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27/03/2014 | FRANCE | N°12/01627

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 27 mars 2014, 12/01627


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

CRF

5ème Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 27 MARS 2014



R.G. N° 12/01627 à 12/01636

R.G. N° 12/01705 à 12/01707

R.G. N° 12/01733



AFFAIRE :



[L] [H]

...



C/

Me [O] [B] - Mandataire liquidateur de la SAS IMPRIMERIE LA LOUPE QUEBECOR



UNEDIC AGS CGEA [Localité 6]





Décisions déférées à la cour : Jugements rendus le 28 Février 2012 par le Co

nseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

Section : Industrie

N° RG : 11/00195 - 11/00107 11/00192 à 11/00194 - 11/00196 -11/00198 - 11/00199

11/00201 à 11/00203 - 11/0206 - 11/00207 - 11/00211



Copies exécutoir...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

CRF

5ème Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 MARS 2014

R.G. N° 12/01627 à 12/01636

R.G. N° 12/01705 à 12/01707

R.G. N° 12/01733

AFFAIRE :

[L] [H]

...

C/

Me [O] [B] - Mandataire liquidateur de la SAS IMPRIMERIE LA LOUPE QUEBECOR

UNEDIC AGS CGEA [Localité 6]

Décisions déférées à la cour : Jugements rendus le 28 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

Section : Industrie

N° RG : 11/00195 - 11/00107 11/00192 à 11/00194 - 11/00196 -11/00198 - 11/00199

11/00201 à 11/00203 - 11/0206 - 11/00207 - 11/00211

Copies exécutoires délivrées à :

AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON

SCP FROMONT-BRIENS ET ASSOCIES

SELARL FIDAL

Copies certifiées conformes délivrées à :

[D] [V]

[AV] [K]

[O] [Y]

[P] [E]

[LS] [N]

[I] [Z]

[C] [A]

[S] [A]

[L] [H]

[M] [U]

[G] [F]

[Q] [YU]

Mme [T] [RI]veuve [R]

[VB] [HZ]

Me [O] [B] - Mandataire liquidateur de la SAS IMPRIMERIE LA LOUPE QUEBECOR

UNEDIC AGS CGEA [Localité 6]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT MARS DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [L] [H]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

comparant en personne, assisté de Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 02

Monsieur [D] [V]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Monsieur [AV] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Monsieur [O] [Y]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Monsieur [P] [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Monsieur [LS] [N]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

Monsieur [C] [A]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Monsieur [S] [A]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Monsieur [M] [U]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Monsieur [G] [F]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

Monsieur [Q] [YU]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Madame Mme [T] [RI] veuve [R], venant aux droits de Mr [PL] [R], décédé

[Adresse 14]

[Adresse 14]

Madame [VB] [HZ]

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparants, représentés par Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 02

APPELANTS

****************

SELARL P J A représentée par Me [B] [O] - Mandataire liquidateur de la SAS IMPRIMERIE LA LOUPE QUEBECOR

[Adresse 10]

[Adresse 10]

représenté par Me Cécilia ARANDEL de la SCP FROMONT-BRIENS ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 104

UNEDIC AGS CGEA [Localité 6]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

représentée par Me Sandrine BEAUGE-GIBIER de la SELARL FIDAL, avocat au barreau de CHARTRES

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 20 Février 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller faisant fonction de président,

Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE,

La société Imprimerie La Loupe, anciennement dénommée Imprimerie La Loupe Quebecor, faisait partie, jusqu'en juin 2008, du groupe Quebecor Europe lui même dépendant du groupe Quebecor World Inc dont les activités nord américaines ont été placées sous protection judiciaire en janvier 2008.

Au début de l'année 2008, les activités européennes du groupe Quebecor ont été cédées à un investisseur néerlandais privé, HHBV, détenteur, par l'intermédiaire de la société Quattro Holding BV, de participations diverses dans plusieurs activités économiques. Un nouveau groupe européen a été constitué, le groupe Circle Printers, regroupant l'ensemble des sociétés de l'ancien groupe Quebecor Europe dont la société Imprimerie la Loupe.

Lors de réunions tenues en juillet et septembre 2008, la société Imprimerie la Loupe a présenté à son comité d'entreprise un projet d'arrêt d'activité et un plan de sauvegarde de l'emploi ; concomitamment, un accord de méthode a été conclu le 7 août 2008 avec l'ensemble des organisations syndicales et le comité d'entreprise.

A partir d'octobre 2008, les salariés ont été licenciés pour motif économique dans les termes suivants :

'...au titre de l'année 2007, Quebecor World a enregistré une perte nette de 2,2 milliards de dollars et le groupe Quebecor Europe, devenu depuis Circle Printers a enregistré, sur la même période, d'importantes pertes.

Les résultats du groupe Circle Printers, nouvelle dénomination du groupe Quebecor Europe, sont dramatiquement et systématiquement déficitaires depuis plusieurs années.

Le résultat d'exploitation est ainsi passé, sur ce périmètre, de -13 502K euros en 2006, à -41 789 K euros en 2007 pour atteindre -32 847K euros à mai 2008.

Dans le même temps, les ventes nettes n'ont cessé de chuter, passant de 372 953K euros à 340 645K euros en 2007 et seulement 123 556K euros à mai 2008.

Ces résultats s'expliquent par l'effondrement du marché de l'imprimerie en Europe, tous procédés confondus, qui provoque depuis quelques années une crise sans précédent de ce secteur d'activité....

Cette tendance baissière des indicateurs de l'offre se poursuit en 2008 compte tenu de la persistance de conditions de marché difficiles.

Dans ce contexte, et au niveau de la société Imprimerie la Loupe ,les résultats sont, depuis 2004, en situation de dégradation chronique sous le double effet d'une part de la baisse des prix de vente et d'autre part, de l'échec de la mise en place de l'investissement dans une machine de 96 pages et ce malgré les efforts constants d'organisation et de maîtrise des coûts .

Les résultats des derniers exercices de l'imprimerie La loupe sont ainsi passés de -1 917 199 euros pour 2005 à -4 706 591 euros en 2006 et -12 431 803 euros pour 2007.

Le résultat d'exploitation , au mois d' août 2008, est de -2 035 000 euros et l'excédent brut d'exploitation est de - 1 644 000 euros .

Dans ce contexte dramatique, la sauvegarde de la compétitivité du groupe Circle Printers impose une profonde restructuration induisant, notamment, l'arrêt de l'activité de la société Imprimerie La Loupe et la suppression de votre poste de travail ( précisé).

Concomitamment à la présentation de ce projet d'arrêt d'activité, un plan de sauvegarde de l'emploi a été présenté, pour avis au comité d'entreprise .... lequel intègre un ensemble de mesures d'accompagnement ayant pour objet d'éviter les licenciements ou en limiter le nombre et de faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité.

Dans ce cadre, et après une recherche exhaustive et individualisée des solutions de reclassement au sein du groupe, nous vous avons, par courrier en date du 7 octobre 2008, proposé deux solutions de reclassement (précisées)....

Vous avez refusé ces propositions de reclassement par courrier en date (précisée).

Aujourd'hui, et au vu de ce qui précède , nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique ...'.

Ultérieurement, la société Imprimerie la Loupe a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Chartres par jugement du 23 septembre 2009 qui n'a pas autorisé la poursuite de l'activité et a désigné maître [B] en qualité de mandataire liquidateur.

Quatorze salariés embauchés entre 1978 et 2002 en qualité de conducteur, bobinier, électricien secrétaire, responsable environnement, animateur ou agent d'entretien, ont saisi le conseil de prud'hommes de Chartres section industrie, au cours des mois de septembre et octobre 2009 pour contester le bien-fondé ou la validité de leur licenciement.

Par jugements du 28 février 2012, le conseil de prud'hommes de Chartres , a :

- débouté ces salariés de leurs demandes tendant à dire leur licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, voire nul suite à la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi ;

- rejeté les demandes de certains d'entre eux tendant à la requalification de contrats de mission ou à durée déterminée et les demandes subséquentes.

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ces salariés ont a régulièrement relevé appel de ces décisions et les parties ont convoquées à l'audience du 20 février 2014.

Vu les écritures déposées et développées oralement à l'audience par lesquelles :

-la requalification de leur relation contractuelle ab initio et le paiement de l'indemnité subséquente ont été demandées à hauteur de :

* 10 000 euros par M. [U],

* 5 000 euros par M. [Z],

* 8 000 euros par M. [N],

* 10 000 euros par M. [E],

* 10 000 euros par M. [Y] ;

* 5 000 euros par M. [F].

- le paiement d'un rappel d'indemnité de licenciement a été sollicité à hauteur de :

* 504,39 euros par M. [U],

* 166,56 euros par M. [Z],

* 1 141,70 euros par M. [N],

* 1 493,02 euros par M. [E] .

- M. [E] a demandé paiement d'un rappel de salaire d'un montant de 13 900,83 euros et congés payés y afférents ;

-des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été sollicités à hauteur de :

* 66 670 euros par Mme [HZ] ,

* 86 000 euros par M. [A],

* 86 500 euros par M. [H],

* 38 600 euros par M. [N],

* 85 000 euros par M. [K],

* 73 015 euros par madame [R] venant aux droits de M. [R] [PL], décédé,

* 101 000 euros par M. [A],

* 82 500 euros par M. [YU],

* 52 000 euros par M. [Z],

* 64 300 euros par M. [U],

* 89 066 euros par M. [Y],

* 54 128 euros par M. [V],

* 51 858 euros par M. [E] ,

* 52 570 euros par M. [F],

les mêmes sommes étant subsidiairement réclamées à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul en raison de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi.

- le paiement de primes prévues au plan de sauvegarde de l'emploi a été demandé pour un montant de :

* 3 000 euros au titre de la prime de reclassement et 500 euros au titre de la prime mutuelle par M. [V] et Mme [HZ] ;

* 500 euros au titre de la prime mutuelle par Mme [R] ès qualité,

* 10 000 euros au titre de la prime de création ou de reprise d'entreprise par M. [U].

- chaque salarié a demandé le règlement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la garantie de l'AGS et la prise en charge des frais de l'article 10 du décret du 30 mars 2001.

Vu les écritures déposées et développées oralement par maître [B], ès qualités de mandataire liquidateur qui prie la cour de confirmer les jugements et de condamner chaque appelant au paiement d'une participation de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures déposées et développées oralement par le centre de gestion et d'étude de l'AGS (CGEA d'[Localité 6]) qui prie la cour de confirmer les décisions frappées d'appel et rappelle les conditions et limites de sa garantie.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Considérant que les affaires, connexes, seront jointes sous le numéro 12/01627, dans un souci de bonne administration de la justice.

A- les demandes de requalification de contrats de mission ou à durée déterminée .

Considérant que six salariés appelants demandent la requalification des contrats de mission ou à durée déterminée ayant précédé la signature de leur contrat de travail à durée indéterminée en arguant du caractère permanent et durable de leurs tâches et de l'inanité des motifs de recours allégués ; que maître [B] oppose l'absence de contestation antérieure, la réalité des motifs de recours ( surcroît d'activité ou remplacement de salarié absent) voire l'absence de pièce au soutien des contrats temporaires allégués ;

Considérant qu'aux termes des articles L1242-1, L1242-2 et L1245-1 du Code du travail , un contrat de travail à durée déterminée quel que soit son motif , ne peut être conclu que pour l'exécution d'un tâche précise et temporaire et pour des motifs limitativement énumérés tels que le remplacement d'un salarié absent ou un accroissement temporaire de l'activité de l' entreprise; qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en violation de ces dispositions; qu'il revient à l'employeur d'établir la réalité du motif de recours indiqué dans le contrat de travail à durée déterminée , sa seule mention étant insuffisante ; qu'en vertu de l'article L1245-2 du code précité, la requalification emporte paiement au salarié d'une indemnité de requalification d'un montant au moins égal au salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ;

Considérant que M [Y] a été engagé en qualité de chargé d'environnement par contrats de travail à durée déterminée en date des 3 novembre 2000 ( renouvelé le 1er janvier 2001 ) et 29 mars 2001 ( renouvelé jusqu'au 29 décembre 2001 ) , son embauche aux mêmes fonctions ayant été pérennisée par lettre datée du 2 janvier 2002 précisant une reprise d' ancienneté à compter du 2 novembre 2000; que le premier contrat de travail à durée déterminée a été conclu au motif d''un surcroît de travail temporaire et exceptionnel pour la qualité de l'environnement ' tandis que le second contrat temporaire visait la ' coordination des travaux qui auront lieu dans les trois mois à venir :mise en route de l'épurateur, installation d'une nouvelle machine' ; qu'aucune pièce n'est produite au soutien du motif du premier motif de recours, d'ailleurs non explicité , le second n'apparaissant pas parmi les cas permis par les dispositions de l'article L1242-2 du code du Code du travail ; que ni l'absence de contestation antérieure du salarié ni la prise en compte de l' ancienneté à la date d'entrée dans l' entreprise ne privent M [Y] de son droit à voir requalifier la relation de travail à durée indéterminée depuis le 2 novembre 2000 ; qu'en considération des circonstances de l'espèce , la créance de M [Y] du chef de l' indemnité de requalification sera fixée à la somme de 3000 euros .

Considérant qu'aux termes des articles L1251-5, L1251-6 et L1251-40 du Code du travail , le contrat de mission quel que soit son motif, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée mission et seulement dans des cas énumérés dont l'accroissement temporaire d'activité et le remplacement de salariés absents ; que lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance de ces dispositions, ce salarié peut faire valoir auprès d'elle les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission et percevoir une indemnité de requalification d'un montant au moins égal au salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ;

Considérant que messieurs [Z], [U], [N] et [F] ont été embauchés en vertu de contrats de mission mentionnant, à titre de motif de recours, un accroissement temporaire d'activité ou le remplacement d'un salarié absent ; qu'aucune pièce n'est versée au soutien de la réalité du surcroît d'activité ou de l'absence du salarié remplacé, les embauches définitives portant sur des fonctions identiques ; que cette carence emporte la requalification des contrats temporaires en contrat de travail à durée indéterminée à la date du premier contrat de mission de chaque salarié , peu important l'absence de contestation antérieure de celui ci ; qu'au regard du nombre de contrats précaires souscrits, la créance de ces quatre salariés sera ainsi fixée:

*5 000 euros pour M [U],

*4000 euros pour M [Z] ,

*5000 euros pour M [N];

*4000 euros pour M [F].

Considérant que M [E] , embauché en qualité de receveur par contrat de travail à durée indéterminée du 27 juin 2005, entend bénéficier de la requalification de la relation de travail antérieure ayant couru depuis le 13 février 2002 dans le cadre de très nombreux contrats de mission ;que maître [B] oppose le défaut de production de pièce au soutien de tels contrats

Que M [E] verse son contrat de travail à durée indéterminée en date du 27 juin 2005 qui indique qu'aucune période d'essai n'est prévue ' compte tenu des différentes missions déjà réalisées en intérim ' et une attestation de travail délivrée par la société Manpower mentionnant la réalisation de près de deux cents contrats de mission en qualité de manutentionnaire , bobineur et , en dernier lieu , receveur , fonction pour laquelle il a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée; qu'en dépit de l'absence de précision du nom de l' entreprise utilisatrice par la société de travail temporaire, les éléments fournis suffisent à établir la réalité du recours de la société Imprimerie la Loupe à de très nombreuses missions de M [E] ( 4 à 7 chaque mois entre 2002 et 2005) sans que la nature du motif de recours ne soit connu et a fortiori avéré ; que la relation de travail sera requalifiée à durée indéterminée à compter du 13 février 2002 , la créance de M [E] au titre de l' indemnité de requalification étant fixée à 6000 euros .

Considérant que M [E] demande à être payé des salaires correspondant aux périodes aux cours desquelles il n'a pas été employé par la société Imprimerie La Loupe sur la période comprise entre le 27 avril 2002 et le 5 avril 2005 ; que maître [B] conteste qu'il soit resté à disposition de la société pendant ces périodes ;

que, cependant, la somme annuelle des salaires perçus au titre des missions ( 17 755 euros en 2002, 21 586 euros en 2003, 23967 euros en 2004 et 11 231 euros en 2005 ) marque bien leur importance financière pour le salarié ; que l'examen des dates de mission révèle une répartition irrégulière mais constante sur chaque mois de la période visée, aucune latitude n'étant laissée au salarié pour s'organiser et rechercher un autre emploi entre deux missions ; que preuve est ainsi faite de ce que M [E] devait rester à disposition de la société ; qu'au regard de la prescription quinquennale soulevée par l'intimée et du salaire mensuel moyen de 2160,75 euros , la créance de M [E], au titre des périodes postérieures au 11 octobre 2004 est de 5257,83 euros et des congés payés y afférents (525,78 euros).

Considérant enfin , que les salariés qui ont bénéficié d'une requalification intégrale de leur relation contractuelle doivent percevoir un complément d' indemnité de licenciement calculé sur leur ancienneté globale ; que leur créance sera dès lors de :

*1493,02 euros (2953,02 euros - 1460 euros versés) pour M [E],

*504,39 euros (6543,51 euros -6039,12 euros) pour M [U],

*166,56 euros (3824,34 euros -3657,78 euros) pour M [Z],

*1141,70 euros (3903,93 euros -2762,23 euros) pour M [N],

étant noté que M [Y] a quant à lui été rempli de ses droits par l'employeur ayant retenu une ancienneté comprenant ses contrats de travail à durée déterminée .

B- le bien -fondé des licenciements économiques.

Considérant que les salariés contestent le motif économique de leur licenciement en se référant à l'absence d'élément relatif aux résultats du 'groupe HHBV' dont aurait dépendu leur l'employeur en octobre 2008; que maître [B] oppose l'appartenance de la société employeur au groupe Circle Printers dont les résultats justifiaient les mesures prises ;

Considérant qu'en juin 2008, le fonds d'investissement privé HHBV a pris des participations, par l'intermédiaire de la société Quattro Holding BV, au sein de sociétés holding dont Circle Printers Holding Bv, tandis que la société Imprimerie la Loupe entrait dans le groupe européen nouvellement constitué Circle Printers ; que la seule détention indirecte, par l'intermédiaire d'une banque ou d'un fonds d'investissement, de participations au capital d'une ou plusieurs sociétés ne suffit pas à caractériser l'existence d'un groupe au sein duquel le motif économique des licenciements doit être apprécié ; qu'il s'en suit que les lettres de licenciement ont justement fondé les mesures querellées sur les résultats du groupe européen Circle Printers dédié aux activités d'imprimerie dont relevait la société Imprimerie La Loupe ; que les précisions apportées sur les résultats juste antérieurs du groupe Quebecor Europe expliquaient quant à elles la genèse de la nouvelle configuration héritant de ces résultats déficitaires ;

Considérant que les pièces versées - dont les liasses fiscales et le rapport du Groupe Circle Printers traduit en langue française - établissent la réalité des résultats très déficitaires soit :

* un résultat net d'exploitation passé de - 13 502 000 euros en 2006 à - 41 789 000 euros en 2007 pour atteindre - 32 847 000 euros en mai 2008,

* une chute des ventes passant de 372 953 000 euros en 2006 à 279 075 000 euros en mai 2008 ;

que l'héritage de cette situation non redressée entre juin et octobre 2008, a emporté la nécessité, pour le nouveau groupe européen, de décider de l'arrêt de l'activité de la société Imprimerie la Loupe, d'autres sociétés ayant elles aussi dû procéder à des fermetures ou restructurations (Idaq à [Localité 7], Imprimerie de [Localité 4], Helio [Localité 5], [J] [W]...) ; que la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe en restructurant la filière du secteur graphique est suffisamment établie au regard des investissements indispensables.

Considérant que les salariés contestent ensuite le respect par la société employeur de son obligation de reclassement ; que les moyens développés mettant en cause le fonds d'investissement HHBV seront écartés, ce dernier ne constituant pas le groupe de reclassement ; qu'ensuite, preuve est rapportée que les autres sociétés du groupe Circle Printers ont été destinataires d'un courriel daté du 3 juillet 2008 sollicitant les autres sociétés du groupe ( Helprint OY, Hélio Charleroi, Oberndorfer Druckerei, Sormlands Grafiska, Impressia Iberica, Altair) qui ont répondu négativement par courriels versés en pièces 79 à 83 ; que chacun des salariés - y compris M. [E] (pièce 54) - a reçu deux propositions précises de reclassement et un tableau actualisé des postes proposés en France et en Europe avec indication pour chacun des postes de son intitulé, de sa localisation, du statut et de la rémunération ; que ces démarches constituent la marque d'une exécution loyale de l'obligation de reclassement, aucun salarié n'ayant accepté les postes proposés ni sollicité la société sur un des postes du tableau ; que la mention manuscrite- sans origine certaine - de l'indisponibilité du poste d'assistante commerciale ne contredit pas la bonne foi de l'employeur qui a confirmé à deux reprises la réalité du poste proposé à Mme [HZ] notamment ; qu'il n'appartient pas à la cour de juger de l'opportunité des propositions de poste dont l'inadéquation aux situations particulières n'est pas démontrée .

Considérant que les salariés soulèvent le non -respect par la société des dispositions des articles 19 et 20 de l'accord du 24 mars 1970 qui prévoient le recours à une commission régionale ou nationale de l'emploi ; que ces deux dispositions appartenant paragraphe A du titre III ne sont cependant pas applicables à la situation de l'entreprise relevant du paragraphe D du même titre dédié à la disparition complète de l'entreprise.

Considérant qu'en dernier lieu, quatre salariés (Mme [HZ], messieurs [V], [R] et [U]) font état du non respect de dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi , carence qui priverait les licenciements de certains d'entre eux de cause réelle et sérieuse ; que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait le paiement d'une prime de 3000 euros à tout salarié reclassé dans un délai maximum de 9 mois et d'une somme de 500 euros au salarié n'adhérant pas au maintien de la mutuelle (pages 52 et 54 du plan) ; que les pièces produites confirment que messieurs [V] et Mme [HZ] ont retrouvé un emploi dans le délai requis et ont- au même titre que M. [R]- réclamé la prime compensant la prise en charge de la mutuelle ; que la créance des trois salariés sera majorée à hauteur de :

* 3500 euros pour M. [V],

* 3500 euros pour Mme [HZ],

* 500 euros pour M. [R]

sans que le défaut de paiement de ces sommes prévues au plan de sauvegarde de l'emploi n'invalide celui-ci ;

Considérant qu'aucun intérêts de droit postérieur au 23 septembre 2009 ne sera dû.

Considérant que M. [U] ne démontre pas la validation de son projet de restauration rapide exigée par le plan de sauvegarde de l'emploi et sera débouté de ce chef.

Considérant que la société justifie suffisamment avoir respecté son obligation de recherche de reclassement ; que les jugements seront confirmés en ce qu'ils ont dit les licenciements fondés sur une cause réelle et sérieuse.

C- la nullité des licenciements pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi.

Considérant que les salariés contestent la validité du plan de sauvegarde de l'emploi dont l'indigence serait sans rapport avec les moyens du groupe ;

Considérant qu'aux termes des articles L1233-61 et L1233-62 du Code du travail, dans les entreprise de 50 salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ; que ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile ;

Considérant qu'aux termes de l'article L1235-10 du même code, la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou le groupe ; qu'en l'espèce, la validité du plan de sauvegarde de l'emploi présenté au comité d'entreprise entre juillet et septembre 2008, doit être appréciée au vu des moyens dont disposait le groupe Circle Printers auquel était rattaché la société Imprimerie La Loupe, sans considération pour les moyens du fonds d'investissement hollandais HHBV, seulement détenteur de participations ; que les pièces produites confirment que les résultats d'exploitation du groupe Circle Printers étaient déficitaires depuis plusieurs années (-13 502 K euros en 2006, - 41 789 K euros en 2007 et - (-13 502 K euros en 2006, - 41 789 K euros en 2007 et - 32 847 K euros en 2008) ; que toutes les sociétés du groupe Circle Printers ont fait l'objet d'une mesure de redressement judiciaire avant d'être liquidées à l'exception d'une seule ; que cet effondrement de l'activité de l'imprimerie en Europe s'est manifesté par la fermeture (IADQ à [Localité 7], Imprimerie de [Localité 4]) ou la restructuration de nombreuses sociétés (Helio Corbeil, [X] et [J] [W]);

Que le plan de sauvegarde de l'emploi querellé prévoit une convention de pré-retraite au bénéfice des salariés âgés de 56 ans et plus, leur permettant de percevoir un revenu de remplacement jusqu'à leur retraite, 69 postes de reclassement au sein du groupe accompagnés d'une action de formation /adaptation, d'une allocation temporaire dégressive, d'une reprise d'ancienneté, d'aides à la mutation géographique avec prise en charge des frais de déménagement et prime de mutation et d'installation et d'une aide à l'emploi du conjoint, un reclassement à l'extérieur du groupe, un congé de reclassement, une aide à la création ou la reprise d'entreprise, une antenne Emploi ; que la mise en oeuvre des formations était soumise à l'acceptation d'un poste de reclassement.

Que les mesures du plan de sauvegarde étaient ainsi en adéquation avec les moyens du groupe Circle Printers dont dépendait la société Imprimerie ; que les salariés seront déboutés de leur demande tendant à la nullité de leur licenciement.

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Considérant que maître [B] ès qualités supportera les dépens .

PAR CES MOTIFS,

La COUR, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision CONTRADICTOIRE,

Ordonne la jonction des procédures sous le numéro 12/01627 ;

Infirme les jugements du 28 février 2012 en ce qu'ils ont rejeté les demandes portant sur la requalifidation des contrats de travail temporaire, les demandes subséquentes et celles intéressant le paiement de sommes prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et statuant à nouveau de ces chefs :

- ordonne la requalification des contrats de travail ab initio des salariés ci après visés et fixe leur créance au passif de la société Imprimerie La Loupe aux sommes de :

* 3 000 euros pour M. [Y],

* 5 000 euros pour M. [U],

* 4 000 euros pour M. [Z],

* 5 000 euros pour M. [N],

* 4 000 euros pour M. [F],

* 6 000 euros pour M. [E].

Fixe la créance de M. [E], au titre des salaires des périodes non couvertes par les missions d'intérim aux sommes de 5257,83 euros et 525,78 euros.

Fixe la créance des salariés dont la relation de travail a été requalifiée (à l'exception de M. [Y]) aux sommes de :

* 504,39 euros par M. [U],

* 166,56 euros par M. [Z],

* 1 141,70 euros par M. [N],

* 1 493,02 euros par M. [E].

Fixe la créance au titre des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi aux sommes de :

* 3 500 euros pour M. [V],

* 3 500 euros pour Mme [HZ],

* 500 euros pour Mme [R].

Déboute M. [U] de sa demande de ce chef.

Dit que l'AGS CGEA d'[Localité 6] garantira le paiement de ces sommes dans les limites posées par les articles L3253-8 et suivants du Code du travail.

Confirme les jugements entrepris pour le surplus.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Maître [B] ès qualités aux dépens comprenant les honoraires prévus par l'article 10 du décret du 31 mars 2001.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, conseiller faisant fonction de président et par Madame Céline FARDIN, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 12/01627
Date de la décision : 27/03/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°12/01627 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-27;12.01627 ?
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