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13/09/2012 | FRANCE | N°08/01878

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 septembre 2012, 08/01878


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80AC.R.F.
5ème Chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 13 SEPTEMBRE 2012


R.G. No 11/00984


AFFAIRE :


Anne X...





C/
SAS EXTRUFLEX en la personne de son représentant légal








Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Février 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 08/01878




Copies exécutoires délivrées à :


Me Flore AS

SELINEAU
Me Pierre GENON CATALOT




Copies certifiées conformes délivrées à :


Anne X...



SAS EXTRUFLEX en la personne de son représentant légal






le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRAN...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80AC.R.F.
5ème Chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 13 SEPTEMBRE 2012

R.G. No 11/00984

AFFAIRE :

Anne X...

C/
SAS EXTRUFLEX en la personne de son représentant légal

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Février 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
No RG : 08/01878

Copies exécutoires délivrées à :

Me Flore ASSELINEAU
Me Pierre GENON CATALOT

Copies certifiées conformes délivrées à :

Anne X...

SAS EXTRUFLEX en la personne de son représentant légal

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Anne X...

née le 09 Janvier 1972 à VANVES (92170)

...

45330 MALESHERBES
comparante en personne, assistée de Me Flore ASSELINEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0563

APPELANTE

****************

SAS EXTRUFLEX en la personne de son représentant légal
16 Rue Baudin
92300 LEVALLOIS PERRET
représentée par Me Pierre GENON CATALOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0096

INTIMÉE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Jeanne MININI, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Sabrina NIETRZEBA-CARLESSO,

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE,

Mme X... a été engagée en qualité de directrice administrative et financière par la société Extruflex par contrat de travail à durée indéterminée du 2 janvier 2007 et son salaire mensuel était de 5000 €.

La société appartient à un groupe (les filiales sont toutes étrangères) et a pour activité la fabrication de lanières et de panneaux en matière plastique souple .Elle applique la convention collective de la plasturgie.

Mme X... a été en arrêt maladie :
* du 13 juillet au 10 août 2007,
* du 26 au 28 octobre 2007,
*du 16 au 27 janvier 2008,
* du 18 février au 6 avril 2008.

Convoquée le 19 mars 2008 à un entretien préalable fixé le 7 avril auquel elle n'a pas déféré , Mme X... a été licenciée pour faute grave par lettre datée du 10 avril 2008 pour les motifs suivants:
*en sa qualité de cadre supérieur, a adopté un comportement de dénigrement systématique de l'entreprise allant jusqu'à injurier le président qui l'avait soutenue en 2007 ; cette attitude est probablement à l'origine de la démission d'un jeune ingénieur qu'elle incitera à prendre des arrêts maladie,
*en sa qualité de cadre, a démobilisé ses collaborateurs aux termes de messages vulgaires et infantiles,
*durant son dernier arrêt maladie et alors que la société et le groupe étaient désorganisés du fait de son absence, a démontré sa volonté de nuire à l'entreprise en refusant pendant 20 jours de remettre son ordinateur portable professionnel qui contenait les éléments nécessaires à la sortie des comptes et a tardé à retourner les clefs des meubles de son bureau,
*la reprise des dossiers comptables et financiers a révélé la non réalisation de certaines tâches : non déclaration de la TVTS au 30 novembre 2007, non réponse à des questions de filiales sur le plan comptable, incapacité- dans une période très tendue- de donner l'état de la trésorerie du groupe,
*reporting consolidé mensuel du groupe erroné de mai à septembre 2007,
*absence de mise en place de la trésorerie du groupe,
*absence de contrôle de gestion.

Par jugement du 15 février 2011, le conseil de prud'hommes de Nanterre a débouté Mme X... de ses demandes tendant, principalement, à dire son licenciement nul en application de l'article L1152-3 du Code du travail, subsidiairement, à dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la condamnation de la société au paiement des indemnités de rupture et dommages et intérêts.

Mme X... a régulièrement relevé appel de cette décision.

Vu les écritures déposées et développées oralement à l'audience du 22 juin 2012 par lesquelles Mme X... conclut à l' infirmation du jugement en faisant valoir qu'elle a été victime d'un harcèlement moral de la part du directeur - M. Y... - qui la surchargeait de travail, l'agressait verbalement en la critiquant et lui demandait de travailler pendant ses arrêts de maladie ; que le médecin du travail a décidé de son inaptitude temporaire en février 2008 au regard à une dépression réactionnelle à l'effet délétère de son travail ; que jamais la restitution de son ordinateur portable ne lui avait été demandée lors de ses précédents arrêts de travail et que les données utiles étaient stockées sur un ordinateur de l'entreprise ; que son licenciement est l'aboutissement de ce harcèlement moral et est nul.

Mme X... ajoute que les griefs visés dans la lettre de licenciement ne sont établis par aucune pièce objective ; que les échanges de courriels dont les termes lui sont reprochés constituaient une correspondance privée ne constituant ni une injure publique ni un acte d'insubordination, que le devoir de loyauté oblige à effectuer son travail et non à émettre à tous propos des pensées positives sur son supérieur hiérarchique ; que son licenciement serait subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que la société a indûment déduit de son solde de tout compte la somme de 395,64 € correspondants à des RTT.

Mme X... dit avoir travaillé à durée déterminée de novembre 2008 à août 2009 et demande à la cour :
- principalement, de dire son licenciement nul,
- subsidiairement, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner la société Extruflex à lui payer les sommes de :
*15 000 € et 1500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
*1540 € au titre d'indemnité de licenciement,
*60 000 € à titre de dommages et intérêts,
avec intérêts à compter du 9 juin 2008.
*395,64 € au titre de salaires,
*4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Extruflex reprend les griefs énoncés dans la lettre de licenciement et ajoute qu'elle n'a pas demandé à Mme X... de travailler pendant ses arrêts de maladie et que les prétendus agissements constitutifs de harcèlement moral ne sont pas précisés ; que l'attestation de M. Z... est rédigée en langue anglaise et que Mme A... qui ne travaillait pas dans le même établissement a agi devant la juridiction prud'homale contre son ancien employeur ; que Mme X... ne s'est pas plainte de harcèlement moral à l'inspection du travail et n'avait pas sollicité de mesure de médiation ; qu'elle s'était détachée de ses responsabilités et n'a pas supporté l'exercice normal du pouvoir de direction de M. Y... ; que les courriels critiques voire orduriers échangés avec une autre salariée l'étaient dans un cadre professionnel, Mme X... signant en sa qualité de directrice financière et administrative, peu important que ces messages n'aient pas été diffusés ; que son refus de restituer son ordinateur portable était motivé par l'absence de travail qu'il aurait révélé ; que ses périodes d'arrêts de travail n'ouvraient pas droit à des congés payés ; que Mme X... n'avait pas atteint les deux années d'ancienneté ; que la somme de 1074,92€ lui a été indûment versée au titre des congés payés.

La société demande à la cour de confirmer le jugement en déboutant Mme X... de toutes ses demandes et de la condamner à lui :
*rembourser la somme de 1074,92 €,
*verser celle de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 22 juin 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

A- le harcèlement moral

Considérant qu'aux termes des articles L1152-1 à L1152-3 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relaté ; que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de articles L. 1152 1 et L. 1152 2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;

Considérant qu'en cas de litige, il revient au salarié d'établir l'existence de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant que l'absence de saisine de l'inspection du travail ou de demande de médiation ne prive pas Mme X... de son droit de faire état d'un harcèlement moral ;

Considérant que les attestations émanant des parents et du frère de Mme X... ne révèlent aucun fait afférent au contexte professionnel de celle-ci et dont ils auraient pu être témoins ; que M. Z..., travaillant en Grande Bretagne, ne rapporte aucun agissement dégradant mais la déconvenue progressive de M. Y... au sujet de la valeur professionnelle de la directrice financière ; qu'aucune parole ou attitude blessante n'est rapportée par les rédacteurs d'écrits, la salariée n'en précisant aucune ; que la surcharge de travail alléguée n'est pas démontrée non plus que le refus de prendre en considération les problèmes de santé de la salariée ou l'exigence d'un travail pendant les arrêts maladie ; que les deux longues pièces rédigées par Mme A... qui ne dit pas avoir travaillé dans la même entreprise que Mme X... - ne concernent que sa propre situation, seule étant exclue toute incitation à démissionner ; que les cinq arrêts de travail ont été prescrits par trois praticiens différents exerçant à des adresses très différentes, ne réalisant pas de suivi de l'état de santé de la salariée et mentionnent des vertiges ou une dépression réactionnelle dont l'origine ne peut - en l'état du dossier - être imputée à des agissements constitutifs de harcèlement moral ; que ces pièces, y compris l'avis d'inaptitude temporaire émis par le médecin du travail le 18 février 2008, n'établissent aucun fait permettant de présumer de l'existence d'un harcèlement moral : que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande principale ;

B- le licenciement pour faute grave

Considérant qu'aux termes des articles L1232-1 et L1235-1 du Code du travail, le licenciement doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que les faits invoqués doivent être réels et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ; que l'employeur doit prouver la faute grave qu'il allègue ; que le doute, s'il subsiste bénéficie au salarié ;

Considérant que les pièces 12 à 18 démontrent que Mme X..., en arrêt de maladie du 18 février au 6 avril 2008, a tardé plusieurs jours à transmettre à la société les clefs de ses meubles de bureau et a refusé de restituer l'ordinateur portable mis à sa disposition et contenant les éléments indispensables à l'établissement des reporting mensuels (M. B... et Mme C... affirment qu'aucune sauvegarde n'avait été faite sur le serveur de la société ) ; qu'ayant demandé cette restitution par lettre recommandée datée du 5 mars 2008, M. Y... n'a pu le récupérer que le 12 mars suivant ; que cette attitude constitue une faute eu égard à la suspension du contrat de travail et à la nécessité urgente à laquelle la salariée s'est opposée, peu important l'absence de demande de restitution lors des arrêts de travail antérieurs plus courts ;

Considérant que les messages électroniques échangés entre Mme X..., directrice administrative et financière et Mme A..., ingénieur, et donc en lien avec leur activité professionnelle, comportent des propos déplacés voire insultants de la part de Mme X... à l'égard de M. Y... ( "le connard, le con. dirige la boîte en dictateur") et des autres salariés de la société ("blaireaux land"), peu important qu'ils n'aient pas été diffusés dans l' entreprise ; que ces messages constituent une violation de l'obligation de réserve pesant sur un cadre de la société ne répondant pas à une agression ou à des agissements constitutifs de harcèlement moral ; que les attestations de madame D... et de M. E... établissent la réalité du défaut de déclaration de la TVTS dont les montants étaient exigibles en novembre 2007 et des écarts de comptes relevés par le commissaire aux comptes, ces manquements étant de nature à altérer la capacité de prise de décision du dirigeant et des actionnaires ;

Considérant que les comportements fautifs et les manquements de Mme X... fondent le licenciement pour faute grave litigieux en ce qu'ils ne permettaient pas le maintien de la salariée au sein de l'entreprise ; que Mme X... sera déboutée de ses demandes tendant au paiement d' indemnités de rupture et de dommages et intérêts ;

C- les autres demandes

Considérant que Mme X... ne produit pas les éléments établissant l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de prendre les trois jours de RTT convenus eu égard à son absence de l'inventaire qui l'aurait retenue ; qu'elle sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 395,64 € ;

Considérant que les bulletins de salaire de Mme X... établissent la réalité de l'indu dont remboursement réclamé par la société à hauteur de 1074,92 € au regard des périodes d'arrêts de travail non génératrices de congés payés ; que Mme X... sera condamnée à cette répétition ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que Mme X... qui succombe supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant par mise à disposition au greffe et par décision CONTRADICTOIRE,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de 15 février 2011 en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes ;

Y ajoutant ,

Condamne Mme X... a rembourser à la société Extruflex la somme de 1074,92€ ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X... aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Jeanne MININI, Président et par Madame Céline FARDIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 08/01878
Date de la décision : 13/09/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-13;08.01878 ?
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