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06/12/2012 | FRANCE | N°11/01894

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 06 décembre 2012, 11/01894


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30Z



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 DECEMBRE 2012



R.G. N° 11/01894



AFFAIRE :



[F] [P] veuve [Z]

...



C/



SA COVEA RISKS

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 08/7541
r>

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



- Me Mélina PEDROLETTI,



Me Franck LAFON,



SCP DEBRAY CHEMIN,



Me Pierre GUTTIN



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





LE SIX DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE,

La...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30Z

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 DECEMBRE 2012

R.G. N° 11/01894

AFFAIRE :

[F] [P] veuve [Z]

...

C/

SA COVEA RISKS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 08/7541

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- Me Mélina PEDROLETTI,

Me Franck LAFON,

SCP DEBRAY CHEMIN,

Me Pierre GUTTIN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SIX DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [F] [P] veuve [Z]

née le [Date naissance 10] 1930 à [Localité 34]

demeurant [Adresse 13]

[Localité 23]

Représentant : SCP Mélina PEDROLETTI, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00020830)

Monsieur [A] [Z]

né le [Date naissance 6] 1964 à [Localité 33]

demeurant [Adresse 14]

[Localité 20]

Représentant : SCP Mélina PEDROLETTI, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00020830)

Madame [E] [B] épouse [H] agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité d'héritière de Mme [Y] [B]

née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 32]

demeurant [Adresse 29]'

[Localité 19]

Représentant : SCP Mélina PEDROLETTI, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00020830)

Madame [M] [B] épouse [J] agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité d'héritière de Mme [Y] [B]

née le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 32]

demeurant [Adresse 25]

[Localité 12]

Représentant : SCP Mélina PEDROLETTI, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00020830)

Madame [O] [B] épouse [V] agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité d'héritière de Mme [Y] [B]

née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 32]

demeurant [Adresse 30]

[Localité 11]

Représentant : SCP Mélina PEDROLETTI, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00020830)

Madame [D] [B] épouse [R] agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité d'héritière de Mme [Y] [B]

née le [Date naissance 1] 1953

demeurant [Adresse 15]

[Localité 18]

Représentant : SCP Mélina PEDROLETTI, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00020830)

Monsieur [T] [Z]

né le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 33]

demeurant [Adresse 9]

[Localité 21]

Représentant :SCP Mélina PEDROLETTI, (avocat postulant plaidant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00020830)

APPELANTS - Plaidant par Maitre Charles-Edouard MAUGER, (avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0736)

****************

SA COVEA RISKS

RCS de Nanterre B 378 716419

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 22]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Représentant : Me Franck LAFON,(avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20111128)

Représentant : Me Emmanuel SYNAVE Plaidant (avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 193) -

SA JEANNIOT ET COMPAGNIE

inscrite au RCS de PARIS sous le numéro 304951 023

dont le siège social est [Adresse 16]

agissant poursuites et diligence de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

Représentant : la SCP DEBRAY CHEMIN,(avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 11000229)

ayant pour avocat la SELARL DRAI , (avocats au barreau de PARIS) représentée par Maitre Sylvie DRAI.

SCP [N] ET ASSOCIES anciennement dénommée SCP [G] ASSOCIES

ayant son siège social [Adresse 5]

75006 PARIS

prise en la personne de ses co-gérants en exercice domiciliés en cette qualité audit siège,

Représentant : Me Pierre GUTTIN, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 11000304)

Plaidant par Maitre CHIFFAUT MOLLIARD, (avocat au barreau de PARIS, C. 1600)

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Octobre 2012, Monsieur Dominique PONSOT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Madame Dominique LONNE,Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Vu le jugement du 9 décembre 2010 du tribunal de grande instance de NANTERRE ayant, notamment :

- débouté les consorts [Z] - [B] de leurs demandes,

- débouté la SA JEANNIOT & Cie de sa demande reconventionnelle,

- débouté la SCP [N] et Associés de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la SA. JEANNIOT & Cie,

- condamné les consorts [Z] - [B] à verser à la SA COVEA RISKS et à la SA JEANNIOT &Cie la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la déclaration du 9 mars 2011 par laquelle les consorts [Z] - [B] ont formé à l'encontre de cette décision un appel de portée générale ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2011 aux termes desquelles les consorts [Z] - [B] demandent à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société COVEA RISKS garantissant la responsabilité civile professionnelle de Me [K] [W], et la société JEANNIOT à leur verser la somme de 69.669,42 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner in solidum la société COVEA RISKS garantissant la responsabilité civile professionnelle de Me [K] [W], et la société JEANNIOT à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 21 septembre 2011 aux termes desquelles la société JEANNIOT& Cie demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive à l'encontre des consorts [Z] - [B],

- les condamner in solidum à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- les condamner in solidum au paiement d'une amende civile,

Subsidiairement,

- débouter la SCP [N] & Associés de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

- déclarer la société JEANNIOT & Cie recevable et bien fondée en son appel incident en garantie à l'encontre de la SCP [N] & Associés et de la société COVEA RIKS, es qualité d'assureur de Me [K] [W], huissier de justice,

- condamner la SCP [N] & Cie et la société COVEA RISKS es qualité d'assureur de Me [K] [W], à garantir la société JEANNIOT& Cie de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre en principal, frais, intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens,

En tout état de cause,

- débouter les consorts [Z] - [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société JEANNIOT & Cie,

- débouter la SCP [N] & Associés de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société JEANNIOT & Cie,

- débouter la société COVEA RISKS, es qualité d'assureur de Me [K] [W], huissier de justice, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société JEANNIOT & Cie,

- condamner in solidum les consorts [Z] - [B] à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- les condamner in solidum au paiement d'une amende civile,

- les condamner à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures signifiées le 21 juillet 2011 aux termes desquelles la société COVEA RISKS demande à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire et juger que les consorts [Z] ne justifient pas d'un préjudice,

- les débouter, en conséquence et en tout état de cause, de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre elle,

A titre subsidiaire,

- condamner la SCP [N] et Associés et la SA JEANNIOT & Cie à la garantir à hauteur de toutes sommes qui seraient mises à sa charge en principal, frais, intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens,

En tout état de cause,

- condamner les consorts [Z] - [B] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2012 aux termes desquelles la SCP [N] & ASSOCIES demande à la cour de :

- débouter la société JEANNIOT & Cie de son appel en garantie,

- la condamner reconventionnellement à lui payer la somme de 100 euros à titre de dommages-intérêts ;

- la condamner à lui payer la somme 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure et des éléments régulièrement versés aux débats que les consorts [Z] - [B] (les consorts [Z]) sont propriétaires d'un hôtel particulier situé [Adresse 17]), donné à bail selon acte sous seing privé en date du 1er avril 1988 à la SA Salon Kléber, aux droits de laquelle se trouve désormais la société SA POTEL & CHABOT, selon les dispositions du décret du 30 septembre 1953 régissant le statut des baux commerciaux ;

Que ce bail a été renouvelé à effet du 1er avril 2000 moyennant un loyer annuel de 200.795 euros, selon jugement du tribunal de grande instance de PARIS du 9 juin 2004 précisant que le montant du loyer ainsi révisé s'entendait sans préjudice de l'indexation à effet au 1er avril 2003 ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de PARIS du 26 avril 2006 ;

Qu'à la demande de la société JEANNIOT & Cie, administrateur de biens à laquelle les bailleurs ont confié la gestion du bail en cause, Me [K] [W], huissier de justice a, par acte du 7 avril 2003, notifié à la SA POTEL & CHABOT une demande de révision triennale du loyer 'qui prendra effet par application des indices trimestriels en vigueur, sur la base du loyer qui reste à fixer judiciairement à la date de renouvellement du bail, soir au 1er avril 2000 ' ;

Que le 29 mars 2005, soit postérieurement au jugement précité du tribunal de grande instance de PARIS, les bailleurs ont notifié à la SA POTEL & CHABOT un mémoire aux fins de révision du prix du loyer, à compter du 1er avril 2003, portant celui-ci à la somme de 217.527,91 euros en principal, par référence aux indices des 3èmes trimestres 1999 et 2002, en application de l'article L 145-37 du code de commerce, puis ont saisi le juge des loyers commerciaux de cette demande par assignation en date du 17 février 2006 ;

Que par jugement du 13 septembre 2006, le tribunal de grande instance de PARIS a dit nulle et de nul effet la demande de révision triennale du 7 avril 2003 au motif que la formule retenue dans cet acte extra-judiciaire ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 26 du décret du 30 septembre 1953 (devenu article L 145-37 du code de commerce) du fait de sa généralité ne permettant pas au preneur d'avoir connaissance du montant du loyer révisé ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de PARIS du 30 janvier 2008 ;

Que par actes des 4 et 6 juin 2008, les ces consorts [Z] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de NANTERRE la société COVEA RISKS, en sa qualité d'assureur de l'huissier instrumentaire, Me [W], et leur mandataire, la société JEANNIOT & Cie afin de voir constater l'engagement de leur responsabilité à leur égard ;

Que par acte d'huissier du 24 février 2009, la société JEANNIOT et Cie a fait assigner la SCP [G] & ASSOCIES, avocat mandaté par l'un des demandeurs, en intervention forcée et en garantie, dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée à son encontre ;

Que le jugement entrepris du 9 décembre 2010 a débouté les consorts [Z] de leurs demandes ;

Sur l'action en responsabilité civile professionnelle de Me [K] [W]

Sur la faute

Considérant qu'au soutien de leur demande tendant à voir la société COVEA RISKS garantissant la responsabilité de Me [K] [W] condamnée à leur verser la somme de 69.669,42 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil et, subsidiairement, sur celui de l'article 1147 du même code, les consorts [Z] font valoir qu'il appartenait à l'intéressé, en sa qualité d'huissier de justice, de veiller à l'efficacité de l'acte qu'il instrumentait, quelles que soient les instructions reçues, ou, à tout le moins, de conseiller ses mandant sur l'efficacité ou l'utilité de l'acte qu'il était chargé d'accomplir ;

Que, selon eux, Me [W] aurait dû vérifier spontanément le contenu de l'acte qu'il instrumentait et notamment s'interroger sur le point de savoir si toutes les conditions légales à sa validité étaient remplies ; qu'à tout le moins, il aurait dû attirer leur attention ou celle de la société JEANNIOT et Cie sur les dispositions des articles L 145-37 du code de commerce et 26 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 et leurs implications ;

Que la société COVEA RISKS, agissant en qualité d'assureur de Me [K] [W], fait valoir que ce dernier a été saisi par la société JEANNIOT et Cie dans le contexte particulier d'une procédure pendante concernant le renouvellement du bail, où un expert avait été désigné en vue de fixer le loyer du bail, et qu'il s'est strictement conformé aux instructions fermes précises reçues de la société JEANNIOT et Cie ; que ces instructions émanaient d'une lettre adressée le 19 mars 2003 à la société JEANNIOT et Cie par Me [N] et ainsi libellée :

'Ceci étant et dans la mesure où nous ne connaissons pas encore le montant du loyer qui sera fixé au 1er avril 2000, l'acte d'Huissier à intervenir devra préciser que la révision du loyer prendra effet par application des indices trimestriels en vigueur, sur la base du loyer à fixer judiciairement au 1er avril 2000...'

Que la société COVEA RISKS, tout en prenant acte de la nullité de l'acte prononcée par le tribunal de grande instance, constate néanmoins que les consorts [Z] ne précisent pas quelles étaient les mentions qui auraient dû figurer dans l'acte, en l'état des procédures en cours et d'un contexte connu d'eux seuls ; qu'elle indique que Me [W] n'avait pas connaissance des tenants et aboutissants de la procédure en fixation de loyer pendante devant le tribunal de grande instance de PARIS, contrairement à l'avocat représentant les consorts [Z] dans le cadre de cette procédure, dont les instructions étaient fermes et précises ;

Considérant qu'il est constant que Me [W], mandaté par la société JEANNIOT et Cie pour signifier l'acte, reprenant presque mot à mot les indications figurant dans le courrier adressé par Me [N] à cette dernière société le 19 mars 2003, n'a pas mentionné le montant du loyer demandé, ni même l'indice applicable ;

Considérant que Me [W] n'était, certes, pas censé savoir dans quel contexte intervenait ce courrier, et notamment du fait que Me [N] n'agissait pas dans le cadre d'un mandat donné, mais seulement à l'effet de préciser une information donnée la veille par téléphone à la société JEANNIOT et Cie qui lui avait demandé son avis sur la marche à suivre dans le contexte de l'action pendante en renouvellement de bail ;

Que toutefois, en sa qualité d'auxiliaire de justice, Me [W] ne pouvait ignorer les dispositions de l'article 26 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 (devenu article R 145-20 du code de commerce) aux termes duquel la demande de révision du loyer précise, à peine de nullité, le montant du loyer demandé ou offert ; que l'absence de toute mention à cet égard, de même que le caractère non déterminable du montant du loyer, en ce qu'ils mettaient en cause l'efficacité de l'acte qu'il délivrait, auraient dû le conduire à attirer l'attention de ses mandats sur cette difficulté et solliciter des instructions complémentaires ; que Me [W] ne peut se retrancher derrière le fait que, dans le cadre du présent litige, les consorts [Z] n'aient pas fait connaître la solution qui, selon eux aurait dû être adoptée s'agissant du contenu de la demande de révision triennale ;

Que s'il apparaît que Me [W] n'était pas censé connaître dans le détail les points en discussion dans le cadre du litige opposant les consorts [Z] au titulaire du bail commercial, il est, en revanche, certain qu'il avait connaissance de l'existence d'une procédure en cours, à la seule lecture de la lettre que lui a adressée la société JEANNIOT le 25 mars 2003, qui se référait expressément au contentieux en cours dont elle précisait l'objet, et à laquelle était jointe la lettre adressée par Me [N] à la société JEANNIOT et Cie le 19 mars 2003 ; que l'ignorance dans laquelle Me [W] indique s'être trouvé de l'état précis de la procédure judiciaire aurait dû, de plus fort, l'inciter à solliciter des instructions complémentaires à l'effet de connaître le montant du loyer devant, au besoin à titre provisionnel, être mentionné dans l'acte qu'il était chargé de signifier ;

Que s'étant limité à reproduire un extrait de la lettre adressée par Me [N] à la société JEANNIOT et Cie, sans vérifier que toutes les conditions étaient réunies pour assurer l'efficacité juridique de l'acte qu'il signifiait, et alors, au surplus, que l'acte ne mentionnait même pas l'indice applicable, Me [W] a commis une faute engageant sa responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle à l'égard des consorts [Z] ;

Sur le préjudice et le lien de causalité

Considérant que les consorts [Z] évaluent à la somme totale de 69.669,42 euros le préjudice subi, ainsi réparti :

- loyer annuel dû après révision triennale à effet au 1er avril 2000 : 200.795 euros

- loyer annuel dû après révision triennale à effet au 1er avril 2003 : 217.527, 98 euros

différentiel annuel : 16.732,98 euros

- principal dû (au vu du décompte arrêté au 1er avril 2008) : 50.198,76 euros

- intérêts au taux légal sur les compléments de loyer 1.807,23 euros

(du 1er avril 2003 au 1er avril 2006)

- intérêts au taux légal sur les compléments de loyer 2.647,08 euros

(du 1er avril 2006 au 1er avril 2008)

Total54.653,07 euros

S'y ajoute une somme totale de 15.016,35 euros représentant les frais liés à la procédure (honoraires d'avocats, d'avoués, préjudice de trésorerie)

Considérant que la société COVEA RISKS fait valoir que le préjudice dont les consorts [Z] demandent réparation ne peut résulter que de la perte de chance d'obtenir le montant du loyer révisé ; qu'il en résulte, d'une part, qu'un tel préjudice, en ce qu'il est fondé sur une perte de chance ne peut jamais être égal au montant global du préjudice allégué ; que d'autre part, le caractère certain de leur préjudice ne pourrait résulter que l'épuisement des voies de recours, ce à quoi les consorts [Z] ont négligé de procéder en n'exerçant pas un pourvoit en cassation ; que, subsidiairement, elle relève que si une condamnation était mise à sa charge, les intérêts ne pourraient courir qu'à compter de la décision à intervenir, fixant le préjudice ;

Considérant, en premier lieu, que les consorts [Z] justifient d'un préjudice certain, nonobstant l'absence d'exercice d'un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS le 30 janvier 2008, dès lors que l'irrégularité constatée et la sanction prononcée, procédant d'une stricte application des dispositions légales et réglementaires applicables, n'auraient manifestement pas conduit à une solution différente, eu égard à la jurisprudence constante existant en la matière ;

Considérant, en second lieu, que la perte de chance d'obtenir la révision du loyer concerné ne peut s'apprécier au regard de la seule demande de révision chiffrée qui aurait dû être adressée, mais également en considération de la possibilité dont disposait la société POTEL & CHABOT de ne pas y déférer et qu'une contestation s'élève dans le cadre d'une procédure sur mémoire, dont l'issue ne peut être tenue pour certaine ;

Qu'il convient, en conséquence de fixer à la somme de 40.000 euros, toutes causes de préjudice confondues, le préjudice subi par les consorts [Z], étant précisé que ladite somme ne sera productive d'intérêts qu'à compter du présent arrêt ;

Sur la responsabilité de la société JEANNIOT et Cie

Considérant que les consorts [Z] demandent à la cour la condamnation in solidum de la société JEANNIOT et Cie, administrateur du bien immobilier concerné, avec la société COVEA RISKS, garantissant la responsabilité civile professionnelle de Me [K] [W] ; qu'ils font valoir qu'en sa qualité de professionnel de la gestion immobilière, la société JEANNIOT et Cie était tenue de veiller à l'efficacité de l'acte à l'élaboration duquel elle prêtait son concours ;

Qu'en réponse, la société JEANNIOT et Cie fait notamment valoir que le mandat reçu des consorts [Z] était limité à l'encaissement des loyers, et qu'elle ne disposait pas, par ailleurs, des compétences juridiques requises pour contrer les instructions reçues de la SCP [N] & Cie ;

Considérant que le mandat de gestion confié à la société JEANNIOT et Cie par les consorts [Z] ne se limitait pas, comme elle le soutient, à encaisser les loyers, mais consistait à gérer les biens ci-avant désignés, les louer aux prix, charges, durée et conditions que vous aviserez (elle avisera), signer tous baux et locations, les renouveler, les résilier, donner et accepter tous congés, faire dresser tous états des lieux ;

Que, pour autant, la société JEANNIOT et Cie n'était pas censée disposer des compétences juridiques requises pour mener à bien une opération de révision triennale de loyer dans le contexte particulier où une instance judiciaire était pendante concernant le renouvellement du bail et la fixation du nouveau loyer ; qu'en effet, la conduite à tenir ne se déduisait pas de la seule consultation des textes applicables et nécessitait de procéder à des recherches juridiques plus approfondies excédant les compétences pouvant être raisonnablement attendues d'une entreprise de gestion et d'administration de biens ;

Que, du reste, en sollicitant l'avis de l'avocat chargé par ses propres mandants de défendre leurs intérêts dans le cadre de cette procédure, la société JEANNIOT et Cie a agi avec prudence et diligence ; que par suite, il ne peut lui être fait grief d'avoir répercuté en l'état à l'huissier instrumentaire les indications fournies par Me [N], avocat en charge de la procédure contentieuse, concernant la conduite à tenir pour procéder à la signification de la demande de révision triennale du loyer ;

Qu'il s'ensuit qu'aucune responsabilité directe ou au titre de l'appel en garantie ne peut être recherchée à l'encontre de la société JEANNIOT et Cie ;

Sur l'appel en garantie de la SCP [N] & Associés

Considérant que la société COVEA RISKS forme à l'encontre de la SCP [N] & Associés un appel en garantie pour le cas où sa responsabilité viendrait à être engagée ;

Qu'en réponse, la SCP [N] & Associés relève qu'elle n'a jamais été chargée de formaliser la demande de révision triennale du loyer, cette diligence, qu'elle qualifie de pure gestion, relevant ordinairement du mandat d'administrateur de biens ; qu'elle fait par ailleurs valoir que la lettre qu'elle a adressée le 19 mars 2003 à la Société JEANNIOT et Cie ne comportait aucune instruction ou directive ;

Considérant qu'il ne résulte pas des éléments produits aux débats que la SCP [N] et Associés, désignée par les consorts [Z] pour assurer leur défense dans le cadre de la procédure en renouvellement du bail commercial et en fixation judiciaire du loyer, ait reçu mandat pour intervenir dans la révision triennale du loyer ; que la lettre adressée à la société JEANNIOT et Cie le 19 mars 2003 s'inscrit dans le cadre d'une demande d'avis informel sollicité à l'origine téléphoniquement par celle-ci, avis que Me [U] [N] a pris le soin de compléter par écrit pour préciser un point concernant la forme que devait revêtir la demande de renouvellement ;

Que cet avis, exprimé en dehors de tout mandat, ne peut s'analyser en des instructions données par Me [N] à la société JEANNIOT et Cie, de nature à engager sa responsabilité ; qu'il s'ensuit que la responsabilité de la SCP [N] ne peut être recherchée, s'agissant des conséquences de l'acte délivré par l'huissier de justice auquel elle ne s'est, au demeurant, pas adressée directement ;

Qu'il convient, en conséquence, de débouter la société COVEA RISKS de son appel en garantie dirigé à l'encontre de la SCP [N] & ASSOCIES ;

Sur la demande en dommages-intérêts formée par la société JEANNIOT et Cie contre les consorts [Z]

Considérant que la société JEANNIOT et Cie sollicite la condamnation des consorts [Z] à une somme 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; qu'au soutien de sa demande, elle fait valoir qu'elle est intervenue comme exécutant de l'avocat attitré des consorts [Z], et que seul cet avocat est à l'origine du préjudice qu'ils déclarent avoir subi du fait de la délivrance de l'acte défectueux ; qu'elle constate que les consorts [Z], tout en reconnaissant la responsabilité de leur avocat et leur erreur de ne pas avoir engagé sa responsabilité, continuent de réclamer réparation à la société JEANNIOT et Cie, bien qu'ayant été déboutés de leur demande par les premiers juges en des termes parfaitement clairs ; que, selon elle, cette attitude traduit leur mauvaise foi et démontre le caractère abusif de leur appel ;

Que les consorts [Z] concluent au débouté de la demande, en relevant qu'elle est présentée en dépit des manquements incontestables de la société JEANNIOT et Cie dans l'exécution de son mandat ;

Considérant que l'action en justice ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou encore de légèreté blâmable ; que ces exigences n'étant pas satisfaites en l'espèce, il convient de débouter la société JEANNIOT et Cie de la demande qu'elle forme à ce titre à l'encontre des consorts [Z] ;

Sur la demande de condamnation des consorts [Z] au paiement d'une amende civile

Considérant que la société JEANNIOT et Cie demande que les consorts [Z] soient condamnés au paiement d'une amende civile ;

Considérant que le présent arrêt accueillant partiellement l'appel formé par les consorts [Z], il en résulte que celui-ci ne présente pas le caractère dilatoire ou abusif exigé par l'article 559 du code de procédure civile ;

Qu'il n'y a pas lieu de condamner les consorts [Z] au paiement d'une amende civile ;

Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée à l'encontre de la société JEANNIOT et Cie par la SCP [N] & Associés

Considérant que la SCP [N] et associés forme à l'encontre de la société JEANNIOT une action en réparation du préjudice qu'elle déclare avoir subi du fait des insinuations auxquelles cette dernière s'est livrée dans ses conclusions où, utilisant notamment le mot de 'complicité', elle s'est autorisée à jeter le discrédit sur l'honneur professionnel et la probité de la SCP [N] et Associés en prétendant qu'elle aurait cherché à échapper à ses responsabilités avec la collusion d'un de ces anciens collaborateurs ;

Que dans ses conclusions, la société JEANNIOT suggère en effet que la SCP [N] & Associés aurait cherché à se protéger en dirigeant les consorts [Z] vers un de ses anciens collaborateurs pour assurer sa défense dans le cadre de la présente procédure ; qu'elle ajoute que les consorts [Z] auraient eux-mêmes, indirectement et peut-être inconsciemment, voulu protéger la SCP [N] & Associés, en raison de l'ancienneté de leurs relations voire même de relations de parenté existant entre eux ; que la société JEANNIOT et Cie soutient à cet égard que l'épouse de [A] [Z], elle-même avocate, serait la fille d'un ancien avocat ayant cédé son cabinet à la SCP [N]& Associés ;

Que la SCP [N], qui ne conteste pas, à la différence des consorts [Z], l'existence de ces derniers éléments, fait valoir que si elle a effectivement dirigé les consorts [Z] vers un de ses anciens collaborateurs pour assurer leur défense, c'est par délicatesse envers la société JEANNIOT et Cie, avec laquelle elle avait collaboré dans le cadre de ce dossier ;

Considérant que si les déductions de la société JEANNIOT et Cie apparaissent excessives, tout comme sont déplacés les développements qu'elle consacre aux motifs de l'action en responsabilité dirigée contre elle par les consorts [Z], il demeure que le contexte précédemment décrit créait une situation susceptible d'être mal interprétée ;

Que, par suite, les propos tenus par la société JEANNIOT dans ses écritures pour déplorer l'absence de mise en cause directe de la responsabilité de la SCP [N] & Associés par les consorts [Z], ce reproche fût-il dénué de fondement, ne présentent pas un caractère fautif, dans le contexte précédemment exposé ;

Qu'il convient, en conséquence, de débouter la SCP [N] & Associés de sa demande d'allocation de la somme de 100 euros de dommages-intérêts ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la société COVEA RISKS succombant principalement dans ses prétentions doit supporter les dépens de la procédure d'appel ;

Considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel aux consorts [Z] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 9 décembre 2010 par tribunal de grande instance de NANTERRE ;

STATUANT à nouveau,

-CONDAMNE la société COVEA RISKS garantissant la responsabilité civile professionnelle de Me [K] [W], huissier de justice, à payer aux consorts [Z] [Z] - [B] la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

-DIT que cette somme sera productive d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la société COVEA RISKS à payer aux consorts [Z] - [B] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande des parties ;

CONDAMNE la société COVEA RISKS aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 11/01894
Date de la décision : 06/12/2012

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°11/01894 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-06;11.01894 ?
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