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12/09/2002 | FRANCE | N°2001-2095

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12 septembre 2002, 2001-2095


La société NAPHTACHIMIE (filiale à 50 % de la société BP CHEMICALS) a institué par décision du conseil d'administration en date du 4 décembre 1950 un régime de retraite complémentaire pour ses salariés appelé "régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN-". Il s'agissait d'un régime à prestations définies de type "retraite chapeau" ou "retraite différentielle" permettant aux salariés de percevoir, en complément des droits à pension issus des régimes obligatoires (Sécurité Sociale, CIPS et CIPC), une rente calculée en fonction de paramètres définis à l'avance

et revalorisée trimestriellement par indexation sur les augmentations colle...

La société NAPHTACHIMIE (filiale à 50 % de la société BP CHEMICALS) a institué par décision du conseil d'administration en date du 4 décembre 1950 un régime de retraite complémentaire pour ses salariés appelé "régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN-". Il s'agissait d'un régime à prestations définies de type "retraite chapeau" ou "retraite différentielle" permettant aux salariés de percevoir, en complément des droits à pension issus des régimes obligatoires (Sécurité Sociale, CIPS et CIPC), une rente calculée en fonction de paramètres définis à l'avance et revalorisée trimestriellement par indexation sur les augmentations collectives des salaires réels appliquées au sein de l'entreprise. Ce régime a été amélioré par plusieurs décisions prises en conseil d'administration puis il a fait l'objet d'un accord d'entreprise en date des 18 décembre 1956 renégocié le 23 février 1987. Entre temps, un accord d'entreprise en date du 22 juin 1979 avait fermé le régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- aux salariés embauchés à compter du 1 janvier 1980. Lors du conseil d'administration du 26 juin 1996, la société NAPHTACHIMIE a envisagé de procéder à un réaménagement du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- après avoir constaté qu'un tel régime constituait une charge financière extrêmement lourde du fait d'une baisse constante des niveaux de pensions versées par les organismes sociaux que la rente versée par l'entreprise devait compléter jusqu'à la garantie fixée et de l'allongement de la durée de vie des retraités. Le 23 septembre 1996 la société NAPHTACHIMIE, conformément aux dispositions de l'article L.132-8 du Code du travail, va procéder à la dénonciation du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- et à la dénonciation partielle de l'accord d'entreprise du 23 février 1987. La société NAPHTACHIMIE a informé les actifs et les retraités de cette dénonciation en indiquant notamment à ces derniers que le

montant de leur pension RPCN, atteint à la date du 23 septembre 1996, ne serait pas remis en cause ou modifié. Elle a immédiatement ouvert des négociations avec les organisations syndicales afin de définir les modalités d'un nouvel accord.. Effectivement le 19 décembre 1997 un nouvel accord d'entreprise a été signé entre la société NAPHTACHIMIE et les organisations syndicales instituant un nouveau régime de retraite complémentaire: la retraite supplémentaire Naphtachimie-RSN- prenant effet à compter du 11 janvier 1998. En ce qui concerne les retraités percevant déjà une pension issue du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN-, le nouvel accord d'entreprise a prévu en son article 4-1 deux situations : * soit le montant de leur pension issue du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- est supérieur à celui de la retraite supplémentaire Naphtachimie-RSN- auquel cas la pension perçue n'est plus réévaluée jusqu'à la date où son montant sera égal à celui du RSN théorique et évoluera ensuite trimestriellement selon les dispositions de la revalorisation définies à l'article 2 (c'est-à-dire en fonction de l'évolution de l'indice national des prix à la consommation), * soit le montant de leur pension issue du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- est inférieur ou égal à celui du RSN théorique auquel cas le montant de la pension perçue évoluera semestriellement selon les dispositions de revalorisation définies à l'article 2 précité. * *

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* Evelyne X... est entrée au service de la société NAPHTACHIMIE le 30 avril 1951 et a obtenu le bénéfice du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- . Elle a fait l'objet le 7 octobre 1980 d'un licenciement pour motif économique. Par la suite, elle a fait valoir ses droits à la retraite et a alors perçu une pension

complémentaire Naphtachimie -RPCN- Par lettre en date du 15 juin 1998, la société NAPHTACHIMIE a informé Evelyne X... de la mise en place de la retraite supplémentaire Naphtachimie-RSN- se traduisant en ce qui la concerne par la perception d'une pension issue du régime -RPCN- supérieure à celle dont elle aurait bénéficié si la retraite supplémentaire Naphtachimie-RSN- avait été en place au moment de son départ en retraite. La société NAPHTACHIMIE l'a donc informée de ce que sa pension ne serait pas réévaluée jusqu'à ce que les réévaluations de la retraite supplémentaire Naphtachimie-RSN- conduisent cette retraite au niveau de son actuelle pension et recommencerait par contre à évoluer postérieurement selon les modalités définies par l'article 2 du nouveau protocole d'accord signé le 19 décembre 1997. *

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* Estimant que ces nouvelles dispositions lui étaient préjudiciables et constituaient une atteinte aux droits qu'elle avait acquis au moment de son départ en retraite et qui faisaient en outre partie intégrante de son contrat de travail, Evelyne X... a saisi le 10 mars 1999 le Conseil de Prud'hommes de Nanterre d'une action dirigée contre la société NAPHTACHIMIE tendant à obtenir : * le maintien à son profit des dispositions du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- postérieurement au 10 janvier 1998 et pour l'avenir, * la condamnation de la société NAPHTACHIMIE au paiement de la somme de 627,21 francs représentant la revalorisation de sa pension à la date du 31 décembre 1999 outre l'indemnisation des frais de procédure à concurrence de la somme de 8 000 francs. La société NAPHTACHIMIE a sollicité tout d'abord une mesure de sursis à statuer dans l'attente de la décision à rendre par le Tribunal de grande instance de Nanterre déjà saisi par plusieurs salariés d'une action

tendant au rétablissement à leur profit du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- à compter du 10 janvier 1998. A titre subsidiaire, la société NAPHTACHIMIE s'est opposée aux réclamations présentées par Evelyne X... en faisant valoir que cette retraitée ne pouvait prétendre à aucun droit individuel acquis alors que l'accord d'entreprise ayant fixé initialement le régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- avait été régulièrement dénoncé et remplacé par un nouvel accord d'entreprise ayant institué à compter du 11 janvier 1998 la retraite supplémentaire Naphtachimie-RSN-. Par jugement en date du 16 mars 2001, le Conseil de Prud'hommes, statuant en formation de départage et en dernier ressort, a rejeté toutes les demandes et a condamné Evelyne X... aux entiers dépens. Evelyne X... a relevé appel de cette décision. Elle a fait observer qu'en vertu des dispositions du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- elle avait la garantie de percevoir une allocation complémentaire de retraite revalorisée trimestriellement par indexation sur les augmentations collectives des salaires réels appliqués à NAPHTACHIMIE (article 27b du règlement RPCN) alors que par suite de la mise en place de la retraite supplémentaire Naphtachimie-RSN- son allocation subit une modification au niveau de la revalorisation qui en outre se trouve gelée tant que la valeur de la RSN n'a pas atteint la valeur RPCN, lui imposant ainsi une réduction progressive en francs constants de son allocation avant l'obtention d'une nouvelle réévaluation inférieure et qui ne sera pas applicable avant plusieurs années (en tous cas pas avant l'âge de 117 ans). Evelyne X... estime que les dispositions du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- font partie intégrante du contrat de travail sur lequel la société NAPHTACHIMIE ne peut revenir. De même elle estime que la société NAPHTACHIMIE ne pouvait, postérieurement à la liquidation de ses

droits à la retraite, modifier les conditions d'attribution de la pension et qu'en conséquence le bénéficie du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- constitue un droit définitivement acquis. Evelyne X... a donc conclu à la réformation du jugement déféré et a demandé à la Cour d'appel de Versailles de dire que la société NAPHTACHIMIE doit appliquer les dispositions du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- à compter du 10 janvier 1998 et pour l'avenir. Elle a sollicité la condamnation de la société NAPHTACHIMIE au paiement des sommes de 487,63 uros à titre de revalorisation de sa retraite arrêtée au 3 mai 2002 et de 1 300 uros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile outre les entiers dépens. La société NAPHTACHIMIE a soulevé tout d'abord l'irrecevabilité de l'appel alors que le jugement a été rendu en dernier ressort compte tenu du montant des sommes réclamées par Evelyne X.... Au cas où l'appel serait déclaré recevable, la société NAPHTACHIMIE a conclu à la confirmation du jugement déféré ayant débouté Evelyne X... de ses demandes. Elle a fait observer que Evelyne X... ne saurait considérer que le gel temporaire de la seule revalorisation de sa pension de retraite (le montant de la pension n'étant pas modifié) constitue une atteinte à un droit individuel définitivement acquis dès lors que le régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- a été mis en place unilatéralement par la société NAPHTACHIMIE et financé exclusivement par elle puis a été régulièrement dénoncé avant conclusion d'un nouvel accord dont les clauses s'imposent à tous ceux qui bénéficient des dispositions de l'accord, qu'ils soient actifs ou retraités. La société NAPHTACHIMIE a fait observer en outre que la structure de la pension découle non du contrat de travail mais des accords collectifs applicables dans la société. La société NAPHTACHIMIE a sollicité enfin l'indemnisation de ses frais de procédure à concurrence de la

somme de 2 000 uros. SUR QUOI / LA COUR -sur la recevabilité de l'appel Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 40 du nouveau Code de procédure civile "le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel"; Considérant qu'a un caractère indéterminé la demande tendant à voir ordonner le maintien postérieurement à une date déterminée et pour l'avenir d'avantages acquis dans le cadre d'accords collectifs ; Qu'ainsi l'appel relevé par Evelyne X... est recevable en la forme; -sur le fond du litige Considérant que Evelyne X... a bénéficié lors de son entrée au service de la société NAPHTACHIMIE du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- déjà mis en place au sein de l'entreprise depuis 1950 sans pour autant qu'il y ait eu incorporation d'un tel régime au contrat de travail ; Considérant qu'en application des dispositions de l'article L.911-3 du code de la Sécurité Sociale (rendant applicables aux accords collectifs relatifs à la protection sociale complémentaire les dispositions du titre III du livre I du Code du travail), l'accord collectif relatif au régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- institué par la société NAPHTACHIMIE pouvait faire l'objet d'une révision dans les conditions prévues par les articles L.132-7 et L.132-8 du Code du travail (figurant dans le livre I dudit Code); Considérant qu'il n'est pas contesté que cet accord collectif a été régulièrement dénoncé et qu'un nouvel accord modifiant le régime de protection sociale complémentaire a été signé le 19 décembre 1997 avec les syndicats CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT et CGT-FO avec effet au 11 janvier 1998; Considérant qu'en application de l'article L.132-7 du Code du travail ce nouvel accord a substitué à compter du 11 janvier 1998 la retraite supplémentaire Naphtachimie-RSN- au régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- pour ce qui concerne les actifs et les retraités

de l'entreprise et a mis fin au régime ancien, c'est-à-dire au régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- ; Considérant qu'en ce qui concerne les retraités déjà bénéficiaires du régime de pension complémentaire Naphtachimie -RPCN- au 10 janvier 1998, le nouvel accord d'entreprise instituant la retraite supplémentaire Naphtachimie-RSN- a expressément maintenu le niveau des pensions versées à cette date aux retraités postérieurement à la liquidation de leurs droits mais a par contre modifié le barème de revalorisation de la pension de retraite complémentaire; Considérant que cette modification ne portait pas atteinte aux droits individuels définitivement acquis par les retraités postérieurement à la liquidation de leurs droits puisqu'elle n'affectait que les modalités de réévaluation de la pension à compter de l'entrée en vigueur du nouveau régime de retraite complémentaire; qu'ainsi les partenaires sociaux avaient pu valablement procéder à la modification de l'accord collectif initial; Considérant en conséquence qu'il convient de confirmer le jugement déféré; Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser supporter aux parties la totalité des frais non taxables exposés pour la défense de leurs intérêts; qu'ainsi les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sont rejetées; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement et par décision contradictoire, DÉCLARE recevable en la forme l'appel formé par Evelyne X..., CONFIRME le jugement rendu le 16 mars 2001 par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre, CONDAMNE Evelyne X... aux entiers dépens. ET ONT SIGNÉ LE PRÉSENT ARRÊT, MONSIEUR LIMOUJOUX, PRÉSIDENT ET MADAME DELTOMBE-BOURSE, GREFFIER LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-2095
Date de la décision : 12/09/2002

Analyses

SECURITE SOCIALE, REGIMES COMPLEMENTAIRES - Vieillesse - Régime supplémentaire - Modification - Modification par voie d'accord collectif

En application des dispositions de l'article L 911-3 du Code de la sécurité sociale un accord collectif relatif au régime de pension complémentaire institué par une entreprise peut faire l'objet d'une révision dans les conditions prévues par les articles L 132-7 et L 132-8 du Code du travail. En l'absence de contestation de la régularité de la dénonciation d'un tel accord, l'accord modificatif signé avec les syndicats de l'entreprise se substitue de plein droit au régime antérieur, à compter de sa date d'effet.S'agissant d'un accord modificatif portant sur les seules modalités de réévaluation du régime de pensions de retraite complémentaire de l'entreprise, à l'exclusion de toute modification du niveau de celles-ci, un salarié dont la pension a été liquidée sous l'empire de l'accord primitif, non incorporé à son contrat de travail, ne peut donc se prévaloir d'une atteinte à des droits individuels définitivement acquis, lesquels ne sont pas ici remis en cause par la modification contestée.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-09-12;2001.2095 ?
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