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10/12/2009 | FRANCE | N°08/04368

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13ème chambre, 10 décembre 2009, 08/04368


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 38Z

13ème chambre
ARRET No
par défaut
DU 10 DECEMBRE 2009
R. G. No 08 / 04368
AFFAIRE :
FEDERAL INSURANCE COMPANY

C /
LE CREDIT LYONNAIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mars 2008 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 4 No Section : No RG : 2006F4722

Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

SCP LEFEVRE TARDY HONGRE-BOYELDIEU

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

SCP JUPIN-ALGRIN
Me BINOCHE
LE D

IX DECEMBRE DEUX MILLE NEUF, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société FEDERAL INSURANCE ...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 38Z

13ème chambre
ARRET No
par défaut
DU 10 DECEMBRE 2009
R. G. No 08 / 04368
AFFAIRE :
FEDERAL INSURANCE COMPANY

C /
LE CREDIT LYONNAIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mars 2008 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 4 No Section : No RG : 2006F4722

Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :

SCP LEFEVRE TARDY HONGRE-BOYELDIEU

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

SCP JUPIN-ALGRIN
Me BINOCHE
LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE NEUF, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société FEDERAL INSURANCE COMPANY Capital Center 261 North Illinois Suite 1100 USA représentée par la SCP LEFEVRE TARDY HONGRE-BOYELDIEU, avoués-No du dossier 280356 assistée du Cabinet BYRD et ASS, avocats au barreau de Paris

APPELANTE

****************

S. A. LE CREDIT LYONNAIS 19 boulevard des Italiens 75002 PARIS représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués-No du dossier 20080915 assistée de Maître TARDIEU NAUDET, avocat au barreau de Paris

S. A. SOCIETE GENERALE centre commercial Charras 92400 COURBEVOIE représentée par la SCP JUPIN-ALGRIN, avoués-No du dossier 0024685 assistée de Maître MOREAU, avocat au barreau de Paris

Société ING BELGIUM venant aux droits de la Sté ING BANK (FRANCE) anciennement dénommée BANQUE BRUXELLES LAMBERT FRANCE Coeur Défense A 92931 LA DEFENSE CEDEX représentée par Maître BINOCHE, avoué-No du dossier 08347 assistée de Maître JOURDE, avocat au barreau de Paris

S. A. R. L. BUSH BOAKE ALLEN FRANCE 3 boulevard de Beauregard 21600 LONGVIC assignée, n'a pas constitué avoué

INTIMEES

****************

Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Octobre 2009, Monsieur Jean BESSE, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean BESSE, président, Madame Nicole BOUCLY-GIRERD, conseiller, Madame Annie DABOSVILLE, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

Madame Evelyne Marie B... épouse C... a, de mai 1988 à octobre 1998 occupé le poste de responsable administratif et comptable de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE.
La SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE a été victime des agissements de Madame C..., qui a émis des chèques en imitant la signature de Monsieur D... et de Monsieur E..., titulaires d'une procuration sur les comptes bancaires.
Ces détournements ont été découverts au mois d'octobre 1998 à la suite d'un contrôle fiscal qui a révélé l'existence de remboursement de TVA ne correspondant à aucune livraison de fournisseur.
La SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE a dû rembourser à l'administration fiscale la somme de 975. 673, 71 € que cette dernière lui avait versée indûment au cours de la période de janvier 1995 à avril 1998. Bien qu'il s'agisse d'un remboursement d'une somme versée indûment, il en est résulté un préjudice pour la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE car cette somme a été détournée, pour la totalité semble-t-il, par Madame C....
Il est également apparu que pour la période d'avril 1998 à octobre 1998 Madame C... a détourné une somme d'environ 60. 979, 61 € au préjudice final du Trésor public par récupération de TVA non versée.
La compagnie d'assurances de droit des Etats-Unis, FEDERAL INSURANCE COMPANY a versé une indemnité de 1. 061. 022 US $ à la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE.
La FEDERAL INSURANCE COMPANY, subrogée dans les droits de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE, a fait assigner au mois d'octobre 2000 les trois banques qui ont payé à Madame C... les chèques falsifiés, à savoir, la SOCIETE GENERALE, le CREDIT LYONNAIS et la BANQUE BRUXELLES LAMBERT devenue ING Belgium.
Par un premier jugement rendu le 29 juin 2001, le Tribunal de commerce de Nanterre a déclaré recevable l'action de la FEDERAL INSURANCE COMPANY et a sursis à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par la juridiction pénale à l'égard de Madame C....
Par acte d'huissier de justice délivré le 17 août 2001, la FEDERAL INSURANCE COMPANY a fait assigner le commissaire aux comptes, la société BEFEC PRICE WATERHOUSE, pour demander sa condamnation solidaire avec les trois banques. Par jugement en date du 19 octobre 2004, le Tribunal de grande instance de Nanterre statuant en matière correctionnelle a reconnu Madame C... coupable des faits qui lui étaient reprochés et notamment de falsification de chèque et usage de chéque falsifié pour la période du 1er octobre 1995, au 31 octobre 1998, et a prononcé à son encontre une peine d'emprisonnement de 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve.

Sur les intérêts civils, la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE a demandé la condamnation de Madame C... au paiement de la franchise d'assurance d'un montant de 100. 000 US $. Le tribunal a fait droit à cette demande.
Ce jugement étant devenu définitif, la FEDERAL INSURANCE COMPANY a fait rétablir l'instance au rôle.
Par jugement en date du 7 mars 2008, le Tribunal de commerce de Nanterre a :
- pris acte du désistement d'instance et d'action de la FEDERAL INSURANCE COMPANY à l'égard de BEFEC PRICE WATERHOUSE,- dit recevables mais mal fondées les demandes faites par la FEDERAL INSURANCE COMPANY,- condamné la FEDERAL INSURANCE COMPANY à payer à chacune des trois banques, SOCIETE GENERALE, CREDIT LYONNAIS et ING BELGIUM la somme de 6. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La FEDERAL INSURANCE COMPANY a interjeté appel de ce jugement, et par conclusions signifiées le 9 avril 2009, demande à la cour :
• de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré ses demandes recevables, mais de l'infirmer en ce qu'il les a déclarées mal fondées, • de condamner in solidum la SOCIETE GENERALE, le CREDIT LYONNAIS et ING BELGIUM à lui payer l'équivalent en euros au jour du jugement de la somme de 1. 061. 022 US $, avec les intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2000, • subsidiairement, • de condamner la SOCIETE GENERALE à lui payer la somme de 323. 130, 18 € correspondant au montant des chéques frauduleux, la somme de 31. 016, 67 € au titre des frais de recherche des chèques litigieux et la somme de 94. 137, 27 € au titre des frais d'audit du cabinet ERNST et YOUNG, • de condamner le CREDIT LYONNAIS à lui payer la somme de 85. 916, 77 € correspondant au montant des chéques frauduleux, la somme de 4. 263, 68 € au titre des frais de recherche des chèques litigieux et la somme de 94. 137, 27 € au titre des frais d'audit du cabinet ERNST et YOUNG, • de condamner ING BELGIUM à lui payer la somme de 85. 577, 34 € correspondant au montant des chéques frauduleux, la somme de 8. 623, 66 € au titre des frais de recherche des chèques litigieux et la somme de 94. 137, 27 € au titre des frais d'audit du cabinet ERNST et YOUNG, • de dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2000, et que la condamnation au titre des frais d'audit sera prononcée in solidum entre les trois banques, • en toute hypothèse de condamner la SOCIETE GENERALE, le CREDIT LYONNAIS et ING BELGIUM à lui payer chacune la somme de 25. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SOCIETE GENERALE, par conclusions signifiées le 2 septembre 2009, demande à la cour de confirmer le jugement et subsidiairement :

• de constater que FEDERAL INSURANCE COMPANY ne fonde pas sa demande sur la faute qu'elle aurait commise en payant les chèques affectés d'une anomalie grossière et apparente dans l'imitation de signature par Madame C..., • de dire qu'il n'y a pas de lien de causalité entre le montant de perte de TVA que FEDERAL INSURANCE COMPANY prétend avoir indemnisé et le manquement au devoir de vigilance qu'elle lui impute à tort, • de dire que les condamnations ne peuvent pas être prononcées " in solidum " entre les trois banques, • de débouter la FEDERAL INSURANCE COMPANY de toutes ses demandes, • en toute hypothèse de condamner la FEDERAL INSURANCE COMPANY à lui payer la somme de 50. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le CREDIT LYONNAIS, par conclusions signifiées le 18 mai 2009, demande à la cour de confirmer le jugement, et y ajoutant, de condamner la FEDERAL INSURANCE COMPANY à lui payer la somme de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
ING BELGIUM, par conclusions signifiées le 25 août 2009, demande à la cour de confirmer le jugement, et subsidiairement :
• de constater qu'elle est étrangère à la prévention et à la condamnation de Madame C... devant le tribunal correctionnel, et qu'en conséquence la FEDERAL INSURANCE COMPANY est irrecevable en son action contre elle, • plus subsidiairement, • de constater qu'au titre des intérêts civils devant la juridiction pénale, il n'a été réclamé à Madame C... que la franchise de 100. 000 US $, et en conséquence de dire que la FEDERAL INSURANCE COMPANY n'est subrogée qu'à hauteur de cette somme, • de dire que la demande de la FEDERAL INSURANCE COMPANY se heurte à la responsabilité principale de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE employeur de Madame C..., et en tant que tel, civilement responsable des agissements de sa préposée dans l'exercice de ses fonctions, par application de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, • de dire qu'elle n'a commis aucune faute, et qu'en outre il n'y a aucun lien de causalité entre le préjudice et la faute invoquées, • en conséquence de débouter la FEDERAL INSURANCE COMPANY de ses demandes, • à tout le moins de limiter une éventuelle condamnation à la somme de 70. 812 €, montant des sommes détournées par Madame C... sur le compte ouvert en ses livres, • d'ordonner un partage de responsabilité avec la FEDERAL INSURANCE COMPANY qui a renoncé de son propre chef à son recours contre le commissaire aux comptes BEFEC PRICE WATERHOUSE, • en toute hypothèse de condamner la FEDERAL INSURANCE COMPANY à lui payer la somme de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE a été assignée selon les modalités de remise de l'acte en l'étude de l'huissier de justice. L'arrêt sera rendu par défaut.

DISCUSSION

Sur la qualité à agir de la FEDERAL INSURANCE COMPANY par voie de subrogation

La FEDERAL INSURANCE COMPANY expose qu'il a été définitivement jugé le 29 juin 2001 qu'étant subrogée dans les droits de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE à l'encontre des banques, ses demandes étaient recevables.

ING BELGIUM soutient que la FEDERAL INSURANCE COMPANY ne peut invoquer la subrogation aux droits de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE qu'à hauteur de 100. 000 US $, au motif que cette dernière a limité à cette somme sa réclamation devant la juridiction pénale.

Sur ce :

Considérant qu'il a été définitivement jugé que la FEDERAL INSURANCE COMPANY était subrogée dans les droits de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE à hauteur de l'indemnité d'un montant de 1. 061. 022 US $ payée à cette dernière en réparation du préjudice causé par les chèques falsifiés par Madame C... ;

Considérant que la demande de ING BELGIUM se heurte à l'autorité de chose jugée et se trouve donc irrecevable ;
Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la FEDERAL INSURANCE COMPANY ;

Sur le droit applicable

La FEDERAL INSURANCE COMPANY fonde son action sur les contrats de dépôt passés entre chacune des banques et la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE. Elle fait observer que chaque banque, en sa qualité de dépositaire, a débité les comptes de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE sur les faux ordres de paiement donnés par Madame C... qui n'en avait pas le pouvoir. Elle en déduit que les banques doivent restituer à la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE les sommes ainsi retirées.

Les banques reconnaissent que pèsent sur elle les obligations d'un dépositaire d'argent. Elles reconnaissent qu'elles doivent restituer les fonds dont elles se sont défaits sur de faux ordres de paiement, même si elles n'ont commis aucune faute. Elles soulignent toutefois qu'il en va autrement si l'établissement des faux ordres de virement a été rendu possible à la suite de la faute du titulaire du compte ou de l'un de ses préposés. Elles font observer que tel est le cas en l'espèce car Madame C... a agi dans l'exercice de ses fonctions. Elles ajoutent que tel est encore le cas en l'espèce car la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE a laissé perdurer les agissements de Madame C... pendant plusieurs années, sans effectuer de contrôle, et sans se donner les moyens d'effectuer ces contrôles. Elles en déduisent qu'elles peuvent en conséquence invoquer l'absence de faute de leur part pour s'exonérer de toute responsabilité. Elles notent qu'à tout le moins, si une faute était retenue à leur encontre, il s'en déduirait nécessairement un partage de responsabilité.

Sur ce :
Considérant que les relations entre la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE et chacune des banques sont régies par les règles du contrat de dépôt, la société déposant l'argent sur son compte et la banque en étant dépositaire ; qu'en application des dispositions de l'article 1937 du Code civil :
- la banque doit restituer les fonds qui ont été débités du compte sur un faux ordre de paiement, donné par une personne qui n'en avait pas le pouvoir,- la banque ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant que l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés,- si cette preuve est rapportée, il convient de déterminer la part de responsabilité de la banque, laquelle peut être inexistante si aucune faute n'est retenue contre elle ;

Considérant qu'il convient en conséquence de rechercher d'abord si les faux ordre de paiement ont été rendus possible par les agissements de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE ou de Madame C..., puis, dans l'affirmative, si les banques ont commis une négligence en débitant les comptes au vu de ces faux ordres de paiement.
Sur l'existence de faute ayant rendu possible l'établissement des faux ordre de paiement
La FEDERAL INSURANCE COMPANY rappelle que les faits du préposé ayant rendu possible l'établissement des faux ordres de paiement ne doivent être pris en compte que s'ils ont été accomplis dans l'exercice de ses fonctions. Elle soutient, au visa d'un arrêt de l'Assemblée Plénière du 14 décembre 2001 que tel n'est pas le cas lorsque le préposé a été condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis une infraction, et qu'il a ainsi abusé de ses fonctions. Elle en déduit que les agissements de Madame C... ayant été sanctionnés pénalement, ils n'ont pas été accomplis dans l'exercice de ses fonctions.
La FEDERAL INSURANCE COMPANY soutient par ailleurs que la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE n'a commis aucune faute, ni dans son organisation interne pour contrôler la fiabilité de sa comptabilité, ni dans la surveillance de Madame C... dont le mode opératoire était d'une sophistication telle que ses détournements ne pouvaient être décelés par une vérification normale des supérieurs de l'intéressée, ni même du commissaire aux comptes.
Les banques soutiennent que les fautes de Madame C... ont été accomplies à l'occasion de ses fonctions et ont facilité l'établissement des chéques falsifiés, peu important que ces agissements aient été perpétrés en toute connaissance de leur caractère frauduleux.
Les banques estiment également que la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE a commis des fautes en confiant à Madame C... le soin d'effectuer les paiements, et de les traduire elle-même dans la comptabilité, alors qu'une organisation prudente commande de confier à deux personnes différentes, d'une part les paiements et d'autre part le contrôle de leur affectation. Elles estiment en outre que le mode opératoire de Madame C... était des plus simples et pouvait apparaître par la simple vérification que les versements imputés au profit des fournisseurs apparaissaient bien au crédit du compte de ce fournisseur.
Sur ce :
Considérant que Madame C... a falsifié les chèques dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en effet elle faisait partie du service administratif et comptable de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE et était chargée d'établir les chèques et de les signer, avec en outre la signature de Monsieur D... ou de Monsieur E... ;
Considérant que le caractère intentionnel de ces fautes la rend responsable vis à vis de son employeur et des tiers, mais n'est d'aucun effet dans le présent litige ;
Considérant que les fautes de Madame C... ont rendu possible l'établissement des faux ordres de paiement, puisque précisément ces derniers ont été établis par elle ;
Considérant que pour cette première raison les banques sont en droit de s'exonérer au moins partiellement de leur responsabilité ;
Considérant que la seule habileté de Madame C... dans ses agissements, est de les avoir rendus non préjudiciables à la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE. En effet :
- les chèques étaient établis à l'ordre d'un pseudonyme de Madame C... : C. M. E., ou B... EMP ou M. E. M. P.- sur la souche était porté le nom d'un créancier astreint à TVA, le plus souvent un fournisseur,- lorsque le relevé de compte arrivait à la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE, Madame C... n'imputait pas l'écriture au fournisseur censé avoir été payé, mais l'imputait au compte de la TVA à récupérer ;

Considérant que ce mode opératoire, exposé dans le réquisitoire définitif, avait pour effet que le chèque versé sur l'un des 4 comptes de Madame C..., était en fait payé par le Trésor public au titre de la récupération de TVA ; qu'ainsi les résultats de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE n'étaient pas affectés par ces détournements qui ne lui causaient aucun préjudice dès lors que l'administration fiscale ne s'apercevait pas de la fraude ; Considérant que les agissements de Madame C... étaient facilement décelables dans la mesure où :

- les chèques ne correspondaient à aucune facture,- les débits bancaires étaient supérieurs aux approvisionnement et charges de la société,- la TVA récupérée était sans lien avec la TVA facturée ;

Considérant que chacune de ces anomalies était facilement décelable ; que notamment il suffisait qu'une autre personne soit chargée d'imputer les débits apparaissant sur les relevés de compte, au créancier qui avait été payé pour qu'il apparaisse que ce débit ne correspondait à aucune facture, et à aucun créancier, et en tout cas pas au créancier dont le nom figurait sur la souche du chèque ;
Considérant que la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE est fautive pour avoir confié à une seule personne, Madame C..., de procéder à la vérification des paiements qu'elle avait effectués, et pour s'être abstenue de procéder aux contrôles que commandait cette organisation imprudente du service comptable ;
Considérant qu'il ressort également du dossier que Madame C... avait la disposition des chéquiers, et qu'un chéquier a été trouvé chez elle lors de la perquisition ; que d'ailleurs un chèque avait été déjà rempli pour un montant de 3. 847, 52 € à l'ordre de " B... EMP ", alors qu'il était censé être à l'ordre du bailleur selon les indications porté sur la souche ;
Considérant que la perquisition a également montré qu'un relevé de compte se trouvait au domicile de Madame C... ;
Considérant que ces détournements se sont poursuivis pendant 9 années, pour des sommes importantes ; qu'il résulte en effet du réquisitoire définitif que le montant des chèques falsifiés s'élève :
- de janvier 1989 au 31 décembre 1994, à 455. 039 €, soit 75. 840 € par an,- que du 1er janvier 1995 au 30 septembre 1998, à 284. 403 €, soit 6. 320 € par mois ;

Considérant qu'il ressort de ces éléments que l'établissement des faux ordres de paiement a été rendu possible à la suite des fautes de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE et de Madame C... ;
Considérant que le jugement doit être confirmé sur ce point ;
Sur les fautes des banques
La FEDERAL INSURANCE COMPANY rappelle que les chéques devaient présenter la double signature de Madame C..., accompagnée de celle de Monsieur D... ou de celle de Monsieur E..., et qu'il n'est pas contesté que les chèques ont été établis par Madame C... qui les a signés, et qui y a ajouté la signature imitée de Monsieur D... ou de Monsieur E....
La FEDERAL INSURANCE COMPANY soutient que ces signatures étaient grossièrement imitées comme l'admet d'ailleurs Madame C... qui reconnaît ne pas avoir voulu imiter à la perfection. Elle souligne que les signatures ne ressemblent pas aux spécimens déposés et que cela n'aurait pas pu échapper à un employé qui se serait donné la peine de comparer la signature imitée avec les spécimens déposés. Elle note que les signatures diffèrent par leur graphisme et par leur longueur de manière flagrante. Elle estime que l'attention aurait dû être attirée par le fait que Madame C... faisait se chevaucher les doubles signatures d'une manière à interdire toute vérification.
Les banques soutiennent que les signatures immitées présentaient une ressemblance suffisante avec les spécimens déposés pour que la falsification ne puisse pas être décelée par un employé normalement attentif.
Sur ce :
Considérant qu'il est constant que Madame C... a imité les signatures de Monsieur D... et de Monsieur E... pour que les chèques paraissent établis en conformité avec les pouvoirs donnés par la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE ;
Considérant que les imitations des deux signatures, de Monsieur D... et de Monsieur E... présentent les mêmes particularités et seront analysées de la même manière ; qu'il est exact que ces signatures imitées ne peuvent être confondues avec les signatures déposées en specimens ; que cependant elles leur ressemblent dans leur aspect général, avec des variations qui s'apparentent aux différences qui existent entre les manières de signer d'une même personne ; qu'elles sont tracées d'un trait ferme, sans hésitation ou repentir ; qu'elles ont une apparence d'authenticité suffisante pour tromper la vigilance d'un employé de banque normalement attentif ;
Considérant que le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit que la banque n'avait pas commis de faute dans la vérification des chèques ;
Considérant que la FEDERAL INSURANCE COMPANY reproche également aux banques de ne pas avoir attiré l'attention de la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE sur l'importance des mouvements de fonds au profit de Madame C... ;

Mais considérant qu'en l'absence d'anomalie aisément décelable, les banques tenues par leur devoir de non ingérence, n'avaient pas à contrôler les opérations financières à l'origine des chèques, ni l'identité des bénéficiaires ; que d'ailleurs Madame C... a pris le soin de ne pas utiliser son nom d'usage, et de varier le nom du bénéficiaire, et de lui donner l'apparence de la désignation d'une entreprise ;

Considérant que le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a rejeté toute faute des banques de ce chef ;

Considérant qu'en l'absence de faute des banques, la SARL BUSH BOAKE ALLEN FRANCE reste entièrement responsable de son préjudice ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la FEDERAL INSURANCE COMPANY ;

Considérant que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la FEDERAL INSURANCE COMPANY à payer à chacune des trois banques, SOCIETE GENERALE, CREDIT LYONNAIS et ING BELGIUM, la somme de 6. 000 €, sans qu'il y ait lieu d'y ajouter ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt par défaut,
Confirme le jugement rendu le 7 mars 2008 par le Tribunal de commerce de Nanterre,
Rejette les demandes que les parties forment en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la FEDERAL INSURANCE COMPANY aux dépens d'appel, et accorde aux avoués à la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Monsieur Jean-François MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13ème chambre
Numéro d'arrêt : 08/04368
Date de la décision : 10/12/2009

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Faute - Exonération - Cas - Faute de la victime - Applications diverses - Faute du titulaire du compte de dépôt

Une banque, qui se défait de fonds sur présentation d'un faux ordre de paiement (chèque portant une signature imitée), ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant que l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte ou de l'un de ses préposés. Sa responsabilité peut être inexistante si aucune faute n'est retenue contre elle. Dès lors il ne peut être reproché une faute à une banque engageant sa responsabilité pour n'avoir pas détecté une falsification des ordres de paiement alors que les signatures imitées avaient une apparence d'authenticité suffisante pour tromper la vigilance d'un employé de banque normalement attentif. En revanche, est fautif le titulaire du compte qui a confié à une seule personne de procéder à la vérification des paiements qu'elle avait effectués, et pour s'être abstenue de procéder aux contrôles que commandaient cette organisation imprudente du service comptable, étant observé que ces négligences ont permis que les agissements du préposé perdurent pendant plusieurs années


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 07 mars 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-12-10;08.04368 ?
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