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20/06/2006 | FRANCE | N°7366/05

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 juin 2006, 7366/05


COUR D'APPEL DE VERSAILLES2ème chambre 1ère sectionARRÊT NoCONTRADICTOIRECODE NAC : 27FDU 20 JUIN 2006R.G. No 05/05910AFFAIRE :Ellen X... C/monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL ...Décision déféréeà la cour : Jugement rendu le 13 juillet 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRENo Chambre : 4No Section : No RG : 7366/05Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à : Me RICARDSCP JUPINRÉPUBLIQUE FRANOEAISEAU NOM DU PEUPLE FRANOEAISLE VINGT JUIN DEUX MILLE SIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Madame Ellen X... née le 08 août

1967à ROSTOV (RUSSIE) ... 95000 CERGY représentée pa Me Claire RIC...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES2ème chambre 1ère sectionARRÊT NoCONTRADICTOIRECODE NAC : 27FDU 20 JUIN 2006R.G. No 05/05910AFFAIRE :Ellen X... C/monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL ...Décision déféréeà la cour : Jugement rendu le 13 juillet 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRENo Chambre : 4No Section : No RG : 7366/05Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à : Me RICARDSCP JUPINRÉPUBLIQUE FRANOEAISEAU NOM DU PEUPLE FRANOEAISLE VINGT JUIN DEUX MILLE SIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Madame Ellen X... née le 08 août 1967à ROSTOV (RUSSIE) ... 95000 CERGY représentée pa Me Claire RICARD, avoué - N du dossier 250514 assistée de Me Henri DE BEAUREGARD (avocat au barreau de PARIS)(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2005/008374 du 19/10/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES) APPELANTE****************Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL de la cour d'appel de VERSAILLES Monsieur Sanjiv Y... né le 22 janvier 1960 à NEW DELHI (INDE), de nationalité INDIENNE ... PRAGUE 6 (RÉPUBLIQUE TCHÈQUE) représenté par la SCP JUPIN & ALGRIN, avoué - N du dossier 0021728 assisté de Me Véronique CHAUVEAU (avocat au barreau de PARIS) INTIMÉS****************Composition de la cour :L'affaire a été débattue le 23 Mai 2006 en chambre du conseil, devant la cour composée de :

Madame Sylvaine COURCELLE, président,*

Madame Catherine DUBOIS, conseiller,

Madame Martine LE RESTIF DE LA MOTTE COLLAS, conseiller,qui en ont délibéré,Greffier, lors des débats : Madame Denise VAILLANT FAITS ET PROCÉDURE

Sanjiv Y..., de nationalité indienne et Ellen X..., d'origine russe et naturalisée tchèque, ont vécu en concubinage à PRAGUE. Deux enfants sont issus de cette union : Virat, né le 8 mai 1997 et Jacqueline, née le 26 septembre 1999.

Le couple s'est séparé en juin 2004. Au mois de janvier 2005, Ellen X... a quitté PRAGUE pour s'installer en France avec les enfants, sans l'accord du père, alors que le juge tchèque était saisi d'une demande visant à définir les modalités de l'exercice de l'autorité parentale à PRAGUE.

Par requête en date du 10 février 2005, les autorités judiciaires de la République Tchèque ont saisi le ministère de la Justice à PARIS d'une demande de retour sur leur territoire des enfants mineurs, en application des dispositions de la Convention de LA HAYE.

Par assignation à jour fixe, monsieur le Procureur de la République a assigné Ellen X... devant le tribunal de grande instance de NANTERRE, aux fins de voir ordonner le retour des enfants, illégalement retenus en France, en République Tchèque.

Par jugement du 13 juillet 2005, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de NANTERRE a :

rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par Ellen X... ;

dit qu'il était incompétent pour apprécier la légalité du décret du 9 mars 2004 ;

dit que le déplacement et la rétention en France de Virat et de Jacqueline constituaient un déplacement illicite des enfants au sens de la Convention de LA HAYE du 25 octobre 1980 ;

ordonné le retour des enfants en République Tchèque dans les huit jours suivant la signification du jugement ;

dit qu'Ellen X..., munie des billets d'avion mis à sa disposition par le père, devrait ramener les enfants en République Tchèque ;

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

condamné Ellen X... aux dépens.

Par déclaration du 22 juillet 2005, Ellen X... a relevé appel de cette décision. Dans ses écritures du 25 avril 2006, elle demande à la Cour de :

infirmer la décision entreprise ;

débouter Le Parquet et Sanjiv Y... de leurs demandes de retour immédiat des enfants en Tchéquie ;

vu l'article 13 B alinéa 1er de la Convention de LA HAYE :

juger que l'intérêt réel des enfants est de demeurer auprès de leur mère qui les a toujours élevés, qu'ils demeurent scolarisés en France conformément aux voeux en oeuvre par les deux parents depuis l'âge scolaire des enfants ;

dire n'y avoir lieu à retour immédiat des deux enfants en Tchéquie condamner Sanjiv Y... aux dépens.

Elle fait valoir que Sanjiv Y... a développé une société de

restauration à PRAGUE ; qu'il est fortement impliqué dans la vie économique et politique de la ville ; qu'elle a assuré seule le quotidien des enfants et que la volonté des parents a toujours été de leur transmettre une éducation française. Ellen X... ajoute que Sanjiv Y... a eu des liaisons - y compris au domicile familial - et que les enfants ont été témoins de scènes de violence. Elle invoque l'absence de décision tchèque confiant la garde des enfants au père et affirme qu'elle ne pourrait revenir en TCHÈQUIE n'y ayant plus d'activité professionnelle. Au surplus, la concluante prétend que les enfants sont angoissés à l'idée de la quitter pour vivre avec la nouvelle compagne de leur père et également que leur retour constituerait un risque grave de danger physique et psychique.

Sanjiv Y... demande à la Cour de :

dire que la résidence habituelle des enfants, immédiatement avant leur déplacement illicite, était fixée à PRAGUE ;

dire que la loi tchèque donnait aux deux parents l'équivalent de l'autorité parentale conjointe ;

dire qu'Ellen X... n'a ni obtenu son consentement avant le déplacement des enfants, ni son acquiescement ultérieur ; qu'elle n'a pas plus obtenu une décision de justice tchèque l'autorisant à déplacer la résidence des enfants ;

dire en conséquence le déplacement illicite ;

confirmer la décision entreprise en ses dispositions visant le retour des enfants en République Tchèque ;

infirmer la décision concernant l'article 26 de la Convention de LA HAYE de 1980 et, statuant à nouveau condamner Ellen X... à lui payer :

la somme de 5.000ç par application de l'article 26 de la Convention ;

la somme de 3.000ç de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamner Ellen X... aux dépens.

Il fait valoir que les enfants ont toujours vécu en Tchéquie où ils étaient scolarisés ; que la mère a déplacé les enfants sans son consentement et qu'il n'existe aucun risque grave pour Virat et pour Jacqueline s'ils revenaient vivre avec lui.

Le Ministère Public a conclu le14 mars 2006 et a demandé à la Cour de confirmer le jugement entrepris. Il expose qu'en l'espèce, au sens de la Convention de LA HAYE, la garde est bien exercée par les deux parents, que le père n'a pas donné son consentement au départ des enfants et qu'enfin aucune situation intolérable n'empêcherait le retour des enfants en Tchéquie.

La clôture du dossier a été prononcée le 9 mai 2006, l'affaire devant être plaidée le 23 mai 2006.

Le 10 mai 2006, Sanjiv Y... a déposé des conclusions visant à rejeter des débats la pièce communiquée par Ellen X..., selon bordereau du 5 mai 2006. Il expose que la clôture devant être prononcée le 9 mai et le lundi 8 mai étant un jour férié, il n'a pas pu prendre connaissance de cette pièce et qu'aucun report de la clôture n'était possible.

Par conclusions du 15 mai 2006, Ellen X... a demandé à la Cour de débouter Sanjiv Y... de sa demande et d'admettre aux débats la pièce "no46"mais qui concerne en réalité la pièce numéroté No 42 dans le bordereau de pièces communiqué le 5 mai 2006.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la Cour renvoie aux écritures déposées et développées à l'audience conformément à l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile .

SUR CE, LA COURSur la demande de rejet de la pièce communiquée le 5 mai 2006

Considérant que la pièce no 42 a été communiquée le vendredi 5 mai 2006 alors qu'il résulte des mentions au dossier et des écritures des parties qu'elle était en possession d'Ellen X... dès le 28 avril 2006, alors que la clôture, prévue initialement au 28 mars 2006 avait été reportée une première fois au 25 avril puis une deuxième fois au 9 mai ;

Considérant que la communication tardive (le lundi 8 mai étant férié) n'a pas permis à Sanjiv Y... de prendre connaissance de ce document ;

Considérant qu'au surplus, cette pièce, qui statue sur la garde des enfants, est postérieure de plus de deux ans au fait d'enlèvement illicite allégué ;

Considérant qu'elle n'est pas utile au litige, qui ne vise que le déplacement des enfants en juin 2004 et non la fixation de leur résidence ;

Considérant qu'il convient donc de rejeter des débats la pièce en cause ;Sur la nullité de l'assignation

Considérant que le premier juge a noté que les pièces relatives à la filiation des enfants, dont faisait état le Parquet, avaient été déposées au greffe ; qu'elles étaient connues des parties et avaient été discutées et contestées par Ellen X... dans ses écritures ;

Considérant qu'elle en avait connaissance ;

Que c'est avec raison qu'il a déclaré recevable l'assignation délivrée à la requête de madame le Procureur ;

Considérant le jugement sera confirmée sur ce point ;Sur les violations des droits de la défense

Considérant que l'absence d'interprète ne constitue pas une violation des droits de la défense alors que Ellen X... n'en a pas demandé ;

Considérant, de plus, que le premier juge a constaté sa parfaite connaissance de la langue française ; qu'elle a vécu en FRANCE où elle était étudiante ;Sur le fond

Considérant que le litige ne vise pas la résidence des enfants mais le caractère illicite ou non du déplacement des enfants par Ellen X... en janvier 2005 ;

Considérant que le litige se situe dans le cadre de la Convention de LA HAYE du 25 octobre 1980 du règlement européen du 27 novembre 2003, en vigueur dans les 25 pays de l'Union Européenne ;

Considérant qu'Ellen X... est de nationalité tchèque par naturalisation ;

Considérant que Sanjiv Y..., citoyen indien, vit depuis 1990 en République Tchèque ; que les parties ne contestent pas qu'il travaille dans une "société de restauration et de création d'événements importante à PRAGUE", selon les écritures d'Ellen X... ;

Considérant que de leurs relations, deux enfants sont nés à PRAGUE ;

Considérant que les deux parents vivaient avec eux à PRAGUE ;

Considérant que le droit de garde était donc effectif et s'exerçait à PRAGUE;

Considérant que les pièces versées au dossier démontrent que la filiation de Virat et de Jacqueline était établie, tant à l'égard de la mère que du père ;

Considérant que, du certificat de la loi tchèque, il résulte que "la garde" au sens de la Convention de LA HAYE est exercée par les deux parents sans distinguer le cas de mariage ou de concubinage ;

Considérant que dans ses écritures Ellen X... reconnaît avoir emmené les enfants sans le consentement de Sanjiv Y... ;

Considérant qu'elle n'avait pas d'autorisation judiciaire du juge tchèque, compétent en raison du domicile familial ;

Considérant qu'Ellen X... ne démontre pas l'acquiescement de Sanjiv Y... à ce départ ; qu'au contraire, elle précise l'avoir prévenu, par l'intermédiaire de son avocat, après son arrivée en France ;

Considérant que les démarches entreprises par Sanjiv Y..., tant au niveau national qu'international, démontrent qu'il n'avait ni donné son accord ni accepté postérieurement cette situation de fait ;

Considérant qu'il résulte donc de ces éléments que le déplacement des enfants - qui avaient leur résidence habituelle avec leurs deux parents à PRAGUE - a eu lieu sans l'accord de Sanjiv Y... sui exerçait effectivement son droit de "garde" ;

Considérant qu'il s'agit donc bien d'un déplacement illicite au sens de la Convention de LA HAYE précitée ;

Considérant que l'article 13 b de la Convention précise que l'Etat d'accueil n'est pas tenu d'ordonner le retour immédiat de l'enfant s'il est établi :

"

qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique ou de toute manière ne le place dans une situation intolérable" ;

Considérant que l'article 11-4 du Règlement européen dispose que le retour de l'enfant ne peut être refusé lorsque les dispositions adéquates ont été prises pour assurer sa protection dans l'Etat de sa résidence habituelle ;

Considérant que le risque grave doit concerner l'enfant et non l'auteur de son déplacement et qu'Ellen X... - qui invoque avoir été victime de violences - ne démontre pas qu'il s'agissait aussi de violences sur les enfants ;

Considérant que les infidélités reprochées au père ne se situent que dans l'histoire du couple et n'ont aucune incidence sur les enfants ;

Considérant que le risque que le père enlève les enfants n'est pas plus démontré, dès lors que Sanjiv Y... a ses activités professionnelles depuis plus de 15 ans à PRAGUE et que la République Tchèque a démontré qu'elle avait pouvoir pour s'opposer à un tel déplacement ;

Considérant que le dommage subi par l'enfant doit résulter de son retour et non de sa séparation d'avec le parent qui l'a enlevé ;

Considérant que, d'une part, les certificats médicaux ne permettent pas d'établir que les troubles des enfants et leur souffrance soient le fait de leur crainte de retourner à PRAGUE ;

Considérant d'autre part que leur retour n'aura pas pour conséquence la séparation définitive d'avec leur mère et n'impliquera aucune obligation pour Ellen X... de reprendre la vie commune ;

Considérant qu'il en résulte, en l'absence de risque grave, que c'est fort justement que le premier juge a ordonné le retour des enfants à PRAGUE ; que sa décision sera confirmée ;Sur l'article 26 de la Convention de LA HAYE

Considérant qu'Ellen X..., qui a déplacé illicitement les enfants, sera tenue de participer aux frais qu'a dû avancer le père pour obtenir leur retour ;

Considérant qu'il convient de fixer à 3 000 euros cette contribution ;Sur la demande de dommages et intérêts

Considérant que Sanjiv Y... se borne à solliciter des dommages et intérêts sans préciser en quoi Ellen X... aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice et d'exercer un droit légitime d'appel ;

Considérant qu'il ne démontre pas plus de préjudice autre que celui qui a été déjà réparé par l'allocation d'une indemnité au titre de l'article 26 de la Convention de LA HAYE ;

Considérant que sa demande sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE, en dernier ressort et après débats en chambre du conseil,

DIT que la pièce no 42, communiquée le 5 mai 2006 par Ellen X... sera rejetée des débats ;

CONFIRME le jugement rendu le 13 juillet 2006 par le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de NANTERRE sauf en ce qui concerne le montant de l'allocation au titre de l'article 26 de la Convention de LA HAYE ;

L'INFIRME sur ce point et, statuant à nouveau :

-

CONDAMNE Ellen X... à payer à Sanjiv Y... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 26 de la Convention de LA HAYE ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE Ellen X... aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement, pour ceux la concernant, par la SCP JUPIN & ALGRIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile et de la loi sur l' aide juridictionnelle ;ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT Madame Sylvaine COURCELLE, Président, qui l'a prononcéMadame Denise VAILLANT, Greffier présente lors du prononcéLE GREFFIER

LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 7366/05
Date de la décision : 20/06/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-06-20;7366.05 ?
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