La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2007 | FRANCE | N°3

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0056, 12 janvier 2007, 3


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 64B

RENVOI APRES CASSATION

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 12 JANVIER 2007

R.G. No 05/09374

AFFAIRE :

Maurice X...

C/

Jacques Y...

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Septembre 2002 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

No Chambre : 3

No Section : 2

No RG : 01/19088

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER <

br>
SCP KEIME GUTTIN JARRY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 64B

RENVOI APRES CASSATION

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 12 JANVIER 2007

R.G. No 05/09374

AFFAIRE :

Maurice X...

C/

Jacques Y...

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Septembre 2002 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

No Chambre : 3

No Section : 2

No RG : 01/19088

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

SCP KEIME GUTTIN JARRY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (2ème chambre civile) du 10 novembre 2005 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (1ère chambre A) le 3 février 2004 et APPELANT

Monsieur Maurice X...

...

75017 PARIS

représenté par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - N du dossier 20051538

plaidant par Me Catherine MEIMON NISEMBAUM, avocat au barreau de PARIS

****************

DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI et INTIMES

1/ Monsieur Jacques Y..., pris à titre personnel et en sa qualité de légataire universel de Mme Denise B..., veuve de M. Jean-Michel C..., décédée le 01/07/2004 à PARIS

...

75006 PARIS

2/ Madame Camile C..., prise à titre personnel et en sa qualité de légataire universel de Mme Denise B..., veuve de M. Jean-Michel C..., décédée le 01/07/2004 à PARIS

...

75005 PARIS

représentés par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - N du dossier 06000029

plaidant par Me SALLIOU, avocat au barreau de PARIS (D.1187)

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Novembre 2006, Madame Marie-Claude CALOT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD, président,

Monsieur Marc REGIMBEAU, conseiller,

Madame Marie-Claude CALOT, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claire THEODOSE La Cour est saisie, sur renvoi après cassation de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 3 février 2004 (1ère Chambre section A), en vertu de l'arrêt rendu le 10 novembre 2005 par la 2ère Chambre civile de la Cour de Cassation, de l'appel relevé par M. Maurice X... contre le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Paris le 13 septembre 2002.

La Cour de Cassation, sur le pourvoi exercé par M. Jacques Y..., Mme Camille C... et Mme Denise C..., aux droits de laquelle viennent Jacques Y... et Mme Camille C..., en leur qualité de légataires universels et de détenteurs du droit moral sur l'oeuvre du peintre Jean-Michel C..., a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 3 février 2004 au visa de l'article 1382 du code civil, au motif que l'arrêt accordant des dommages-intérêts à M. X..., avait statué sans constater que Mmes C... et M. Y... avaient agi avec mauvaise foi ou une légèreté blâmable.

La Cour de Cassation a condamné M. X... à payer à M. Y... et à Mme Camille C... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

*****

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. Maurice X... a fait l'acquisition le 5 juin 1965 dans la galerie d'art "Abel Rosenberg" de M. Abel F... d'un tableau, intitulé "Composition", huile sur toile signée en bas à droite 115 x 72 cm, pour un prix de 15.000 francs, présentée comme étant l'oeuvre du peintre Jean-Michel C..., décédé en 1960.

M. Jacques Y... a publié "le catalogue raisonné de l'oeuvre complet" du peintre Jean-Michel C... en 1996 aux éditions Gallimard.

Camille C..., soeur et spécialiste de l'artiste, s'était vu confier en 1965 le pouvoir d'établir des certificats d'authenticité par Mme Denise C..., veuve de l'artiste, en sa qualité d'unique détentrice du droit moral de l'oeuvre de Jean-Michel C....

Désireux de vendre l'oeuvre de Jean-Michel C... qu'il avait acquise, M. X... s'est rapproché en 1997 de Mmes Camille et Denise C... et de M. Y... aux fins d'obtenir un certificat d'authenticité.

Malgré une mise en demeure délivrée le 5 juin 2000, M. X... n'a pu obtenir satisfaction, Mmes C... et M. Y... ayant estimé que l'oeuvre litigieuse n'avait pas de caractère authentique.

M. X... a obtenu en référé, par ordonnance du 29 septembre 2001, la désignation d'un expert, en la personne de M. André H..., qui s'est fait assister en qualité de sapiteurs, de M. I..., expert scientifique et de Mme J..., expert en graphologie.

Le 3 juillet 2001, l'expert a déposé son rapport concluant à l'authenticité du tableau en ces termes :

"L'expertise artistique a montré du point de vue esthétique, iconographique et historique que l'oeuvre en cause est totalement conforme à une oeuvre authentique d'Atlan.

L'expertise scientifique a montré que la technique picturale et les matériaux utilisés sont totalement conformes à la technique d'Atlan.

L'expertise de la signature a montré qu'elle ne présente aucune trace de manipulation suspecte et qu'elle est totalement conforme aux signatures d'Atlan.

Les résultats de ces trois approches indépendantes les unes des autres sont cohérents et se confirment mutuellement pour permettre de conclure que l'oeuvre en cause est indiscutablement de la main d'Atlan".

M. X..., après une nouvelle mise en demeure du 12 octobre 2001 demeurée infructueuse, a engagé en novembre 2001 une procédure contre Mmes C... et M. Y..., en vue de les voir condamner à réparer le préjudice que leur a causé leur opposition abusive à reconnaître l'authenticité du tableau litigieux, voir condamner Mmes C... à lui remettre un certificat d'authenticité et M. Y..., à inclure ce tableau dans son prochain catalogue raisonné et d'en informer le public.

Par jugement réputé contradictoire en date du 13 septembre 2002, le tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions aux motifs qu'il n'est pas établi que le refus d'authentifier l'oeuvre proviendrait d'une intention de nuire ou de toute autre préoccupation étrangère à la sauvegarde de l'intégrité de l'oeuvre du peintre Jean-Michel C..., qu'en l'absence de tout autre élément, M. X... n'établit pas que le refus qui lui est opposé présenterait un caractère abusif de nature à engager la responsabilité des titulaires actuels du droit moral sur l'oeuvre de Jean-Michel C..., ni qu'il se trouverait dans l'impossibilité de vendre l'oeuvre litigieuse sur la foi de l'expertise judiciaire réalisée

- laissé les dépens de l'instance à sa charge.

Par arrêt infirmatif en date du 3 février 2004, la Cour d'Appel de Paris a :

- condamné in solidum Mmes Denises et Camille C... ainsi que M. Y... à payer à M. X... la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts aux motifs que les prérogatives attachées au droit moral de l'auteur, dont sont investis ses ayants droit afin d'assurer la défense de l'oeuvre de celui-ci, pas plus que l'autorité reconnue et revendiquée par les intimés sur la connaissance de cette oeuvre, ne leur confèrent un pouvoir discrétionnaire sur l'authentification de celle-ci, que Mmes C... se bornent à invoquer leur conscience sans avancer le moindre élément propre à justifier leur opinion alors que cet avis est contredit par les conclusions pertinemment motivées de l'expert et qu'en refusant ainsi abusivement de tenir pour authentique une oeuvre reconnue comme telle à la suite d'une instance judiciaire à laquelle elles ont été régulièrement appelées, Mmes C... ont engagé leur responsabilité envers M. X..., que par ailleurs, l'attitude de M. Y... est fautive, en ce qu'il a d'abord omis de donner son avis sur l'authenticité de l'oeuvre, puis refusé d'expliquer ses réserves sur cette attribution devant l'expert judiciaire et enfin, maintient que le tableau n'est pas authentique sans former de critique précise et argumentée contre l'avis de l'expert et refuse d'envisager de l'inclure dans l'oeuvre répertoriée de l'artiste

- les a condamnés in solidum à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

- rejeté toute autre demande

- condamné Mmes Denises et Camille C... ainsi que M. Y... aux dépens de première instance et d'appel.

*****

Vu la déclaration de saisine de la Cour d'Appel de Versailles, désignée comme juridiction de renvoi, le 19 décembre 2005, par M. Maurice X....

Vu la déclaration de saisine de la Cour d'Appel de Versailles, désignée comme juridiction de renvoi, le 2 février 2006, par M. Maurice X....

Vu l'ordonnance de jonction des procédures en date du 8 février 2006

*****

Vu les conclusions de M. Maurice X..., signifiées le 19 avril 2006, appelant, tendant par infirmation du jugement du 13 septembre 2002, à :

• constater qu'en cours de procédure, Mme Denise C... est décédée, faisant de sa soeur, Mme Camille C... et de M. Jacques Y..., ses légataires universels

• dire et juger que tant Mme Camille C... que M. Jacques Y... (pris à la fois en leur nom personnel, qu'à titre de colégataires universels de feue Denise C...), ont :

• tout d'abord, malgré l'avis concordant des trois éminents experts judiciaires, refusé de considérer la composition du tableau, propriété de M. Maurice X..., signé du peintre C..., comme une oeuvre originale

• qu'ensuite, ont eu une attitude purement négative tout au long du procès, se refusant à motiver à l'expert, les raisons de leur doute concernant l'oeuvre, objet du litige, alors qu'en tant qu'épouse, soeur du peintre elle-même et auteur du catalogue raisonné, ils se devaient chacun dans leur domaine, fournir des arguments valables sur la position qu'ils avaient adopté à l'égard de l'oeuvre

• qu'enfin, M. Jacques Y..., auteur du catalogue raisonné, se serait permis d'effectuer sur l'oeuvre qui lui avait été confiée pour seul examen, des prélèvements afin de les faire analyser

• que ces prélèvements ont été par M. Jacques Y..., confiés à un laboratoire de son choix, totalement incompétent

• que ces prélèvements et analyses auxquels s'est livré M. Jacques Y... qui a déclaré tout au long de l'expertise, agir au nom de ses clientes, Mmes C..., ont été pratiqués hors connaissance de "M. C..." ou des experts violant ainsi pour le moins le principe du contradictoire

• que pour en terminer sur son agissement, ils se sont prévalus devant les juridictions de première instance et d'appel, du résultat de ces prélèvements et analyses

• dire et juger en conséquence, que de l'avis des experts judiciaires, appuyés par les attitudes et initiatives ci-dessus rappelées de Mme Camille C... et M. Jacques Y..., qui constituent des présomptions précises et concordantes au sens de l'article 1353 du code civil, la Cour est en mesure de dire que l'oeuvre litigieuse, intitulée "Composition", et portant signature de C... est bien une oeuvre authentique

• dire et juger que les intimés ont donc commis des fautes constitutives de légèreté blâmable et d'abus de droit, sanctionnées par les articles 1382 et 1383 du code civil

• infirmer en conséquence, en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 13 septembre 20002 et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire

• dire et juger que le tableau appartenant à M. Maurice X... et signé C..., est une oeuvre authentique

• voir en conséquence,

• condamner in solidum Mme Camille C... et M. Jacques Y..., ce dernier en qualité de colégataire universel de feu Denise C..., à remettre à M. Maurice X... un certificat d'authenticité pour le tableau litigieux intitulé "Composition" et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 3 juillet 2001, date du dépôt du rapport des experts

• voir interdire à M. Jacques Y... d'utiliser le terme de "catalogue raisonné et complet" tant qu'il n'aura pas accepté de faire paraître le tableau litigieux, intitulé "Composition" dans son prochain catalogue raisonné ou d'un additif à ce catalogue et d'en informer le public ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 3 juillet 2001

• Subsidiairement, condamner M. Y... à lui payer une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 3 juillet 2001 tant que l'oeuvre litigieuse du peintre Jean-Michel C... n'aura pas été annoncée dans son prochain catalogue raisonné ou dans un additif à ce catalogue et qu'il n'en aura pas informé le public

• dire et juger que Mme Camille C... et M. Jacques Y... pris en leurs différentes qualités, ont engagé leur responsabilité sur la base des dispositions des articles 1382 et 1383 et ont causé à M. Maurice X... de ce fait, en refusant d'identifier le tableau, un préjudice que l'on ne saurait évaluer à une somme inférieure à 90.000 euros

• voir condamner en conséquence, in solidum Mme Camille C... et M. Jacques Y... à payer à M. Maurice X... la somme de 90.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi notamment du fait de leur opposition de reconnaître l'authenticité de l'oeuvre

• condamner in solidum Mme Camille C... et M. Jacques Y... à payer à M. Maurice X... la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

aux motifs que :

- le droit moral des héritiers sur l'authenticité d'une oeuvre de l'esprit n'a pas un caractère discrétionnaire

- on ne saurait décemment donner une priorité quelconque à l'intime conviction du détenteur du droit moral pour déterminer l'authenticité d'une oeuvre, dès lors que cet avis est contraire aux résultats d'analyse scientifique confiées à un collège d'experts judiciaires

- estimer l'étendue du droit moral comme l'entendent les intimés, ne saurait prospérer sans introduire l'arbitraire dans les relations des parties et ce serait s'en remettre purement et simplement à la volonté discrétionnaire du détenteur du droit moral des intimés

- les juges n'ont aucun moyen pour sonder la conscience des titulaires du droit moral et doivent faire appel non seulement aux hommes de l'art, mais également aux dispositions du code civil sur les présomptions (art. 1349 du code civil)

- Mmes C... n'ont jamais vu le tableau

- pour lui, C... était peu connu il y a quarante ans et s'étonne de la fabrication de faux C... alléguée par M. Jacques Y...

- le laboratoire privé spécialiste en restauration qui a effectué des travaux de recherche sur le tableau sollicités par M. Y... et Mme C..., s'est livré sans aucune autorisation à des prélèvements sur l'oeuvre qui lui avait été confiée uniquement pour examen, les travaux s'étant déroulés à l'insu de M. X..., de son conseil et des experts judiciaires en violant d'une façon flagrante le principe du contradictoire, lesquels ne sauraient avoir en conséquence aucune valeur probante

- l'ensemble de ces faits constituent incontestablement la légèreté blâmable et la mauvaise foi de Mmes C... et de M. Y...

- le refus de délivrer un certificat d'authenticité du tableau litigieux et d'insérer dans son catalogue raisonné cette oeuvre de C... entraîne pour M. X... un préjudice économique en raison de l'opposition abusive des intimés, ainsi qu'il ressort de la correspondance de la société SOTHEBY'S du 4 novembre 2002 et de celle de Me L..., commissaire-priseur en date du 16 décembre 2002 proposant une fourchette d'évaluation

- sans l'obtention d'un certificat d'authenticité et de son insertion dans le catalogue raisonné, il se trouve dans l'impossibilité de vendre le tableau à sa valeur vénale

- il ne peut vendre une oeuvre d'art accompagnée d'un rapport d'expertise judiciaire sans omettre d'informer l'acquéreur que le détenteur du droit moral et l'auteur du catalogue raisonné considèrent qu'il s'agit d'un faux

- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir exigé de certificat d'authenticité quarante ans auparavant

- M. Y... refuse d'insérer dans son catalogue raisonné une oeuvre d'C... au mépris d'opinions émanant de trois personnes qualifiées et reconnues, experts judiciaires désignés par le tribunal et de ce fait, fournit dans son ouvrage, une information non seulement partielle, mais partiale.

*****

Vu les conclusions de M. Jacques Y..., pris à titre personnel et en sa qualité de légataire universel de Mme Denise C..., veuve de Jean-Michel C... et de Mme Camille C... prise à titre personnel et en sa qualité de légataire universel de Mme Denise C..., intimés, signifiées le 28 septembre 2006, tendant à :

• confirmer le jugement

• reconventionnellement, condamner M. X... à payer à chacun des intimés la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, outre la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de chacun des intimés

aux motifs que :

- M. X... a acquis l'oeuvre litigieuse sans s'assurer préalablement de son authenticité, alors qu'il ne lui avait été remis aucun certificat

- la facture du marchand ne supplée pas l'absence de délivrance de certificat

- les intimés ont examiné l'oeuvre en février 1997 et l'ont considérée comme non authentique

- l'examen auquel a procédé le laboratoire ne va pas dans le sens de la reconnaissance de l'oeuvre

- le laboratoire de recherche pour la conservation et la restauration des oeuvres d'art dirigé par M. Alain M... est de notoriété publique et travaille avec les musées de longue date

- le rapport d'expertise judiciaire n'est pas satisfaisant

- ils persistent nonobstant la procédure judiciaire à considérer que le tableau ne présente pas un caractère rigoureusement authentique

- c'est leur droit le plus strict d'émettre un avis en accord avec leur conscience, ce droit étant réservé dans la jurisprudence, en l'absence d'abus

- en reconnaissant que l'oeuvre est authentique, le juge exerce son pouvoir discrétionnaire et rend une décision au regard des éléments qui lui sont présentés, mais il ne peut imposer aux héritiers sa conviction

- M. X... doit produire un élément suffisamment probant pour rapporter la preuve du caractère abusif du refus qui lui est opposé par les titulaires du droit moral sur l'oeuvre de Jean-Michel C...

- l'attestation de Me L... selon laquelle un tableau sans certificat d'authenticité des ayants droit ne peut prétendre qu'à une estimation réduite, est une opinion personnelle

- Mmes C... étaient unanimement reconnues pour leur compétence dans le milieu artistique et par les grandes maisons de vente, elles défendaient l'oeuvre de Jean-Michel C... et cautionnaient l'authenticité des oeuvres

- on ne voit pas pourquoi il tient à obtenir des ayants droit une quelconque caution, l'expertise judiciaire devrait lui suffire

- l'oeuvre litigieuse a été soumise pour avis en 1997, soit après la parution du catalogue raisonné

- M. X... ne démontre pas que M. Y... aurait commis une négligence grave en rédigeant volontairement un catalogue raisonné incomplet, le correctif paru en décembre 2003 ne contenant que la reproduction en couleurs d'oeuvres qui n'avaient pu paraître qu'en noir et blanc dans le catalogue raisonné

- M. Y... revendique sa liberté d'auteur

- au vu du rapport d'expertise judiciaire, M. X... bénéficiera de la reconnaissance judiciaire de l'authenticité du tableau, ce qui lui permettra de le vendre dans des conditions acceptables puisque ses revendications ont avant tout, une fin mercantile

- la jurisprudence a reconnu à M. Y... le droit de disposer d'une liberté certaine de ne pas, en son âme et conscience, authentifier une oeuvre sur laquelle il nourrit des doutes sérieux (affaire Hervieu)

- les intimés font preuve de vigilance pour contrecarrer la circulation des faux, lesquels sont extrêmement nombreux pour toutes les peintures en général des années 1950

- les intimés agissent dans le seul but de défendre l'oeuvre de Jean-Michel C... sans aucun ressentiment particulier à l'égard de M. X...

- remettre en cause le déroulement de l'expertise et les conclusions de M. H... n'est pas assimilable à un comportement fautif

- les autres affaires dans lesquelles cet expert est intervenu inclinent à être circonspect sur les appréciations rendues par lui (affaire dite de la "Sourate des Aveugles")

- M. X... ne rapporte pas la preuve que les intimés aient agi de mauvaise foi, avec intention de lui nuire ou avec une légèreté blâmable dans leur refus d'authentifier l'oeuvre

- selon l'article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle, l'exercice du droit moral par l'auteur sur une oeuvre originale revêt bien un caractère discrétionnaire qui ne peut être censuré judiciairement, ce qui écarte toute idée d'abus de droit

- l'abus ne pourrait résider que dans la connaissance par les ayants droit de l'authenticité d'une oeuvre et donc de leur refus de le révéler

- M. X... ne démontre pas une dévaluation de l'oeuvre par défaut d'authentification des ayants droit et ne produit aucun élément sur la cote actuelle des oeuvres d'C...

- M. X... ne démontre pas subir un préjudice financier, puisqu'il n'établit pas une impossibilité de vendre le tableau litigieux au vu de l'expertise judiciaire, alors qu'il a acquis ce bien sans certificat.

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 19 octobre 2006

*****

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur le refus par les colégataires universels de feue Denise C... de délivrer un certificat d'authenticité

Considérant que l'exercice de son droit moral par l'auteur de l'oeuvre originale revêt un caractère discrétionnaire, de sorte que l'appréciation de la légitimité de cet exercice échappe au juge ;

Considérant que le droit moral dont sont investis les héritiers d'un artiste leur permet de faire saisir les oeuvres qu'ils considèrent comme fausses afin qu'elles soient soumises à des experts judiciaires, mais ne leur confère nullement le pouvoir de décider d'une manière discrétionnaire de l'authenticité d'une oeuvre ;

Qu'en effet, l'intervention d'un titulaire du droit moral ne présente pas de garanties suffisantes pour l'authentification d'une oeuvre d'art, s'agissant d'un droit qui implique une marge d'irrationnel et d'affectivité ;

Que seul un expert judiciaire, à l'issue d'une procédure contradictoire, se prononce sur l'authenticité de l'oeuvre d'un artiste disparu, étant observé que la paternité d'une oeuvre est une notion objective et non pas purement subjective ;

Que l'abus peut résulter aussi bien d'une action que d'une abstention ;

Que la défense de la mémoire de l'auteur et la protection de sa personnalité artistique à travers son oeuvre implique pour les titulaires du droit moral de poser un jugement de valeur et il n'appartient pas au juge de s'immiscer dans cette sphère d'intimité et d'apprécier la pertinence des motivations d'ordre intellectuel, moral ou esthétique qui inspirent leur refus de délivrer un certificat d'authenticité, sauf abus caractérisé dans l'exercice de ce droit ;

Considérant en l'espèce, que par suite du décès le 1er juillet 2004 de Denise C..., veuve de Jean-Michel C... et unique détentrice du droit moral sur l'oeuvre de l'artiste, Camille C..., soeur du peintre et Jacques Y..., auteur du catalogue raisonné de l'oeuvre complet de l'artiste, ont été institués légataires universels à parts égales entre eux, aux termes de son testament olographe en date du 3 juillet 2001 ;

Que dans leurs écritures, les intimés indiquent que "Mmes C... défendaient d'un commun accord l'oeuvre de Jean-Michel C... et cautionnaient l'authenticité de ses oeuvres" ;

Que Camille C... et Jacques Y..., cotitulaires du droit moral sur l'oeuvre de l'artiste disparu tel que défini à l'article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle, persistent à invoquer leur intime conviction "en leur âme et conscience" pour réfuter le caractère authentique du tableau acquis par M. X... cinq ans après la mort du peintre, en dépit d'un rapport d'expertise judiciaire approfondi, déposé en juillet 2001, émanant d'un expert qualifié et reconnu en oeuvres d'art, assisté d'un sapiteur, expert scientifique et d'un sapiteur, expert en écritures, qui conclut au terme d'investigations complexes, à l'authenticité indiscutable de l'oeuvre litigieuse ;

Que le grief de non-examen de l'oeuvre litigieuse par les intimés invoqué par M. X... doit être écarté, dès lors qu'il est justifié qu'à l'occasion de la vente publique aux enchères du 23 mars 1997 organisée par Me Eric L..., commissaire-priseur à Calais (62), le tableau litigieux figurait sur le catalogue de vente et que M. Y... et Mmes C... ont pu à cette époque prendre connaissance du tableau par l'envoi de photographies par le commissaire-priseur ;

Qu'il y a lieu de préciser que le tableau litigieux, acquis par la galerie de peinture de M. F..., provenait de la collection de Georges N..., ami du peintre avant d'être la propriété de M. X... de façon ininterrompue et que la circonstance que ce dernier n'ait pas obtenu de certificat d'authenticité lors de l'achat de l'oeuvre et seulement une facture du marchand avec la mention "une peinture sur toile de C..." est sans incidence sur l'issue du litige ;

Qu'aucune faute ne saurait être reprochée aux intimés antérieurement à la mesure d'expertise, ceux-ci pouvant légitimement refuser d'admettre le caractère authentique de l'oeuvre litigieuse, dès lors qu'aucune expertise n'avait été diligentée antérieurement à la publication du catalogue raisonné n'incluant pas le tableau dont s'agit et que la toile n'avait fait l'objet d'aucune publication ;

Considérant en l'espèce, que le rapport d'expertise diligenté par le collège d'experts, qualifiés et compétents, qui a procédé à l'examen approfondi du tableau contesté en le comparant à l'oeuvre connue du peintre référencée dans le catalogue raisonné de Jacques Y... (représentant une quinzaine de tableaux) doit servir de base à l'appréciation de la Cour, sur le caractère authentique de l'oeuvre dont s'agit ;

Que les intimés se sont contentés par la voix de M. Y... de répondre à la seconde mise en demeure de M. X... délivrée le 12 octobre 2001, après le dépôt du rapport d'expertise, par un courrier daté du 17 octobre 2001, dans lequel ils indiquent, qu'ils persistent dans leur conviction profonde de non-authenticité du tableau, que la publication d'un prochain volume du catalogue raisonné n'est pas envisagé, que les conclusions des experts sont contraires à leur avis, que l'expertise de M. André H... équivaut de sa part à un certificat d'authenticité et qu'ils incriminent la position identique adoptée par l'expert dans une autre affaire de contestation d'authenticité portant sur une oeuvre de J-M C... ;

Que le refus des détenteurs du droit moral sur l'oeuvre de Jean-Michel C... de délivrer le certificat d'authenticité sollicité par M. X... s'appuie sur des arguments techniques et artistiques développés dans le dire adressé à l'expert le 12 juin 2001 concernant l'analyse scientifique de M. I... et l'analyse graphologique de Mme J..., qui ont été réfutés par M. H... ;

Que Camille C... et Jacques Y..., pourtant sachants et spécialistes reconnus de l'oeuvre de Jean-Michel C..., l'une pour avoir organisé des expositions dans les musées, publié des ouvrages sur le peintre, l'autre pour avoir publié un catalogue raisonné de l'artiste, ne produisent aucune pièce pertinente légalement admissible de nature à contredire les conclusions du rapport d'expertise judiciaire écartant toute allégation de "faux C..." et ne sollicitent aucune mesure de contre-expertise ;

Qu'en tout état de cause, une mesure de contre-expertise ne serait pas de nature à modifier la position de principe de refus d'authenticité des consorts O... ;

Qu'il convient d'indiquer que M. Y... a, de façon déloyale et à l'insu du collège d'expert et de M. X..., propriétaire du tableau, fait procéder le 24 mai 2001 à une contre-expertise privée clandestine du tableau par un laboratoire de restauration d'oeuvres d'art, annexée au rapport d'expertise judiciaire, alors que M. André H... avait accepté de remettre l'oeuvre contestée à M. Y... afin qu'il puisse l'examiner attentivement à son domicile, mais sans donner son accord pour qu'il soit procédé à un prélèvement pictural de l'oeuvre comme il a été fait ;

Que cette expertise privée, non contradictoire, diligentée au mépris des règles essentielles de la procédure civile, doit être purement et simplement écartée, étant dépourvue de toute force probante ;

Que M. Y... ne justifie d'aucune pièce de nature à rapporter la preuve de la fausseté de l'oeuvre litigieuse ou à asseoir un processus de contrefaçon, ni d'aucune pièce susceptible de mettre en doute les conclusions de l'expertise judiciaire authentifiant l'oeuvre et écartant toute ambiguïté sur l'origine du tableau ;

Qu'il doit être observé que M. Y... qui conteste l'expertise et la neutralité de M. André H..., n'a nullement mis en oeuvre le dispositif de récusation de l'expert, tel que prévu à l'article 234 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'il ne peut être procédé à un raisonnement par voie d'analogie dans des affaires mettant en cause d'autres oeuvres de J-M C... et l'appréciation donnée par M. André H... sur leur caractère authentique ;

Que l'expertise judiciaire met en évidence la parfaite concordance du tableau litigieux avec les oeuvres authentiques d'C..., tant du point de vue des couleurs, que du choix et du traitement du support ainsi que de la complexe et spécifique technique picturale scientifique, a constaté l'absence de reprise ou de retouche suspectes, de restauration, d'ajout, d'effacement ou altérations, écartant ainsi toute suspicion de copie ou d'imitation d'une oeuvre déterminée d'Atlan ou d'oeuvre apocryphe ;

Qu'il convient de s'interroger si l'intime conviction, émanant des titulaires du droit moral sur l'oeuvre de Jean-Michel C..., dont l'avis ne présente pas de garanties suffisantes pour l'authentification d'une oeuvre d'art, ne disposant en la matière que d'une autorité de fait en apportant une caution morale, peut constituer un motif sérieux et légitime de refus de délivrance d'un certificat d'authenticité, en présence d'un rapport d'expertise garantissant l'authenticité de l'oeuvre ;

Que la contestation d'un rapport d'expertise ne saurait constituer un abus de droit, étant observé que le juge n'est pas lié par les conclusions d'un technicien (art. 246 du nouveau code de procédure civile) ;

Que le refus persistant et prolongé depuis le dépôt du rapport d'expertise, opposé par les consorts C... -POLIERI d'admettre l'authenticité de l'oeuvre litigieuse, cause un préjudice aux intérêts légitimes d'un tiers qui souhaite se dessaisir du tableau acquis en 1965, pour des raisons qui lui sont personnelles, le présenter en vente publique et qui se prévaut du rapport contradictoire d'un collège d'experts judiciaires garantissant l'authenticité de l'oeuvre litigieuse ;

Que cependant, ce refus ne peut constituer une abstention abusive, que s'il s'accompagne de circonstances lui donnant le caractère d'une faute, traduisant une intention de nuire, du moins la mauvaise foi ou une légèreté blâmable ;

Considérant en l'espèce, qu'il n'est versé aux débats aucune pièce de nature à constituer la preuve qu'en refusant la délivrance du certificat d'authenticité sollicité, les consorts O... auraient eu pour mobile, moins la défense de la personnalité artistique et de la mémoire de l'artiste disparu que la préoccupation de porter atteinte aux intérêts de M. X... et de lui nuire ;

Que l'allégation des intimés selon laquelle "les revendications de M. X... ont avant tout une fin mercantile" et l'allusion faite par M. Y..., développée dans sa note communiquée le 18 octobre 2006, à la circonstance que "M. X... s'est rendu acquéreur à très bas prix d'un tableau il y a quarante ans ... Il réalisera donc aujourd'hui à la vente une plus value considérable même s'il ne dispose pas d'un certificat émanant des ayants droit" sont insuffisantes pour démontrer que ceux-ci seraient animés d'une intention malveillante ou d'un sentiment d'animosité à l'égard de l'appelant ;

Que l'argumentation des intimés illustre seulement la dégradation des relations entre les parties à l'issue de cinq années de procédure ;

Que l'intime conviction, émanant des titulaires du droit moral sur l'oeuvre de Jean-Michel C..., constitue un motif sérieux et légitime de refuser de délivrer un certificat d'authenticité, même en présence d'un rapport d'expertise garantissant l'authenticité de l'oeuvre, dès lors qu'il n'est pas justifié que ce droit ait été détourné de sa finalité ou qu'il en ait été fait un usage abusif ;

Que les intimés ne sauraient, en tout état de cause, être contraints de délivrer un certificat d'authenticité que leur intime conviction leur interdit d'établir ;

Que l'authenticité du tableau litigieux est établie par la présente décision par la référence expresse faite à l'expertise judiciaire réalisée par M. André H... garantissant l'authenticité de l'oeuvre ;

Que le jugement déféré sera confirmé de ce chef dès lors que, le refus opposé par les titulaires du droit moral sur l'oeuvre de Jean-Michel C... de délivrer un certificat d'authenticité de l'oeuvre litigieuse, n'est pas constitutif d'un abus de droit ;

- Sur la demande de M. X... tendant à interdire à M. Jacques Y... d'utiliser le terme de "catalogue raisonné et complet" tant qu'il n'aura pas accepté de faire paraître le tableau litigieux, intitulé "Composition" dans son prochain catalogue raisonné ou d'un additif à ce catalogue et d'en informer le public ce, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du 3 juillet 2001

Considérant que M. Y... a dressé l'inventaire des oeuvres authentiques d'C... en faisant publier en 1996 l'ouvrage suivant : "C... catalogue raisonné de l'oeuvre complet" aux éditions Gallimard, lequel n'inclut pas l'oeuvre litigieuse, étant rappelé que M. Y... a informé M. X... par courrier du 17 octobre 2001, "qu'il a contesté l'authenticité de ce tableau dans son catalogue raisonné" ;

Que la circonstance qu'un tableau ne figure pas dans le catalogue raisonné du peintre ni dans le supplément en cours de préparation, est de nature à le considérer comme suspect et à le rendre difficilement vendable sur le marché de la peinture, la référence faite à un catalogue raisonné étant est un indice d'authenticité ;

Qu'il ne peut être fait grief à M. Y... de ne pas avoir inséré dans son catalogue raisonné publié en 1996 l'oeuvre litigieuse, l'expertise réalisée n'ayant été diligentée qu'en 2001 ;

Que quelque soit sa liberté de présenter dans un ouvrage, selon ses vues, les oeuvres de l'artiste disparu, le cataloguiste répond cependant de ses fautes dans l'exercice de sa mission s'il peut être établi que son choix d'exclure l'oeuvre litigieuse résulte d'une omission volontaire, au mépris d'opinions émanant de personnes qualifiées et reconnues, au point de fournir dans son ouvrage une information non seulement partielle, mais aussi partiale ;

Qu'en l'espèce, l'exclusion du tableau "Composition" ne serait pas conforme à la prétention de M. Y... de définir le catalogue raisonné comme étant la description de l'oeuvre complète d'C... ;

Que seul le refus opposé par M. Y... d'insérer dans une prochaine publication de son catalogue raisonné d'C... l'oeuvre litigieuse traduit une légèreté blâmable est abusif ;

Qu'en conséquence, M. Y... ne pourra à l'avenir, en l'absence d'éléments nouveaux déterminants, s'opposer à la présentation du tableau "Composition" dans la prochaine édition du catalogue raisonné ou dans le supplément en cours de préparation, dès lors que son authenticité a été constatée après une expertise judiciaire émanant de trois personnes qualifiées et reconnues et contre laquelle il n'a pas demandé expressément de contre-expertise ;

Que la légitimité de cette demande paraît d'autant plus évidente, qu'en cours de procédure et postérieurement à l'expertise judiciaire réalisée en 2001, M. Y... reconnaît dans ses écritures avoir publié en décembre 2003 un correctif de son catalogue raisonné (page 14 des conclusions) sans évoquer la toile dont s'agit ;

Que cette omission, qui ne relève pas des données du litige dont la Cour est saisie, ne pourrait être regardée que comme délibérée et empreinte de mauvaise foi, M. Y... ne pouvant plus à la date de la publication de ce correctif prétendre ignorer l'existence de la toile contestée et son authenticité telle que garantie par le rapport d'expertise judiciaire de M. André H... ;

Qu'en conséquence, il sera fait droit à la demande de M. X... tendant à condamner M. Jacques Y... à insérer dans son nouveau catalogue raisonné ou dans le supplément ou le correctif en cours de préparation, l'oeuvre litigieuse de Jean-Michel C... en précisant au besoin, que son authenticité a été judiciairement reconnue sur la foi de l'expertise judiciaire réalisée par M. André H..., assisté de deux sapiteurs, M. I..., expert scientifique et Mme J..., expert en graphologie, dont le rapport est en date du 3 juillet 2001 ;

Que la demande tendant à obtenir une condamnation sous astreinte et le surplus de la demande seront rejetés, dès lors que M. X... pourra se prévaloir de ce chef de condamnation lors d'une vente publique ;

Que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. X... contre M. Y... en qualité d'auteur du catalogue raisonné de l'oeuvre d'C... ;

- Sur la réparation du préjudice de M. X...

Considérant que M. X... allègue son impossibilité de vendre l'oeuvre litigieuse sur la seule foi de l'expertise judiciaire réalisée, non accompagnée du certificat d'authenticité des titulaires du droit moral sur l'oeuvre de Jean-Michel C... et non référencée dans le catalogue raisonné de Jacques Y..., dont la qualité a été saluée par les spécialistes en oeuvres d'art ;

Que M. X... invoque une dévaluation de l'oeuvre par défaut d'authentification des ayants droit, à l'origine d'un préjudice financier et produit à cet effet, un courrier de la société SOTHEBY'S du 4 novembre 2002 (complété par celui du 2 décembre 2002) fournissant des éléments sur la cote actuelle des oeuvres d'C... en proposant une estimation indicative de l'oeuvre litigieuse à l'occasion de la vente d'art contemporain de Londres en février 2003, entre 63.000 et 95.000 euros, "sous réserve de confirmation de son authenticité" ainsi que l'estimation de Me Eric L..., commissaire-priseur en date du 16 décembre 2002, proposant une fourchette d'évaluation de l'oeuvre entre 80 et 100.000 euros, précisant que l'absence de confirmation de son authenticité par Mmes C... et par le cataloguiste est de nature à faire diminuer les enchères, "ce tableau pourrait fort bien ne pas trouver preneur au quart voire au 6ème de cette somme" ;

Que M. X... soutient que sans l'obtention d'un certificat d'authenticité et de son insertion dans le catalogue raisonné, il se trouve dans l'impossibilité de vendre le tableau à sa valeur vénale et qu'il ne peut vendre une oeuvre d'art accompagnée d'un rapport d'expertise judiciaire sans omettre d'informer l'acquéreur que le détenteur du droit moral et l'auteur du catalogue raisonné considèrent qu'il s'agit d'un faux ;

Que le tableau litigieux "Composition" est judiciairement authentifié au terme du présent arrêt et M. X... est en droit de se prévaloir de cette décision de justice lors d'une vente publique aux enchères ;

Qu'il a été indiqué que le refus de délivrer un certificat d'authenticité du tableau litigieux opposé par les consorts C... -POLIERI, même après le dépôt du rapport d'expertise, n'est pas constitutif d'un abus de droit ;

Que seul le refus de M. Y... d'envisager d'inclure le tableau litigieux dans l'oeuvre répertoriée de l'artiste disparu est fautif et expose son auteur à répondre de sa responsabilité civile délictuelle à l'égard de M. X... qui se prévaut d'un rapport d'expertise judiciaire garantissant l'authenticité du tableau, dont le préjudice sera évalué par la Cour à la somme de 20.000 euros ;

Qu'il sera alloué une indemnité au titre des frais irrépétibles au profit de M. X... ;

Que les intimés seront déboutés de leur demande reconventionnelle ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu le rapport d'expertise de M. André H... en date du 3 juillet 2001,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que M. X... n'établit pas que le refus d'authentifier l'oeuvre litigieuse présenterait un caractère abusif

- débouté M. X... de ses demandes formées à l'encontre de Denise et Camille C...

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Constate qu'en cours de procédure, Mme Denise C... est décédée, faisant de sa belle-soeur, Mme Camille C... et de M. Jacques Y..., ses légataires universels à parts égales entre eux,

Dit que l'oeuvre litigieuse, intitulée "Composition" huile sur toile 115 x 72 cm et portant signature de C... est une oeuvre authentique,

Dit que le refus prolongé opposé par les titulaires du droit moral sur l'oeuvre de Jean-Michel C..., même après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, de délivrer un certificat d'authenticité de l'oeuvre litigieuse, n'est pas constitutif d'un abus de droit,

Dit que le refus de M. Y... d'envisager d'inclure le tableau litigieux, judiciairement authentifié, dans son prochain catalogue raisonné, répertoriant l'oeuvre de l'artiste disparu, est fautif,

En conséquence,

Condamne M. Jacques Y... pris à titre personnel à payer à M. Maurice X... la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne M. Jacques Y... à insérer dans son nouveau catalogue raisonné ou dans le supplément ou le correctif en cours de préparation, l'oeuvre intitulée "Composition", huile sur toile signée en bas à droite 115 x 72 cm de Jean-Michel C... en précisant au besoin, que son authenticité a été judiciairement reconnue sur la foi de l'expertise judiciaire réalisée par M. André H..., assisté de deux sapiteurs, M. I..., expert scientifique et Mme J..., expert en graphologie, dont le rapport est en date du 3 juillet 2001,

Le condamne à payer à M. Maurice X... la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne M. Jacques Y... aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais de référé, des expertises judiciaires ainsi qu'aux dépens de l'arrêt cassé et admet la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER, titulaire d'un office d'avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Mme Joëlle BOURQUARD, Président et par Madame THEODOSE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0056
Numéro d'arrêt : 3
Date de la décision : 12/01/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 13 septembre 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2007-01-12;3 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award