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06/03/2014 | FRANCE | N°12/02981

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13ème chambre, 06 mars 2014, 12/02981


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

13ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 06 MARS 2014

R.G. No 12/02981

AFFAIRE :

SARL TRANSPORTS GUYAMIER

C/

Etablissement Conseil National des Barreaux CNB ETABLISSEMENT D'UTILITE PUBLIQUE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mars 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre :

No Section :

No RG : 2011F03049

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le

: 06.03.2014

à :

Me Patricia MINAULT,

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU,

TC NANTERRERÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE 06 MARS DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

13ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 06 MARS 2014

R.G. No 12/02981

AFFAIRE :

SARL TRANSPORTS GUYAMIER

C/

Etablissement Conseil National des Barreaux CNB ETABLISSEMENT D'UTILITE PUBLIQUE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mars 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre :

No Section :

No RG : 2011F03049

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 06.03.2014

à :

Me Patricia MINAULT,

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU,

TC NANTERRERÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE 06 MARS DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL TRANSPORTS GUYAMIER

Au capital de 75.180 euros RCS BORDEAUX 300 164 381 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Les Isards - 33810 AMBES

Représentée par Maître Patricia MINAULT, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - No du dossier 20120298 et par Maître Romain GEOFRROY, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

APPELANTE

****************

SARL INVESTISSEMENT et CONSEIL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

1, rue du Chateau - 92100 BOULOGNE BILLANCOURT

Représentée par Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES - No du dossier 000314 et par Maître P. HERBECQ, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEES

Etablissement Conseil National des Barreaux CNB ETABLISSEMENT D'UTILITE PUBLIQUE AGISSANT EN LA PERSONNE DE SON PRESIDENT EN EXERCICE

22 rue de Londres - 75009 PARIS

Représenté par Maître Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE et ASSOCIÉS, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 52 - No du dossier 016777 et par la SCP BROUARD et Associés, avocats plaidants au barreau de PARIS

INTERVENANT VOLONTAIRE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Décembre 2013 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annie VAISSETTE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,

La société Investissement et conseil (la société I et C ) exerce, selon son immatriculation au registre du commerce, une "activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion" et a obtenu le 30 septembre 2009 le certificat de qualification professionnelle des sociétés et ingénieurs conseils en management délivré par l'Organisme professionnel de qualification des conseils en management (OPQCM) au titre de l'activité finances-audit, conseil et gestion des risques financiers et d'assurances.

Par acte sous seing privé du 28 octobre 2010, elle a conclu avec la société Transports Guyamier (la société Guyamier) une convention d'économie de coûts sociaux qui a donné lieu à l'établissement d'un rapport daté du 6 décembre 2010.

Le 28 janvier 2011, la société I et C a adressé la facture des frais de déplacement de son expert pour un montant de 980,31 euros qui est demeurée impayée.

Le 12 avril 2011, la société I et C a envoyé à la société Guyamier une facture no11-048 de rémunération forfaitaire égale à la moitié des économies prévisionnelles sur 36 mois, soit un montant de 629 993 euros.

Aucune suite n'a été donnée à ces courriers et factures de sorte que la société I et C a adressé le 28 avril 2011 une mise en demeure de payer les deux factures qui est restée sans effet.

Par acte du 29 juillet 2011, la société I et C a assigné la société Guyamier devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement du 28 mars 2012, a :

-condamné la société Guyamier à payer à la société I et C la somme de 630 973, 31 euros avec intérêts au taux de 1% par mois de retard, à compter de l'échéance, conformément à l'article 3-5 du contrat, capitalisés selon les dispositions de l'article 1154 du code civil,

-condamné la société Guyamier à payer à la société I et C la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour du 23 avril 2012, la société Guyamier a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions d'intervention volontaire du 30 octobre 2013, le conseil national des barreaux (CNB) est intervenu dans la présente instance.

Par dernières conclusions du 27 septembre 2013, la société Guyamier demande à la cour de :

-réformer l'intégralité du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre,

-juger recevable l'intervention du CNB,

-constater la recevabilité de l'appel et l'abandon de la fin de non-recevoir soulevée par la société I et C,

à titre principal,

-constater que la société I et C exerce une activité illicite , qu'elle a manqué à son obligation de conseil et annuler la convention liant les parties,

à titre subsidiaire,

-juger que le montant réclamé n'est ni sérieux ni justifié,

à titre infiniment subsidiaire et en cas de condamnation de la société Guyamier,

-ordonner une expertise afin de déterminer le coût du travail effectué et de chiffrer le montant des économies et remboursements auxquels aurait eu droit la société Guyamier,

-condamner la société I et C à lui payer la somme de 50 000 euros pour le préjudice subi du fait de la saisie-conservatoire abusive,

-condamner la société I et C à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions du 16 décembre 2013 la société I et C demande à la cour de:

- dire que la convention du 28 octobre 2010 est valable et licite,

-constater qu'elle n'a commis aucun manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles,

-constater que la société Guyamier n'a pas communiqué à I et C les informations nécessaires au calcul de ses honoraires,

-constater en conséquence que l'article 3-4 du contrat est applicable,

-confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Guyamier à lui payer la somme de 630 973,31 euros avec intérêts,

débouter la société Guyamier de l'ensemble de ses prétentions,

condamner la société Guyamier à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Sur l'intervention volontaire et les demandes du CNB,

-constater que la société I et C est titulaire depuis décembre 2004 d'un certificat délivré par l'OPQCM en finances-audit, conseil et gestion des risques financiers et d'assurances-optimisation des coûts,

-dire qu'elle était habilitée à fournir des consultations juridiques, constituant l'accessoire nécessaire de son activité principale de conseil et d'audit conformément aux dispositions de l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971,

-juger que dans le cadre de sa mission et de la convention conclue avec la société Guyamier, elle n'a pas contrevenu aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971,

-débouter le CNB de toutes ses demandes,

-débouter le CNB de son incident de communication de pièces,

-condamner le CNB à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d'incident de communication de pièces notifiées le 4 décembre 2013, le CNB demande à la cour d'ordonner à la société I et C, dans un délai de huit jours à compter de l'ordonnance à intervenir, la communication sous astreinte de 500 euros par jour de retard du dossier qu'elle a constitué en vue d'obtenir l'agrément professionnel qui lui a été délivré par l'OPQCM, et le ou les certificats qui lui ont été délivrés. Le CNB demande également la condamnation de la société I et C aux dépens de l'incident.

L'incident a été joint au fond par décision du conseiller de la mise en état.

Enfin, par dernières conclusions du 5 décembre 2013, le CNB demande à la cour de:

-déclarer son intervention recevable,

-dire la convention du 28 octobre 2010 illicite en ce qu'elle viole les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 car la société I et C fournit des prestations d'assistance juridique, en conséquence l'annuler,

-condamner la société I et C à lui verser un euro symbolique en réparation du préjudice moral subi,

-ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois journaux d'audience nationale et dans trois revues spécialisées de son choix, aux frais de la société I et C,

-enjoindre la société I et C de cesser d'exercer toute activité en violation de la loi du 31 décembre 1971 et de mettre un terme à toutes les conventions passées en violation de ces dispositions, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

-dire que l'interdiction portera sur toute consultation juridique quelle qu'en soit la forme: consultation téléphonique, courriel, rapport, étude, expertise,

-débouter la société I et C de ses demandes dirigées à l'encontre du CNB,

condamner la société I et C à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel formé par la société Guyamier :

Si dans le corps de ses dernières conclusions, en pages 5 et 6, la société I et C fait valoir que l'appel formé par la société Guyamier est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir comme n'ayant pas succombé en ses demandes en première instance puisqu'elle ne formulait aucune demande mais seulement des demandes de constats, le dispositif des mêmes écritures ne comporte aucune demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable.

En conséquence, la cour ne statuant, aux termes de l'article 954 du code de procédure civile , que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, elle n'est en l'espèce pas saisie d'une fin de non-recevoir relative à l'appel de la société Guyamier, dont il y a lieu surabondamment de relever qu'elle est dépourvue de fondement puisque les condamnations prononcées par le tribunal montrent que la société Guyamier a succombé en première instance.

Sur l'intervention et l'incident de communication de pièces du CNB :

La recevabilité de l'intervention volontaire du CNB n'est pas contestable eu égard aux dispositions de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 et elle ne fait au demeurant l'objet d'aucune contestation en l'espèce.

Le CNB, par conclusions d'incident du 4 décembre 2013 jointes au fond, fait valoir qu'il serait utile aux débats de voir communiqués les documents nécessaires à l'obtention par la société I et C de l'habilitation OPQCM parce que ces documents contiendraient des informations sur la nature de l'activité principale de la société I et C, telle que déclarée à l'OPQCM. Il déclare fonder sa demande sur les dispositions des articles 133, 134 et 138 du code de procédure civile.

La société I et C fait valoir que l'agrément OPQCM attribué en 2004 a été régulièrement versé aux débats et que, dès lors, la demande de communication de l'entier dossier remis à cet organisme en 2004 apparaît comme hors de propos par rapport au litige. Elle ajoute que le recours au juge par la voie d'un incident de communication de pièce doit être précédé d'un refus ou d'un défaut de communication, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et rend la demande du CNB mal fondée.

Sur ce:

Le CNB est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 30 octobre 2013 alors que les sociétés Guyamier et I et C avaient déjà conclu sur le fond. Elle n'a pas alors demandé la production du dossier constitué par I et C en vue d'obtenir l'agrément OPQCM et ne lui a pas davantage fait sommation de le produire. Le CNB a en outre été en mesure de conclure de nouveau de manière complète sur le fond du litige dès le 5 décembre 2013 sans attendre le résultat des conclusions d'incident de communication de pièces signifiées la veille.

Ainsi, outre son caractère tardif, la demande visant à obtenir la communication du dossier complet constitué par I et C en vue d'obtenir son agrément par l'OPQCM est dépourvue d'utilité pour la solution du présent litige puisque la cour dispose du certificat OPQCM délivré à la société I et C, de la convention conclue entre cette société et la société Guyamier, du rapport établi en exécution de cette convention qui retrace les diligences et travaux accomplis, de sorte que ces éléments suffisent pour apprécier la réalité de l'activité principale de la société I et C et pour qualifier la nature des prestations contractuelles litigieuses.

La demande de communication du dossier constitué par I et C en vue d'obtenir l'agrément OPQCM doit donc être rejetée.

Sur le caractère licite de la convention du 28 octobre 2010 :

La société Guyamier fait valoir la nullité de la convention litigieuse en raison de l'activité illicite exercée par la société I et C. Elle reconnaît que cette dernière dispose de l'agrément OPQCM, nécessaire à l'application de l'article 60 de la loi de 1971, mais soutient que son activité principale d'audit constitue à elle seule une prestation juridique, pour laquelle la société I et C n'est pas habilitée, en application de l'article 54 de la loi de 1971. Elle estime que le rapport remis par I et C est une consultation juridique car il ne s'agit pas d'une simple énumération de textes applicables mais d'une réelle analyse permettant à l'entreprise de faire un choix.

Le CNB fait valoir que la prestation assurée par la société I et C est une consultation juridique, définie comme un avis juridique personnalisé donné par un professionnel, de nature à induire une éventuelle prise de décision. Il indique également que l'objet de la convention d'économie de coûts sociaux conclue le 28 octobre 2010 est d'examiner, analyser les dépenses dans le but d'y rechercher des économies pour le poste des charges sociales et des coûts sociaux, que la convention prévoit la rédaction de recommandations et la préconisation des mesures à mettre en ¿uvre, pour concourir à une prise de décision par la société Guyamier, et que la société I et C s'est livrée à une analyse des textes et de la doctrine applicables. Le CNB en conclut que la société I et C a pour activité principale l'offre de consultations juridiques.

La société I et C fait valoir que l'activité qu'elle exerce est licite. Elle indique que la dérogation prévue à l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971 signifie qu'une société de conseil en management justifiant d'un agrément délivré par l'OPQCM-ISQ peut réaliser des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé, à la condition que ces consultations relèvent directement de son activité principale de conseil en management et que la rédaction d'actes soit l'accessoire de cette activité.

Elle ajoute que son activité principale a pour objet le conseil en organisation d'entreprise, qu'elle s'emploie à calculer quelles économies de charges d'exploitation pourraient être réalisées et mises en ¿uvre au sein des entreprises. Elle indique que l'analyse comptable et financière constitue ainsi sa mission essentielle et que son rapport est quasiment exclusivement consacré aux calculs et implications financières de ses préconisations.

Elle ajoute que le rapport se borne à reproduire les textes en cause sans en fournir aucune analyse, ce qui ne constitue par une consultation juridique.

Sur ce:

Aux termes de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 7 avril 1997, nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui :

1o S'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique

appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66.

Les personnes mentionnées aux articles 56, 57 et 58 sont réputées posséder cette compétence

juridique.

Pour les personnes exerçant une activité professionnelle réglementée mentionnées à l'article 59, elle résulte des textes les régissant.

Pour chacune des activités non réglementées visées à l'article 60, elle résulte de l'agrément donné,

pour la pratique du droit à titre accessoire de celle-ci, par un arrêté, pris après avis d'une commission, qui fixe, le cas échéant, les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des personnes exerçant cette activité et souhaitant pratiquer le droit à titre accessoire de celle-ci.

Et selon l'article 60 de la même loi, les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité.

Il est constant que la société I et C, qui relève de la catégorie des personnes qui exercent une activité non réglementée, bénéficie d'un agrément OPQCM délivré le 30 septembre 2009 pour une durée de quatre ans, en cours de validité lors de la signature et de l'exécution du contrat litigieux au titre de l'activité " finances-audit, conseil et gestion des risques financiers et d'assurances". Elle peut donc se prévaloir des dispositions légales précitées.

Sur le fondement de l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971, le professionnel ayant reçu un agrément OPQCM peut en conséquence exercer une activité de consultation juridique dès lors que celle-ci relève directement de son activité principale qui ne peut, quant à elle, être de nature juridique.

Ainsi la société I et C peut donner des consultations juridiques dès lors que celles-ci relèvent directement de son activité principale agréée d'audit technique et rédiger des actes sous seing privé qui en constituent l'accessoire nécessaire.

La mission conférée à la société I et C aux termes de la convention d'économie de coûts sociaux signée le 28 octobre 2010 avec la société Guyamier consistait à « examiner et analyser les coûts et/ou les charges d'exploitation du client, dans le but de réaliser des économies ou réductions sur les coûts sociaux du client".

Si le contrat comporte peu de précisions sur la méthodologie suivie et sur la nature des travaux à mener par I et C, le rapport daté du 6 décembre 2010 permet d'appréhender les prestations effectivement fournies.

Il faut tout d'abord relever que ce rapport comporte en introduction la présentation du groupe ABV dont dépend la société I et C qui souligne que les consultants spécialisés sont des avocats, juristes, fiscalistes, logisticiens, ingénieurs, acheteurs, financiers, généralistes.

Pour la société Guyamier, cinq postes ont été étudiés afin d'identifier des économies possibles pour l'avenir et d'éventuels remboursements à obtenir à la suite de trop-versés.

Ces postes sont relatifs au versement transport, à la déduction forfaitaire des cotisations patronales pour les heures supplémentaires(loi TEPA), à la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels à imputer sur l'assiette des cotisations, au taux de cotisations AT (accident du travail) pour le personnel de bureau et au traitement des absences maladie, maternité, accident du travail.

Pour chacun des postes, le rapport est construit de manière identique :

1-citation des textes et références comportant la liste des dispositions législatives ou réglementaires applicables avec des ajouts comportant des références de jurisprudence et le cas échéant la mention de circulaires,

2-la partie Dispositions applicables consiste en une analyse des textes et à une explication de leur mise en oeuvre avec des exemples concrets comportant le cas échéant encore des références de jurisprudence,

3-suit l'examen de la "situation des transports Guyamier" qui est un diagnostic précis et circonstancié de la pratique de l'entreprise suivi d'un conseil destiné à la modifier dans le but de diminuer le coût du poste correspondant ou d'optimiser l'économie possible,

4-Les préconisations I et C développent ensuite de manière concrète et détaillée les actions à mener pour parvenir à la réduction des coûts attendus

5-Enfin, les Enjeux financiers évaluent de manière chiffrée les gains possibles se décomposant en économies attendues et/ou remboursements escomptés .

La lecture de ce rapport démontre que , contrairement aux prétentions de la société I et C, l'analyse comptable et financière est absente tandis que la partie consacrée aux calculs et implications financières des préconisations n'est que la conséquence et la mise en oeuvre de l'analyse juridique qui la précède.

En effet, la prestation réalisée par la société I et C dépasse notablement la reproduction des textes applicables, il est fourni une analyse des textes applicables, confrontée à la situation et aux pratiques de la société cliente en matière de coûts sociaux, pour en dégager les incohérences ou les erreurs et préconiser de manière précise les actions à mener, tant pour les déclarations à effectuer pour l'avenir auprès des organismes concernés, que pour les demandes de remboursement à envisager.

En conclusion du rapport, la société I et C indique en outre à son client que s'il décide de mettre en place ses recommandations, elle l'accompagnera dans cette démarche et dans les relations avec les différents organismes en prenant notamment en charge les courriers éventuels à leur adresser et elle propose à sa cliente de lui envoyer par retour les courriers de demande d'arrêt de la prescription dont elle précise qu'elle est de 36 mois.

Enfin , la deuxième partie du rapport est consacrée à un exposé et une analyse juridiques d'ordre général étayés d'exemples sur les différents postes objets de la prestation de recherche d'économie qui s'apparente à une sorte de manuel de référence pour l'entreprise cliente.

Ainsi, le rapport d'audit versé au dossier démontre que l'intégralité de la prestation fournie par la société I et C à la société Guyamer en exécution de la convention d'économie de coûts sociaux relevait d'une prestation à caractère juridique en ce qu'elle ne se bornait pas à la diffusion d'une simple information de type documentaire mais tendait à analyser, poste par poste, chaque situation juridique de manière personnalisée, à en résoudre les difficultés et à concourir directement à la prise de décision par le client par des préconisations détaillées.

Il ressort de cet examen que, loin de délivrer à sa cliente une consultation juridique accessoire d'une prestation d'audit réalisée à titre principal au titre de son activité agréée de "finances-audit, conseil et gestion des risques financiers et d'assurances", la société I et C a en réalité fourni à la société Guyamier une prestation de nature juridique à titre principal en violation des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 et de son habilitation OPQCM.

En conséquence, la convention litigieuse doit être annulée comme reposant sur une cause illicite, conformément au dispositions des articles 1131 et 1133 du code civil , la contrepartie attendue par la société Guyamier et déterminante de son engagement lors de la signature de la convention résidant dans les prestations précitées prohibées.

Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions et la société I et C déboutée de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts de la société Guyamier:

La société Guyamier réclame la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la saisie conservatoire abusive pratiquée les 31 juillet, 1er et 2 août 2012 qui a permis d'immobiliser la somme de 28 760, 28 euros en faisant valoir qu'elle a occasionné de nombreux frais bancaires indus.

L'issue du litige montre que la société I et C ne disposait pas d'une créance de nature à fonder la saisie conservatoire pratiquée de sorte qu'elle doit indemniser le préjudice induit par cette voie d'exécution.

Au vu des pièces produites (numéros 19 et 19-1), la société Guyamier justifie de frais bancaires induits par la saisie litigieuse imputés sur ses comptes par la BNP Paribas et par le CIC Sud ouest à concurrence de 179 + 95 = 274 euros , les autres frais essentiellement pour commissions d'intervention, apparaissant étrangers à la saisie pour avoir été antérieurement inscrits au débit de ses comptes.

Ainsi, le préjudice né des frais bancaires justifiés pour 274 euros et de l'immobilisation de la somme saisie sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes du CNB

Le CNB indique avoir subi un préjudice moral résultant de l'atteinte à la réglementation de l'exercice du droit, organisée par la loi du 31 décembre 1971 qui encadre l'exercice des professions juridiques dans le but de protéger les usagers du service public de la justice et du droit.

Le CNB ajoute que cette atteinte justifie une mesure de publication du présent arrêt dans un souci d'information du public, ainsi qu'une mesure d'interdiction à la société I et C de donner des consultations juridiques et de proposer des prestations relevant de l'assistance juridique.

Sur ce :

En premier lieu, en donnant des consultations juridiques à titre principal, en violation des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1971, la société I et C a causé au CNB, en charge de représenter la profession d'avocat, un préjudice moral qui doit être réparé par l'octroi de la somme sollicitée d'un euro à titre de dommages-intérêts.

Ensuite, alors que seule la convention litigieuse, à l'exclusion de toute autre passée par la société I et C, et dont au demeurant la teneur des prestations à fournir n'est pas connue, se trouve à l'origine de la présente instance, la cour ne peut accueillir les prétentions émises par le CNB visant, par une condamnation générale, en l'absence des cocontractants concernés, à enjoindre à la société L. B. Conseils de cesser toute activité en violation de la loi du 31 juillet 1971et de "mettre un terme à toutes les conventions passées en violation des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et à dire que l'interdiction portera sur toute consultation juridique quelle qu'en soit la forme : consultation téléphonique, courriel, rapport, étude, expertise..."

En conséquence, la portée de l'arrêt, limitée au contrat passé entre la société I et C et la société Guyamier, ne justifie pas la mesure de publication demandée par le CNB qui n'est d'ailleurs pas sollicitée par la société Guyamier elle-même.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande de communication de pièces formée par le CNB,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 28 mars 2012,

Statuant à nouveau,

Annule le contrat conclu entre la société Transports Guyamier et la société Investissement et conseil le 28 octobre 2010,

Rejette toutes les demandes de la société Investissement et conseil,

Condamne la société Investissement et conseil à payer à la société Transports Guyamier la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne la société Investissement et conseil à payer à la société Transports Guyamier la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ajoutant au jugement,

Déclare recevable l'intervention du Conseil national des barreaux,

Condamne la société Investissement et conseil à payer au Conseil national des barreaux la somme de un euro à titre de dommages-intérêts,

Rejette les demandes du Conseil national des barreaux tendant à la publication du présent arrêt et à la cessation sous astreinte de l'activité de la société Investissement et conseil,

Condamne la société Investissement et conseil à payer au Conseil national des barreaux la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Investissement et conseil aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13ème chambre
Numéro d'arrêt : 12/02981
Date de la décision : 06/03/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

La loi 71-1130 du 31 décembre 1971, dans ses articles 54 et suivants, définit les personnes disposant seules du droit de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé. L’article 60 de la loi autorise les personnes justifiant d’une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé, à donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et à rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité. Une société bénéficiant d'un agrément OPQCM au titre de l'activité « finances-audit, conseil et gestion des risques financiers et d'assurances » qui, pour déterminer les obligations sociales d’une société cliente, analyse, poste par poste, chaque situation juridique de manière personnalisée et préconise de manière détaillée les mesures qu’il convient de prendre, se livre à une consultation juridique à titre principal et non à titre d’accessoire à l’activité pour laquelle elle est agréée. Il s’en déduit que la convention litigieuse doit être annulée comme reposant sur une cause illicite, conformément aux dispositions des articles 1131 et 1133 du code civil, la contrepartie attendue par la société cliente et déterminante de son engagement lors de la signature de la convention résidant dans les prestations précitées prohibées

La loi 71-1130 du 31 décembre 1971, dans ses articles 54 et suivants, définit les personnes disposant seules du droit de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé. L’article 60 de la loi autorise les personnes justifiant d’une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé, à donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et à rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité. Une société bénéficiant d'un agrément OPQCM au titre de l'activité « finances-audit, conseil et gestion des risques financiers et d'assurances » qui, pour déterminer les obligations sociales d’une société cliente, analyse, poste par poste, chaque situation juridique de manière personnalisée et préconise de manière détaillée les mesures qu’il convient de prendre, se livre à une consultation juridique à titre principal et non à titre d’accessoire à l’activité pour laquelle elle est agréée. Il s’en déduit que la convention litigieuse doit être annulée comme reposant sur une cause illicite, conformément aux dispositions des articles 1131 et 1133 du code civil, la contrepartie attendue par la société cliente et déterminante de son engagement lors de la signature de la convention résidant dans les prestations précitées prohibées


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2014-03-06;12.02981 ?
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