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22/02/2012 | FRANCE | N°09/00570

France | France, Cour d'appel de Versailles, 22 février 2012, 09/00570


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES



Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 22 FEVRIER 2012

R. G. No 11/ 00108

AFFAIRE :

Georges X...




C/
SAS SOFRAPAIN



Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 29 Novembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Encadrement
No RG : 09/ 00570



Copies exécutoires délivrées à :

Me Emmanuel MAUGER
Me Sophie COHEN



Copies certifiées c

onformes délivrées à :

Georges X...


SAS SOFRAPAIN

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a ...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 22 FEVRIER 2012

R. G. No 11/ 00108

AFFAIRE :

Georges X...

C/
SAS SOFRAPAIN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 29 Novembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Encadrement
No RG : 09/ 00570

Copies exécutoires délivrées à :

Me Emmanuel MAUGER
Me Sophie COHEN

Copies certifiées conformes délivrées à :

Georges X...

SAS SOFRAPAIN

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Georges X...

né le 29 Mai 1955 à LENS (62300)

...

...

59800 LILLE

représenté par Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS

APPELANT
****************

SAS SOFRAPAIN
14 rue Denis Papin
78190 TRAPPES

représentée par Me Sophie COHEN, avocat au barreau de PARIS substituant Me BREGOU Pierre Avocat

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la cour composé (e) de :

Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE

M X... a été embauché par la Société SOFRAPAIN par contrat à durée indéterminée du 03 mars 2008 en qualité de Directeur des Ressources Humaines de ladite société et de sa filiale la Société MARTINE SPECIALITES.

Le société SOFRAPAIN qui fabrique du pain industriel a été cédée fin avril 2009 au groupe NUTRIXO et a été renommée NOUVELLE SOFRAPAIN.

La société MARTINE SPECIALITES qui fabrique de la pâtisserie industrielle, a été cédée à un groupe d'investissement CEREA.

Par lettre recommandée du 26 mars 2009, M X... a été convoqué à un entretien préalable dans la perspective de son licenciement. Il s'est vu notifier cette mesure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 09 avril 2009 pour insuffisance professionnelle.

Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Versailles aux fins de voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société NOUVELLE SOFRAPAIN à lui verser les sommes de :

-107 942, 76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-2 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

La dite société a formé une demande reconventionnelle aux fins de voir condamner M X... au paiement de la somme de 1 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Par décision du 29 novembre 2010, la juridiction susnommée à fait droit à ces demandes dans la limite de 10 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 200, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les juges prud'hommaux ont considéré que le bien fondé du licenciement devait être apprécié à l'aune de la durée très limitée pendant laquelle le salarié était resté au service de l'entreprise ; que les tâches qui lui étaient confiées étaient complexes et demandaient du temps et de la réflexion outre le fait que leur mise en oeuvre pouvait difficilement intervenir sans l'accord du groupe NUTRIXO ; que la responsabilité des projets dont l'échec lui était reproché ne reposait pas entièrement sur M X..., et que celui-ci était largement tributaire de la situation difficile qu'il avait trouvée à son arrivée.

M X... a régulièrement relevé appel de cette décision.

DEVANT LA COUR :

Par conclusions déposées le 09 janvier 2012 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, M X... a demandé à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la cause réelle et sérieuse de licenciement, de le réformer en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués et de condamner de ce chef la société NOUVELLE SOFRAPAIN à lui verser les sommes de 107 942, 76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et celle de 2 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 09 janvier 2012 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, la société NOUVELLE SOFRAPAIN a demandé à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire et juger que le licenciement procède d'une cause réelle et sérieuse, de débouter M X... de toutes ses demandes, d'ordonner la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire et de condamner celui-ci au paiement d'une somme de 1 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La lettre de licenciement développe plusieurs motifs qu'il convient de reprendre point par point :

1) Incapacité à développer les conditions nécessaires à un bon climat social et à de bonnes relations avec les partenaires sociaux notamment avec le comité d'établissement de Vaux en Velin.

L'employeur fait grief au salarié, sous cette rubrique,

- d'avoir laissé afficher le 18 janvier 2009, un communiqué incomplet de nature à donner de faux espoirs aux ouvriers du site de Vaux en Velin concernant le montant des sommes qu'ils seraient susceptibles de percevoir au titre de l'intéressement sans préciser que les chiffres annoncés seraient modifiés en fonction du résultat d'exploitation, et d'avoir attendu la réunion du comité d'établissement du 17 février 2009 pour annoncer que le montant affiché un mois plus tôt serait diminué de moitié ce qui aurait provoqué un préavis de grève ;

- d'avoir par son attitude, provoqué chez les délégués du personnel et les membres du comité d'établissement de Vaux en Velin une réaction de rejet amenant ceux-ci à ne plus accepter sa présence lors de leurs réunions.

Dans le compte rendu de la réunion du 17 mars 2009, il est mentionné que M X... ne répond pas aux questions posées, donne des réponses approximatives et inexactes qui provoquent le mécontentement des salariés.

M Y... Directeur de l'établissement de Vaux en Velin atteste que M X... entretenait des relations conflictuelles avec les représentants du personnel.

M B... élu du syndicat Force Ouvrière atteste que le DRH avait des attitudes inadmissibles tenait fréquemment des propos intolérables et blessants lors des réunions critiquant notamment le mode de vie des salariés d'origine étrangère, causait par sa seule présence aux réunions de multiples tensions et l'aurait même traité de " borné " alors qu'il ne faisait que défendre les intérêts des salariés.

M X... soutient que le climat social était déjà fortement compromis lors de sa prise de fonctions comme le montrent les grèves qui ont éclaté sur les sites de Trappes et Morangis en septembre 2007 au cours desquelles d'ailleurs son prédécesseur avait été désavoué par la Direction de telle sorte que les 9 mois écoulés n'auraient pu suffire à rétablir la confiance perdue.

Il ne conteste pas que les représentants du personnel de Vaux en Velin ne souhaitaient plus sa présence à leurs réunions mais précise que c'est en tant que représentant de la Direction générale et non à titre personnel qu'il suscitait de telles réactions dans la mesure où il n'a pu leur donner, faute d'avoir lui-même reçu des assurances du repreneur, les informations rassurantes qu'ils exigeaient sur leur avenir dans le cadre de la reprise d'activité.

M X... a admis avoir fait preuve de légèreté en ce qui concerne l'intéressement puisque il écrit dans le compte rendu de la réunion des délégués du personnel du 17 mars 2009 : " pour l'intéressement, j'admets que l'affichage mensuel des résultats aurait dû être accompagné d'un message de réserve compte tenu que nous ne connaissons pas le résultat d'exploitation définitif mais que la tendance négative était connue ".

Il n'est pas contestable que M X... a hérité d'un climat social difficile où des affrontements se sont produits entre les organisations représentatives du personnel et les représentants de la Direction qui s'est traduit par des grèves dans plusieurs établissements en fin 2007, que d'autre part il existait une incertitude pesante sur l'avenir de certains postes du fait des projets de reprise ; qu'il ne pouvait engager la société sur des questions comme celle de la prime de 1 500 euros demandée par les salariés de Vaulx en Velin. Il est également vraisemblable que M X... qui avait d'ailleurs un nouveau Directeur des Relations Humaines au dessus de lui était en position difficile pour connaître les projets du repreneur et répondre de manière précise aux interrogations des salariés ; que les tensions provoquées par cette impuissance ont pu conduire à des débordements verbaux de part et d'autre mais pour autant les attestations produites qui qualifient sévèrement l'attitude du DRH ne donnent aucun exemple précis des paroles blessantes qu'il aurait prononcées hormis le fait d'avoir traité M B... de " borné ", ce que M X... explique en disant que son interlocuteur le harcelait en revenant sans arrêt sur les mêmes sujets sans tenir compte de ses réponses.

S'agissant de l'affichage de l'intéressement, il convient de relever que selon les propres déclarations de M D..., Directeur de SOFRAPAIN, il était évident et connu dès le mois de mai que l'intéressement serait amputé de 50 % compte tenu de l'évolution des résultats d'exploitation ; que l'employeur ne peut alléguer qu'il a été pris au dépourvu par la réaction des salariés sachant pertinemment que, comme chaque année, les résultats d'exploitation ne pouvaient être affichés en même temps que le chiffre résultant des deux autres critères ; que le préavis de grève n'a été déposé qu'en raison du refus de la Direction de revoir sa position et que la maladresse qui a pu être commise par M X... en laissant afficher les perspectives d'intéressement sans les accompagner de réserves n'a pas nécessairement modifié l'attitude des représentants du personnel qui connaissaient vraisemblablement l'évolution du résultat et son impact sur l'intéressement et auraient sans doute réagi de la même manière si le chiffre exact de la prime versée aux salariés avait pu leur être immédiatement donné.

2) Incapacité à régler des problèmes simples faisant obstacle au changement pour lequel il serait un frein au lieu d'être un " faciliteur ".

Sous ce grief, l'employeur entend rappeler que M X..., sollicité par un directeur d'établissement pour le changement de poste d'un délégué syndical, se serait contenté de rappeler à son interlocuteur que le consentement de l'intéressé était nécessaire sans rien faire lui même pour aider le Directeur à trouver une solution adaptée à la difficulté.

M X... réplique que la solution du problème s'est avérée aisée du fait de l'acceptation de l'intéressé mais que quelque temps auparavant la même personne avait refusé de changer de poste et obligé le responsable de production à modifier l'affectation d'un autre salarié de sorte qu'on ne saurait lui reprocher d'avoir rappelé les règles de droit en matière de salarié protégés et que le fait d'être garant de l'application de la législation ne saurait être un frein au changement comme l'a soutenu l'employeur.

Il reste cependant qu'aucune aide concrète n'a été apportée par M X... à M Z... Directeur du site de Trappes pour résoudre le cas qui lui était soumis et que ce dernier a dû régler le problème lui-même.

3o) Absence de la mise en place de la Gestion Prévisionnelle des emplois et des compétences :

Selon l'employeur, M X... s'est contenté de produire " divers documents à la phraséologie pompeuse inutile et complexe " et d'adresser à sa collaboratrice " des documents glanés au gré de ses relations notamment la plasturgie, dépourvus de rapport avec l'activité de SOFRAPAIN sans se livrer à une analyse sérieuse alors qu'il lui était demandé en sa qualité de DRH, de mettre en place des outils permettant d'évaluer les besoins futurs en personnel tant quantitatifs que qualitatifs en s'appuyant sur " des référentiels communs et partagés simples et opératoires ".

Une attestation de M D..., ancien Directeur de SOFRAPAIN tend à confirmer ce point du vue dans les termes suivants " en ce qui concerne la GPEC, M X... à présenté en décembre 2008, au comité de Direction un projet qui a été jugé complexe, non finalisé et inapplicable ".

M X... soutient que c'est sur la base de ses expériences antérieures qu'il a été embauché et qu'il est fondé à se référer à des outils qui ont fait leurs preuves ailleurs en les adaptant au contexte de SOFRAPAIN.

Il dit avoir tenté, avec l'aval du Directeur général de promouvoir une approche directive recherchant un accord de longue durée et de portée beaucoup plus globale qu'un projet superficiel de quelques pages satisfaisant de façon apparente à l'obligation légale.

Quoiqu'il en soit, ce grief ne repose que sur une attestation du Directeur de la société SOFRAPAIN qui est également le signataire de la lettre de licenciement et n'a d'ailleurs fait que restituer un jugement de valeur émanant de membres de comité de Direction de l'entreprise sur la prestation fournie par M X.... Il ne repose sur aucun manquement précis susceptible d'être pris en compte.

4o) Projet embryonnaire du bilan d'évaluation individuelle :

Selon l'employeur, M X..., en plus d'un an de présence dans l'entreprise, n'a su réaliser un guide de l'entretien annuel d'évaluation. Sa prestation a consisté à produire un document inachevé et inutilisable jugé " complexe, non finalisé et inapplicable " par le Comité de direction.

Le salarié réplique qu'il n'a fait qu'ajouter au document existant une grille d'évaluation comportementale et un paragraphe sur l'évaluation des formations après mise en application afin de pouvoir répondre aux exigences des référentiels d'audit et garantir que ces évaluations ont bien été faites par les opérationnels. Le support ainsi conçu aurait été validé dans ses grandes lignes par le Directeur général.

Si ce support n'a pas été mis en application immédiatement, c'était dit M X..., parce qu'il a été jugé préférable de le faire valider par le repreneur.

Quoiqu'il en soit, ce grief n'est étayé que par la production de grilles d'évaluation dont il n'est pas possible de déceler a priori l'inadéquation à leur objet. Il ne repose donc pas sur des éléments objectifs.

5o) Complexification et non réalisation du projet " Phénix " relatif à la mobilisation du personnel pour la relance industrielle de l'établissement de Trappes dont les mauvais résultats risquaient de mettre en péril le groupe.

Initié en septembre 2008, ce projet est resté en l'état et aucune avancée n'a pu être constatée et rien n'en est ressorti sinon " des documents volumineux abscons et dépourvus d'intérêt ".

Or, si ce projet ne reposait pas entièrement sur M X..., il n'en était pas moins en sa qualité de DRH et membre du comité de pilotage, le faciliteur et le fer de lance. Il a d'ailleurs été désigné pour être le sponsor du chantier communication responsable à ce titre de la définition des actions à engager et devait établir un plan de communication et rédiger une note d'information à ce sujet. Les actions à entreprendre lui ont été rappelées à plusieurs reprises notamment lors des réunions et rien de constructif n'a été fait. Le projet s'est perdu dans les limbes.

M X... déclare qu'il apparaît, au vu des compte rendus des réunions du comité de pilotage, que le sous projet d'organisation qu'il devait faciliter auprès du Directeur d'usine qui en était le pilote est celui qui a démarré dès la mise en place opérationnelle des groupes en octobre et a avancé jusqu'en décembre, période à partir de laquelle tout a été stoppé lorsque le comité de direction a appris la reprise de la société.

On ne peut rendre responsable M X... de la stagnation d'un projet complexe nécessitant l'engagement de nombreuses personnes à tous les échelons de la hiérarchie alors qu'il n'était que l'un des membres du comité de pilotage et que ce projet a été interrompu pour des raisons liées à la reprise de SOFRAPAIN par NUTRIXO et de ce fait dépourvues de rapport avec sa compétence personnelle.

6o) Pratique illégale d'utilisation de personnels intérimaires :

Selon l'employeur, M X... ne pouvait ignorer la situation inacceptable existant chez SOFRAPAIN après son embauche le 03 mars 2008. Selon le bilan social, le coût de l'intérim en 2007 était de 3 626 508 euros. Il a bondi à 4 823 413 euros en 2008 alors que le DRH responsable de la gestion de l'intérim aurait dû supprimer le recours massif à ce procédé porteur de risques sociaux, pénaux et pécuniaires et n'a rien fait pour cela.

Le salarié réplique que le système mis en place bien avant son arrivée déléguait aux usines la responsabilité des commandes et le suivi des contrats ; qu'il a néanmoins fait procéder à des audits par ses collaborateurs afin de s'assurer du respect de la législation ; que l'inspection du Travail a elle même procédé à des contrôles en agence et sur le site de Trappes pour les 3 dernières années sans relever aucune anomalie ; qu'il a fait titulariser un grand nombre d'entre eux au cours de l'année ; qu'il a proposé à deux directeurs d'usine de modifier leur cycle horaire afin de limiter l'appel aux intérimaires.

Il était difficile en quelques mois de reprendre aux chefs d'établissement la gestion des contrats temporaires qu'ils exerçaient même si la gestion de ces contrats figure dans les attributions du DRH. Par ailleurs, la politique d'embauche qu'impliquait la limitation du recours aux intérimaires ne pouvait être décidée seule par celui-ci et s'avérait de toute manière hasardeuse dans la perspective de la reprise.

Par ailleurs, les chiffres mentionnés par l'employeur ne sont pas versés au dossier et il n'est pas contesté que l'Inspection du Travail n'a pas décelé d'irrégularité lors des contrôles qu'elle a effectués sur certains sites, ce qui n'aurait pas manqué d'être porté au passif de M X....

L'employeur ne peut reprocher au salarié des manquements dans la gestion des personnels intérimaires.

7o) Absence de la prise en compte de la sécurité relevée notamment par l'inspecteur du Travail :

La SAS SOFRAPAIN soutient que la sécurité du personnel fait partie intégrante des attributions de M X... définies dans sa fiche de poste ; que le 17 février elle a reçu une sévère mise en garde de l'inspection du Travail avec injonction de remédier à la situation des chauffeurs en attente de chargement de camion ; que M X... n'a rien fait se contentant de dire que " cela aurait pu être pire ".

Elle allègue en outre que le 17 juin 2009, pour des faits antérieurs au départ de M X..., la société SOFRAPAIN a été assignée en référé pour réaliser des travaux de mise en conformité destinés à limiter l'exposition des salariés qui auraient dû être réalisés auparavant.

M X... réplique que par ces propos, il faisait référence au nombre de remarques émises par rapport aux précédentes mises en demeure de l'inspection du Travail ; qu'il a fait preuve d'une grande fermeté pour sanctionner les responsables d'un accident causé par un manquement aux règles de sécurité ; qu'il a eu une altercation avec le Directeur du site de Trappes qui traitait avec désinvolture les mises en demeure de l'inspection du travail ; qu'il est intervenu auprès du coordinateur sécurité pour lui suggérer des actions comme celle consistant à définir sur chaque site 5 points incontournables en matière de sécurité dont le non respect entraînera immédiatement sanction. Il a également proposé que les responsables sécurité de chaque site fassent le tour de chaque secteur en compagnie du responsable pour réapprendre à ce dernier à observer son lieu de travail sous un angle plus critique en utilisant un appareil de photo pour exploiter et corriger ultérieurement les anomalies constatées ; qu'il n'a pas les responsabilités du coordinateur sécurité et aucune délégation de pouvoir.

Le fait, allégué par l'employeur, de n'avoir constaté de sa part " aucune action auprès des services concernés et des salariés pour mener des actions correctives et éventuellement disciplinaires nécessaires " est imprécis et vague. Il aurait fallu mentionner et justifier par des pièces probantes pour chaque fait quelles actions s'imposaient et n'ont pas été entreprises. Il n'est pas reproché au salarié de manquements précis et objectifs à des obligations entrant clairement dans ses attributions. Aucune pièce n'est d'ailleurs versée à l'appui de ce grief.

8o) Incapacité à répondre rapidement aux questions posées dans le cadre de l'audit en cours et défaut de mise à jour des organigrammes et tableaux d'effectifs.

M X... observe que les organigrammes des usines sont de la responsabilité des responsables qualité et que l'organigramme des services centraux est géré directement par la direction générale et le marketing, que chaque mois, il envoie un tableau d'effectif tel qu'il a été conçu dans le passé pour répondre aux attentes de ses supérieurs hiérarchiques.

Dans ses conclusions, il ajoute que l'audit dont il est question a été réalisé dans le cadre du rachat de la société SOFRAPAIN par NUTRIXO pour lequel un certain nombre de suppressions de postes et de modifications de contrats de travail devaient avoir lieu de sorte que les organigrammes et tableaux d'effectifs ne pouvaient être à jour ; qu'ils ont été complétés et mis à jour lors du rachat de SOFRAPAIN par NUTRIXO.

Les explications du salarié sont vraisemblables et, en outre, aucune pièce précise ne met en évidence des manquements de celui-ci à ses obligations d'information. Qui plus est, aucun préjudice causé par de tels manquements n'est allégué par la société SOFRAPAIN.

Ce grief ne peut davantage être retenu.

Il résulte de cet ensemble d'éléments que les quelques erreurs qui peuvent être relevées à l'encontre du salarié doivent être appréciées en fonction de son ancienneté dans l'entreprise et de la difficulté de sa position eu égard aux conflits du passé et aux incertitudes de l'avenir ; que par ailleurs, il ne peut être rendu responsable de tous les dysfonctionnements qui se sont produits au cours de son mandat voire après son départ ;

Il apparaît également que l'avenir professionnel de M X... était compromis par le projet de reprise de la société SOFRAPAIN par la société NUTRIXO et qu'un conflit important l'opposait au DRH de cette dernière qui souhaitait son départ. Il n'a d'ailleurs pas été contesté que ce dernier l'avait informé du projet de mettre un terme à son contrat de travail avant le transfert, estimant alors préférable de rechercher un accord de séparation, mais que ce projet de départ négocié avait été rejeté par la Direction générale de la société NUTRIXO qui l'en avait informé le 06 avril 2009 comme l'indique M X... dans ses courriers du 24 mars et 09 avril 2009.

Au vu de tout ce qui précède, la décision attaquée doit être confirmée sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

En revanche, les premiers juges n'ont pas pris l'exacte mesure du préjudice de M X... en fixant à 10 000, 00 euros le montant de son préjudice.

L'ancienneté du salarié ne lui permet pas de bénéficier de l'indemnité minimale de 6 mois de salaire instaurée par l'article L 1235-3 du Code du travail. Il ne peut prétendre qu'à une indemnité égale au montant de son préjudice.

M X... soutient à cette fin qu'il avait fait l'acquisition d'un appartement à proximité de son lieu de travail ; que la rupture de son contrat de travail ne lui a pas permis de bénéficier de la couverture assurance perte d'emplois dans la mesure où il n'avait pas 6 mois d'activité lors de la signature du contrat d'assurance. Il demeure à ce jour sans emploi à l'âge de 56 ans.

Un relevé d'ASSEDIC versé au dossier fait état du versement d'une allocation journalière de 168, 46 à 173, 04 euros pendant une durée de 482 jours.

Le préjudice subi par M X... du fait de son licenciement sera plus justement apprécié, au vu de son ancienneté et du montant de sa rémunération, à la somme de 40 000, 00 euros.

Les premiers juges ont fait une juste application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il y a lieu de confirmer.

Il convient de condamner la Société NOUVELLE SOFRAPAIN à verser à M X... la somme de 1 000, 00 euros pour les frais irrépétibles exposés devant la Cour.

La société NOUVELLE SOFRAPAIN supportera les dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS
LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions hormis sur le montant des dommages et intérêts ;

Réformant de ce seul chef et statuant à nouveau :

Condamne la société NOUVELLE SOFRAPAIN à verser à M. X... la somme de 40 000, 00 euros.

AJOUTANT :

Condamne la société NOUVELLE SOFRAPAIN à verser à M X... la somme de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dit que les dépens seront supportés par la société SOFRAPAIN.

Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 09/00570
Date de la décision : 22/02/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-22;09.00570 ?
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