La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2014 | FRANCE | N°12/02319

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 26 juin 2014, 12/02319


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

CRF

5e Chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 26 JUIN 2014



R.G. N° 12/02319



AFFAIRE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE



C/

[W] [N]

Syndicat CGT employés de la CPAM 92



MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2012 par le Conseil de prud'hommes - For

mation de départage de NANTERRE

Section : Activités diverses

N° RG : F10/00779





Copies exécutoires délivrées à :



Me Florence GUARY



Me Annie DE SAINT RAT





Copies certifiées conformes délivrée...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

CRF

5e Chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 26 JUIN 2014

R.G. N° 12/02319

AFFAIRE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

C/

[W] [N]

Syndicat CGT employés de la CPAM 92

MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Activités diverses

N° RG : F10/00779

Copies exécutoires délivrées à :

Me Florence GUARY

Me Annie DE SAINT RAT

Copies certifiées conformes délivrées à :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

[W] [N]

Syndicat CGT employés de la CPAM 92

MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX JUIN DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

[Localité 1]

représentée par Me Florence GUARY, substitué par Me Dimitri PRORELIS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R271

APPELANTE

****************

Madame [W] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Annie DE SAINT RAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0919

Syndicat CGT employés de la CPAM 92

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Annie DE SAINT RAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0919

INTIMÉS

****************

MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non représentée

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 22 Mai 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller faisant fonction de président,

Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN

EXPOSÉ DES FAITS,

Madame [N] a été engagée en qualité d'employée aux écritures par la caisse primaire d'assurance maladie de la région parisienne (CPAMRP) à compter du 16 février 1953.

En 1981, la CPAMRP a été scindée en autant d'entités juridiques que de départements et ses effectifs ont été répartis au sein des caisses primaires d'assurance maladie nouvellement créées.

Le contrat de travail de madame [N] a été repris par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de seine.

Embauchée au coefficient 140, madame [N] occupait, lors de son départ à la retraite en 1993, le poste de technicien gestionnaire, niveau 3, coefficient 222 et son dernier salaire mensuel brut était de 1410€.

Ayant adhéré à la CGT en 1962, madame [N] a été :

- déléguée du personnel de 1962 à 1993 ;

- membre du comité d'entreprise de 1966 à 1972.

Estimant avoir subi un blocage de carrière du fait de ses responsabilités syndicales, madame [N] a saisi l'inspection du travail puis le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement du 6 avril 2012, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit que madame [N] a été victime d'une discrimination syndicale de la part de la caisse primaire d'assurance maladie 92 ;

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie 92 à verser à madame [N] les sommes suivantes :

*98 029,75 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

*1 000 € en réparation du préjudice moral ;

- dit que cette discrimination a créé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat CGT employés de la caisse primaire d'assurance maladie 92 représente ;

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie 92 à payer au syndicat CGT employés de la caisse primaire d'assurance maladie 92 la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ;

- déclaré le jugement opposable à la Drassif, au préfet et à la mission nationale de contrôle et d'audit ;

- débouté les parties des autres demandes et ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie 92 à verser à madame [N] la somme de 800 € et au syndicat CGT employés de la caisse primaire d'assurance maladie 92 la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse primaire d'assurance maladie 92 a régulièrement relevé appel de cette décision.

Vu les écritures déposées et développées à l'audience du 22 mai 2014 par lesquelles la caisse primaire d'assurance maladie 92 demande à la cour de :

- débouter madame [N] et le syndicat CGT employés de la caisse primaire d'assurance maladie 92 de leurs demandes ;

- subsidiairement, de cantonner l'indemnisation de la prétendue discrimination à la somme de 19 000,82 € et celle des préjudices moraux à 1000 € et 500 €.

Vu les écritures déposées et développées à l'audience par madame [N] et le syndicat CGT Employés de la caisse primaire d'assurance maladie 92 qui prient la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la caisse primaire d'assurance maladie 92à leur verser à chacun, la somme de 2 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Régulièrement convoquée, la mission nationale de contrôle et d'audit n'a pas comparu.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie 92 réfute toute discrimination syndicale motifs pris des accords passés avec les organisations syndicales et les règles posées pour la validation des degrés de compétence en tenant compte du temps passé au titre d'une activité syndicale ; qu'elle critique la méthode Clerc, statistiquement biaisée car reposant sur une fiction, des effectifs trop faible et une utilisation non pertinente de la moyenne au détriment d'un coefficient ou d'un salaire médian ; qu'elle précise qu'en tout état de cause, l'absence de tout document utile antérieur à 1982 ne permet pas d'établir de discrimination et par voie de conséquence de préjudice antérieur à cette date ; que le panel doit exclure tous les cadres ; que le bien 'fondé d'une majoration de 30% au titre de la retraite n'est pas établi.

Considérant que madame [N] et le syndicat CGT répondent que le panel de comparaison établi grâce aux documents transmis par l'employeur pour une autre salariée embauchée en 1962 (la caisse primaire d'assurance maladie n'ayant pas transmis de documents pour madame [N]) comporte les salariés entrés en 1962 au même emploi ou à un emploi de même niveau, dans la même branche professionnelle (prestations) devenus techniciens et présents dans l'effectif en 1993 soit 15 employés aux écritures dont ont été écartés les militants syndicaux concernés par la présente procédure, les agents ayant eu l'examen de cadre et ceux ayant changé de filière professionnelle enfin, les agents n'ayant pas satisfait à l'examen de technicien de prestations ; que le coefficient moyen du panel était ' en 1993 - de 275 tandis que celui de madame [N] était de 222 soit un différentiel de 53 points ; que la caisse primaire d'assurance maladie n'oppose aucune raison objective à cette discrimination ; que la prescription de quinquennale ne s'applique pas aux dommages et intérêts qui doivent réparer son entier préjudice selon la méthode de triangulation et avec une majoration de 30 % correspondant à la perte de retraite et de prime ; que sur une durée de 32 ans et un différentiel de salaire de 336,65 € par mois, elle doit percevoir une somme de 75 407,50 € majorée de 30 % soit 98 028,75 €.

Considérant qu'aux termes de l'article L2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter des décisions notamment en matière d'avancement, de rémunération et d'avantages sociaux ; que les heures de délégation syndicale sont considérées comme des heures de travail ; que la violation de ces dispositions donne lieu à des dommages et intérêts ; qu'en vertu de l'article L1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ;

Considérant que le juge doit se livrer à une étude comparative des salaires et coefficients des représentants du personnel et des autres salariés de l' entreprise à niveau de diplôme équivalent, à date d'embauche et à qualification et coefficients équivalents ;

Considérant que le premier reproche émis par la caisse primaire d'assurance maladie contre la méthode dite Clerc utilisée par les intimés repose sur le défaut de prise en compte des caractéristiques propres de chaque salarié (autonomie, esprit d'initiative, sens des responsabilités et compétences) de nature à influer sur le déroulement de sa carrière ; que ce moyen qui n'est pas de nature à remettre en cause la composition du panel de comparaison fondé sur les équivalences sus visées, devrait être utilisé par l'employeur, après établissement de la présomption de discrimination, au rang des raisons objectives justifiant des déroulements de carrière inégaux ; que la cour notera plus tard l'absence de toute précision de cet ordre.

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie reproche ensuite à l'intimée d'avoir constitué un panel trop restreint dont le résultat serait faussé par la très forte évolution d'un seul individu  ; qu'elle préconise de prendre en compte la notion de coefficient /salaire médian ; que ce moyen est inopérant dans la mesure où le panel proposé par madame [N] comporte 15 salariés, soit un chiffre suffisant pour permettre une comparaison fiable sans craindre l'effet d'une carrière individuelle fulgurante (la caisse primaire d'assurance maladie ne précisant d'ailleurs pas quel salarié du panel aurait bénéficié d'une telle progression faussant la pertinence de la comparaison et ne versant pas de panel reposant sur le coefficient /salaire médian).

Considérant que seuls les agents ayant réussi l'examen de cadre ont été écartés du panel ; que la caisse primaire d'assurance maladie estime que tous les cadres auraient dû l' être en raison de la démarche volontaire du salarié présidant à cette promotion ; que, cependant, la seule volonté d'un salarié de devenir cadre était insuffisante, un processus de présélection par la hiérarchie ayant été mis en place ; que le moyen de la caisse est inopérant.

Considérant qu'en dernier lieu, la caisse primaire d'assurance maladie 92 fait état de ce que, lors de sa création en 1982, elle a repris des agents de l'ancienne CPCAMRP sans connaître l'historique de leur carrière et qu'elle ne peut communiquer que leur date d'embauche et leur emploi à cette date sans pouvoir préciser leur évolution de carrière ; que cependant, cette situation n'a aucune conséquence sur l'évolution du panel après 1982 soit, concernant madame [N] pendant 11 ans, période d'une durée suffisante pour laisser présumer d'une discrimination .

Considérant que sont inopérantes les critiques de la caisse quant à la fiabilité de la méthode de comparaison utilisée ; que les résultats de celle-ci indiquent que le coefficient moyen de son panel était de 275 contre 222 en 1993 soit un delta de 53 points.

Considérant que ces éléments suffisent à faire présumer de l'existence d'une discrimination ; que la caisse n'y oppose aucune raison objective, étrangère à toute discrimination, la signature d'accords reflétant plutôt la reconnaissance par l'employeur de la réalité d'un différentiel dans l'évolution de carrière sans réparer le préjudice subi ; que la discrimination alléguée est suffisamment établie .

Considérant que la méthode Clerc permet l'évaluation du préjudice subi par la salariée selon la méthode dite de triangulation consistant à multiplier l'écart de salaire annuel par le nombre d'années de discrimination écoulé depuis le premier mandat syndical et à diviser le tout par deux pour tenir compte de la progressivité des effets de la discrimination ; que la caisse primaire d'assurance maladie demande en vain de limiter le nombre des années de discrimination à la période postérieure à 1982 (soit 11 ans) alors qu'elle ne produit aucun élément contredisant l'évolution de la discrimination au cours des années antérieures .

Considérant qu'au regard d'un différentiel de salaire de 366,65€ par mois sur 14 mois et de 32 années d'exercice de mandats syndicaux, le préjudice de madame [N] a été justement évalué à 75 407,50 € majorés de 30% représentant la perte de retraite et de primes soit un montant total de 98 028,75 €.

Considérant que l'inégalité de traitement pendant 32 ans a causé à madame [N] un préjudice moral distinct justement évalué par le premier juge à la somme de 1 000 €.

Considérant qu'en discriminant les membres des syndicats qui représentent les salariés au sein des institutions représentatives régulièrement élues, la caisse primaire d'assurance maladie a causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession dont la défense des droits ne doit être empêchée par les craintes de candidats potentiels à ces mandats ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la caisse primaire d'assurance maladie au paiement d'une somme de 500€à titre de dommages et intérêts.

Considérant que l'équité commande de condamner la caisse primaire d'assurance maladie 92 appelante à verser à madame [N] une somme complémentaire de 200€sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie 92 qui succombe supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La COUR, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision REPUTEE CONTRADICTOIRE,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 6 avril 2012 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant, condamne la caisse primaire d'assurance maladie 92 à verser à madame [N] la somme complémentaire de 200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie 92 aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, conseiller faisant fonction de président et par Madame Céline FARDIN, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 12/02319
Date de la décision : 26/06/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°12/02319 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-26;12.02319 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award