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31/08/2011 | FRANCE | N°07/01579

France | France, Cour d'appel de Versailles, 31 août 2011, 07/01579


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES



Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 31 AOUT 2011

R. G. No 09/ 04466

AFFAIRE :

Louis-Jérôme B...




C/

S. A. S. PHILIP MORRISFRANCE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 29 Septembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 07/ 01579



Copies exécutoires délivrées à :

Me Olivier KHATCHIKIAN
Me Virginie DEVOS

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Copies certifiées conformes délivrées à :

Louis-Jérôme B...


S. A. PHILIP MORRISFRANCE

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE ONZE...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 31 AOUT 2011

R. G. No 09/ 04466

AFFAIRE :

Louis-Jérôme B...

C/

S. A. S. PHILIP MORRISFRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 29 Septembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 07/ 01579

Copies exécutoires délivrées à :

Me Olivier KHATCHIKIAN
Me Virginie DEVOS

Copies certifiées conformes délivrées à :

Louis-Jérôme B...

S. A. PHILIP MORRISFRANCE

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Louis-Jérôme B...

...

78150 LE CHESNAY

comparant en personne, assisté de Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS

APPELANT
****************

S. A. S. PHILIP MORRISFRANCE
23/ 25 rue Delarivière Lefoullon
92064 LA DÉFENSE CEDEX

représentée par Me Virginie DEVOS, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2011, en audience publique, devant la cour composé (e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE
PROCEDURE

M. Louis-Jérôme B... a régulièrement interjeté appel du jugement déféré le 12 novembre 2009, l'appel portant sur l'ensemble des dispositions du jugement.

FAITS

M. Louis-Jérôme B..., né le 14 novembre 1967, a été engagé par la société PHILIP MORRISFrance, en qualité de délégué de ventes, par contrat à durée indéterminée à temps complet en date du 27 janvier 1993, à compter du 15 février 1993, moyennant un salaire de 9. 000 francs.

La société PHILIP MORRISFrance, qui commercialise des produits du tabac en France métropolitaine, en Corse et à Monaco, est une filiale de la société PHILIP MORRISINTERNATIONAL, basée à Lausanne et appartenait à l'époque des faits au groupe ALTRIA, société holding américaine.

En 2005, le groupe ALTRIA a décidé une réorganisation dans le cadre d'un projet stratégique " New Horizon " et au niveau de la société PHILIP MORRISFrance, ayant son siège à Neuilly-sur-Seine, la suppression de 33 postes en France a été décidée conduisant à 21 licenciements et 6 modifications de contrat de travail, échelonnés sur 3 ans, de novembre 2006 à la fin du premier semestre 2009.

Un accord de méthode intitulé " accord de reclassement professionnel " a été conclu le 17 octobre 2006 entre la société PHILIP MORRISFrance et les organisations syndicales et cet accord a été intégré au plan de sauvegarde de l'emploi.

Le 6 novembre 2006, le comité d'entreprise consulté sur le projet de licenciement collectif pour motif économique, a donné un avis favorable au P. S. E.

M.
B...
est l'un des salariés concernés par la procédure de licenciement collectif pour motif économique dans le cadre du PSE, engagé par la société PHILIP MORRISFrance et le salarié a refusé la proposition de reclassement interne qui lui avait été faite.

Le salarié était alors convoqué le 7 novembre 2006 (remise en main propre le 8 novembre) à un entretien préalable fixé au 17 novembre 2006.

Au courrier de convocation étaient jointes des propositions de reclassement interne, ouvrant droit à un délai de réflexion de 8 jours pour exprimer sa position sur ces propositions.

La notification de son licenciement pour motif économique lui était adressée le 1er décembre 2006 en raison de la suppression de son poste de Responsable support terrrain (du fait de la fusion à compter du 1er juillet 2006 des services Information des ventes et Trade Marketing en un seul afin de former le service Support Ventes), avec dispense de préavis de trois mois, rémunéré, soit à compter du 8 novembre 2006.

M.
B...
précisait par courrier du 6 décembre 2006, qu'il souhaitait bénéficier du congé de reclassement.

M. Louis-Jérôme B... bénéficiait de plus de 2 ans d'ancienneté, la société emploie plus de 10 salariés et la relation de travail était soumise à la convention collective de la publicité française.

Au moment de la rupture des relations contractuelles, le salarié qui occupait le poste de responsable Support Terrain, niveau 3. 3, grade 10, cadre, avait une rémunération brute moyenne mensuelle de 4. 844 € incluant une prime de 13ème mois et une prime d'ancienneté.

M. Louis-Jérôme B... a saisi le C. P. H le 18 mai 2007 de demandes tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre et condamner son employeur à lui verser diverses sommes à ce titre, en invoquant la nullité du PSE, en contestant la réalité du motif économique et le respect de l'obligation de reclassement.

DECISION

Par jugement rendu le 29 septembre 2009, le C. P. H de Nanterre (section Encadrement) a :

- dit que le PSE de la société PHILIP MORRISFRANCE est valide et conforme aux exigences légales
-dit que la procédure et la motivation du licenciement pour motif économique de M.
B...
intervenu dans le cadre de ce PSE sont conformes à la loi
-débouté M. Louis-Jérôme B... de l'ensemble de ses demandes
-débouté la société PHILIP MORRISFRANCE de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles
-rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties
-laissé les dépens éventuels à la charge des parties pour ce qui les concerne

DEMANDES

Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par M. Louis-Jérôme B..., appelant, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

- A titre principal,
- constater que le PSE établi par la société PHILIP MORRISFRANCE
est défaillant relativement aux offres de reclassement émises
-constater que les moyens mis en oeuvre du plan de reclassement parla société PHILIP MORRISFRANCE ne sont pas proportionnés aux ressources de l'entreprise et du groupe

-dire et juger que le PSE établi par la société PHILIP MORRISFRANCE est nul
-dire et juger que son licenciement dans le cadre du PSE est nul
-A titre subsidiaire,
- constater que la société PHILIP MORRISFRANCE ne rapporte pas la preuve de difficultés économiques prévisibles faisant peser une menace sur sa compétitivité
-constater que la société PHILIP MORRISFRANCE démontre encore moins dans la lettre de licenciement une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, pas même alléguée
-constater que la société PHILIP MORRISFRANCE n'a émis aucune offre écrite, précise et individualisée de reclassement à destination du concluant préalablement son licenciement
-dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
-infirmer dans son intégralité le jugement déféré
-condamner la société PHILIP MORRISFRANCE au paiement de la somme de 116. 256 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, subsidiairement à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-condamner la société PHILIP MORRISFRANCE au paiement de la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens

Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par la société PHILIP MORRISFRANCE, intimée, par lesquelles elle demande à la cour, de :

- confirmer le jugement
-débouter M. Louis-Jérôme B... de l'ensemble de ses demandes
-le condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 2. 000 € et aux entiers dépens

MOTIFS DE LA DECISION

-Sur la validité du plan de sauvegarde de l'emploi

Considérant aux termes des articles L1233-61, L1235-10 et L1235- 11du Code du Travail que :
- l'employeur doit, dans les entreprises employant au moins cinquante salariés lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, établir et mettre en place un plan social pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité

-il doit à cet effet, préparer un plan visant au reclassement des salariés, s'intégrant au plan social et comportant toutes les mesures possibles, en fonction des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe, pour maintenir les emplois ou faciliter les reclassements
-les salariés licenciés pour motif économique ont un droit propre à faire valoir que leur licenciement est nul en application de l'article L1235-10 précité, sauf en cas de redressement judiciaire ou liquidation judiciaire de l'entreprise et peuvent, même lorsque leur licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail, contester la validité du plan social devant la juridiction judiciaire en sollicitant notamment leur réintégration

Considérant que le salarié soutient que le PSE mis en place apparaît manifestement insuffisant au regard des canons de la loi et de la jurisprudence en se prévalant d'un part, de l'inconsistance des solutions de reclassement interne proposées, la jurisprudence exigeant des propositions sérieuses, vérifiables, concrètes et précises, soulignant que l'employeur a manqué à son obligation de bonne foi dans le contenu des solutions de reclassement incluses dans le PSE (la connaissance d'une langue étrangère étant un pré-requis), d'autre part, de l'insuffisance des moyens mis en oeuvre au regard des moyens et ressources de l'entreprise et du groupe ;

Considérant que l'employeur réplique que la société est allée au-delà de ses obligations légales en faisant une extension du bénéfice du PSE à l'ensemble des salariés impactés par ce projet de réorganisation, que le PSE a été unanimement avalisé et est conforme aux prescriptions légales, que les mesures de reclassement interne sont sérieuses et suffisantes, que les mesures d'accompagnement sont proportionnées au regard des moyens et des ressources de l'entreprise et du groupe (indemnisation complémentaire substantielle, mesures de reclassement externe conséquentes) ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats, que le PSE était parfaitement conforme aux dispositions énoncées, que préalablement à la mesure de licenciement, la société s'est efforcée de proposer tous les postes disponibles et susceptibles de correspondre aux qualification des salariés impactés par le projet de réorganisation, en particulier M. B..., en proposant 23 postes en France et au niveau du groupe dans sa dimension internationale, lequel s'est vu proposer deux postes correspondant à sa qualification (grade 10) lors de la remise de sa convocation à entretien préalable : Responsable communication interne et Responsable budget reporting et trésorerie, basés à Neuilly-sur-Seine que celui-ci n'a pas acceptés, au motif selon ses écritures qu'ils ne correspondent pas à ses compétences ;

Qu'il y a lieu de constater que le PSE a été débattu et négocié avec les partenaires sociaux au sein du comité d'entreprise qui a émis un avis favorable ;

Que M. B...ne rapporte en rien la preuve d'une disproportion entre les mesures prévues et les moyens du groupe P. M qui a mis en place et financé de nombreuses mesures d'accompagnement au bénéfice des salariés concernés (allocation d'une indemnisation complémentaire substantielle, mesures de reclassement interne et externe concrètes, suffisantes et efficaces) ;

Que M.
B...
lui-même, a bénéficié dans le cadre des mesures d'accompagnement, d'une dispense de présence, rémunérée dès le 8 novembre 2006, d'une dispense de préavis de trois mois, rémunéré, d'un congé de reclassement de 5 mois assorti d'une allocation mensuelle égale à 65 % de la rémunération brute moyenne, d'un outplacement de 7 mois avec l'accompagnement d'un cabinet spécialisé dans l'aide au reclassement externe et d'entretiens individuels d'orientation avec l'affectation d'un consultant personnel pour un coût total de 7. 000 € HT, d'une indemnité complémentaire de licenciement d'un montant de 16. 279, 95 € venant s'ajouter à l'indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 19. 939, 92 €, soit un total de 35. 967, 72 € représentant plus de 7, 42 mois de salaire de base au total perçu par l'intéressé ;

Que M.
B...
est mal venu à remettre en cause la validité des mesures d'accompagnement du PSE dont il a bénéficié, alors qu'il est établi qu'il a mis fin à son outplacement à compter du 10 août 2007 en raison de pistes sérieuses auprès d'un nouvel employeur ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M.
B...
de sa demande en nullité du PSE ;

- Sur le caractère réel et sérieux du licenciement économique de M. Louis-Jérôme B...

Considérant que selon les dispositions de l'article L. 1233-3 du Code du travail, " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " ;

Considérant que selon l'article L 1233-6 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur et doit énoncer l'incidence précise du motif économique sur l'emploi occupé par le salarié ;

Considérant qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier la réalité des difficultés économiques invoquées, à la date du licenciement, et de constater, le cas échéant, la suppression d'emploi ;

Que la réorganisation de l'entreprise ou du groupe peut constituer un motif économique dès lors qu'il est justifié, qu'elle est effectuée pour sauvegarder sa compétitivité ;

Que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, doit énoncer des faits précis et matériellement vérifiables ;

Considérant en l'espèce, que dans la lettre prononçant le licenciement économique de M. Louis-Jérôme B... du 1er décembre 2006, la société PHILIP MORRISFrance invoque : le recul significatif des ventes et une baisse importante du chiffre d'affaires de la société entre 2002 et 2005 (baisse des ventes de 27, 06 % en volume et de 27, 86 % en valeur), du fait de l'augmentation brutale et importante du prix sur les cigarettes, associée à l'accroissement des ventes transfrontalières, ainsi que les nombreuses restrictions législatives en matière réglementaire, notamment en matière de publicité, le contexte législatif très difficile et instable, lequel viendra assurément à nouveau impacter significativement le chiffre d'affaires de la société sur les années à venir : nouvelle chute des volumes prévisible du fait de la publication d'un décret en novembre 2006 relatif à l'interdiction de fumer dans les lieux publics (entrée en vigueur à compter de février 2007), utilisation de photographies en couleur comme avertissements sanitaires sur les conditionnements des produits du tabac, lutte contre le tabagisme devant entraîner une nouvelle chute de la consommation du tabac et de ses revenus, plan anti-cancer, augmentation du contentieux opposant les associations anti-tabac à l'industrie du tabac, créant une incertitude quant à l'environnement juridique dans lequel l'industrie du tabac évolue, durcissement du contexte législatif, pression continue sur l'industrie du tabac en lien avec des objectifs de santé publique qui ont des conséquences significatives sur le chiffre d'affaires de la société, la conduisant à revoir l'ensemble de son organisation pour sauvegarder sa compétitivité ;

Considérant que le salarié soutient que les éléments allégués pour justifier la réorganisation de l'entreprise sont impropres à caractériser une menace avérée pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise, que les difficultés économiques invoquées ne concernent que la société Philipp MorrisFrance, alors que la société Philipp MorrisInternational jouit d'une parfaite santé financière, que la santé financière de la société Philipp MorrisFrance s'est améliorée au cours des années 2005 et 2006, que prévoir des difficultés économiques à venir pour la société Philipp MorrisFrance en se fondant sur la seule évolution prévue du marché et du contexte législatif procède d'un raccourci simpliste, que les prétendus risques pesant sur la compétitivité de l'entreprise, qui étaient déjà très hypothétiques aux termes du courrier de licenciement, ne se sont dans les faits nullement traduits par des difficultés économiques ;

Considérant que l'employeur soutient que les difficultés économiques avérées dans son secteur d'activité et celui du groupe auquel appartient la société, rendaient indispensables la réorganisation de son activité afin d'assurer la sauvegarde de sa compétitivité : situation économique dégradée (recul des ventes et de son chiffre d'affaires), le durcissement du contexte législatif est une réelle menace sur la compétitivité de l'entreprise et non de simples incertitudes et sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe (baisse en 2005 de l'activité tabac au sein de la région Union Européenne) ;

Considérant que le licenciement a une cause économique réelle et sérieuse lorsqu'il est établi que la réorganisation de l'entreprise qui entraîne des suppressions d'emplois, est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;

Que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ;

Considérant en l'espèce, que l'entreprise Philipp MorrisFrance qui est une société poursuivant un but lucratif, dont l'activité commerciale est encadrée par une volonté politique législative et réglementaire, déterminée et drastique, visant à réduire fortement la consommation de tabac et à lutter contre le tabagisme en lien avec des objectifs de santé publique, en particulier depuis le décret du 15 novembre 2006 (entrée en vigueur le 1er février 2007), fixant les conditions d'application de l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, étendu au 1er janvier 2008 aux débits de boissons, hôtels, cafés, restaurants, évolue dans un contexte de restriction législative et réglementaire ;

Que ce contexte de restriction relative à la consommation du tabac avait été précédé de l'interdiction de toute forme de publicité en faveur du tabac et de ses produits ;

Que nécessairement, ce contexte de restriction législative et réglementaire, de prévention et d'information, de dissuasion sur la consommation des produits du tabac, présente un caractère durable et irréversible à l'époque du licenciement du salarié et de nature à s'aggraver au gré des politiques de santé publique menées par les pouvoirs publics ;

Que l'allusion faite dans le courrier de licenciement du 1er décembre 2006 à la réflexion menée par le gouvernement pour imposer l'utilisation de messages visuels sur les paquets de cigarettes pour dissuader et informer les consommateurs, est devenue une réalité depuis avril 2011, de même que les avertissements écrits ;

Considérant que pour soutenir que les politiques de santé publique n'ont pas un impact négatif sur le marché des cigarettes en France du fait de la hausse de leur prix, se prévaloir de la bonne performance de la société Philip MorrisInternational qui affiche un bénéfice net en baisse de 13, 6 % pour le 3ème trimestre 2009, mais supérieur aux estimations des analystes, M.
B...
se fonde sur des études publiées en 2009 et 2010 (pièces 11, 7, 12, 4 de l'appelant), alors que la cause économique doit s'apprécier à la date de notification du licenciement, soit le 1er décembre 2006 ;

Considérant que si le juge peut se fonder sur des faits postérieurs au licenciement pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués à la date où il a été prononcé, en l'espèce, l'analyse essentiellement rétrospective à laquelle se livre l'appelant n'est pas pertinente pour appréhender les risques et les menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise fin 2006, lesquels n'ont pas un caractère hypothétique ;

Qu'en effet, il ressort de l'étude sur l'évolution du marché des cigarettes en France reproduite dans le document d'information établi pour la réunion du comité d'entreprise du 6 novembre 2006 (pièce 7 de l'intimée), qu'un recul des ventes de cigarettes et une baisse corrélative du chiffre d'affaires de la société Philip MorrisFrance ont été enregistrés entre 2002 et 2004 du fait de l'augmentation importante des prix sur les cigarettes, de l'accroissement des ventes transfrontalières, des restrictions législatives et réglementaires (en 2004 : baisse du chiffre d'affaires de 24, 30 % et baisse du volume de cigarettes de 19 %, entre 2002 et 2005 : baisse des ventes de 27, 06 % en volume et de 27, 86 % en valeur), puis qu'une légère remontée du chiffre d'affaires en 2005 a été notée ;

Qu'il en résulte, que les politiques de santé publique menées entre 2002 et 2004 sont à l'origine d'une baisse continue des ventes de tabac en France (pièces 7, 13, 14 de l'intimée) et du chiffre d'affaires réalisé par la société Philip MorrisFrance, dans un contexte d'hostilité croissante envers la consommation de tabac, qui est le secteur d'activité de l'entreprise ;

Que les mesures de restriction législative et réglementaire, de prévention, de dissuasion et d'information annoncées par la société dans la lettre de licenciement, qui se sont effectivement réalisées, en conformité avec une directive européenne, constituent des menaces avérées qui pèsent sur la compétitivité de l'entreprise, qui doit pour la sauvegarder, acquérir de nouvelles parts de marché sur ce secteur, promouvoir une nouvelle politique de marketing dans le respect des politiques de santé publique, anticiper les difficultés économiques prévisibles et à venir, liées au durcissement de la politique contre le tabac et au renforcement des contraintes économiques sur le tabac (pièces 15 à 17) et à ses conséquences sur la baisse du volume des ventes de cigarettes et du chiffre d'affaires de la société et enfin, mettre à profit une situation financière saine pour adapter ses structures à l'évolution du marché dans les meilleures conditions ;

Que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique dès lors qu'il est justifié, comme en l'espèce, qu'elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, la société Philip MorrisInternational ;

Que ce contexte de restriction législative et réglementaire est une réalité à la date de la notification du licenciement de M.
B...
, tant en France, en Europe, qu'aux Etats-Unis et dans le monde, jouant un rôle de pression continue sur l'industrie du tabac, étant ajouté que les bons résultats du groupe Altria ne sauraient être pris en compte du fait que ce groupe intervient dans l'agro-alimentaire et le tabac ;

Qu'il en résulte que la suppression de l'emploi de M.
B...
s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise rendue nécessaire pour la sauvegarde de sa compétitivité et que son licenciement a bien une cause économique et réelle ;

Considérant que le licenciement économique d'un salarié réunissant les éléments constitutifs du motif économique de licenciement ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise ou dans le groupe auquel appartient l'entreprise, est impossible ;

- Sur l'obligation de reclassement du salarié

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 1233-4 du même code, " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposée au salarié sont écrites et précises " ;

Qu'il appartient à l'employeur, même lorsqu'un plan social a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non, dans le plan social, au sein du groupe et parmi les entreprises dont les activités, l'organisation, ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés, à une évolution de leur emploi ;

Considérant que le salarié soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement individuel, que l'obligation de recherche de solutions de reclassement doit être mise en oeuvre à l'échelle du groupe dans son ensemble et avec loyauté par l'employeur, soulignant que l'entreprise fait partie d'un groupe (la société P. M. I) qui emploie plus de 77. 000 salariés répartis sur 160 pays dans le monde et que dans le cadre d'une procédure opposant un autre salarié, M. D...à la même société, le juge départiteur a estimé que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement du fait que la remise de la liste de l'ensemble des postes offerts en reclassement ne constitue pas une proposition personnalisée et que le délai de huit jours imparti pour prendre position sur les propositions de reclassement, était manifestement insuffisant pour permettre une réflexion éclairée du salarié ;

Considérant en l'espèce, que M. B... s'est vu remettre le 8 novembre 2006, jointes au courrier de convocation à l'entretien préalable au licenciement, des propositions de reclassement interne, ouvrant droit à un délai de réflexion de 8 jours pour exprimer sa position sur ces propositions ;

Que cette proposition de reclassement est individualisée et le salarié n'a jamais contesté à l'époque la brièveté du délai de réflexion qui lui avait été imparti ;

Considérant que M.
B...
n'a pas manifesté d'intérêt pour l'un quelconque des postes proposés au reclassement interne, en particulier, deux postes correspondant à sa qualification (grade 10) : Responsable communication interne et Responsable budget reporting et trésorerie, basés à Neuilly sur Seine, celui-ci précisant dans ses écritures qu'il ne les a pas acceptés, du fait qu'ils ne correspondent pas à ses qualifications au regard de ses compétences et des missions confiées ;

Qu'il n'a pas non plus manifesté d'intérêt pour des postes situés à l'étranger correspondant à son grade, au sein du groupe Philip MorrisInternational, à Tokyo au Japon : Analyste Planification & Business Development Planning et Analyste business Development Planning ;

Que si les fiches de poste décrivant les propositions de reclassement interne ne mentionnent pas le montant exact de la rémunération, néanmoins, les renseignements donnés : classification dans le grade interne, lieu de travail et maintien du salaire actuel ou salaire d'entrée du grade interne sont de nature à fournir des indications précises à M.
B...
qui a un grade 10 ;

Considérant que les offres de reclassement proposées au salarié sont conformes aux exigences légales, étant écrites, précises, concrètes, comportant la localisation, la description des tâches, le niveau de rémunération ;

Que M.
B...
a précisé par courrier du 6 décembre 2006, qu'il souhaitait bénéficier du congé de reclassement ;

Qu'il n'a pas fait valoir sa priorité de réembauchage au sein de la société et a cessé de participer au module de reclassement professionnel après quelques mois seulement ;

Qu'il résulte des pièces produites, que l'employeur a fait des recherches sérieuses des possibilités de reclassement et justifie de l'impossibilité de reclasser le salarié, compte tenu de la taille de l'entreprise et de son appartenance à un groupe ;

Que l'employeur justifie qu'il a satisfait à son obligations de moyens renforcée, étant ajouté qu'une société relevant du même groupe que l'employeur n'est pas, en cette seule qualité, débitrice envers les salariés, qui sont au service de ce dernier, d'une obligation de reclassement ;

Que c'est donc par des motifs pertinents que la juridiction prud'homale a dit que la société n'avait pas méconnu l'obligation de reclassement préalable du salarié ;

Considérant, au regard de ce qui précède, qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté M.
B...
de ses prétentions ;

- Sur la demande au titre de l'article 700 du CPC

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions sus-visées au profit de l'intimée en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions
REJETTE toute autre demande

CONDAMNE M. Louis-Jérôme B... aux entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 07/01579
Date de la décision : 31/08/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-08-31;07.01579 ?
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