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23/10/1998 | FRANCE | N°1996-6034

France | France, Cour d'appel de Versailles, 23 octobre 1998, 1996-6034


Par acte sous seing privé du 25 juillet 1969, l'OPDHLM de la région parisienne a donné à bail à Monsieur Marcel X... un logement dépendant d'un immeuble à usage d'habitation sis à VANVES .... Par acte d'huissier de justice en date du 06 février 1996, Monsieur X... a fait assigner son propriétaire aux fins de faire désigner un expert avec pour mission de vérifier si les charges récupérées sur les locataires sont conformes aux dispositions du décret du 28 août 1987 ; d'ordonner le remboursement des charges trop perçues depuis cinq ans ; d'autoriser les locataires à consigner 2

5 % des charges réclamées dans l'attente des résultats d'expertise...

Par acte sous seing privé du 25 juillet 1969, l'OPDHLM de la région parisienne a donné à bail à Monsieur Marcel X... un logement dépendant d'un immeuble à usage d'habitation sis à VANVES .... Par acte d'huissier de justice en date du 06 février 1996, Monsieur X... a fait assigner son propriétaire aux fins de faire désigner un expert avec pour mission de vérifier si les charges récupérées sur les locataires sont conformes aux dispositions du décret du 28 août 1987 ; d'ordonner le remboursement des charges trop perçues depuis cinq ans ; d'autoriser les locataires à consigner 25 % des charges réclamées dans l'attente des résultats d'expertise, de condamner l'OPDHLM à lui payer 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Fédération des Hauts-de-Seine de la Confédération Nationale du Logement est intervenue volontairement à l'instance et s'est associée à la demande d'expertise formulée par le demandeur.

Le 23 mai 1996, le tribunal d'instance de VANVES a

contradictoirement et par jugement avant-dire-droit :

- déclaré recevable l'action de Monsieur X... relative à la contestation des charges de l'appartement qu'il occupe ... à VANVES,

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la Fédération des Hauts-de-Seine de la Confédération Nationale du Logement,

- avant-dire-droit, désigné Madame COSTA Y... , en qualité d'expert, demeurant ... PARIS 15ème, avec pour mission, les parties régulièrement convoquées :

* après avoir pris connaissance du dossier et s'être fait remettre tous documents utiles,

* après avoir entendu les parties ainsi que tous sachants,

* de prendre connaissance des contrats d'entretien régissant les rapports entre bailleurs et locataires depuis 1991,

* de vérifier le caractère locatif des charges récupérées par l'OPDHLM au vu de ces contrats,

* de dire si la rédaction de ces documents permet d'appréhender la ventilation des dépenses : grosses ou menues réparations, localisation des travaux réalisés, part des bénéfice des entreprises dans les prix proposés,

* de prendre connaissance des contrats de gardiens et de préciser la

proportion de leur salaire visant les travaux d'entretien ou d'élimination des déchets,

* de prendre connaissance des charges récupérées sur les locataires et préciser si elle répondent aux exigences du décret du 28 août 1987,

- dit que l'expert sera mis en oeuvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du nouveau code de procédure civile, et qu'en cas d'application des dispositions de l'article 281 du même code, il s'assurera que la conciliation des parties a fait l'objet d'un protocole d'accord portant mention de leur désistement d'instance et d'action,

- dit qu'à défaut, l'expert déposera son rapport au greffe du tribunal dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il aura été informé de la consignation,

- dit qu'en cas d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement, par simple ordonnance sur requête,

- fixé à la somme de 4.000 francs le montant de la consignation à valoir sur la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui sera versée par l'OPDHLM des Hauts-de-Seine au régisseur d'avances de ce tribunal, dans le mois du présent jugement,

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, l'affaire sera appelée à l'audience du 04 juillet 1996 à 9 heures, pour qu'il soit tiré toutes conséquences de ce refus ou de cette abstention,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- réservé les dépens.

Le 13 juin 1996, l'OPDHLM des Hauts-de-Seine a interjeté appel de cette décision. Il fait valoir que :

- l'action de Monsieur X... est irrecevable puisqu'il ne produit aux débats aucun élément le concernant personnellement,

- l'intervention volontaire de la Fédération des Hauts-de-Seine de la Confédération Nationale du Logement n'est pas plus recevable faute par elle de justifier de sa qualité pour agir.

Par conséquent, l'OPDHLM demande à la Cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel à l'encontre du jugement du tribunal d'instance de VANVES du 23 mai 1996,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Monsieur X... , d'une part, et la Fédération des Hauts-de-Seine de la Confédération Nationale du Logement, d'autre part, recevables,

- et statuant à nouveau : déclarer la demande de Monsieur X... irrecevable,

- déclarer la Fédération des Hauts-de-Seine de la Confédération Nationale du Logement irrecevable en son intervention volontaire,

- à titre infiniment subsidiaire, compte tenu de ce qui précède, si par impossible la Cour ne faisait pas droit à ces exceptions d'irrecevabilité,

- infirmer la décision du 23 mai 1996 en ce qu'elle a ordonné une expertise,

- à titre encore plus subsidiaire, si par impossible la Cour n'infirmait pas le jugement sur ce point,

- dire que le mesure d'expertise ne saurait alors porter exclusivement que sur les charges réglées par le seul Monsieur X... à son bailleur, et ce, aux frais avancés de Monsieur X... ,

- condamner Monsieur X... et la Fédération des Hauts-de-Seine de la Confédération Nationale du Logement, solidairement entre eux, aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le montant sera recouvré par la SCP LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Dans ses conclusions d'intimé, Monsieur X... soutient que :

- en tant que locataire, il est bien fondé à agir en contestation des charges récupérées par l'appelant, qu'il ne peut être déduit des formules "les requérants ; les locataires" utilisées dans son assignation que son action est irrecevable,

- même si les sommes récupérées sur chaque locataire peuvent être considérées comme modiques, cela ne dispense par la bailleur d'avoir à justifier de la répartition et de l'utilisation des charges dites locatives.

Quant à l'intervention de la CNL Fédération des Hauts-de-Seine celle-ci soutient qu'elle est tout à fait recevable, puisqu'il résulte de ses statuts qu'elle se réserve le droit d'agir lorsqu'il est porté atteinte aux droits de ses adhérents, en l'espèce Monsieur X... serait, selon elle, président de l'amicale des locataires adhérente à cette fédération, et qu'il s'ensuit que la qualité à agir de la CNL serait ainsi suffisamment démontrée, sans avoir à justifier d'un mandat exprès.

Il résulte de ce qui précède que, suivante cette intervenante volontaire, la mission confiée à l'expert est "en parfaite conformité avec l'intérêt à agir et ne contrevient pas aux dispositions de l'article 146 du nouveau code de procédure civile".

Par conséquent, les deux intimés demandent à la Cour de :

- déclarer irrecevable et en tous cas mal fondé l'OPDHLM en son appel,

- l'en débouter,

- confirmer le jugement entrepris,

- condamner l'OPDHLM à leur régler la somme de 10.000 francs chacun en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamner l'OPDHLM aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré par Maître TREYNET, avoué conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, l'appelant demande à la Cour de :

- lui adjuger de plus l'entier bénéfice de ses conclusions du 09 octobre 1996,

- débouter Monsieur X... et la CNL, de leur demande d'allocation d'une somme de 10.000 francs chacun en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner Monsieur X... et la CNL solidairement entre eux, à lui payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- le condamner solidairement entre eux, aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le montant sera recouvré par la SCP LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN, avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 17 septembre 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 22 septembre 1998 pour l'OPDHLM, appelant.

SUR CE LA COUR :

-I- Considérant qu'en application de l'article 31 du nouveau code de procédure civile, Monsieur Marcel X... doit justifier d'un intérêt personnel et légitime à agir contre l'OPDHLM en contestation de ses charges locatives, alors qu'il est constant que l'assignation devant le tribunal d'instance de VANVES, du 06 février 1996, parle à charge page, des "requérants", des "locataires" et des "responsables d'amicales de locataires", et qu'il est patent que Monsieur X... agissant apparemment en son seul nom et en sa seule qualité de locataire, a voulu obtenir une mesure d'expertise qui, en réalité, concerne tous les locataires de l'OPDHLM soit environ 25000 personnes et l'ensemble du parc immobilier ;

Considérant que Monsieur X... , agissant seul en tant que locataire n'a intérêt et qualité à agir que pour contester les charges locatives qui lui sont personnellement réclamées pour l'immeuble dans lequel il habite ... à VANVES ; que Monsieur X... n'a d'ailleurs jamais communiqué les décomptes de charges, précis le concernant personnellement, qu'il avait l'intention de discuter et de

contester ;

Considérant que Monsieur X... ne justifie donc pas d'un intérêt personnel, légitime à réclamer une expertise qui, en réalité, vise tous les contrats d'entretien conclus par l'OPDHLM et toutes les charges locatives réclamées par cet office à tous les locataires ; qu'à défaut d'intérêt et de qualité de Monsieur X... à agir dans ce but général, la Cour, infirmant, déclare irrecevable son action et toutes ses demandes ;

-II- Considérant, que la Confédération Nationale du Logement (dite CNL)) agissant en tant qu'intervenante volontaire, qu'elle doit elle aussi, justifier d'intérêt légitime à appuyer les prétentions formées par Monsieur X... (article 330 du nouveau code de procédure civile) ;

Considérant que de plus même du caractère accessoire de cette intervention, celle-ci ne peut être déclarée recevable que si les prétentions principales du locataire Monsieur X... sont celles mêmes déclarées recevables, ce qui n'est pas le cas, puisqu'il résulte de la motivation ci-dessus développée au sujet de ce locataire que son action et ses demandes contre l'OPDHLM sont déclarées irrecevables ; Considérant qu'il a été indiqué par le jugement déféré que Monsieur X... serait "président d'une amicale adhérente à la fédération" (CNL) mais que l'intéressé n'a jamais communiqué aucun document justificatif au sujet de cette prétendue qualité et qu'il n'a jamais produit sa carte de la CNL qui, en application l'article 5 des statuts de cette fédération des Hauts-de-Seine de la CNL lui aurait donné la qualité de membre de cette fédération ; que les articles 4 et 5 de ces statuts a prévu, en effet, que cette fédération avait "le devoir de défendre les intérêts individuels ou collectifs de ses membres sur toutes les questions relatives à l'habitat, à l'urbanisme, à la consommation" mais que dans le présent cas, elle ne justifie pas d'intérêt à agir conforme à ce but,

puisque que rien ne démontre que Monsieur X... serait membre de cette association et qu'il serait titulaire de la carte CNL (ou du moins, qu'il aurait été titulaire de cette carte lorsque l'action a été engagée devant le tribunal d'instance) ;

Considérant enfin que dans ses conclusions devant la Cour, signifiées le 25 mai 1998 (cote 14 du dossier de la Cour), la CNL a expressément fait valoir que "la mission confiée à l'expert de prendre l'ensemble des décomptes de charges des locataires est en parfaite conformité à l'intérêt à agir des parties", alors pourtant que ses statuts (articles 4 et 5) ne lui donnent la qualité de défendre que les intérêts de ses membres (ceux-ci étant restrictivement définis par l'article 5), et non pas les intérêts des 25000 locataires de l'OPDHLM des Hauts-de-Seine, c'est à dire donc "des locataires" dont elle parle en termes très généraux ;

Considérant que cette fédération de la CNL ne justifie donc pas d'un intérêt et d'une qualité à agir, en tant qu'intervenante volontaire ; que cette intervention volontaire est donc, elle aussi, déclarée irrecevable ainsi que toutes les demandes que celle-ci comporte ;

Considérant, en définitive, que le jugement déféré est infirmé en toutes ses dispositions ; que de plus, compte tenu de l'équité, les deux intimés qui succombent en toutes leurs demandes, sont condamnés à payer à l'OPDHLM appelant la somme de 6.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS ; La COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; VU les articles 31 et 122 du nouveau code de procédure civile ; INFIRME en son entier le jugement déféré ; DECLARE irrecevables les actions et toutes les demandes de Monsieur Marcel X... et de la Fédération des Hauts-de-Seine de la Confédération Nationale du Logement, dite CNL (intervenante volontaire) ; LES

CONDAMNE à payer à l'Office Public Départemental d'Habitation à Loyer Modéré des Hauts-de-Seine la somme de SIX MILLE FRANCS (6.000 francs) en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LES CONDAMNE à tous les dépens de l'instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'avoués LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président, Marie-Hélène EDET.

Alban CHAIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-6034
Date de la décision : 23/10/1998

Analyses

ACTION EN JUSTICE - Intérêt - Appréciation souveraine.

Dès lors qu'en application de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile, le droit d'ester en justice est ouvert à tous ceux qui justifient d'un intérêt personnel et légitime à agir, sauf les cas où la loi attribue un tel droit à des personnes spécifiées, un locataire qui, agissant en son seul nom, en contestant les charges imputées par un office d'HLM semble poursuivre une mesure d'expertise intéressant, de fait, la totalité des locataires du parc immobilier de cet office, en l'occurrence 25.000 personnes, n'a intérêt et qualité à agir que du seul chef de la contestation des charges locatives qui lui sont personnellement réclamées. En l'espèce, l'intéressé, à défaut de produire les décomptes des charges litigieuses, ne justifie pas d'un intérêt personnel et légitime et doit être déclaré irrecevable en son action et demandes

PROCEDURE CIVILE - Intervention - Intervention volontaire - Intervention accessoire - Conditions - Intérêt.

Il résulte de l'article 330 du nouveau Code de procédure civile, que l'intervenant volontaire accessoire n'est recevable en son intervention qu'autant qu'il justifie d'un intérêt légitime à appuyer les prétentions de la partie qu'elle soutient. En l'espèce, dès lors que la partie ne rapporte, ni ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait la qualité de membre de l'organisation intervenante, celle-ci, dont l'objet statutaire porte strictement sur la défense des intérêts individuels et collectifs de ses membres, ne peut donc justifier d'un intérêt à agir conforme à ce but, faute pour la partie soutenue d'être membre de ladite organisation ; il en résulte qu'une telle intervention volontaire doit être déclarée irrecevable, alors que de surcroît, en raison de son caractère accessoire, la recevabilité de cette intervention était liée à la recevabilité de la demande principale présentement irrecevable


Références :

Code de procédure civile (Nouveau) 31, 330

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-10-23;1996.6034 ?
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