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17/10/2002 | FRANCE | N°JURITEXT000006941630

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 octobre 2002, JURITEXT000006941630


La société SNAPE, distributeur de matériels professionnels de cuisine, était concessionnaire exclusif de la société ANGELO PO, fabricant italien, suivant un contrat conclu le 20 novembre 1991 dont cette dernière notifiait le 11 janvier 1993 à sa cocontractante la rupture. Monsieur X..., démissionnait le 23 février 1993 des fonctions salariées qu'il occupait au sein de la société SNAPE et s'inscrivait le 30 mars suivant au registre des agents commerciaux. Se référant à l'engagement de non-concurrence souscrit par son ancien collaborateur, la société SNAPE assignait en concurre

nce déloyale Monsieur X... et la société ANGELO PO devant le Cons...

La société SNAPE, distributeur de matériels professionnels de cuisine, était concessionnaire exclusif de la société ANGELO PO, fabricant italien, suivant un contrat conclu le 20 novembre 1991 dont cette dernière notifiait le 11 janvier 1993 à sa cocontractante la rupture. Monsieur X..., démissionnait le 23 février 1993 des fonctions salariées qu'il occupait au sein de la société SNAPE et s'inscrivait le 30 mars suivant au registre des agents commerciaux. Se référant à l'engagement de non-concurrence souscrit par son ancien collaborateur, la société SNAPE assignait en concurrence déloyale Monsieur X... et la société ANGELO PO devant le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES qui se déclarait incompétent au profit d'un collège arbitral prévu par la clause compromissoire figurant dans le contrat de concession. Par arrêt du 22 novembre 1996, la cour de céans infirmait cette décision et déclarait la juridiction prud'homale compétente pour statuer sur l'action engagée. Par arrêt rendu le 22 février 2000, la cour de cassation a cassé cette décision en ses dispositions déclarant la juridiction prud'homale compétente et, faisant application des dispositions de l'article 627 du nouveau code de procédure civile, a dit n'y avoir lieu à renvoi et déclaré cette dernière compétente pour statuer sur l'action en concurrence déloyale formée à l'encontre de la société ANGELO PO. C'est dans ces circonstances que la société SNAPE, Maître THEVENOT ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan et Maître MOYRAND de celles de représentant des créanciers, ont attrait la société ANGELO PO devant le tribunal de commerce de NANTERRE pour demander la condamnation de cette dernière à garantir le paiement des sommes qui pourront être mises à la charge de Monsieur X... dans le cadre de l'instance reprise devant le conseil de Prud'hommes. La société ANGELO PO a soulevé une exception d'incompétence de la juridiction saisie invoquant la clause compromissoire figurant au contrat de concession.

Sur le fondement des dispositions de l'article 1458 du nouveau code de procédure civile, constatant l'étendue et l'absence d'ambigu'té de la clause compromissoire et considérant le lien étroit existant entre les demandes de la société SNAPE et le contrat litigieux, les premiers juges, par jugement rendu le 21 septembre 2001, ont fait droit à l'exception et se sont déclarés incompétents au profit du tribunal arbitral de la Chambre de Commerce Internationale de Paris. Le 02 octobre 2001, Maîtres THEVENOT, MOYAND et la société SNAPE ont formé contredit à l'encontre de cette décision. Ils exposent ensemble que l'action engagée par la société SNAPE a un fondement délictuel dès lors qu'elle vise à réclamer la condamnation de la société ANGELO PO pour complicité dans la violation de la clause de non-concurrence et soutiennent que la clause compromissoire est manifestement inapplicable à une telle faute extérieure au contrat de distribution. Ils font grief au jugement d'avoir retenu que le préjudice réclamé correspondrait à la perte de distribution des produits ANGELO en soulignant que le seul élément à prendre en considération, pour fonder la compétence, est la faute et non ses conséquences. Ils ajoutent que la cour de cassation n'admet pas que des clauses compromissoires soient invoquées de façon abusive dans le cadre de l'application des dispositions de l'article 1458 du nouveau code de procédure civile et affirment que le juge étatique doit vérifier s'il n'est pas saisi d'un litige dans lequel la clause compromissoire est manifestement inapplicable. Ils font observer à cet égard que le litige prend sa source dans le contrat de travail de Monsieur X... et non dans celui de distribution et que le litige est différent de celui ayant donné lieu au jugement du Conseil de Prud'hommes du 21 juin 1995 qui n'a d'autorité de chose jugée qu'à l'égard de la contestation qu'il a tranchée. Aussi concluent-ils à l'infirmation de la décision entreprise, demandent à la cour de

déclarer la juridiction étatique compétente pour connaître de l'action en responsabilité engagée et d'évoquer l'affaire au fond pour condamner la société ANGELO PO à garantir le paiement des sommes qui pourraient être mises à la charge de Monsieur X.... La société ANGELO PO, rappelant les dispositions de l'article 1458 du nouveau code de procédure civile, répond que l'appréciation de leur propre compétence relève de celle exclusive des arbitres, que seule la nullité manifeste de la convention d'arbitrage est de nature à faire obstacle à l'application de ce principe et que pour cette seule raison le contredit doit être rejeté. Subsidiairement, elle fait valoir que, quel que soit leur fondement juridique, les demandes se rattachant directement à un contrat contenant une clause compromissoire doivent être tranchées par les arbitres, qu'en l'espèce celles de la société SNAPE sont étroitement liées à la rupture du contrat de distribution contenant la clause et que le litige porte bien sur les conditions dans lesquelles il y a été mis un terme. Elle soutient que la société SNAPE cherche, par le biais d'une prétendue action en responsabilité délictuelle, à mettre en jeu une responsabilité contractuelle. Subsidiairement, elle rappelle que le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES s'est, par son jugement rendu le 21 juin 1995, déclaré incompétent pour connaître des demandes de la société SNAPE, la renvoyant à la juridiction arbitrale. Elle expose que cette décision est définitive et qu'elle a l'autorité de la chose jugée, ayant été rendue entre les mêmes parties, pour les mêmes faits et ayant tranché la question litigieuse. Elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société SNAPE à lui payer 15.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. L'affaire a été évoquée à l'audience du 03 septembre 2002. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que les relations commerciales entre la société SNAPE et la société

ANGELO PO se sont inscrites, à partir de juillet 1991, dans le cadre d'un contrat de distribution exclusive comportant une clause compromissoire aux termes de laquelle les parties sont convenues de soumettre à l'arbitrage toute controverse qui pourrait surgir, conformément aux normes de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de Paris ; considérant que le 11 janvier 1993, la société ANGELO PO a informé son cocontractant de sa décision de mettre fin à ce contrat ; que, parallèlement, Monsieur X... qui exerçait des fonctions de gérant puis de cadre commercial au sein de la société SNAPE, après avoir donné sa démission en sollicitant et obtenant dispense d'effectuer son préavis, a déployé en qualité d'agent commercial, pour le compte de la société ANGELO PO, une activité qualifiée de concurrente par son ancien employeur à l'égard duquel il était lié par un engagement de non-concurrence ; considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1458 du nouveau code de procédure civile la juridiction saisie d'un litige relatif à une convention comportant une clause d'arbitrage doit se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ; que la jurisprudence étend cette restriction aux clauses manifestement inapplicables ; considérant que la société SNAPE soutient que tel est le cas de la clause d'arbitrage, dont la validité n'est pas contestée, mentionnée au contrat de distribution exclusive, dès lors que le litige qui ne porte, selon elle, que sur la seule responsabilité délictuelle de la société ANGELO PO tenant à la complicité de la violation par Monsieur X... de son engagement de non-concurrence, matérialisée par la conclusion avec ce dernier, en toute connaissance de cause, d'un contrat d'agent commercial ; mais considérant que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le litige porte, indirectement, sur les conditions dans lesquelles il a été mis un terme au contrat de distribution

exclusive ; que, dans son acte introductif devant le tribunal de commerce de VERSAILLES la société SNAPE rappelle, en effet, qu'elle était concessionnaire exclusif du fabricant italien, explique que Monsieur X... était, chez elle, chargé du développement du réseau ANGELO PO et ajoute que l'utilisation des services d'un ancien salarié pour bénéficier des relations que celui-ci a pu nouer grâce à son précédent employeur afin de récupérer le réseau de distribution développé par ce dernier caractérise un parasitisme évident ; considérant ainsi que l'invocation du caractère délictuel de la faute consistant à engager sciemment un collaborateur en violation de son engagement de non-concurrence ne suffit pas à permettre d'écarter la clause compromissoire, dès lors que les griefs articulés à l'encontre de Monsieur X... et de la société ANGELO PO sont consécutifs à la perte par la société SNAPE de l'exclusivité de distribution que lui avait accordée le contrat rompu et de sa récupération alléguée par le fabricant italien ; que, quoique postérieure à la résiliation du contrat, la faute alléguée n'apparaît pas, de manière évidente, contrairement à ce que soutient la société SNAPE, extérieure à la convention ; qu'il suit de là que la clause compromissoire n'est pas, dans le cas de l'espèce, manifestement inapplicable et qu'il ressortit à la compétence de la seule juridiction arbitrale d'en définir les limites de la mise en oeuvre ; que la société SNAPE, Maîtres THEVENOT et MOYAND doivent, en conséquence, être déclarés mal fondés en leur contredit et le jugement entrepris confirmé ; considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société ANGELO PO la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager ; que la société SNAPE sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

considérant que la société SNAPE qui succombe dans l'exercice de son

recours doit, en application des dispositions de l'article 88 du nouveau code de procédure civile, être condamnée aux frais éventuellement afférents au contredit ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, CONDAMNE la société SNAPE à payer à la société ANGELO PO la somme complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux frais afférents au contredit. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE Y...

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006941630
Date de la décision : 17/10/2002

Analyses

ARBITRAGE

Il est de principe qu'en vertu des dispositions de l'article 1458 du NCPC la juridiction saisie d'un litige relatif à une convention comportant une clause d'arbitrage doit se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage soit manifestement nulle ou encore que ses clauses soient manifestement inapplicables.L'invocation du caractère délictuel de la faute consistant à engager un collaborateur en violation de son engagement de non concurrence à l'égard de son ancien employeur - lequel était précédemment détenteur d'un contrat de distribution exclusive des produits du fabricant qui s'est attaché les services de cette personne - ne suffit pas à permettre d'écarter la clause compromissoire incluse dans le contrat de distribution auquel les parties avaient déjà mis fin, dès lors que, de facto, les griefs articulés à l'encontre du collaborateur et du fabricant se rapportent directement aux conséquences de la perte de l'exclusivité de la distribution et à sa récupération alléguée par le fabriquant et affectent les conditions mêmes de la résiliation, laquelle n'apparaît pas dissociable de la convention.Il suit de là que la clause compromissoire n'étant pas manifestement inapplicable, il ressortit à la compétence de la seule juridiction arbitrale d'en définir les limites de la mise en ouvre.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-10-17;juritext000006941630 ?
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