendu des droits différents d'un acte à l'autre,

- qu'il ne peut pas utiliser les places de parking dont il est propriétaire, entraînant un préjudice de jouissance et une grave atteinte à ses droits, outre un préjudice moral, ce alors qu'il s'acquitte pourtant de l'impôt foncier.

* * * * *

19. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 21 septembre 2023, la SCI Victor Hugo demande à la cour de :

- déclarer M. [J] autant irrecevable que mal fondé en son appel,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre principal, faisant droit à son appel incident,

- la déclarer recevable et bien fondée en ses prétentions, fins et conclusions,

- infirmer le jugement dont appel en ce que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences de ses constatations concernant la nature juridique du droit de jouissance consenti, et en ce qu'il a jugé que Me [V] n'avait commis aucune faute et causé aucun préjudice,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- en conséquence,

- juger que les deux parkings font partie du lot n° 2 ainsi qu'il est mentionné dans son acte de vente et qu'elle en a donc la pleine propriété,

- subsidiairement,

- juger que son lot n° 2 bénéficie d'un droit réel spécial portant sur l'accès et l'utilisation exclusive par elle pour la durée de son existence, des deux emplacements de parking situés sur la partie 'cour' du lot n° 1 de l'état descriptif de division de l'immeuble sis [Adresse 6],

- en tous les cas,

- condamner Mme [O] et M. [J] à respecter les droits consentis à son lot n° 2 de l'état descriptif de division, lesquels portent sur les deux parkings visés dans son titre de propriété du 15 septembre 2015,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [J] à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommage et intérêts pour le préjudice de jouissance subi du fait de l'occupation de la place de parking jusqu'au 10 septembre 2021,

- condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommage et intérêts pour le préjudice subi,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au service de la publicité foncière de [Localité 4] en précisant que ce droit réel spécial, portant sur l'accès et l'utilisation exclusive par elle pour la durée de son existence, des deux emplacements de parking situés dans la 'cour' du lot n° 1 de l'état descriptif de division de l'immeuble sis [Adresse 6], instituée au bénéfice du lot n° 2 de l'état descriptif de division, repose sur le lot n° 1 du descriptif de division de l'immeuble reçu par acte authentique de Me [P], notaire à [Localité 4], en date du 14 juin 2000, publié au service de la publicité foncière de [Localité 4] le 12 septembre 2000, volume 200P, numéro 8472,

- à titre très subsidiaire et si par impossible le droit sur les parkings consenti à son profit venait à être annulé ou limité,

- condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] à lui payer la somme de 50.000 € pour la perte ou la limitation de ses droits, sur les deux parkings, partie du lot n° 1,

- en tous les cas,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] à lui payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] en tous les dépens par application de l'article 699 du code de procédure civile.

20. À l'appui de ses prétentions, la SCI Victor Hugo fait en effet valoir :

- que la copropriété n'a pas à être représentée dans une instance consistant pour elle à combattre la voie de fait dont elle a été victime, le litige portant sur une partie privative et cette exception ayant été soulevée pour la première fois en cause d'appel,

- que le droit réel spécial dont elle est titulaire sur les places de parking est d'un droit sui generis consenti entre les parties et non réglementé par le code civil, constitué pour la durée de vie de la société soit 99 ans,

- qu'au-delà d'une simple erreur matérielle, Me [V] a commis une faute en qualifiant la cour de cour commune, ce qui a permis la remise en cause de son droit réel spécial sur les parkings,

- que cette situation a entraîné l'utilisation indue de ces places par M. [J], entraînant un préjudice de jouissance,

- qu'elle aurait droit à une indemnisation si son droit exclusif sur ces places venait à être annulé.

* * * * *

21. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 22 septembre 2023, Me [V] demande à la cour de :

- confirmer la décision dont appel,

- déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de M. [J] visant à :

* annuler la clause relative au droit de jouissance de deux emplacements de parking au profit du propriétaire du salon de coiffure ou de la SCI Victor Hugo dans les actes de vente du 15 septembre 2015 et du 25 juillet 2017,

* annuler la clause contenue dans l'acte de vente du 25 juillet 2017 stipulant un droit de jouissance exclusive perpétuelle et illimitée au profit du propriétaire du salon de coiffure,

* limiter la clause contenue dans l'acte de vente du 25 juillet 2017 à une durée qui ne saurait être inférieure à trente ans, soit jusqu'au 14 juin 2030, sous réserve de la limite à fixer à la date la plus proche en cas de changement de propriétaire du salon de coiffure ou de fermeture de l'établissement,

- déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de la SCI Victor Hugo tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 50.000 € si les droits sur les parkings devaient être annulés ou limités,

- débouter la SCI Victor Hugo de toutes ses demandes fins et conclusions à son encontre,

- débouter M. [J] de toutes ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

- condamner M. [J] ou tout succombant à lui verser une indemnité de 8.000 € au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Victor Hugo ou tout succombant aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL Ab Litis en application de l'article 699 du code de procédure civile.

22. À l'appui de ses prétentions, Me [V] fait en effet valoir :

- que la cour litigieuse est rattachée au lot n° 1, la mention de 'cour commune' procédant d'une simple erreur matérielle,

- que Mme [O] était parfaitement en droit de céder à la SCI Victor Hugo un droit réel de jouissance spéciale dont la validité a été consacrée par la Cour de cassation,

- que certaines des demandes présentées tant par M. [J] que par la SCI Victor Hugo, comme par exemple l'annulation ou la limitation dans le temps de la clause relative au droit de jouissance des parkings ou la condamnation du notaire en cas d'annulation de tout droit sur les parkings, sont nouvelles en cause d'appel et, partant, irrecevables,

- que M. [J] n'ignorait pas que les places de parking étaient grevées d'un droit réel de jouissance spéciale,

- qu'est perpétuel un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale d'un lot dès lors qu'il est attaché au lot qui en bénéficie,

- qu'ayant donné les informations sur les droits des parties, aucune faute ne peut lui être reprochée,

- qu'en cas de requalification de la cour litigieuse en cour commune, il reviendra à Mme [O] de restituer à M. [J] les fonds correspondants, ce préjudice, au demeurant exagéré dans son quantum, n'étant pas susceptible d'être indemnisé par le notaire,

- que les autres préjudices allégués sont soit infondés, soit inopposables au notaire.

* * * * *

23. Mme [O], à qui la déclaration d'appel a été signifiée à personne le 10 mars 2023, n'a pas constitué avocat.

24. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023.

25. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes arguées de nouvelles en appel

26. Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

27. L'article 565 dispose que 'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.

28. L'article 566 prévoit que 'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.

1 - les demandes de M. [J] :

29. Me [V] demande à la cour de déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de M. [J] visant à :

'- annuler la clause relative au droit de jouissance de deux emplacements de parking au profit du propriétaire du salon de coiffure ou de la SCI Victor Hugo dans les actes de vente du 15 septembre 2015 et du 25 juillet 2017,

- annuler la clause contenue dans l'acte de vente du 25 juillet 2017 stipulant un droit de jouissance exclusive perpétuelle et illimitée au profit du propriétaire du salon de coiffure,

- limiter la clause contenue dans l'acte de vente du 25 juillet 2017 à une durée qui ne saurait être inférieure à rente ans soit jusqu'au 14 juin 2030 sous réserve de la limite à fixer à la date la plus proche en cas de changement de propriétaire du salon de coiffure ou de fermeture de l'établissement'.

30. Le jugement entrepris mentionne, sans autre détail, que '[K] [J] a présenté ses moyens de défense dans ses dernières conclusions n° 2 enrôlées RPVA en date du 26 octobre 2021'.

31. Sans faire plus de démonstration, Me [V] produit en pièce n° 4 ces conclusions qui saisissaient ainsi le tribunal :

'- à titre principal,

- dire et juger que la cour accessible par l'[Adresse 3] lui appartient en pleine propriété,

- constater que la SCI Victor Hugo dispose d'un droit de jouissance non exclusif sur les deux places de stationnement situées dans la cour lui appartenant,

- débouter, en conséquence, la SCI Victor Hugo de l'ensemble de ses demandes,

- constater l'absence de règlement de copropriété et l'absence d' accord entre les parties sur un projet de règlement de copropriété,

- homologuer le projet de règlement de copropriété établi par Maître [G] [C], Notaire à [Localité 15],

- condamner la SCI Victor Hugo à lui verser la somme de 2.000 € au titre de son préjudice moral,

- condamner la SCI Victor Hugo à lui verser la somme de 2.072,58 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner la SCI Victor Hugo à lui verser la somme de 4.422,10 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Victor Hugo aux entiers dépens de l'instance,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le tribunal jugerait que la cour accessible par l'[Adresse 3] est une partie commune de l'immeuble,

- constater que son droit de propriété sur le bâtiment B et les 5000/10000èmes des parties communes n'est pas remis en cause,

- dire et juger, en conséquence, que l'acte de vente conclu entre lui et Mme [O] le 25 juillet 2017, ne saurait être frappé de nullité dans sa globalité,

- dire et juger que l'acte de vente conclu entre lui et Mme [O] le 25 juillet 2017 fera l'objet d'un acte rectificatif, à la charge de Me [V], dans lequel il sera précisé qu'il disposera d'un droit de jouissance exclusif sur l'une des deux places de parking situées dans la cour accessible par l'[Adresse 3], à défaut de pouvoir continuer à jouir d'un droit de propriété exclusif sur cette cour,

- dire et juger que Me [V] et Mme [O] sont entièrement responsables des conséquences dommageables liées à l'erreur de rédaction contenue dans l'acte de vente conclu entre la SCI Victor Hugo et Mme [O] le 15 septembre 2015, concernant la cour accessible par l'[Adresse 3],

- condamner, en conséquence, in solidum Me [V] et Mme [O] à lui verser la somme de 46.752,52 € au titre de son préjudice financier,

- condamner in solidum Me [V] et Mme [O] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de son préjudice moral,

- condamner in solidum Me [V] et Mme [O] à lui verser la somme de 2.072,58 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum Me [V] et Mme [O] à lui verser la somme de 4.422,10 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Me [V] et Mme [O] aux entiers dépens de l'instance'.

32. Il convient de rappeler que M. [J] avait la qualité de défendeur à l'action entreprise par la SCI Victor Hugo. Toutefois, la cour observe que les prétentions émises par M. [J] devant le tribunal tendaient déjà, à titre subsidiaire, à la restriction dans l'espace des droits de la SCI Victor Hugo sur les parkings en cause.

33. Ces prétentions, autrement formulées en cause d'appel (notamment par une restriction dans le temps cette fois), sont la suite du jugement entrepris qui consacre les droits de la SCI Victor Hugo et elles ne tendent qu'à faire échec aux demandes de cette dernière. Elles constituent le complément nécessaire des prétentions portées en première instance. En ce sens, elles ne peuvent pas être qualifiées de nouvelles en cause d'appel, de sorte qu'elles seront déclarées recevables.

2 - les demandes de la SCI Victor Hugo :

34. M. [J] demande à la cour de déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de la SCI Victor Hugo visant à :

'- juger que les deux parkings font partie du lot n° 2 ainsi qu'il est mentionné dans l'acte de vente de la SCI Victor Hugo et qu'elle en a donc la pleine propriété,

- subsidiairement,

- juger que le lot n° 2, propriété de la SCI Victor Hugo, bénéficie d'une servitude d'utilisation réelle et perpétuelle sur la partie du lot n° 1 de l'état descriptif de division de l'immeuble sis [Adresse 6], constituée par les deux parkings,

- en tous les cas,

- condamner Mme [O] et M. [J] à respecter la servitude d'utilisation consentie au lot n° 2 de l'état descriptif de division, propriété de la SCI Victor Hugo, laquelle porte sur les deux parkings visés dans son titre de propriété en date du 15 septembre 2015,

- condamner M. [J] à payer à la SCI Victor Hugo la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi du fait de l'occupation de la place de parking par M. [J] jusqu'au 10 septembre 2021,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au service de la publicité foncière de [Localité 4] en précisant que cette servitude instituée au bénéfice du lot n° 2 de l'état descriptif de division repose sur le lot n° 1 du descriptif de division de l'immeuble reçu par acte authentique de Me [P], notaire à [Localité 4], en date du 14 juin 2000, publié au service de la publicité foncière de [Localité 4], le 12 septembre 2000, volume 200P, n° 8472,

- à titre très subsidiaire et si par impossible le droit sur les parkings consenti au profit de la SCI Victor Hugo venait a être annulé ou limité,

- condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] à payer à la SCI Victor Hugo la somme de 50.000 € pour la perte ou la limitation de ses droits, sur les deux parkings, partie du lot n° 1'.

35. Me [V] demande également à la cour de déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de la SCI Victor Hugo tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 50.000 € si les droits sur les parkings devaient être annulés ou limités.

36. Là encore, le jugement entrepris mentionne, sans autre détail, que 'la SCI Victor Hugo a présenté ses demandes dans ses dernières conclusions en réponse no 3 enrôlées RPV A en date du 4 novembre 2021'.

37. Si M. [J] ne produit pas ces conclusions, elles sont communiquées par Me [V] (pièce n° 5). Elles saisissaient le tribunal en ces termes :

'- à titre principal,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- prendre acte que l'assignation a été publiée à la publicité foncière de [Localité 4] le 28 septembre 2020,

- prononcer la nullité du lot n° 1 de l'état descriptif de division de l'immeuble du [Adresse 6] (...),

- prononcer la nullité de la vente consentie par Mme [O] au profit de M. [J] (...) portant sur le lot n° 1 de l'état descriptif de division (...),

- condamner Mme [O] et M. [J] à respecter le droit de jouissance privatif qui lui a été consenti portant sur les deux parkings visés dans son titre de propriété en date du 15 septembre 2015,

- dire que M. [J] utilise une des deux places de parking, dont la jouissance lui est réservée, ce qui lui cause un préjudice,

- condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] à lui payer la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

- à titre subsidiaire, si par impossible le tribunal venait à la débouter de ses demandes,

- dire que son droit de jouissance est un droit de jouissance exclusif selon la clause 'garantie de jouissance' présente dans l'acte de vente de Monsieur [J],

- dire que son droit de jouissance présente dans l'acte de vente de M. [J],

- dire que son droit de jouissance concernant les deux places de parking situées dans la cour appartenant lot n° 1 ne peut être remis en cause par M. [J],

- débouter M. [J] de sa demande d'homologation du projet de règlement de copropriété,

- en tout état de cause,

- condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] en tous les dépens par application de l'article 699 du code de procédure civile'.

38. De la même façon qu'il a été vu plus haut, la cour considère que les demandes concernant la pleine propriété des places de parking, voire, le cas échéant, le droit (et non la servitude) d'utilisation réelle et perpétuelle, ont trait au même sujet que celui abordé par le tribunal : la qualification des droits en présence, la SCI Victor Hugo niant dès la saisine du tribunal tout droit de M. [J] sur ces emplacements, allant jusqu'à solliciter la nullité de la disposition de l'acte de vente intervenu sur ce point entre Mme [O] et M. [J].

39. De ce point de vue, les demandes formées en cause d'appel par la SCI Victor Hugo doivent être considérées comme virtuellement comprises dans celles énoncées en première instance, dont elles ne sont que le complément nécessaire puisqu'elles permettent à la cour d'avoir une vision d'ensemble sur les revendications de chaque partie sur les deux places de parking en litige.

40. Pour le surplus, la demande d'indemnisation en cas d'annulation de ses droits, émise de façon 'très subsidiaire', ne fait jamais que répondre aux prétentions émises par M. [J] tendant à l'annulation de la clause de droit de jouissance consentie à la SCI Victor Hugo, de sorte qu'elle ne peut pas être considérée comme nouvelle en cause d'appel.

41. Il en est de même de la demande de la SCI Victor Hugo tendant à voir condamner (notamment) Me [V] à lui verser la somme de 50.000 € si les droits sur les parkings devaient être annulés ou limités. Le tribunal était saisi d'une demande de dommages et intérêts à l'encontre de Me [V]. Elle est certes différemment articulée en appel comme tenant compte de l'éventualité d'une restriction de ses droits mais constitue le complément nécessaire de ses prétentions principales. En ce sens, elles ne peuvent pas être qualifiées de nouvelles en cause d'appel, de sorte qu'elles seront déclarées recevables.

Sur la recevabilité de l'action de la SCI Victor Hugo

42. L'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que 'le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble. Tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d'en informer le syndic'.

43. L'article 47 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 prévoit que, 'dans tous les cas, autres que celui prévu par le précédent article, où le syndicat est dépourvu de syndic, le président du tribunal judiciaire, statuant par ordonnance sur requête, à la demande de tout intéressé, désigne un administrateur provisoire de la copropriété qui est notamment chargé, dans les délais fixés par l'ordonnance, de se faire remettre les références des comptes bancaires du syndicat, les coordonnées de la banque et l'ensemble des documents et archives du syndicat et de convoquer l'assemblée en vue de la désignation d'un syndic dans les conditions prévues à l'article 9. Les fonctions de cet administrateur provisoire cessent de plein droit à compter de l'acceptation de son mandat par le syndic désigné par l'assemblée générale'.

44. En l'espèce, dès lors qu'il considère se trouver en 'copropriété désorganisée', situation qui aurait dû conduire la SCI Victor Hugo à saisir le président du tribunal judiciaire d'une demande tendant à désigner un administrateur provisoire avant d'engager une action à l'encontre des autres co-indivisaires, M. [J] estime que sa demande, consistant en une 'contestation portant sur la cour', est irrecevable.

45. En premier lieu, ce que la SCI Victor Hugo qualifie d'exception constitue en réalité une fin de non-recevoir, que toute partie est habile à soulever même pour la première fois en cause d'appel.

46. En deuxième lieu, il y a une contradiction, de la part de M. [J], à plaider à la fois ses droits privatifs exclusifs sur la cour en opposition à ceux y revendiqués par la SCI Victor Hugo et à exiger la mise en cause d'un administrateur de la copropriété qui ne pourrait qu'avoir vocation à défendre la caractère commun de cette cour.

47. En troisième lieu, la qualification de la cour litigieuse en cour privative n'est pas contestable (infra n°49 et suivants et suivants).

48. La SCI Victor Hugo sera donc déclarée recevable à agir.

Sur la nature de la 'cour accessible'

49. L'article 1-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose qu' 'en cas de mise en copropriété d'un immeuble bâti existant, l'ensemble du statut s'applique à compter du premier transfert de propriété d'un lot'.

50. En l'espèce, l'ensemble immobilier en cause, situé à [Adresse 6], section [Cadastre 12] et [Cadastre 2], a été divisé en trois lots, suivant acte du 14 juin 2000, reçu par Me [P], notaire à [Localité 4], avec des parties communes.

51. Dans l'état descriptif de division, la cour a bien été qualifiée de cour privative et rattachée au lot n° 1 (dont M. [J] est ensuite devenu propriétaire le 25 juillet 2017) :

- le lot n° 1 est composé d'une cour accessible par l'[Adresse 3], du bâtiment B et de 5000/10000èmes des parties communes

- le lot n° 2 est composé d'un magasin, d'un arrière-magasin situés au rez-de-chaussée du bâtiment A donnant sur l'avenue Victor Hugo et de 2500/10000èmes des parties communes.

- le lot n° 3 est composé d'un appartement sur deux étages (avec grenier) situé dans le bâtiment A et de 2500/10000èmes des parties communes.

52. L'acte de donation du lot n° 3 consenti par M. [O] à sa fille le même jour constitue le premier transfert de propriété. Cet acte n'évoque aucunement une cour commune.

53. Le 15 septembre 2015, Mme [L] [D], veuve de M. [O], a ensuite vendu à la SCI Victor Hugo le lot n° 2 relatif à un magasin au rez-de-chaussée avec une vitrine d'environ 80 m² et un arrière magasin de 60 m² donnant sur la cour accessible par l'[Adresse 3], dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 6], section [Cadastre 12] et [Cadastre 2], avec 2500/10000èmes de la propriété du sol et des parties communes 'et le droit de jouissance de deux parkings dans la cour commune, dont les emplacements figurent en teinte hachurée bleue sur un plan annexé'.

54. C'est la première fois que l'on qualifie ainsi ce qui était jusqu'à présent une 'cour accessible' rattachée au lot n° 1.

55. Le 25 juillet 2017, Mme [O] a vendu à M. [K] [J] le lot n° 1 constitué d'une cour accessible par l'[Adresse 3] et du bâtiment B comprenant au rez-de-chaussée : entrée, garage et deux caves, au premier étage à droite un appartement type T2, à gauche un appartement type T3 dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 3], section [Cadastre 12] et [Cadastre 2], avec 5000/10000èmes de la propriété du sol et des parties communes.

56. L'acte, qui précise que l'immeuble fait l'objet d'un état descriptif de division du 14 juin 2000, publié le 12 septembre 2000, contient en page 9 un paragraphe intitulé 'garantie de jouissance', dans lequel 'l'acquéreur déclare avoir été informé par le vendeur que, dans l'acte d'acquisition de la SCI Victor Hugo, il a été mentionné que le propriétaire du salon de coiffure utilise deux places de parking situées dans la cour appartenant au propriétaire du lot n° 1'.

57. Me [V] conclut (page 5) que 'c'est par une simple erreur matérielle qu'il est dit « deux parkings dans la cour commune »'.

58. De son côté, la SCI Victor Hugo conclut (page 8) que 'l'erreur commise par le notaire dans l'acte de vente porte sur l'ambiguïté du terme qu'il a utilisé pour qualifier la cour de l'immeuble, comme étant une cour commune, bien qu'elle soit incluse dans le lot n° 1 de l'état descriptif de division de l'immeuble'.

59. Quant à M. [J], il entend voir consacrer ses droits privatifs sur la cour litigieuse conformément à son titre.

60. C'est donc par un abus de langage que cette cour a été qualifiée de commune dans l'acte de vente du 15 septembre 2015, ainsi que l'ont retenu les premiers juges. Elle appartient à M. [J] conformément à son titre de propriété du 25 juillet 2017 et à l'état descriptif de division du 14 juin 2000.

Sur les droits des parties sur les parkings en litige

61. L'article 544 du code civil dispose que 'la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements'.

62. En l'espèce, la SCI Victor Hugo demande à la cour de 'juger que les deux parkings font partie du lot n° 2 ainsi qu'il est mentionné dans son acte de vente et qu'elle en a donc la pleine propriété'.

63. Toutefois, il vient d'être dit que l'ensemble de la cour, en ce compris les parkings, était la propriété de M. [J] comme faisant partie intégrante du lot n° 1.

64. Or, la SCI Victor Hugo n'est propriétaire, en vertu de l'acte de vente du 15 septembre 2015, que du lot n° 2, lequel ne comprend pas de cour dans l'état descriptif de propriété.

65. Mme [O], qui était encore propriétaire du lot n° 1 et donc seule propriétaire de la cour dont elle pouvait disposer, a pu également céder à la SCI Victor Hugo en cette occasion un 'droit de jouissance de deux parkings dans la cour commune (erreur du notaire), dont les emplacements figurent en teinte hachurée bleue sur un plan annexé'.

66. Dans ces conditions, la cour ne saurait reconnaître à la SCI Victor Hugo des droits en pleine propriété, ce d'autant moins que l'acte de vente du 25 juillet 2017 établi au profit de M. [J] prend soin de rappeler que l'acquéreur déclare avoir été informé par le vendeur que, dans l'acte d'acquisition de la SCI Victor Hugo, il a été mentionné que le propriétaire du salon de coiffure utilise deux places parking situées dans la cour appartenant au propriétaire du lot n° 1', comme pour relativiser son droit de propriétaire sur ces emplacements.

67. Toutefois, M. [J], faisant état de l'imprécision de la clause voulue par Mme [O], demande à la cour de déclarer nulle la clause prévoyant un droit d'usage absolu des places de parking sans délimitation de temps ni d'exercice ni de personne titulaire de ce droit au profit du 'propriétaire du salon de coiffure', partant du principe que, 'lorsque le propriétaire consent un droit réel, conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale de son bien, ce droit, s'il n'est pas limité dans le temps par la volonté des parties, ne peut être perpétuel et s'éteint dans les conditions prévues par les articles 619 (usufruit) et 625 (usage et habitation) du code civil'.

68. Aucun texte n'interdit formellement la création de droits réels nouveaux ou la modification des droits réels reconnus dès lors que la volonté individuelle ne heurte pas une disposition d'ordre public, nonobstant le partage légal consacré par l'article 543 du code civil : 'On peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre'.

69. M. [J] sollicite vainement l'annulation de la clause litigieuse octroyant un droit de jouissance réel sur les deux places de parking en considération du fait que sa propriété serait niée en l'absence d'usus, de fructus et d'abusus puisque la restriction à son droit ne porte que sur une partie de sa cour privative, laquelle comporte d'ailleurs trois autres places de stationnement (infra n° 77). La clause contestée est licite et sera donc validée.

70. Un droit réel distinct du droit d'usage et d'habitation régi par le code civil, s'il ne peut pas être institué à perpétuité, peut être concédé pour la durée de la vie de la personne morale qui en bénéficie, aucune disposition légale, en l'absence de stipulation expresse sur la durée du droit, ne prévoyant qu'il soit limité à une durée de trente ans.

71. Alors que la SCI Victor Hugo, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 24 juin 2015 pour une durée de 99 ans, revendique le bénéfice de la clause litigieuse 'pour la durée de son existence', M. [J] en demande en toute hypothèse la limitation, soit dans l'espace (à un seul emplacement de parking), soit dans le temps (à une durée qui ne saurait être supérieure à trente ans, c'est-à-dire jusqu'au 14 juin 2030, sous réserve de la limite à fixer à la date la plus proche en cas de changement de propriétaire du salon de coiffure ou de fermeture de l'établissement).

72. L'acte de vente du 15 septembre 2015 n'expose pas les causes de ce 'droit de jouissance de deux parkings', même s'il précise que 'le bien est actuellement loué au profit de la SARL Coiff&bio', dont le gérant, 'M. [H], est également gérant de la SCI Victor Hugo', alors que l'acte de vente du 25 juillet 2017 établi au profit de M. [J] rappelle à ce dernier 'que le propriétaire du salon de coiffure utilise deux places parking situées dans la cour'.

73. Ce droit est spécialement accordé au propriétaire du lot n° 2 comprenant le salon de coiffure. Il peut donc s'exercer pour la durée de l'existence de la SCI Victor Hugo, rien n'en justifiant par ailleurs sa restriction dans l'espace. La cour ordonnera la publication de l'arrêt comme demandé par la SCI Victor Hugo dont le droit est ainsi consacré.

74. Enfin, cette solution induit nécessairement la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [J] à respecter le droit de jouissance exclusif consenti à la SCI Victor Hugo portant sur les deux parkings visés dans son titre de propriété en date du 15 septembre 2015.

Sur le préjudice de jouissance subi par la SCI Victor Hugo

75. Aux termes de l'article 1240 du code civil, 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

76. En l'espèce, ainsi qu'il a été vu, aux termes des actes notariés de 2015 et de 2017 :

- la SCI Victor Hugo dispose d'un droit de jouissance de deux places de stationnement dans la cour du 33 [Adresse 3], ce droit étant nécessairement exclusif, faute de prévoir d'autres titulaires concurrents ou des périodes d'exercice,

- M. [J] a été informé de ce qu'il devait souffrir l'exercice du droit de jouissance reconnu à la SCI Victor Hugo, de sorte qu'il ne pouvait pas occuper l'une quelconque de ces deux places, à peine de contrarier le droit d'usage reconnu au propriétaire du salon de coiffure, sans restriction à cet usage prévu au titre de propriété de l'une ou l'autre partie.

77. C'est donc de façon fautive que M. [J] a occupé occasionnellement l'une des places de parking dont l'usage est réservé à la SCI Victor Hugo, comme en témoigne le procès-verbal de constat d'huissier établi le 22 avril 2021 par Me [W], qui a constaté :

- la présence d'une cour située à l'arrière de l'Immeuble situé [Adresse 6],

- un accès par un porche situé au [Adresse 3],

- dans cette cour, 5 places de stationnement,

- les 2 places situées à proximité de la porte arrière de l'immeuble de la SCI Victor Hugo sont occupées par des véhicules y stationnant : une Audi [Immatriculation 13] appartenant à [X] [H] (gérant de la SCI Victor Hugo), et une Volvo [Immatriculation 8] dont la propriété est attribuée a M. [J] par la société requérante, ce que n'a pas contesté l'appelant.

78. Ce comportement a donc duré malgré l'injonction faite par la SCI Victor Hugo de cessation du trouble adressée par mail du 7 avril 2021 via son conseil alors que la procédure avait déjà été engagée elle suivant actes d'huissier des 4 et 13 août 2020 et qu'un protocole avait été signé entre M. [J] et la SCI Victor Hugo le 13 mars 2020, aux termes duquel les parties étaient convenues, en attendant qu'une solution soit trouvée, de confirmer la jouissance exclusive au profit de la SCI Victor Hugo, cet accord fût-il limité au 31 mars 2021 dès lors qu'il prévoyait que, 'passé ce délai, les parties devront se réunir à nouveau pour envisager un dénouement', aucune démarche n'ayant été entreprise en ce sens par M. [J] qui a poursuivi son occupation illicite.

79. Cette situation a d'ailleurs nécessité l'intervention du juge de la mise en état qui, par ordonnance du 10 septembre 2021, a notamment fait injonction sous astreinte à M. [J] d'avoir à libérer la place de parking utilisée par son véhicule Volvo conformément au droit de jouissance dont dispose la SCI Victor Hugo concernant les deux places de parking réservées à l'usage du salon de coiffure.

81. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. [J] à payer à la SCI Victor Hugo la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.

Sur l'indemnité compensatrice de jouissance

82. M. [J] demande à la cour, à titre subsidiaire, de condamner la SCI Victor Hugo à lui verser mensuellement une indemnité compensatrice de jouissance jusqu'à l'échéance du droit octroyé, qui ne saurait être inférieure à 100 € par mois par place de parking, prétention dont n'étaient pas saisis les premiers juges en raison de l'évolution du débat en cour d'appel.

82. Cette demande se heurte toutefois au principe de jouissance exclusive qui a été accordée à la SCI Victor Hugo suivant acte authentique du 15 septembre 2015.

83. M. [J] sera donc débouté de cette demande.

Sur la nullité partielle de l'acte de vente du 25 juillet 2017

84. L'article 1178 du code civil dispose qu' 'un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé (...)'.

85. En l'espèce, M. [J] demande à la cour d'annuler l'acte de vente du 25 juillet 2017 du lot n° 1, passé entre Mme [O] et lui, seulement en ce que la cour a été désignée dans cet acte comme acquise par lui ainsi que la restitution de la somme de 47.000 € au titre du remboursement de la valeur foncière de la cour.

86. Cette demande de nullité de l'acte de vente du lot n° 1 est fondée sur le fait 'que la cour ait été désignée dans cet acte comme acquise par M. [J] alors qu'il s'agissait d'une cour commune'.

87. Il a été dit (supra n° 49 et suivants) que la 'cour accessible' composant le lot n° 1 qui lui a été vendu par Mme [O] était privative et qu'elle ne constituait pas une cour commune.

88. Le fait que cet espace soit restreint en raison du droit de jouissance exclusive accordé à la SCI Victor Hugo sur deux parkings, ainsi que le lui rappelle son acte d'acquisition, n'a pas pour conséquence d'ôter le caractère privatif de cette cour qui compte d'ailleurs trois autres places de stationnement.

89. Il s'ensuit que M. [J] sera débouté de cette demande qui n'avait pas été portée à la connaissance du tribunal en raison de l'évolution du litige devant la cour d'appel.

Sur la demande de réparation des préjudices de M. [J]

90. M. [J] demande à la cour de condamner in solidum la SCI Victor Hugo, Mme [O] et Me [V] à lui verser les sommes suivantes :

- 14.400 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

- 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'ordre public des biens et à son droit de propriété,

- 1.878,78 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,

- 7.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

91. Devant le tribunal, ces demandes étaient formées pour des montants différents (46.752,52 € au titre du préjudice financier, 2.000 € au titre du préjudice moral, 2.072,58 € au titre de la restitution des sommes versées en exécution de l'ordonnance du juge de la mise en état du 10 septembre 2021) et seules les deux dernières concernaient d'une part la SCI Victor Hugo (seule et à titre principal) et d'autre part Mme [O] et Me [V] (in solidum et à titre subsidiaire).

92. Concernant la responsabilité de la SCI Victor Hugo dans la création de ces divers préjudices, aucune démonstration n'est faite par M. [J] d'une faute commise par la propriétaire du lot n° 2 qui n'a fait que protéger les droits légitimes dont elle est titulaire et qui ont été reconnus tant par le tribunal que par la cour. L'appelant sera donc débouté de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de la SCI Victor Hugo et le jugement sera confirmé de ce chef pour le surplus.

93. Concernant la responsabilité de Mme [O], c'est sans faute de sa part qu'elle a vendu à la SCI Victor Hugo, alors qu'elle était propriétaire de la cour, un droit de jouissance exclusive sur deux places de parking, ce qu'elle a rappelé à M. [J] dans l'acte portant revente de cette même cour, fût-ce de façon insuffisante par le notaire. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de ce chef.

94. Concernant la responsabilité de Me [V], il convient de rappeler que le notaire, en tant qu'officier public, rédacteur d'acte, est tenu à une obligation de conseil envers les parties en ce qu'il doit leur fournir les informations leur permettant d'apprécier en toute connaissance de cause la portée de l'acte, mais aussi de résultat en ce qu'il doit assurer l'efficacité et l'utilité de l'acte qu'il rédige. S'il constate une imprécision dans un acte, il doit en informer les parties.

95. En l'espèce, selon M. [J], 'si la rédaction des actes concernés n'était pas entrée en contradiction, il n'y aurait jamais eu de litige'. Il considère que 'Me [V] a vendu des droits différents d'un acte à l'autre, ce qui a des conséquences très substantielles', alors 'qu'il appartenait au notaire, pour assurer l'efficacité de son acte, de prévenir tout conflit relatif à la cour (lui) appartenant et, notamment, de ne pas être aussi imprécis dans la rédaction d'une clause trop imprécise et illimitée pour être analysée en un droit de jouissance spéciale'.

96. Me [V] reconnaît une erreur dans l'utilisation du vocable 'cour commune' dans l'acte d'acquisition de la SCI Victor Hugo. Cette erreur matérielle n'est toutefois pas à l'origine du conflit qui s'est manifesté uniquement au sujet de l'utilisation des deux places de parking figurant dans cette cour.

97. La clause de droit réel de jouissance spéciale et exclusive de l'acte de vente intervenu entre Mme [O] et la SCI Victor Hugo vient d'être validée par la cour (supra n° 69), de sorte qu'il n'existe aucune faute, de la part de Me [V], à avoir instrumenté un transfert de droits sur une partie de la cour en cette occasion. L'exigence de précision aurait toutefois commandé, compte tenu de l'imperfection de droits consacrés uniquement en jurisprudence et qu'une partie de la doctrine conteste comme étant contra legem, d'indiquer les causes de cette cession particulière et sa durée dans le temps. Dans ces conditions, la formule retenue ('le droit de jouissance de deux parkings dans la cour commune, dont les emplacements figurent en teinte hachurée bleue sur un plan annexé') doit être jugée insuffisante, comme ayant pu créer un trouble sur sa véritable portée.

98. Le fait, pour Me [V], d'avoir rappelé cette situation dans l'acte de vente intervenu entre Mme [O] et M. [J] par la seule mention selon laquelle ce dernier est informé que, 'dans l'acte d'acquisition de la SCI Victor Hugo, il a été mentionné que le propriétaire du salon de coiffure utilise deux places parking situées dans la cour' est encore plus insuffisant puisque Mme [O] avait en réalité vendu un droit réel de jouissance spéciale et exclusive à la SCI Victor Hugo sur ces emplacements. La référence à l'acte d'acquisition de la SCI Victor Hugo ne renvoyait qu'à une clause elle-même insuffisante, ainsi qu'il vient d'être dit, ne permettant pas à M. [J] de comprendre précisément le périmètre de ses droits : les droits des parties étaient-ils concurrents ou exclusifs, les droits de la SCI Victor Hugo étaient-ils perpétuels ou limités dans le temps. Si Me [V] n'a pas pour autant, en cette occasion, vendu les mêmes droits d'un acte à l'autre, les formulations employées pouvaient, dans les deux cas, prêter à interprétation. En ce sens, la cour considère que ses actes n'ont pas atteint l'efficacité attendue.

99. Pour autant, malgré ces fautes, M. [J] ne plaide pas la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à de meilleurs conditions, mais essentiellement un préjudice de jouissance et l'atteinte à son droit de propriété sur les parkings, tous droits dont il n'a jamais été titulaire en vertu des actes tant de 2015 que de 2017. Il en est de même pour le préjudice financier qu'il allègue (taxes foncières de la cour privative), qui n'est jamais constitué que des charges découlant de son statut de propriétaire et est donc sans lien direct avec les insuffisances de la rédaction de Me [V].

100. En réalité, le préjudice de M. [J] réside dans le fait que, sans cette faute, avec une formulation précise et adéquate, le litige ne serait jamais né. Au titre des préjudices allégués, seul le préjudice moral est en mesure de prospérer compte tenu des tracas engendrés par la procédure. Ce préjudice moral sera réparé par l'octroi d'une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts à la charge de Me [V].

Sur la demande de dommages et intérêts de la SCI Victor Hugo

101. La SCI Victor Hugo demande à la cour de condamner in solidum Mme [O], M. [J] et Me [V] à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommage et intérêts pour le préjudice subi. Il s'agit du 'trouble de jouissance résultant de la contestation de son droit sur les parkings'.

102. Ce préjudice a déjà été indemnisé (supra n° 75 et suivants) et la SCI Victor Hugo ne l'articule pas différemment. Il est d'ailleurs le fait exclusif du comportement de M. [J].

103. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Victor Hugo de ce chef.

Sur les dépens

104. Me [V], dont les insuffisances dans la rédaction des actes successifs explique le présent contentieux, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

105. Les dispositions concernant les frais irrépétibles seront confirmées à l'exception de celles bénéficiant à Me [V]. L'équité commande de faire bénéficier tant M. [J] que la SCI Victor Hugo des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 4.000 € pour chacun d'eux à la charge de Me [V].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Déclare l'ensemble des prétentions émises tant par M. [J] que par la SCI Victor Hugo recevables comme n'étant pas nouvelles en cause d'appel,

Déclare la SCI Victor Hugo recevable à agir,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Vannes du 18 octobre 2022, sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [J] de sa demande indemnitaire formée contre Me [V],

- condamné M. [J] à payer à Me [V] la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] aux dépens.

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Déclare valable la clause litigieuse octroyant à la SCI Victor Hugo un droit réel de jouissance spéciale et exclusive sur les deux places de parking,

Ordonne la publication de l'arrêt au service de la publicité foncière de [Localité 4] spécifiant que ce droit réel spécial porte sur l'accès et l'utilisation exclusive par la SCI Victor Hugo pour la durée de son existence, des deux emplacements de parking situés dans la cour du lot n° 1 de l'état descriptif de division de l'immeuble sis [Adresse 6], est institué au bénéfice du lot n° 2 de l'état descriptif de division et repose sur le lot n° 1 du descriptif de division de l'immeuble reçu par acte authentique de Me [P], notaire à [Localité 4], en date du 14 juin 2000, publié au service de la publicité foncière de [Localité 4] le 12 septembre 2000, volume 200P, numéro 8472,

Déboute M. [J] de sa demande d'indemnité compensatrice de jouissance,

Déboute M. [J] de sa demande de nullité partielle de l'acte de vente du 25 juillet 2017,

Déboute M. [J] de ses demandes de dommages et intérêts formées contre la SCI Victor Hugo,

Déclare Me [M] [V] responsable du préjudice moral subi par M. [J],

En conséquence,

Condamne Me [M] [V] à payer à M. [K] [J] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Condamne Me [M] [V] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne Me [M] [V] à payer tant à M. [K] [J] qu'à la SCI Victor Hugo la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/06948
Date de la décision : 09/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-09;22.06948 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award