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06/11/2014 | FRANCE | N°13/02457

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 06 novembre 2014, 13/02457


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 NOVEMBRE 2014



R.G. N° 13/02457



AFFAIRE :



[G] [P]



C/



Association CDARS, représentée par M. [Q] [M] (Président)





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Activités diverses

N° RG : 1

2/00006





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL SELARL Philippe LAPILLE

Me [L]-marc SOUCHET





Copies certifiées conformes délivrées à :



[G] [P]



Association CDARS, représentée par M. [Q] [M] (Président)







le :

RÉPU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 NOVEMBRE 2014

R.G. N° 13/02457

AFFAIRE :

[G] [P]

C/

Association CDARS, représentée par M. [Q] [M] (Président)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Activités diverses

N° RG : 12/00006

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL SELARL Philippe LAPILLE

Me [L]-marc SOUCHET

Copies certifiées conformes délivrées à :

[G] [P]

Association CDARS, représentée par M. [Q] [M] (Président)

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [G] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparante en personne, assistée de Me Philippe LAPILLE de la SELARL SELARL Philippe LAPILLE, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : C0288)

APPELANTE

****************

Association CDARS, représentée par M. [Q] [M] (Président)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante en la personne de Monsieur [Q] [M], Président, assistée de Me Jean-marc SOUCHET, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : A0330)

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aude RACHOU, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

EXPOSE DU LITIGE

Madame [G] [P] a été engagée par l'Association Comité de Défense des Auditeurs de Radio Courtoisie (CDARS), qui gère la radio éponyme, d'abord, en qualité d'attachée de direction, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er [Date décès 1] 1998 puis à temps plein en qualité de directrice administrative à compter du 1er [Date décès 1] 2009, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 4 383 euros.

L'Association CDARS employait habituellement moins de 11 salariés au moment du licenciement et applique la convention collective de la radiodiffusion.

En septembre 2007, monsieur [Q] [M] (ci-après monsieur [M]) a succédé à la présidence de l'Association CDARS à [L] [H], fondateur de Radio Courtoisie, étant précisé que madame [P] a été la secrétaire particulière de monsieur [H] de 1980 jusqu'au décès de celui-ci survenu en [Date décès 1] 2006.

Madame [P] a été en arrêt de travail pour maladie continu à compter du 25 février 2011.

Le 1er décembre 2011, le médecin du travail a délivré la fiche suivante : 'inapte au poste de directrice administrative dans les conditions proposées-aucun reclassement possible dans l'entreprise', dans le cadre d'un seul examen au visa danger immédiat et de l'article R. 4624-31 du code du travail.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 décembre 2011, madame [P] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 27 décembre et, par lettre du 30 décembre 2011 adressée sous la même forme, elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, madame [P] a saisi le conseil de prud'hommes 6 janvier 2012.

Madame [P] a fait une déclaration de maladie professionnelle 'pour troubles dépressifs réactionnels' le 20 janvier 2012, mais dont la reconnaissance par la CPAM fait l'objet d'une contestation pendante devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris.

Par jugement du 29 avril 2013, le conseil de prud'hommes de Versailles (section Encadrement) a :

- confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné l'Association CDARS à payer à madame [G] [P] les sommes suivantes : 

* 1 011 euros à titre de rappel de salaire du 2 au 8 novembre 2011,

* 101 euros au titre des congés payés y afférents,

* 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné l'Association CDARS aux entiers dépens.

Madame [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration adressée au greffe le 27 mai 2013.

Vu les conclusions, adressées le 3 [Date décès 1] 2014, déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil pour madame [G] [P] qui demande à la cour de :

- constater la nullité du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'Association CDARS à lui payer les sommes suivantes :

* 105 192 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois),

* 13 149 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 314 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 1 011 euros rappel de salaire du 2 au 8 novembre 2011,

* 2 392 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions, transmises le 22 juillet 2014, déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil pour l'Association CDARS qui demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement,

- condamner madame [P] à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés dans l'instance d'appel outre les entiers dépens,

à titre subsidiaire,

- débouter madadame [P] ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

étant relevé, en tout état de cause, que dans le corps de ses écritures, l'association sollicite la confirmation de la disposition du jugement relative au rappel de salaire dont elle ne conteste ni le principe ni le montant,

SUR CE

Considérant, sur le harcèlement moral et la rupture, que madame [P] soutient que l'inaptitude à l'origine du licenciement trouve sa cause unique dans le harcèlement moral, dont elle a été victime de la part de monsieur [M], à compter de sa nomination à la présidence de l'Association CDARS en septembre 2007 jusqu'à son arrêt maladie en février 2011, qui se manifestait par une attitude autoritariste, des humiliations, des propos machistes sur son âge, son état de divorcée ou ses origines italiennes, le plus souvent sans aucun témoin, au sein de l'antenne versaillaise de l'association ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en application de l'article L. 1154-1, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant, que beaucoup des pièces versées aux débats par madame [P] témoignent de son dévouement au service de l'Association CDARS et des relations excellentes entretenues avec [L] [H] en particulier durant sa maladie, en contraste par rapport à celles plus tendues avec son successeur dont le caractère autoritaire est dépeint notamment par une ancienne secrétaire d'octobre 2008 à octobre 2009 mais ne rapportent pas de faits précis ;

Considérant que parmi les faits qu'elle invoque à l'appui du harcèlement moral qu'elle allègue, madame [P] établit les faits suivants :

- les remontrances publiques que lui a faites monsieur [M] à la fête de la courtoisie du 13 [Date décès 1] 2009 par l'attestation de monsieur [F] [V],

- l'altercation du 24 février 2011 avec monsieur [M] qui reconnaît avoir signifié à la salariée son refus de prendre en charge des frais de déplacements non autorisés avec son véhicule personnel de [Localité 3] au siège de la radio [Adresse 2],

- le projet de réorganisation de son poste par le retrait de questions financières et la mutation au siège parisien de l'association en discussion au cours d'une réunion tenue à sa demande le 8 mars 2011 par une note rédigée par ses soins et les réponses de monsieur [M] des 30 juin et 29 juillet 2011,

- le ton et les termes irrespectueux utilisés par monsieur [M] dans leurs échanges épistolaires illustré par son courrier du 29 juillet citant son 'délire', son 'désordre mental', sa 'cupidité', son 'absence totale de scrupules', de son 'complexe de Perrichon', de ses 'sempiternelles récriminations', du 'perpétuel refrain de ses vantardises', 'mettant ses attaques perfides sur le compte de l'égarement que produit son état de santé',

- la dégradation de son état de santé par des arrêts de travail délivrés par son médecin traitant, le docteur [B], le premier du 25 février 2011, les suivants et le dernier du 28 février 2012 mentionnant une 'anxiété réactionnelle à conditions de travail' ou des 'troubles anxieux', les certificats délivrés par ce praticien le 17 octobre 2011, par le docteur [W] du service spécialisé de l'Unité de pathologie professionnelle, de Santé au Travail et d'Insertion, le 25 septembre 2011, par le le docteur [R], psychiatre le 28 octobre 2011, rapportant tous ses troubles anxieux et dépressifs, l'avis unique d'inaptitude définitive visant le danger immédiat et la reconnaissance d'une maladie professionnelle déclarée en janvier 2012,

Considérant que les faits ainsi établis par madame [P], pris dans leur ensemble, permettant de présumer l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, il incombe à l'Association CDARS de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant que l'Association CDARS fait valoir justement qu'il entrait dans le cadre de son pouvoir de direction d'autoriser ou non les frais de déplacement de la salariée avec son véhicule personnel pour lequel elle disposait d'une carte de stationnement sur [Localité 3] ;

Considérant que l'employeur objecte également à bon escient que le projet de réorganisation des fonctions répondait à son voeu de voir alléger sa charge de travail et mettre fin à son isolement sur le site de [Localité 3] et au huis clos avec le président ;

Considérant, qu'en revanche, la désapprobation par monsieur [M] de l'organisation mise en place par la salariée à l'occasion de la Fête de la courtoisie de [Date décès 1] 2009 ne justifie pas des réprimandes publiques constitutives d'une humiliation au vu des 'reproches hurlés (qui) ont couvert le brouhaha et ont figé tout le monde' rapportés par monsieur [V] qui atteste 'avoir été choqué par le manque de considération affiché en public par monsieur [M]' et les propos , précisant qu'il a 'vociféré' : 'Vous êtes la responsable et on entre ici comme dans un moulin ! Les entrées sont une vraie passoire' C'est intolérable ! Veillez immédiatement à ce que cela cesse ! Remettez de l'ordre immédiatement' ;

Considérant que de même leur désaccord sur la future organisation du poste de directrice administrative ne justifie pas davantage le ton et les termes employés par le supérieur hiérarchique de madame [P] dans leurs échanges écrits après son départ de l'entreprise, qui, par ailleurs confortent les allégations de la salariée de fréquentes humiliations verbales subies à huis clos ;

Qu'enfin, s'il est vrai que nombre de documents médicaux produits font état des doléances de la salariée, ils permettent néanmoins de faire le lien entre la dégradation de son état de santé et son environnement professionnel, en particulier l'avis d'inaptitude unique visant le danger immédiat pour elle d'un poste de reclassement au sein de l'association ;

Qu'au total, l'employeur ne rapportant pas la preuve, pour plusieurs des agissements, établis par la salariée, permettant de présumer l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, qu'ils ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, celui-ci est caractérisé ;

Considérant que le licenciement de madame [P] pour inaptitude physique, conséquence, en l'espèce, du harcèlement moral qu'elle a subi, est nul en application de l'article L. 1152-3 du code du travail mais que la salariée a sollicité expressément que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que madame [P], employée dans une entité qui employait habituellement moins de 11 salariés, a droit, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, à une indemnité correspondant au préjudice subi ;

Qu'au regard de son âge au moment du licenciement, 54 ans, de son ancienneté de 13 ans au sein de l'Association CDARS, du montant de la rémunération qui lui était versée, de ses difficultés à retrouver un emploi en raison de son état de santé, de ce qu'elle justifie de sa prise en charge par le Pôle emploi jusqu'au 4 [Date décès 1] 2012, du harcèlement moral dont elle a été victime, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle il a subi, la somme de 53 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant, sur le rappel de salaire, qu'il y a lieu de confirmer le jugement du chef du rappel de salaire non contesté par l'employeur qui a dispensé la salariée d'activité pour la période réclamée ;

PAR CES MOTIFS

STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT,

INFIRMANT partiellement le jugement,

DIT le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l'Association CDARS à payer à madame [G] [P] la somme de 53 000  euros à titre d'indemnité pour rupture abusive, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE l'Association CDARS à payer à madame [G] [P] la somme complémentaire de 2 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

DEBOUTE l'Association CDARS de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Association CDARS aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Aude RACHOU, président et Monsieur DERRIEN, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 13/02457
Date de la décision : 06/11/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°13/02457 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-06;13.02457 ?
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