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20/12/2012 | FRANCE | N°10/08849

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 20 décembre 2012, 10/08849


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63B



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 DECEMBRE 2012



R.G. N° 10/08849



AFFAIRE :



[E] [F]





C/

SCP PHILIPPE VITTU ET JEAN MICHEL POMMIER









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Septembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 09/8764
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



SCP BOMMART-MINAULT



Me Franck LAFON

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 DECEMBRE 2012

R.G. N° 10/08849

AFFAIRE :

[E] [F]

C/

SCP PHILIPPE VITTU ET JEAN MICHEL POMMIER

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Septembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 09/8764

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP BOMMART-MINAULT

Me Franck LAFON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [F]

né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : la SCP BOMMART-MINAULT (avocats postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 00039145)

Assisté et PLAIDANT par Maitre Muriel ANSELLEM KASSABI, Paris, toque P123

APPELANT

****************

SCP PHILIPPE VITTU & JEAN MICHEL POMMIER

RCS de NANTERRE 434 927 737

[Adresse 3]

[Localité 5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège.

Représentant : Me Franck LAFON, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20111195)

PLAIDANT par Me Emmanuel SYNAVE (SOPEJ) (avocat au barreau de VERSAILLES)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Novembre 2012, Monsieur Dominique conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Madame Dominique LONNE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Vu le jugement du 23 septembre 2010 du tribunal de grande instance de NANTERRE ayant, notamment :

- débouté [E] [F] de l'intégralité de ses demandes;

- débouté la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts;

- condamne [E] [F] à verser à la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu la déclaration du 26 novembre 2010, aux termes de laquelle [E] [F] a formé à l'encontre de cette décision un appel de portée générale ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 2 avril 2012, aux termes desquelles [E] [F] demande à la cour de :

- dire et juger que la SCP Philippe VITU & Jean-Michel POMMIER, huissier de justice a commis une faute en manquant à son obligation de conseil et d'information vis-à-vis de lui,

- à titre subsidiaire, dire et juger que la SCP est responsable de la nullité du congé délivré le 30 juin 2008 par la SARL 'UNE BULLE EN PLUS' à la SCI Bailleresse ;

- prendre acte de la mise en jeu de la garantie de passif par la société 'UNE BULLE EN PLUS' à l'encontre de [E] [F],

- condamner la SCP Philippe VITU & Jean-Michel POMMIER à lui verser la somme de 25.118,42 euros au titre du préjudice qu'il subit avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2009, date de la lettre de mise en demeure,

- condamner la SCP Philippe VITU & Jean-Michel POMMIER à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les uniques conclusions signifiées le 3 novembre 2011, aux termes desquelles la SCP Philippe VITU & Jean-Michel POMMIER demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la SCP n'a en aucun cas manqué à son devoir de conseil et débouté [E] [F] de l'intégralité de ses demandes,

- à titre subsidiaire, dire et juger que [E] [F] ne justifie d'aucun préjudice susceptible de constituer une perte de chance réparable, et le débouter, en conséquence de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure manifestement abusive et injustifiée,

- le condamner à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR QUOI, LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure et des éléments contradictoirement débattus que la SARL UNE BULLE EN PLUS était locataire de locaux situés [Adresse 2] appartenant à la SCI SILLY DESFOSSEZ, selon bail commercial sous seing privé en date du 1er décembre 2003 ;

Que se prévalant des dispositions du bail mentionnant une possibilité de délivrer congé moyennant un préavis de six mois en cas de départ à la retraite, [E] [F], en sa qualité de gérant de la SARL locataire, a, par lettre du 25 juin 2008, mandaté la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER, huissier de justice, aux fins de signifier congé au bailleur pour le 31 décembre 2008 ;

Que le 22 janvier 2009, [E] [F] a cédé la totalité des parts de la SARL, dont il détenait initialement 480 parts et avait acquis les 520 parts restantes le 2 décembre 2008 ;

Que le 3 mars 2009, le conseil du bailleur a adressé à la SARL UNE BULLE EN PLUS un courrier mettant en cause la validité du congé délivré le 30 juin 2008, au motif que [E] [F] n'était pas associé majoritaire depuis au moins deux ans et ne pouvait, par conséquent, se prévaloir des dispositions de l'article L 145-4 du code de commerce ; que le 16 juin 2009, le bailleur a fait délivrer une assignation à l'encontre de la SARL aux fins, notamment, de voir constater la nullité du congé délivré le 30 juin 2008 et de voir condamner la SARL au paiement des loyers correspondant à la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 30 novembre 2009, un nouveau congé ayant été délivré le 28 mai 2009 ;

Qu'un protocole d'accord a été conclu le 9 novembre 2009 entre la SARL UNE BULLE EN PLUS et le bailleur ; que le même jour, un autre protocole d'accord a été signé entre les membres de la SARL et [E] [F], en exécution de la garantie de passif contenue dans l'acte de cession du 22 janvier 2008 ;

Que, dans l'intervalle, [E] [F] avait fait assigner la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER devant le tribunal de grande instance de NANTERRE, au visa des articles 1991, 1382 et 1383 du Code civil, afin de voir dire qu'elle a manqué à son obligation de conseil et d'information et ainsi engagé à son égard sa responsabilité professionnelle ;

Qu'il en a été débouté par le jugement entrepris ;

*

Sur la responsabilité civile de l'huissier

Considérant qu'il résulte de l'article 1147 du code civil que les huissiers de justice sont tenus de conseiller leurs clients sur l'utilité et l'efficacité des actes qu'ils sont requis d'accomplir et doivent rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ;

Sur la faute

Considérant que [E] [F] reproche à la SCP d'huissier d'avoir manqué à son obligation de conseil en délivrant un congé alors qu'il ne remplissait pas les conditions requises pour mettre un terme au bail avant l'expiration de la période triennale ;

Considérant qu'il est constant que [E] [F] ne remplissait pas les conditions énoncées à l'article L 145-4 du commerce pour délivrer, avant l'échéance triennale fixée en l'espèce au 30 novembre 2009, un congé motivé par son départ à la retraite ; qu'en effet, lors de la délivrance du congé, il était gérant minoritaire de la SARL UNE BULLE EN PLUS, dont il ne détenait que 480 parts sur 1.000 ;

Que le congé délivré par la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER, abstraction d'une erreur de renvoi à l'article L 145-5 du code de commerce au lieu de l'article L 145-9, s'agissant des conditions de forme et de délai, était expressément motivé par référence à la demande du preneur de faire valoir ses droits à la retraite ;

Que, par suite, la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER devait, avant de délivrer le congé, s'assurer que [E] [F] se trouvait dans les conditions légales lui permettant de donner congé de façon anticipée, et, dans la négative, de l'informer du risque que le congé délivré en méconnaissance de ces conditions soit déclaré nul ou dépourvu d'effets ;

Que c'est vainement que la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER invoque le fait que [E] [F] connaissait les dispositions de l'article L.145-4 alinéas 3 et 4 du Code de commerce ; que cette connaissance, à la supposer établie, ne le dispensait pas de l'obligation de s'assurer de l'efficacité de l'acte qu'il était requis de délivrer, et de solliciter, au besoin, des instructions complémentaires, ce qu'il ne justifie pas avoir fait ;

Que c'est également en vain que la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER, reprenant à son compte les énonciations du jugement entrepris, soutient que [E] [F] se serait livré à un véritable stratagème en acquérant, le 2 décembre 2008, les 520 parts appartenant à ses co-associés, devenant ainsi associé unique de la société, pour les revendre moins de deux mois plus tard aux acquéreurs de la SARL UNE BULLE EN PLUS ; que d'une part, cette acquisition, réalisée près de six mois après la délivrance du congé, n'était pas de nature à modifier l'appréciation que le bailleur aurait dû faire, dès la délivrance dudit congé, de la situation de [E] [F] et en particulier de la possibilité, pour ce dernier, de se prévaloir des dispositions de l'article L 145-4 du code de commerce ; que, d'autre part, cette cession trouve sa justification dans le souci de faciliter la cession subséquente de l'ensemble des parts de la SARL aux acquéreurs de celle-ci, en évitant notamment que chacune des cessions que les trois associés auraient dû consentir ne soit suspendue à la réalisation des autres cessions ;

Qu'il résulte des éléments qui précèdent qu'en ne s'assurant pas de l'efficacité du congé qu'il était chargé de délivrer, la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur le préjudice et le lien de causalité

Considérant que [E] [F] fait valoir que c'est en confiance et avec la certitude que le congé avait été valablement délivré qu'il a déterminé son calendrier pour la cession de la totalité de ses parts et pour son départ à la retraite ; que le manquement de l'huissier dans son obligation de conseil l'a conduit à céder ses parts sur la base d'informations erronées concernant la date d'échéance du bail, causant ainsi à ses acquéreurs un préjudice dont ceux-ci lui ont fait supporter les conséquences en mettant en jeu la garantie de passif prévue dans le contrat de cession ;

Qu'il évalue son préjudice à 25.118,42 euros constitués par :

- la renonciation au paiement d'une somme de 22.000 euros qui lui étaient due au titre du contrat de cession de droits d'auteurs,

- le versement aux cessionnaires d'une somme globale forfaitaire et définitive de 3.118,42 euros ;

Qu'en réponse, la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER fait valoir que [E] [F] ne justifie pas d'une perte de chance réparable ; qu'elle relève que, faute de remplir les conditions légales d'un congé motivé par son départ à la retraite, [E] [F] se devait d'attendre l'échéance triennale du 30 septembre 2009, ce qui, en définitive, a été fait par la délivrance d'un nouveau congé le 28 mai 2009 ;

Considérant qu'il est constant que, ne se trouvant pas dans les conditions lui permettant de délivrer un congé anticipé, [E] [F] ne pouvait donner congé que pour la première échéance triennale utile, soit le 30 novembre 2009 ; que si [E] [F] n'est pas fondé à réclamer le remboursement de ces loyers dont, en tout hypothèse, la SARL était redevable, il demeure que l'intervention de l'huissier ne pouvait avoir pour effet d'aggraver sa situation ;

Que les loyers avec charges qu'il aurait dû acquitter entre le 1er janvier 2009 et le 30 novembre 2009 peuvent être évalués, au vu des éléments communiqués et notamment du protocole d'accord conclu le 5 novembre 2009 entre le bailleur et la SARL UNE BULLE EN PLUS, à la somme de 22.389,60 euros ; qu'en vertu du protocole d'accord conclu le même jour entre les nouveaux associés de la SARL et [E] [F], celui-ci a dû supporter, au titre de la garantie de passif, une somme de 25.118,42 euros ;

Qu'étant observé que la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER n'était pas partie à ces différents protocoles, il convient d'évaluer le préjudice subi par [E] [F] à la somme forfaitaire de 3.000 euros ;

Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris, d'accueillir partiellement la demande et de condamner la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER à verser à [E] [F] la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de conseil ;

Sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive

Considérant que le présent arrêt faisant partiellement droit aux prétentions de [E] [F], il en résulte que l'action qu'il a engagée à l'encontre de la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER ne présente pas un caractère abusif ;

Qu'il convient de la débouter de la demande de dommages-intérêts qu'elle forme à titre reconventionnel ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, chacune conservera la charge de ses propres dépens ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 23 septembre 2010 par tribunal de grande instance de NANTERRE ;

STATUANT à nouveau,

-CONDAMNE la SCP Philippe VITTU & Jean-Michel POMMIER à verser à [E] [F] la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice subi ;

-DIT que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2 ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 10/08849
Date de la décision : 20/12/2012

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°10/08849 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-20;10.08849 ?
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